Intervention de Philippe Wahl

Commission des affaires économiques — Réunion du 18 septembre 2013 : 1ère réunion
Audition de M. Philippe Wahl candidat proposé à la présidence du conseil d'administration de la poste

Philippe Wahl, candidat proposé à la présidence du conseil d'administration de la Poste :

Je suis honoré de présenter devant votre commission ma candidature à la présidence de La Poste. Celle-ci est un grand groupe public de services de proximité. Le choix de ce terme est un acte fondateur stratégique. Depuis 25 ans, toutes les postes du monde ont évolué ; toutes n'ont pas choisi de mettre les services de proximité au coeur de leur activité. Même si toutes nos activités sont soumises à la concurrence, nous assumons quatre missions de service public, qui correspondent aux valeurs postales de proximité territoriale et d'accès à tous : les bureaux de poste sont des bureaux sans sas, ouverts aux usagers.

C'est une très grande entreprise, qui emploie plus de 250 000 personnes. En 2012, son chiffre d'affaires était de 21,5 milliards d'euros ; son résultat d'exploitation, de 800 millions d'euros, son résultat net, d'environ 570 millions. Lorsque nous décidons d'équiper nos facteurs en véhicules électriques, nous achetons 10 000 véhicules !

Pour résoudre son équation stratégique, le groupe doit relever trois défis. Le premier est industriel. Les volumes du courrier ont baissé de 18,6 % entre 2007 et 2012. Au Royaume-Uni et en Italie, la diminution a été de 25 % ; en Suisse, de 9 %. En 2007, nous avons transporté 18 milliards d'objets ; en 2020, nous pensons en transporter 9 milliards. La fréquentation de nos 17 000 points de contact, auxquels nous sommes, comme vous, très attachés, est également en baisse - le phénomène frappe encore plus les agences bancaires. Nos métiers sont confrontés à la révolution numérique, même si le commerce électronique offre aussi des opportunités.

Le deuxième défi est économique. Si le résultat d'exploitation est resté stable ces dernières années, entre 700 et 800 millions d'euros, on enregistre au premier semestre 2013 un recul de 24 %. Il importe de trouver de nouvelles recettes, de nouveaux profits pour répondre à cette évolution de nos métiers.

Enfin, avec ses 250 000 employés, la Poste doit relever un défi social. La révolution numérique représente une menace pour les emplois, mais aussi une opportunité, et nous avons été capables d'inventer de nouveaux métiers.

La modernisation nécessaire pour faire face à ces défis a été engagée depuis 2002 : la « métiérisation » de notre groupe, autour des quatre métiers que sont le courrier, le colis, la Banque postale et le réseau grand public ; le règlement du lourd problème des retraites ; la modernisation industrielle des plateformes du courrier ; la transformation des bureaux de poste et la quasi disparition des files d'attente ; l'accélération du développement du colis vers l'e-commerce et l'internationalisation, qui fait de nous le numéro deux du colis en Europe ; l'évolution de la relation entre la Poste et les élus, grâce aux commissions départementales de présence postale territoriale ; l'augmentation du capital de 2,7 milliards d'euros, apportés par l'État et la Caisse des dépôts et consignations (CDC) ; enfin, le grand dialogue mené en 2012, qui connaît ses premières réalisations en 2013. Bref, sous la conduite de son président Jean-Paul Bailly, auquel je rends hommage, la Poste a déjà beaucoup changé.

Je pense que mon parcours me prépare à répondre à cette charge. J'ai alterné entre service public et secteur privé. Fonctionnaire d'origine, élève de l'ENA puis membre du Conseil d'État, j'ai participé, comme conseiller technique au cabinet du Premier ministre Michel Rocard, à de grandes réformes : la contribution sociale généralisée (CSG), la réunion des « ailes françaises » (UTA, Air Inter et Air France), la création en 1990 de la dotation de solidarité urbaine (DSU), l'organisation de la TVA communautaire, mais aussi la réforme Quilès des PTT.

