Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, pour cette deuxième lecture qui, je l’espère, sera conclusive, nous repartons sur une excellente base, puisque le Sénat a bien amélioré en première lecture la proposition de loi déposée par nos collègues Jacqueline Gourault et Jean-Pierre Sueur, qui ont eux-mêmes repris une recommandation des états généraux de la démocratie territoriale. Nous avions exprimé un large accord sur ce travail déjà bien avancé et nos amis députés, malgré une petite hésitation sur le lieu d’insertion du texte qu’a rappelée Mme la ministre, nous renvoient un texte qu’ils ont adopté à l’unanimité, avec quelques modifications que nous pouvons accepter sans difficulté – je vais vous les résumer.
L’Assemblée nationale a fait évoluer, en conservant le cadre que nous avions retenu, la composition du conseil national d’évaluation des normes, avec un équilibre entre les différents niveaux de collectivités représentées, en dehors des représentants de l’État – qu’ils représentent l’exécutif ou le Parlement. Nous avons pu nous concerter avec le rapporteur de l’Assemblée nationale, de manière à établir des positions communes : nos collègues de l’Assemblée nationale ont donc bien voulu prévoir que les représentants des collectivités territoriales au sein du conseil national comporteraient un certain nombre de membres des exécutifs – soit des présidents ou vice-présidents de région ou maires ou maires adjoints. Mais ils ont donné à cette exigence une interprétation suffisamment large pour ne pas restreindre l’accès au conseil national d’évaluation des normes à des élus déjà fort chargés de mandats. Je pense donc que les nouveaux membres du conseil national présenteront de bonnes conditions de disponibilité.
Le rapporteur de l’Assemblée nationale a par ailleurs fait adopter un amendement tendant à rendre paritaire la composition du conseil national d’évaluation des normes et a proposé de ramener la durée du mandat de ses membres à trois ans, afin de permettre, en fonction du déroulement du mandat électif des intéressés, que les personnes les plus disponibles puissent se relayer.
En ce qui concerne les compétences du conseil national, peu de modifications sont intervenues, mais l’Assemblée nationale est revenue sur la disposition que je vous avais proposée en première lecture – et dont je reconnais qu’elle était encore inaboutie –, tendant à habiliter le conseil national à se prononcer sur les amendements en cours de discussion parlementaire. Nos collègues députés ont relevé le risque que représentait la consultation « à chaud » du conseil national, pendant une discussion parlementaire, alors que, nous le savons tous, les parlementaires et le Gouvernement pouvons déposer des amendements très peu de temps avant leur examen en séance. La combinaison de cette procédure consultative avec le déroulement de la vie parlementaire a paru peu praticable à nos collègues députés : je vous propose donc de renoncer à l’adoption de cette disposition.
J’ajoute simplement que, lorsqu’un amendement est déposé à l’issue d’une discussion législative complexe pour en tirer la synthèse et qu’il peut représenter une charge normative nouvelle importante – ce qui est peu fréquent mais recèle un risque –, rien n’interdira à son auteur, notamment s’il s’agit du Gouvernement, de consulter volontairement le conseil national d’évaluation des normes pour en avoir « le cœur net », pour savoir si les meilleurs experts jugent que le dispositif proposé est praticable.
Il me semble donc que nous pouvons être d’accord avec cette renonciation.
Nous avons également hésité, car le texte n’était pas parfait, sur la cause juridique de saisine du conseil national d’évaluation des normes. L’Assemblée a choisi de la fonder sur la notion de « textes ayant un impact technique et financier pour les collectivités territoriales » : seuls les textes présentant cette caractéristique devront obligatoirement être soumis au conseil national d’évaluation des normes, sous peine d’irrégularité.
Je souhaite clarifier, en m’appesantissant un peu, que, lorsque nous écrivons « un impact technique et financier », cela ne signifie pas que chaque disposition doit avoir un impact à la fois technique et financier, mais que, sur l’ensemble du texte, on doit constater qu’il y a soit un impact technique dans certaines dispositions, soit un impact financier dans d’autres. Donc, ce n’est pas cumulatif. Ce sont par conséquent les conditions de saisine les plus larges. Je crois qu’il y avait accord, en particulier, avec les services du Gouvernement qui suivaient l’élaboration du texte. §
Si les conditions de saisine ont peu changé, l’Assemblée nationale n’a toutefois pas retenu la possibilité de saisine par un président de groupe parlementaire. Les députés ont en effet considéré que les possibilités étaient suffisamment nombreuses soit pour les parlementaires eux-mêmes, soit pour les différentes formations politiques qui seront représentées à l’intérieur du conseil national, de faire appel à celui-ci sans avoir à demander l’autorisation à un partenaire politique.
