Intervention de Jean-Pierre Bel

Réunion du 17 septembre 2013 à 14h30
Éloge funèbre de jean-louis lorrain sénateur du haut-rhin

Photo de Jean-Pierre BelJean-Pierre Bel, président :

Emporté, à soixante-cinq ans à peine, par une maladie implacable, il s’est éteint à son domicile, auprès de sa famille, dans ce département du Haut-Rhin auquel il était si profondément attaché.

Les obsèques de Jean-Louis Lorrain ont été célébrées le 3 juillet en l’église de Landser, commune dont il aura été le premier magistrat durant plus de trente ans. Cette cérémonie fut à son image, simple et attachante, au milieu de ses proches et de tous ceux qui lui étaient chers. La présidente Bariza Khiari, au nom du bureau du Sénat, a exprimé, en cette émouvante occasion, notre profonde et commune tristesse. Nous la remercions d’avoir ainsi été notre interprète.

Cet adieu en terre d’Alsace, région qu’il a si fidèlement servie, devait trouver son écho aujourd’hui au Palais du Luxembourg, dans notre hémicycle, en présence de sa famille rassemblée dans nos tribunes.

Au nom de l’ensemble des sénatrices et des sénateurs de la République, je souhaite à mon tour rendre ici hommage aux très grandes qualités humaines de Jean-Louis Lorrain, élu de grande qualité qui manifesta en toutes circonstances un sens aigu de l’intérêt général et une grande autorité morale, mais aussi, et peut-être surtout, un homme de cœur très engagé, indiscutablement doté de vraies valeurs humaines.

Jean-Louis Lorrain était ouvert aux autres. Homme d’écoute, il se dépensait sans compter pour le bien-être de ses concitoyens, à commencer par les plus défavorisés d’entre eux. Par sa détermination, par son engagement sans faille dans la conduite des projets dont il avait la charge, par son sens du service public et son altruisme, il incarnait l’action politique dans ce qu’elle a de plus noble.

Ses qualités trouvèrent parfaitement à s’exprimer tout au long de ses mandats locaux successifs. Avant d’être membre de notre assemblée à deux reprises, Jean-Louis Lorrain fut en effet un élu local actif, maire de Landser de 1977 à 2008, conseiller général du Haut-Rhin de 1979 à 2011, mandat pendant lequel il assuma également les fonctions de vice-président du conseil général, mais aussi de président du SIVOM du pays de Sierentz durant près de vingt ans.

Sa passion et son investissement inlassable dans le domaine social l’avaient ainsi naturellement conduit à s’impliquer dans les questions de solidarité au sein du conseil général du Haut-Rhin et à présider notamment l’Association d’entraide et d’insertion sociale du département, le conseil d’administration du Centre hospitalier de Rouffach et la Fondation pour le développement des neurosciences en psychiatrie.

Le médecin qu’était Jean-Louis Lorrain s’était en quelque sorte donné pour ambition de contribuer à guérir les maux qui frappent le corps social. Il se dévouait sans compter au service de ses convictions et de ses concitoyens.

Il était en quelque sorte logique que ces traits de caractère, son naturel calme et modéré et son goût pour un travail approfondi, au service d’une éthique personnelle sans faille, conduisent Jean-Louis Lorrain à rejoindre le Palais du Luxembourg. Il disait lui-même : « Un sénateur ne doit pas être un homme agité. Je suis un homme pondéré, mais pas docile pour autant ». Il se sentait donc à l’aise dans notre assemblée soucieuse de conduire une réflexion approfondie sur les sujets de préoccupation de nos concitoyens.

Jean-Louis Lorrain a siégé douze ans au Sénat. Il y fit son entrée à l’issue des élections sénatoriales du 24 septembre 1995, étant élu sur la liste conduite par notre ancien collègue Hubert Haenel, dont l’itinéraire avait déjà, dès leur jeunesse, croisé le sien...

Fidèle en politique comme en amitié, Jean-Louis Lorrain participe à la même liste en vue des élections sénatoriales de 2004, car telle était sa conception, exigeante, de l’engagement politique. Et les faits lui donnèrent finalement raison puisque, s’il ne fut pas réélu en 2004, il redevint sénateur le 7 mars 2010 lorsque notre ami Hubert Haenel fut nommé membre du Conseil constitutionnel...

Durant ces années passées au Sénat, parmi nous, le médecin de formation donna toute sa mesure au sein de la commission des affaires sociales, dont il était le respecté vice-président.

Passionné par les questions de santé en général et par les questions éthiques et médicales, dont il était devenu un spécialiste reconnu, il consacra toute son énergie à cette mission, acceptant même pour cela d’abandonner des fonctions locales auxquelles il était pourtant profondément attaché.

