Intervention de Serge Volkoff

Commission des affaires sociales — Réunion du 2 octobre 2013 : 2ème réunion
Avenir et justice du système de retraites — Table ronde sur la pénibilité

Serge Volkoff, statisticien et ergonome au Creapt :

Je suis en effet statisticien et ergonome au Creapt et directeur de recherches retraité - mais actif - au Centre d'études de l'emploi (CEE). En tant que spécialiste du vieillissement au travail, je suis membre du Conseil d'orientation des retraites (COR). J'ai également participé à la commission Moreau pour l'avenir des retraites, et je me suis particulièrement impliqué dans le volet pénibilité de son rapport.

Le retour de la pénibilité dans le débat social et politique est une bonne nouvelle, tant les occasions de s'emparer des questions de santé au travail sont peu nombreuses, mais le terme demeure flottant, faute de définition scientifique précise. Nous distinguons trois notions. D'abord, la pénibilité au sens courant du terme : est pénible ce qui est vécu comme tel, y compris les trajets domicile-travail, la saleté du poste de travail ou les mauvaises relations avec les supérieurs hiérarchiques. Autant de nuisances qui rendent le travail pénible mais n'ont pas pour autant vocation à être prises en compte sous la forme d'un départ anticipé à la retraite.

Deuxième forme de pénibilité, celle qui est due à l'état de santé. Avec l'âge, les troubles de santé augmentent, ce qui n'est pas compatible avec certains emplois. Dans ce cas, s'il doit y avoir départ anticipé, ce ne peut être qu'en raison de l'état de santé, non du travail. Les dispositifs existants - comme le licenciement pour inaptitude ou invalidité - seront de plus en plus sollicités : si l'on augmente le nombre d'années de cotisation requises, on trouvera de plus en plus de personnes de cinquante-neuf, soixante ou soixante et un ans au travail, d'où un accroissement mécanique du nombre de personnes dans une telle situation.

Troisième définition, celle que donne la loi de 2010 : les contraintes, nuisances et rythmes de travail « susceptibles de laisser des traces durables identifiables et irréversibles sur la santé ». S'agissant de l'impact à long terme du travail, sur l'espérance de vie et sur la santé au grand âge, il est légitime d'envisager, comme le faisait le rapport Struillou de 2003, une compensation par la possibilité de gagner quelques années de retraite en bonne santé.

Le rapport Lasfargues de 2005 fait la synthèse des connaissances scientifiques sur les liens établis entre certaines caractéristiques du travail et l'espérance de vie ainsi que la santé au grand âge. Sont notamment en cause le travail de nuit, qui laisse potentiellement des traces à long terme sur l'appareil cardiovasculaire et l'exposition aux produits toxiques professionnels cancérogènes - amiante, mais aussi goudrons ou pesticides - à laquelle est attribuée la moitié des disparités sociales en matière de cancer du poumon. Les grands efforts physiques dans le travail ont un lien avec la qualité de vie au grand âge : si leur impact sur l'espérance de vie n'est pas avéré, la probabilité est grande pour celui qui en a réalisé de devenir un retraité en mauvaise santé.

Je me retrouve volontiers dans la réforme aujourd'hui sur la table avec la création du compte personnel de prévention de la pénibilité qui associe formation, possibilité de passage à temps partiel et départ anticipé. En l'état, sans doute pour des raisons de coût et de charge administrative, le texte ne traite pas de la pénibilité passée, au risque de poser un problème d'équité entre générations et, surtout, d'inciter les quinquagénaires à accomplir un travail pénible pendant les dernières années de leur vie professionnelle afin d'accumuler des points ! C'est exactement l'inverse de la démarche de prévention que préconise le texte...

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