Les règles de procédure en vigueur au conseil national ont également fait l’objet de quelques modifications.
Il en est de même de la règle de publicité. L’Assemblée nationale a relevé, à juste titre, que notre exigence que la publicité se fasse par l’insertion au Journal officiel était un peu datée. Aujourd’hui, en effet, la publicité de la prise de position d’un service ou d’une institution administrative peut passer par de multiples autres canaux. L’essentiel est que le public ou les publics intéressés connaissent en temps utile les avis du conseil national.
L’Assemblée nationale a apporté une autre modification et s’est montrée, à mon sens à juste titre, plus rigoureuse que nous en matière budgétaire. Dorénavant, le conseil national d’évaluation des normes va avoir son existence propre à côté du Comité des finances locales alors qu’il en était auparavant une composante. Le Sénat avait autorisé le conseil national à voter son propre budget et à se doter de ressources prises sur la masse de la DGF, parce que nous savions bien que ses membres en feraient un usage on ne peut plus modéré.
L’Assemblée nationale a été plus rigoureuse en disant que seul le Comité des finances locales a le droit, évidemment lié à sa mission même, d’opérer un prélèvement pour son fonctionnement au sein de la masse de la DGF. Donc, s’il y a besoin de ressources propres pour le conseil national d’évaluation des normes, ce sera le Comité des finances locales qui l’approuvera. Cette position me paraît plus cohérente que ne l’était la nôtre.
Enfin, la dernière modification significative – c’est un sujet dont nous avons, les uns et les autres, beaucoup parlé – concerne les normes sportives. Comme l’a dit Mme la ministre à l’instant, un décret a instauré une procédure spécifique, assez protectrice, à notre avis, des préoccupations des collectivités territoriales. En date du 4 avril 2013, il prévoit que les représentants des collectivités territoriales au sein du Conseil national du sport pourront s’adresser au conseil national d’évaluation des normes pour s’assurer du caractère acceptable ou non d’une norme sportive. Cette nouvelle procédure nous donne donc satisfaction et l’Assemblée nationale en a tiré les conséquences sur la proposition du Gouvernement.
Tels sont tous les motifs qui ont conduit, sur ma proposition, la commission des lois à prévoir l’adoption conforme de cette proposition de loi, si bien qu’il n’y aurait plus qu’à procéder aux formalités pour son entrée en vigueur.
Il y avait, comme la ministre l’a également très judicieusement relevé, une légère faiblesse juridique dans le fait que l’approbation ou non par le conseil national d’un projet de loi n’était pas rigoureusement attachée à l’adoption de ce projet de loi par le Gouvernement, puis par les assemblées. C’est la raison pour laquelle les deux auteurs de la proposition de loi ont bien voulu, après le débat en première lecture, déposer une proposition de loi organique. En vertu de la loi de 2009, le dossier du projet de loi adopté par le conseil des ministres après examen par le Conseil d’État doit comporter l’étude d’impact.
Cette loi de 2009 étant une loi organique, il fallait donc une proposition de loi organique pour préciser que l’étude d’impact annexée à un projet de loi doit également comporter l’avis du conseil national d’évaluation des normes. La commission des lois a émis un avis favorable sur ce texte, qui sera soumis à votre vote dans quelques instants.
Ce travail, nous l’avons mené, je le souligne, en collaboration particulièrement agréable et constructive avec le Gouvernement. Pendant que nous travaillions nous-mêmes, faisant face à de nombreuses doléances de nos mandants et aux expériences difficiles liées à la surcharge législative, le Gouvernement suivait son propre parcours.
Il faut souligner en particulier l’engagement personnel très fort sur ce sujet du Premier ministre, engagement qu’il a manifesté sous diverses formes. Nous avons des ministres tout à fait convaincus du bien-fondé de ce projet. Le Premier ministre a spécifiquement fait évoluer la structure du Secrétariat général du Gouvernement pour que nous ayons, au sein de la matrice de la production juridique de l’État, des partenaires dédiés à cette recherche de simplification. Je crois que nous partons sous de bons auspices.
Il me reste simplement – puisque je parlais du rôle du Gouvernement et de sa « bénévolence » – à espérer que le décret en Conseil d’État, dont nous avons besoin pour l’entrée en vigueur définitive du conseil national d’évaluation des normes, ne nous fasse pas trop attendre, madame la ministre. §