Depuis hier, il paraît que cette réforme serait prête.
En définitive, en 2010, les pouvoirs publics français pouvaient légitimement penser qu’ils assumaient correctement les tâches d’ordre public qui étaient de leur ressort.
Mais ces mêmes pouvoirs publics n’étaient pas aussi exemplaires s’agissant de la santé publique, de la prévention des abus de jeux et de la lutte contre l’addiction. En l’espèce, les gouvernements successifs, de droite ou de gauche, et particulièrement les ministères de la santé, ont fait preuve d’une réelle mollesse face à ces problèmes graves et constamment négligés. Dans ce domaine précis, il reste toujours beaucoup à faire. Le Comité consultatif des jeux n’a eu de cesse de le dire.
Toutefois, si l’État français se satisfaisait globalement de son action dans le domaine des jeux d’argent et de hasard en 2010, tel n’était pas le cas de la Commission européenne, qui mettait depuis 2007 notre pays en demeure d’ouvrir le marché aux jeux en ligne. Ceux-ci s’étaient développés partout en Europe sauf en France, qui leur était rigoureusement fermée.
D’observations en avis motivés, l’affrontement entre le Gouvernement français et la Commission devint extrêmement dur. Aucune solution de compromis n’étant en vue, une saisine de la Cour de justice de l’Union européenne contre la France semblait imminente.
Le gouvernement se décida enfin à examiner le problème que posait à notre pays le développement, dans la plus parfaite illégalité, des jeux en ligne : paris sportifs, paris hippiques et, surtout, poker. Les conséquences de cette situation devenaient elles aussi catastrophiques : aucune protection pour les mineurs et interdits volontaires de jeu, aucune garantie pour les joueurs et des pertes de recettes préoccupantes pour l’État…
Au-delà de la querelle de droit communautaire, la réalité de l’Internet avait mis à mal la régulation par la prohibition et le monopole. Il fallait donc, pour réguler les jeux sur Internet avec efficacité, substituer à l’offre illégale, qui représentait 90 % de l’offre globale avant 2010, une offre légale – cela représente aujourd’hui 90 % de l’ensemble de l’offre – contrôlée et transparente.
Depuis l’an 2000, plusieurs rapports de la commission des finances du Sénat avaient très clairement tout dit de la situation et précisé les risques qu’encourait l’État à ne pas se saisir du problème. On y parvenait enfin !
Le projet de loi, défendu par le ministre Éric Woerth, était globalement bien structuré, assez complet, bien adapté à la situation et à la conjoncture. Il comportait, entre mille dispositions, la création d’une autorité chargée de réguler le nouveau marché.
Un chapitre entier du texte législatif était consacré à la création de l’ARJEL, à son fonctionnement, à son budget et aux différents moyens juridiques, renforcés par le Sénat, et réglementaires dont elle aurait besoin le moment venu pour affirmer son autorité et sanctionner le cas échéant les opérateurs qui ne respecteraient pas les cahiers des charges très rigoureux exigés pour obtenir un agrément.
La loi abordait également, et heureusement, de nombreux points intéressant l’ensemble des jeux en France ; elle fut correctement enrichie à l’Assemblée nationale, avant de parvenir au Sénat.
Après un débat vif en commission, le ministre dut accepter la création d’un Comité consultatif des jeux, auquel aucun ministère ne tenait, mais auquel nous tenions beaucoup en commission. Cet organe prétend être le meilleur conseil possible pour les gouvernements, car il rassemble tous les ministères concernés, des parlementaires et un Observatoire des jeux, réclamé depuis fort longtemps par tous les spécialistes.
Ainsi, c’est ici, au Sénat, que nous avons immédiatement saisi l’intérêt majeur que représentait l’existence de l’ARJEL, en l’associant au fonctionnement et à l’action d’un Comité consultatif, dont tous les acteurs attendent beaucoup.
En effet, constitué de toutes les compétences possibles, le Comité est parfaitement en mesure d’apporter au gouvernement l’aide et les conseils dont il a besoin pour administrer un secteur d’activité particulièrement difficile et dont les équilibres économiques et financiers sont constamment remis en question, et le resteront.
