Intervention de Philippe Bas

Réunion du 18 septembre 2013 à 14h30
Interdiction du cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de député ou de sénateur et le mandat de représentant au parlement européen — Suite de la discussion en procédure accélérée d'un projet de loi organique et d'un projet de loi

Photo de Philippe BasPhilippe Bas :

C’est le seul privilège que nous revendiquons.

Les causes de l’antiparlementarisme ne résident d’ailleurs pas principalement dans le statut ou le comportement des élus, sauf dans des cas exceptionnels que nous savons dénoncer avec force. Elles résident plus sûrement dans le sentiment de l’impuissance publique, en particulier en matière de lutte contre l’insécurité, d’emploi, de pouvoir d’achat. Et telles sont les vraies urgences pour les Français !

Le présent projet de loi organique souffre, de surcroît, d’incohérences majeures.

S’il était adopté, un maire continuerait à se voir garantir par le code du travail, comme par le statut des fonctionnaires, de pouvoir exercer une activité professionnelle salariée à 75 % au moins de son temps de travail, soit vingt-huit heures. Il pourrait aussi bien poursuivre toute activité professionnelle indépendante, très prenante, mais il n’aurait le droit d’être ni député ni sénateur. Son activité privée serait donc mieux traitée qu’une activité publique. Et je ne parle pas des cumuls de mandats locaux qui permettent pourtant actuellement – le président Jacques Mézard l’a rappelé – à quelques élus de percevoir des indemnités plus élevées que celles d’un parlementaire et nullement réglementées. Or vous ne proposez aucune mesure sur ce point.

Quant au parlementaire, il continue à bénéficier du principe du libre exercice d’une profession dans les limites prévues par les incompatibilités récemment réexaminées par le Parlement. Il pourrait aussi exercer d’importantes responsabilités nationales dans un parti politique. On lui permettrait également d’assurer la présidence d’organismes nationaux : fédérations hospitalières, fédérations de logement social, Caisse des dépôts et consignations, Centre national de la fonction publique territoriale, UBIFRANCE. Mais il ne pourrait être ni maire d’une commune, fût-elle une commune de 200 habitants, ni vice-président d’un conseil général ni président de conseil régional.

L’on constate que, derrière l’apparente simplicité du projet du Gouvernement, se cachent la plus grande confusion intellectuelle – voilà la réflexion que l’on peut faire – et les plus grandes contradictions. Dans tous les cas, des activités pouvant être fortement rémunérées bénéficieraient d’un traitement privilégié par rapport à l’exercice de mandats publics au service des Français.

Sans parler d’hypocrisie ou d’imposture, on peut tout de même relever que ce projet de loi organique agite les symboles politiques sans traiter en profondeur les réalités. Les Français ne tarderont pas à s’en apercevoir. Gare aux effets boomerang ! C’est par ce genre de faux-semblants que l’on nourrit l’antiparlementarisme.

Nous ne souhaitons pas, par principe, différencier les sénateurs des députés. Nous souhaiterions même que des règles identiques continuent à leur être appliquées en matière d’incompatibilités, comme c’est le cas, non pas depuis toujours, mais tout de même depuis 1887.

C’est le Gouvernement et l’Assemblée nationale qui, par leur intransigeance sur des positions extrêmes – « révolutionnaires », avez-vous dit – nous imposent d’envisager cette solution.

Nous sommes cependant soucieux de donner toutes ses chances au maintien d’un régime de limitation des cumuls commun aux membres des deux assemblées. C’est pourquoi nous avons déposé un amendement tendant à permettre l’exercice d’une fonction exécutive locale par les uns et par les autres. Cet amendement apporterait des restrictions importantes aux règles actuelles de cumul.

Seraient notamment englobées toutes les fonctions de maire et d’adjoint, de président et de vice-président d’une intercommunalité, de vice-président de conseil départemental et régional. Aucune de ces fonctions n’est actuellement prise en compte. Cela constituerait donc une évolution importante, en même temps acceptable du point de vue de nos institutions.

La seule différence avec le texte qui émane de l’Assemblée nationale résiderait dans la possibilité d’exercer l’une de ces fonctions tout en restant parlementaire.

Nous avons conscience que la majorité à l’Assemblée nationale, qui s’est clairement exprimée en faveur d’un choix plus radical, n’acceptera pas facilement la mesure que nous proposons par le biais de cet amendement, surtout si le Gouvernement ne l’approuve pas au Sénat. Mon groupe a cependant déposé cet amendement en signe de bonne volonté, pour inviter le Gouvernement à ne pas se montrer fermé et à rechercher un compromis raisonnable avec tous les groupes du Sénat.

Nous avons aussi conscience que cette option est la plus contraire au choix du Président de la République et au premier vote de l’Assemblée nationale. C’est pourquoi nous proposerons un autre amendement visant à introduire une distinction entre députés et sénateurs en matière de cumuls et laissant l’Assemblée nationale adopter un régime plus restrictif pour les députés, si telle est sa volonté.

Si la France a choisi d’avoir un régime bicaméral, c’est dans l’intérêt d’une discussion parlementaire de qualité, pour élaborer de meilleures lois.

C’est aussi parce que, à côté de l’Assemblée nationale représentant directement le peuple, nous avons voulu avoir une assemblée démocratique représentant les territoires au travers de leurs collectivités et aussi, ne les oublions pas, les Français de l’étranger. Le lien entre les sénateurs et les territoires est donc inscrit au cœur de l’identité du Sénat. C’est l’article 24 de la Constitution : « Le Sénat représente les collectivités territoriales de la République » et les Français de l’étranger. Comprenez que nous y soyons viscéralement attachés ! Notre légitimité en dépend. Pleinement parlementaires, nous sommes aussi maires parmi les maires, élus locaux parmi les élus locaux.

Ce qui n’est déjà pas souhaitable pour les députés serait donc inconcevable pour les sénateurs. Le bicamérisme n’est certes pas obligatoire : c’est une organisation constitutionnelle dont on peut débattre. Cependant, il n’a d’intérêt que si l’identité de chaque assemblée et son apport particulier sont respectés.

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