Intervention de Hervé Lanouzière

Commission des affaires sociales — Réunion du 2 octobre 2013 : 2ème réunion
Avenir et justice du système de retraites — Table ronde sur la pénibilité

Hervé Lanouzière, directeur général de l'Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail (Anact) :

J'ai travaillé sur la prévention de la pénibilité aussi bien comme fonctionnaire de la Direction générale du travail qu'en entreprise, Toute personne cherchant à prévenir la pénibilité privilégie la prévention primaire plutôt que la compensation ; en rémunérant la pénibilité, on incite au contraire les personnes à y rester. Ainsi, des salariés peuvent souhaiter travailler de nuit pour la rémunération qui en découle. Cela vaut également pour les primes d'insalubrité. Difficile dès lors d'inciter véritablement à la prévention. Reste que le compte personnel de prévention de la pénibilité peut, à mon sens, devenir un vrai compte de prévention.

On distingue trois populations dans l'entreprise : le stock, soit les personnes longtemps exposées à des facteurs de pénibilité et éprouvant en conséquence des difficultés ; le flux, soit les populations qui ont d'ores et déjà été exposées, ne manifestent pas encore d'inaptitude mais vont se retrouver en difficulté avec l'allongement de la vie au travail, car l'on ne pourra pas travailler plus longtemps à conditions de travail constantes ; enfin, les nouveaux entrants. La pénibilité doit être appréhendée sous l'angle d'un parcours et non à un instant précis. Il faut étudier la démographie au travail et éviter que des populations ne se retrouvent prisonnières des postes pénibles, condamnées à reconstituer le stock.

La fiche individuelle d'exposition à la pénibilité incite dans une certaine mesure à la prévention de par la tâche supplémentaire qu'elle représente pour les entreprises. Plus elles font de la prévention, et moins elles doivent faire de fiches d'exposition. De même, le compte de prévention peut être utilisé dans une logique de compensation, avec pour but d'accumuler des points, ou dans une logique de prévention, avec pour but de l'alléger au maximum. Il ne faut pas bien sûr s'orienter vers la première possibilité mais au contraire chercher à tendre vers la non-exposition.

Il faut distinguer la pénibilité ressentie par les salariés de la pénibilité reconnue par la loi, la grande pénibilité. Les comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) ne se retrouvent pas complètement dans cette définition. J'ai ainsi été amené à apprécier la pénibilité découlant de la manutention manuelle dans une grande entreprise de métallurgie. Etant donné la présence de ponts élévateurs et l'absence de travaux répétitifs, les critères légaux ne s'appliquaient pas. Difficile toutefois de nier que le travail des salariés à la sortie du laminoir était pénible... Il en serait de même pour les vendeurs des grands magasins, debout, dans le bruit, face à des clients désagréables. Il faudra faire preuve de pédagogie, distinguer la grande pénibilité de l'exposition à un risque : ce n'est pas la même chose d'être exposé, en hiver, au froid extérieur et de travailler dans la température négative d'une chambre froide. La détermination des seuils ouvrant droit au dispositif est un exercice compliqué qui relève souvent d'un compromis social dans l'entreprise ; celle-ci ne sera pas pour autant dispensée de mener en amont une politique volontariste de prévention.

Le compte personnel de prévention de la pénibilité peut devenir un outil de prévention s'il incite à anticiper, à former les employés, en s'inscrivant dans une logique de parcours. Il ne doit pas seulement permettre l'adaptation du poste de travail des salariés déjà exposés.

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