Pour faire face à ces enjeux, j'ai comme atout d'être postier. Depuis deux ans et demi, je dirige le directoire de la Banque postale, la banque des postières et des postiers. Nous avons réintégré la banque dans La Poste. Cela a été l'occasion de tisser des liens avec les élus et leurs associations ; à la demande du gouvernement, la Banque postale s'est mobilisée en 2011 et 2012 pour répondre à l'impasse du financement des collectivités territoriales. Avec la CDC, nous avons construit en moins d'un an une banque des collectivités qui a déjà accordé 1,2 milliard d'euros de crédits à long terme et 2 milliards de crédits de trésorerie.

En 2004, à la demande de Jean-Paul Bailly, j'ai effectué deux missions de conseil, l'une sur la banque et son réseau, l'autre sur l'adaptation de l'organisation corporate à l'arrivée d'une banque au sein du groupe. Enfin, depuis deux ans et demi, j'ai participé aux réflexions sur l'avenir du groupe au sein du comité exécutif de La Poste dont je suis directeur général adjoint.

Je suis également un banquier. J'ai été responsable de la Compagnie bancaire, où je dirigeais 10 000 personnes ; entre 1999 et 2004, j'ai participé à la transformation du groupe Caisse d'épargne, dont j'étais directeur général, à la tête de 40 000 salariés. J'ai participé au difficile redressement de Havas, au sein du groupe Bolloré, puis travaillé pour Royal Bank of Scotland. J'ai développé des activités à l'international et vécu un an au Royaume-Uni. Il me paraît utile d'être postier et d'avoir connu autre chose que la Poste. J'ai toujours privilégié, au cours de ma carrière, les projets de transformation des entreprises que j'ai dirigées.

Quel peut être, face aux défis que j'ai énumérés, le projet des postiers ? Nous les avons consultés dans le cadre d'une démarche participative, à laquelle ils ont été 150 000 à répondre. Ils nous ont dit d'abord, qu'il faut mieux travailler ensemble, dépasser les territoires de nos métiers, développer des synergies économiques et sociales ; ensuite, qu'il faut vendre plus et mieux ; enfin, qu'il faut donner aux personnels plus d'autonomie pour les transformations à réaliser. J'y vois la preuve de la lucidité et la maturité économique du corps social postal. C'est sur la base de ce projet stratégique, de cette confiance partagée, que nous allons travailler, autour de quatre orientations : devenir leader de la distribution et des services à domicile et de proximité, en développant de nouveaux métiers ; accélérer la transformation numérique du groupe ; développer économiquement celui-ci ; accélérer la croissance interne et externe, notamment à l'international, à partir de notre base européenne.

Les objectifs sont au nombre de trois : la satisfaction des clients, la qualité de vie au travail, la bonne santé économique du groupe. Un résultat d'exploitation en hausse permettra de payer les impôts, de verser des dividendes à nos actionnaires, l'État et la Caisse des dépôts, et de continuer à investir massivement pour nous moderniser et grandir.

Ces responsabilités, je souhaite les exercer en suivant trois principes : développement, service public et progrès social. L'entreprise est d'abord une communauté ; quand elle se met en mouvement, son objectif doit être le développement afin de répondre à la baisse des volumes.

Ce qui réunit les postières et les postiers, ce sont les valeurs du service public : l'attachement profond au lien social, au développement territorial, à la proximité et à l'accès à tous. Notre groupe, avec l'État, les collectivités territoriales et la société française toute entière, doit participer à la modernisation des services publics.

Quant au progrès social, il va au-delà du dialogue social, qui est à la fois ma philosophie et ma méthode. Dans une entreprise de main d'oeuvre, la motivation, le partage du sens et l'engagement produits par le dialogue social sont une nécessité absolue. Nous devons tous rechercher un impact sociétal positif de La Poste : participer au développement de notre pays, mettre en relation les hommes et les entreprises, être un facteur d'innovation, donner à nos actions un sens de développement responsable : notre groupe a une empreinte carbone nulle et privilégie les achats responsables.

C'est un projet d'ampleur. Je serai très fier de le conduire, si vous me faites confiance.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion