Le 17 juillet dernier, la commission des affaires européennes a adopté une proposition de résolution sur les enjeux du quatrième paquet ferroviaire. Comme vous le savez, depuis 1992, l'Assemblée nationale et le Sénat donnent un avis, à travers les propositions de résolution européenne prévues à l'article 88-4 de la Constitution, sur les projets ou propositions d'actes européens qui leur sont transmis. Au bout d'un mois, la proposition de résolution de la commission des affaires européennes devient la position du Sénat, sauf si la commission au fond s'en saisit et parvient à un accord pour la modifier. Je remercie la commission des affaires européennes d'avoir attendu le 12 septembre pour enregistrer le dépôt de sa proposition de résolution, afin de nous laisser la possibilité de nous en saisir dans des conditions raisonnables.
La Commission européenne a présenté le 30 janvier dernier six propositions législatives qui composent le quatrième paquet ferroviaire. Ces six propositions législatives interviennent après la libéralisation du fret ferroviaire, international puis national, ainsi que celle du transport international de voyageurs. Répondant à la volonté de la Commission de lever les dernières entraves à la concurrence, elles couvrent trois thématiques. La sécurité et l'interopérabilité du système ferroviaire, d'abord : les règles sont harmonisées afin de réduire les coûts administratifs des entreprises ferroviaires et de faciliter l'entrée de nouveaux opérateurs sur le marché. Ce volet est composé de propositions de refonte des directives « Sécurité » et « Interopérabilité », ainsi que du règlement relatif à l'Agence ferroviaire européenne.
Le deuxième volet concerne la gouvernance des systèmes ferroviaires. La Commission entend renforcer l'indépendance du gestionnaire d'infrastructures à l'égard des opérateurs de transport, en particulier l'opérateur historique, en modifiant la directive 2012-34 établissant un espace ferroviaire unique européen. La Commission élargit notamment les missions obligatoirement exercées de façon indépendante par le gestionnaire d'infrastructures, afin d'éviter qu'il ne délègue une part trop importante de ses missions aux opérateurs de transport. La constitution de toute nouvelle entreprise verticalement intégrée, rassemblant en son sein le gestionnaire d'infrastructures et l'opérateur historique de transport, est également interdite. Seules les sociétés de ce type déjà constituées à la date d'entrée en vigueur du quatrième paquet pourront continuer à exister, à la condition de respecter des règles d'indépendance très strictes - par exemple, interdiction leur est faite d'être regroupées géographiquement dans les mêmes locaux...
Dernier volet du quatrième paquet ferroviaire : l'ouverture à la concurrence du transport de voyageurs. En matière de transport conventionné sous contrat, la proposition de modification du règlement n° 1370-2007 encadre la définition des obligations de service public par les autorités compétentes, ainsi que la généralisation de l'ouverture à la concurrence comme mode d'attribution des contrats de service public. En matière de transport non conventionné, la proposition de modification de la directive 2012-34 libéralise le transport national de voyageurs, dès lors que ce dernier n'est pas susceptible de porter atteinte à l'équilibre économique d'un contrat de service public.
A ce stade, ce ne sont que des propositions de la Commission européenne. Elles restent débattues au sein du Conseil et du Parlement européen, où leur examen en commission devrait intervenir le 26 novembre. Personne ne peut préjuger de ce qu'il adviendra de ces textes et il revient à chaque acteur de faire valoir ses positions.
Simultanément, un projet de loi de réforme ferroviaire, dont l'objectif est de réunir à nouveau Réseau ferré de France (RFF) et la SNCF au sein d'une même entité, devrait être bientôt présenté en Conseil des ministres.
Dans ce contexte, la proposition de résolution de Roland Ries affirme opportunément un certain nombre de principes fondamentaux pour notre système ferroviaire : elle rappelle d'abord que la concurrence n'est pas une fin en soi, et qu'elle n'a de sens que si elle est régulée, compte tenu des particularités du système ferroviaire ; elle affirme ensuite notre attachement au libre choix par les autorités organisatrices du mode d'attribution des obligations de service public ; elle pose le principe d'une péréquation entre lignes rentables et lignes déficitaires ; elle prévoit les modalités de reprise du personnel dans des conditions identiques en cas de délégation du service public ; elle adhère enfin au principe d'une répartition claire des tâches entre le gestionnaire d'infrastructures et les opérateurs ferroviaires, tout en déplorant les contraintes excessives applicables aux entreprises verticalement intégrées.
Cette proposition est satisfaisante, car elle souligne nombre d'exigences auxquelles nous ne saurions renoncer.
Après avoir rencontré les syndicats et consulté les services du ministère, je vous propose plusieurs amendements afin de la préciser et de la compléter, mais sans revenir sur sa philosophie. Ainsi, en aucun cas l'objectif d'ouverture à la concurrence ne devrait conduire à un affaiblissement des exigences de sécurité du système ferroviaire.