Je souhaite me faire ici le porte-parole de Paul Vergès.
L’article 1er de ce projet de loi évoque une représentativité au niveau national. En clair, cela veut dire que seules les associations de consommateurs agréées à cet échelon national sont autorisées à ester en justice.
Par voie de conséquence, en sont exclues les associations de consommateurs représentées seulement outre-mer.
Pourquoi existe-t-il de telles associations « locales » ? Bien évidemment parce que les départements et collectivités d’outre-mer connaissent des situations profondément différentes de celles qui existent ici, en France métropolitaine. C’est un point fondamental qui, je l’espère, ne sera pas remis en cause.
Ici même, nous avons voté un certain nombre de textes spécifiques à l’outre-mer. Je pense notamment à la loi relative à la régulation économique outre-mer. Permettez-moi de faire un simple rappel : cette loi a été élaborée dans le but, louable, d’agir sur les prix et les marges, qui sont plus élevés outre-mer. Remarquons au passage qu’ils sont toujours aussi hauts !
Ici même, nous avons évoqué la question des abus constatés et des positions anticoncurrentielles, qui sont liés au nombre limité d’acteurs sur la plupart des marchés ultramarins et qui facilitent le maintien de cartels, d’arrangements ou de collusion. Il s’agissait bien d’une reconnaissance de la spécificité économique des outre-mer, qui entraîne, de fait, une reconnaissance de toutes les associations, institutions des outre-mer.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, pensez-vous vraiment que ces seize associations de consommateurs vont s’intéresser aux problèmes spécifiques que rencontrent quelques-uns des 840 000 Réunionnais ou des 404 000 Guadeloupéens ?
Pis, en Guyane, il n’y a pas d’antenne locale effective d’une association nationale ! Est-ce à dire que les Guyanais seront privés de la possibilité de former une action de groupe ? Le plus efficace n’est-il pas de mobiliser les forces existantes déjà en place ?
Les associations ultramarines de défense des consommateurs existent légalement. Elles sont agréées au sens de l’article L. 411-1 du code de la consommation, fonctionnent au quotidien et personne, jusqu’à présent, n’a soulevé la moindre objection quant à leur existence ou à leur rôle. Lors des débats à l’Assemblée nationale, cependant, a été abordée la question de la compétence et de l’expertise des associations ultramarines.
Vous avez dit, monsieur le ministre, que vous souhaitiez que les associations pouvant mener des actions de groupe aient des capacités d’expertise, des savoir-faire et des compétences. Les associations nationales peuvent mener ces actions, selon vos propres dires, car elles ont les « épaules suffisamment larges ». Cela veut dire, de fait, que vous déniez à ces associations ultramarines un savoir-faire, une compétence ! Pas plus que nos collègues députés, nous ne pouvons accepter cet argument.
Monsieur le ministre, je dois aussi souligner une profonde contradiction dans les positions prises par le Gouvernement sur l’outre-mer.
Selon les termes de l’étude d’impact, l’article 3 de la loi relative à la régulation économique outre-mer « donne la possibilité aux collectivités territoriales d’outre-mer détenant une compétence économique de saisir l’Autorité de la concurrence pour lutter contre les pratiques anticoncurrentielles. Compte tenu de leur implication dans la vie économique locale, il apparaît légitime de donner aux exécutifs locaux cette possibilité dès lors que des pratiques de nature à altérer le jeu de la concurrence existent sur leur territoire. » Ainsi, ce que vous accordez, d’un côté, aux collectivités locales au motif d’une compétence, vous le refusez aux associations de consommateurs au motif d’une supposée incompétence !
En outre, et cette dernière contradiction est encore plus « pointue », on n’a jamais entendu invoquer, lors de la discussion de la loi relative à la régulation économique outre-mer, l’argument fondé sur le caractère « un et indivisible de la République », qui, aujourd’hui, est pourtant mis en avant. Ce caractère serait-il à géométrie variable ?