Le recours à la procédure accélérée n’est pas seulement une entrave au plein exercice des droits du Parlement. C’est aussi une manière de faire délibérer le Sénat sous la menace de donner le dernier mot à l’Assemblée nationale. C’est particulièrement choquant quand un projet concerne les sénateurs en même temps que les députés. Mais, en l’occurrence, ce serait de toute façon en pure perte que le Gouvernement ferait peser la menace, car son texte comporte déjà une disposition organique spécifique aux sénateurs.
Cette dernière concerne le remplacement des sénateurs qui sont élus au scrutin majoritaire et qui abandonneraient leur mandat parlementaire pour une fonction exécutive locale. Vous pourriez renoncer à cette disposition, mais, monsieur le ministre, vous ne le ferez pas : vous auriez trop peur que des élections partielles vous fassent perdre une majorité déjà courte et fragile au Sénat. §
Mais il y a davantage : plusieurs amendements, dont l’un des nôtres, visent à définir un régime particulier d’incompatibilités pour les sénateurs. Si le Sénat devait voter en faveur de l’un de ces amendements, il va de soi que son adoption priverait le Gouvernement du droit de passer en force avec la complicité de l’Assemblée nationale, car in fine le texte aurait plus sûrement encore le caractère de loi organique relative au Sénat.
L’analyse juridique est simple. Je ne vous l’épargnerai pas, même si vous la connaissez bien, puisque vous y avez-vous-même fait référence : l’article L.O. 297 du code électoral, qui aligne jusqu’à présent l’intégralité du régime des incompatibilités des sénateurs sur celui des députés, ne peut entraîner l’application de nouvelles incompatibilités aux sénateurs par la seule volonté de l’Assemblée nationale, …