Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, au terme de ce débat portant sur les soins sans consentement, le groupe communiste républicain et citoyen maintiendra la position qui était la sienne en première lecture, ainsi que l’a confirmé notre collègue Annie David lors de la réunion de la commission mixte paritaire. Nous émettrons donc un vote favorable, mais avec réserves, réserves considérablement accrues à l’issue des travaux de la commission mixte paritaire.
En effet, l’adoption d’amendements sur l’initiative de M. Robiliard permet de revenir sur la rédaction élaborée par le Sénat, réduisant de fait les avancées que la Haute Assemblée avait obtenues, sous l’égide de notre rapporteur, Jacky Le Menn, que je souhaite une nouvelle fois remercier.
Ainsi, je regrette qu’à l’article 1er, qui concerne les soins ambulatoires sans consentement, dont nous demandions la suppression, un amendement ait réintroduit l’idée que les programmes de soins soient définis dans des conditions déterminées par décret en Conseil d’État. Si les programmes de soins ont une vocation thérapeutique, alors un décret est inutile, sauf à considérer que, demain, tous les protocoles de soins devront être, pour toutes les maladies et tous les traitements somatiques, définis par décret.
Cet ajout nous conforte dans notre idée selon laquelle les programmes de soins sont d’abord et avant tout des mesures de contrainte. Ils constituent l’extension de la contrainte au domicile du patient, ainsi qu’un transfert de responsabilité des équipes médicales aux familles qui, par définition, ne sont pas formées. Ils instituent surtout la limitation des programmes de soins à des traitements médicamenteux, puisque seuls ces derniers peuvent être définis par protocole, tout comme le seront certainement les conditions dans lesquelles le non-respect du programme entrainera la ré-hospitalisation de la personne atteinte de troubles mentaux.
De la même manière, il me semble que la rédaction de l’article 4 issue des travaux de la CMP, qui réintroduit le principe d’une double expertise, pour la procédure de mainlevée d’une mesure de soins sans consentement, durcit inutilement la procédure.
Nous ne voulons pas y voir une réaction émotionnelle au crime commis il y a quelques jours par un patient de nationalité belge à l’occasion d’une sortie d’essai. Nous sommes cependant contraints d’observer une certaine concomitance entre cet événement et cette nouvelle rédaction. C’était le propre de l’ancien gouvernement que de réagir sous le coup de l’émotion… Le discours d’Anthony qui a précédé l’adoption de la loi du 5 juillet 2011 est le symbole de ce qu’il ne faut plus reproduire en la matière. La position retenue par le Sénat nous paraissait plus sage et plus à même de respecter les garanties individuelles.
En outre, bien que nous nous réjouissions de la confirmation de la suppression de la vidéo-audience, le groupe CRC est plus que réservé sur la rédaction de l’alinéa 4 de l’article 6 de ce texte, telle qu’elle est issue des travaux de la CMP, car elle réintroduit la possibilité de mutualiser certaines salles d’audience. Si nous n’ignorons pas les contraintes économiques et financières qui pèsent sur le ministère de la justice, nous ne pouvons admettre que ces dernières puissent avoir des conséquences directes sur les patients.
C’est cette même volonté de veiller au respect du droit commun et de réduire autant que possible le champ des régimes dérogatoires aux seuls cas où celui-ci est plus protecteur pour les personnes atteintes de troubles mentaux qui nous conduit à regretter que la CMP ait, sur l’initiative de M. Robiliard, réintroduit la disposition qui autorise un psychiatre à se prononcer sur la poursuite des soins, en l’occurrence l’hospitalisation sans consentement, sur la base du seul dossier médical, sans examiner le patient.
L’exemple avancé par Mme la ministre Marisol Touraine comme par notre collègue M. Robiliard pour justifier cette disposition mérite toute notre attention. Toutefois, il nous semble que si un patient fugue alors qu’une mesure privative de liberté a été prononcée à son encontre, le psychiatre n’a pas besoin de se prononcer sur le maintien en hospitalisation. La mesure continue en effet à courir. Il appartient aux autorités compétentes de rechercher le patient et de le conduire de nouveau dans l’établissement où il est accueilli, de sorte que, à son retour, les équipes médicales puissent, comme s’il n’avait pas fugué, statuer sur la nécessité ou non de prolonger les soins.
Nous aurions même pu imaginer une rédaction qui fasse explicitement référence au cas où le patient se serait soustrait à son obligation de soins sans consentement.
En l’absence d’une telle précision, à moins que celle-ci n’intervienne par décret, nous sommes fondés à penser que, dans tous les cas, les psychiatres pourraient se prononcer sur la seule base du dossier médical. Cela ne peut évidemment pas nous satisfaire, étant donné que la nature médicale de la mesure privative de liberté doit justifier une procédure également médicale, à laquelle nous souhaitons que soient faites le moins possible de dérogations.
Toutefois, bien que le groupe CRC ne soit pas pleinement satisfait de la rédaction de l’article 8, il nous semble que la réintroduction du juge des libertés dans le cas où le préfet déciderait contre l’avis du collège d’experts de maintenir ou de transformer des soins va dans le sens d’un renforcement du droit des patients.
Cette rédaction, bien qu’elle soit moins ambitieuse que celle que nous proposions – faut-il le préciser ? –, tend tout de même à renforcer le champ d’intervention du juge des libertés et de la détention.
Je tiens toutefois à rappeler notre opposition à la disposition prévoyant qu’il appartient au préfet de demander l’expertise de deux psychiatres extérieurs. La rédaction actuelle laisse d’ailleurs penser qu’en cas d’impossibilité pour les psychiatres de rendre leur avis, le préfet pourrait décider seul de lever ou non la mesure d’hospitalisation. Le préfet, qui – je tiens à le rappeler – ne constitue pas une autorité indépendante, ne peut par conséquent pas décider du maintien d’une mesure privative de liberté.
En séance publique, notre amendement avait été écarté au motif que la question de l’articulation entre préfet et juge des libertés ne pouvait être tranchée par le biais d’un simple amendement. Force est de constater que le sujet demeure, même si nous avons été partiellement entendus en CMP.
Malgré le durcissement du texte, le groupe CRC, qui ne souhaite pas mettre en difficulté au regard de la décision du Conseil constitutionnel les patients admis en soins sans consentement ni les équipes médicales, votera ce texte, convaincu qu’il faudra nécessairement le parfaire prochainement, dans le cadre de la loi de santé publique que nous appelons de nos vœux.