Intervention de Esther Benbassa

Réunion du 18 septembre 2013 à 14h30
Interdiction du cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de député ou de sénateur et le mandat de représentant au parlement européen — Suite de la discussion en procédure accélérée d'un projet de loi organique et d'un projet de loi

Photo de Esther BenbassaEsther Benbassa :

Si le texte débattu aujourd’hui est adopté, le renouvellement sociologique espéré des élus aura-t-il lieu ? Ce n’est même pas sûr !

La loi sur la parité entre les hommes et les femmes fournit un précédent très modérément encourageant. Elle a eu quelques bons effets, certes, mais le vivier de recrutement des femmes élues est resté le même – anciennes collaboratrices devenues députées –, impliquant une surreprésentation de certains profils sociologiques ; globalement, les mêmes que ceux des hommes : blancs, plus de cinquante ans, de milieu aisé, éduqués…. Dans ces conditions, je peine à imaginer ce qu’il en ira demain – pour m’en tenir à ce seul aspect des choses – de la représentation de la diversité.

« Diversité », doux terme consensuel, héritage des années 2000. Est-il bien compatible avec notre universalisme républicain, selon lequel l’égalité se réalise en faisant abstraction, justement, des différences de naissance entre les individus ? Toute revendication portée au nom d’un groupe n’est-elle pas, chez nous, a priori illégitime ?

Le « clientélisme électoral », quant à lui, perdure, ciblant qui les Juifs, qui les musulmans, qui les Arméniens, qui les Asiatiques, voire toutes ces populations, et ce alors même qu’il est difficile de mesurer l’impact réel du vote ethnique sur le résultat d’une élection.

« Diversité », contorsion rhétorique éloignant de nous le spectre du fameux communautarisme, nous évitant surtout d’appeler un chat un chat et rendant d’un coup invisibles ces minorités que l’on appelle pourtant « visibles ».

Les chiffres parlent. Nous avons bien noté une légère percée au Parlement. Les personnes issues de la diversité n’y représentaient que 1 % des élus jusqu’aux dernières élections. Pas de véritable bond, pourtant, ne doit être noté. À l’Assemblée nationale, l’avancée est modeste : une petite dizaine en tout, hors outremers. Au Sénat, la situation n’est guère plus glorieuse : nous nous comptons sur les doigts d’une seule main...

Redescendons sur terre : seulement 2, 2 % des 9 737 candidats se présentant aux dernières élections cantonales en métropole étaient issus des minorités visibles, alors que les personnes d’origine maghrébine, turque, africaine ou asiatique représentent 8 % à 10 % de la population française ! Le déséquilibre est patent, plus à l’UMP qu’au parti socialiste, il faut l’avouer. Quelle frilosité !

Quels sont les arguments avancés pour la justifier ? La peur de faire le jeu du Front national ou la crainte que, une fois élus, ces gens-là ne défendent d’abord les intérêts de leur communauté d’origine. Est-ce bien vrai ? Dès 2008, 57 % des Français estimaient qu’il n’y avait pas assez de personnes appartenant à une « minorité visible » parmi les parlementaires et 85 % d’entre eux se disaient prêts à voter pour un candidat issu d’une telle minorité.

Ce contexte a-t-il changé depuis ? Peut-être. Ce sont plutôt les partis politiques qui ne changent pas. Oubliées, les interventions du parti socialiste de 2005 au congrès du Mans, soulignant que « les élus de la République sont loin de correspondre à la diversité de la société française » !

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