En France, l’État ne peut pas négliger le secteur des jeux, et ce pour plusieurs raisons. Il doit tout d’abord continuer à assumer du mieux possible ses missions régaliennes d’ordre et de sécurité publics, qui intéressent plus d’un Français sur deux, dans un domaine particulièrement dangereux et difficile.
Il doit aussi, mieux que par le passé, assumer sa mission de santé publique en matière de prévention et de soins qu’il faut apporter aux joueurs fragiles et dépendants, aux joueurs victimes de l’addiction aux jeux. L’industrie du jeu y contribuant fortement, directement et indirectement, n’est-il pas légitime qu’une partie de l’argent gagné aille à cette mission ?
Enfin, l’État doit rester vigilant. Les ressources qu’il tire de l’industrie des jeux – François Marc les a rappelées tout à l'heure – et des lourdes taxations qu’il applique sont considérables.
Vous l’avez remarqué, chaque fois que j’ai évoqué devant vous les différents problèmes des jeux, j’ai fait référence à l’ARJEL.
En trois ans, cette autorité a remarquablement rempli sa mission. Aujourd’hui, elle compte ! S’étant très bien préparée en amont de la promulgation de la loi, l’Autorité a parfaitement et immédiatement pris en main l’ensemble des tâches qui lui étaient dévolues.
Le gouvernement était pressé : il fallait que la loi soit promulguée et appliquée avant l’ouverture de cette fameuse Coupe du monde de football en Afrique du Sud au cours de laquelle, comme vous le savez tous, notre équipe nationale s’est particulièrement bien illustrée. §Dans de telles conditions, l’ARJEL avait tout à inventer. Il fallait bâtir des cahiers des charges extrêmement ardus à concevoir et à faire vivre, tout mettre en place, y compris des ressources humaines particulièrement compétentes, et ce dans des domaines nouveaux et difficiles.
Elle l’a fait sans perdre de temps, sans commettre d’erreur dans l’attribution des licences, sans susciter de contentieux, avec le respect et le sens du service des intérêts de l’État qui étaient requis. Cette performance est digne d’éloges, comme l’a d’ailleurs été l’ensemble de son activité par la suite.
L’ARJEL, outre sa gestion directe des agréments des jeux en ligne, joue un rôle majeur dans le conseil du gouvernement. Ses recommandations sont précieuses. Et si je regrette que sa contribution à la clause de revoyure de 2011 n’ait pas été suffisamment prise en compte à l’époque par le gouvernement, j’observe que les dispositions de plusieurs articles concernant les jeux dans le texte récent sur la consommation s’inspirent très opportunément des idées exposées de manière constante par l’ARJEL.
Ces dispositions sont d’un grand intérêt, vous les avez rappelées tout à l'heure, et l’on ne peut que se réjouir de voir une autorité telle que l’ARJEL jouer pleinement son rôle dans la régulation d’un secteur si compliqué.
Sur le plan international, l’ARJEL a joué un rôle majeur dans la prise de conscience des risques que font courir les paris sportifs, sans régulation, ni transparence, à l’intégrité du sport. Elle est aujourd’hui une référence et son président assume la vice-présidence du comité de rédaction de la convention du Conseil de l’Europe contre la manipulation des résultats sportifs.
Ainsi, grâce à une loi pourtant très contestée à l’époque par vos amis, monsieur le ministre, mais qui fait maintenant figure d’exemple en Europe, un secteur nouveau a pu être ouvert dans le marché des jeux.
Les jeux en ligne sont légalisés à 90 % et régulés de très bonne manière : l’ARJEL contrôle plus de 9 milliards d’euros de mises, et non de produit brut des jeux, une vingtaine d’opérateurs, une trentaine d’agréments, des conditions de fonctionnement de plus de 2 millions de comptes joueurs !
De surcroît, toutes les procédures judiciaires qu’elle a engagées contre des opérateurs illégaux auprès du tribunal de grande instance de Paris, près la Cour d’appel ou devant la Cour de cassation ont été couronnées de succès. Les renforcements du cahier des charges de l’ARJEL en matière juridique voulus par le Sénat ont été très opportuns.
Vous l’avez depuis longtemps compris, je suis tout à fait favorable à ce que les présidents de l’ARJEL soient nommés dans les conditions recommandées par la présente proposition de loi organique, dont je répète qu’elle est particulièrement opportune. Le groupe UMP votera ce texte.