Intervention de Stéphane Mazars

Réunion du 13 septembre 2013 à 14h30
Consommation — Article 23

Photo de Stéphane MazarsStéphane Mazars :

Avant que nous ne procédions à l’examen du dispositif des indications géographiques introduit par l’article 23 du présent projet de loi, je tenais à revenir sur la situation dans laquelle a été placée la commune aveyronnaise de Laguiole.

L’exemple laguiolais est emblématique, car il illustre la nécessité de la mise en œuvre rapide du dispositif des indications géographiques tel qu’il est prévu dans le texte.

Vous vous en souvenez peut-être, il y aura bientôt un an, le 19 septembre dernier, Laguiole, commune de 1 300 habitants, défrayait la chronique pour avoir, par l’intermédiaire de son maire et du conseil municipal, et en présence des forces vives de la commune, déboulonné symboliquement le panneau d’entrée du village portant le nom « Laguiole », considérant que celui-ci n’appartenait plus désormais à ses administrés.

En effet, le tribunal de grande instance de Paris avait, cinq jours plus tôt, débouté la commune, qui attaquait un entrepreneur du Val-de-Marne, lequel avait déposé en 1993 une marque du nom de ladite commune, et ce aux fins de vendre toute une série de produits désormais labellisés « Laguiole ».

L’entrepreneur pouvait ainsi profiter de la renommée du village en matière de savoir-faire artisanal. Chacun d’entre nous, en effet, a eu un jour entre ses mains un des célèbres « couteaux de Laguiole ».

En déposant le nom de la commune en tant que marque, l’entrepreneur a légalement privé celle-ci de son usage. La municipalité doit désormais s’adresser à lui pour changer le logo de l’office du tourisme, par exemple. Il en va de même des administrés qui souhaiteraient commercialiser n’importe quel produit sous le nom de leur village.

Si la municipalité a décidé d’intenter un procès à cet entrepreneur, c’est qu’elle estimait qu’une atteinte était portée à la renommée du village et qu’en outre des consommateurs étaient trompés sur le caractère et l’origine des produits.

Mes chers collègues, le cas de Laguiole soulève une question : en l’état actuel de notre droit, à qui appartient le nom d’une commune ? À personne, c’est-à-dire potentiellement à tout le monde, ou plutôt au plus rapide.

Actuellement, un nom géographique n’a pas de protection. Sachez, mes chers collègues, que si vous avez une envie subite de commercialiser un produit lambda au nom d’un village de votre département, vous le pouvez. Il vous suffit de vous adresser à l’Institut national de la propriété industrielle, l’INPI, et de remplir un formulaire en précisant quel type de produit vous souhaitez commercialiser.

Il existe 45 classes de produits et l’achat de l’ensemble des classes vous confère le monopole absolu sur le nom, vous en devenez l’unique propriétaire, et ce pour un montant total d’environ 2 000 euros. L’INPI ne joue ici qu’un rôle de contrôle très limité.

L’affaire laguiolaise constitue un cas d’école en ce qu’elle illustre parfaitement la nécessité d’une double protection : en direction des municipalités, d’abord, qui doivent pouvoir se protéger contre l’usage abusif de leur nom ; en direction des consommateurs, ensuite, qui doivent avoir les moyens de connaître l’origine exacte et les caractéristiques précises du produit qu’ils achètent.

À cette nécessaire double protection correspondent les deux volets prévus à l’article 23 du présent projet de loi.

Le premier volet, la protection du nom des communes, comporte deux mécanismes : la mise en œuvre d’une procédure d’alerte des collectivités territoriales ou des établissements publics de coopération intercommunale en cas de dépôt de marque contenant leur dénomination ; l’ouverture du droit d’opposition au dépôt de cette marque pendant un délai de deux mois à compter de la publication de la demande d’enregistrement.

Le second volet, la protection du consommateur, correspond à la reconnaissance d’une indication géographique non alimentaire.

Cette indication géographique viendra protéger les produits industriels et artisanaux dont chaque spécificité sera consignée dans un cahier des charges homologué par l’INPI au terme d’une procédure de consultation, notamment des collectivités territoriales et des groupements professionnels intéressés.

Sur ces deux aspects traités par l’article 23 du présent projet de loi, je tiens à saluer le travail de Mme la ministre et de son cabinet, tant sur la forme que sur le fond.

Sur la forme, madame la ministre, vous avez pris la mesure de la détresse des élus et des administrés d’une commune qui, aujourd’hui, se sentent privés d’une partie importante de leur identité, et ce en vous rendant personnellement sur les lieux et en associant à votre réflexion l’ensemble des élus et des acteurs locaux.

Sur le fond, vous donnez aux artisans et industriels de notre pays un outil juridique et commercial utile pour protéger et développer un secteur économique indissociable des territoires parce que justement protégé et valorisé par ceux-ci.

Votre dispositif, madame la ministre, c’est plus que le made in France, c’est le made in « territoires de France ».

Votre dispositif, madame la ministre, lorsqu’il sera voté, sera plus qu’un slogan, ce sera une réalité.

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