La conception rigoureuse du travail législatif qu’avait Jean-Louis Lorrain s’illustra dans ses multiples interventions et dans ses nombreux rapports parlementaires.

Beaucoup de ces travaux font encore référence, qu’il s’agisse des rapports successifs sur les projets de loi annuels de financement de la sécurité sociale – élaborés aux côtés notamment de nos anciens collègues Charles Descours, Alain Vasselle et Dominique Leclerc –, de rapports consacrés aux droits des malades et à la qualité du système de santé, à la responsabilité civile médicale, ou encore à l’accueil et à la protection de l’enfance.

Ces mêmes qualités avaient incité François Bayrou, alors ministre de l’éducation nationale, à lui confier une délicate mission temporaire sur les violences en milieu scolaire. Ses analyses éclairées sur ce thème, poursuivies au Sénat, ont connu un important et légitime succès et demeurent pertinentes.

Son intérêt jamais démenti pour les affaires sociales, qui le conduisait à toujours placer l’homme au centre de ses préoccupations, fut illustré par toute son action au Sénat, mais aussi par ses multiples engagements en dehors du Palais du Luxembourg.

Il fut ainsi membre du Comité national de l’organisation sanitaire et sociale, du Conseil national du sida, du Comité consultatif national d’éthique ou encore de la Commission nationale d’agrément des associations représentant les usagers dans les instances hospitalières ou de santé publique.

Dans chaque cas, il donna le meilleur de lui-même, apportant sur des dossiers complexes une expertise reconnue, qu’il s’agisse des liens entre nanosciences et progrès médical, des incidences du téléphone mobile sur la santé, ou encore des soins palliatifs.

L’inlassable curiosité intellectuelle de Jean-Louis Lorrain ainsi que sa volonté de défendre en permanence les idées humanistes qui étaient les siennes l’avaient également conduit à participer, en 1999, à la cinquante-deuxième session de l’Institut des hautes études de la défense nationale, puis, en 2001, à la treizième session de l’Institut des hautes études de sécurité intérieure.

Elles l’amenèrent également à préparer avec passion, alors qu’il était déjà très engagé dans sa vie prenante d’élu, un second doctorat sur l’éthique et les sciences de la vie.

De multiples publications témoignent de la vigueur et de la force de son engagement pour les idées et les valeurs qu’il avait faites siennes.

Jean-Louis Lorrain tenait aussi à transmettre son savoir et sa compétence au travers d’activités universitaires et pédagogiques : il présida ainsi pendant de nombreuses années l’Institut supérieur de service social de Mulhouse et souhaita rester membre de l’équipe du Centre européen d’enseignement et de recherche en éthique chargé du master consacré aux questions d’éthique, au sein de l’université de Strasbourg.

Jean-Louis Lorrain avait la volonté de participer aux débats d’idées et de faire partager ses convictions sur le plan international. Il représenta ainsi le Sénat au sein de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, où il siégeait naturellement à la commission des questions sociales, et participait avec le dynamisme qui le caractérisait aux travaux que cette assemblée consacre au respect des droits de l’homme.

Mais Jean-Louis Lorrain resta peut-être avant tout, et jusqu’à son dernier souffle, un médecin passionné, profondément inspiré par ses convictions chrétiennes.

Ce souci de l’autre explique sans doute son attachement pour l’Association pour le logement des sans-abri, qui défend l’accès de tous aux soins et au logement grâce à un accompagnement social adapté. Notre regretté collègue se sentait d’autant plus proche de cette association que son engagement revêtait une dimension éthique et profondément humaine.

Mes chers amis, mes chers collègues, c’est pour ces raisons que sa disparition brutale a laissé tous ses amis désemparés. Qu’ils sachent que, de même qu’il occupera à coup sûr une place de choix dans la mémoire de la vie politique alsacienne, Jean-Louis Lorrain restera présent dans nos mémoires, ici, au Palais du Luxembourg.

Mais l’heure est à cet instant au recueillement. À ses collègues du groupe de l’UMP, une nouvelle fois éprouvés par la disparition de l’un de ses membres, j’adresse les sincères condoléances du Sénat unanime. Aux membres de la commission des affaires sociales, j’exprime ici la sympathie attristée de leurs collègues.

À vous, madame, à Nicolas et à Frédéric, et à tous vos proches, je vous présente, au nom de l’ensemble des sénatrices et des sénateurs de la République, mes très vives condoléances et veux vous dire notre grande tristesse.

La parole est à M. le ministre délégué.

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