Nous examinons ce matin la proposition de résolution européenne relative au quatrième paquet ferroviaire européen, proposée par Roland Ries, et dont Jean-Jacques Filleul est rapporteur pour notre commission.
EXAMEN DU RAPPORT
Le 17 juillet dernier, la commission des affaires européennes a adopté une proposition de résolution sur les enjeux du quatrième paquet ferroviaire. Comme vous le savez, depuis 1992, l'Assemblée nationale et le Sénat donnent un avis, à travers les propositions de résolution européenne prévues à l'article 88-4 de la Constitution, sur les projets ou propositions d'actes européens qui leur sont transmis. Au bout d'un mois, la proposition de résolution de la commission des affaires européennes devient la position du Sénat, sauf si la commission au fond s'en saisit et parvient à un accord pour la modifier. Je remercie la commission des affaires européennes d'avoir attendu le 12 septembre pour enregistrer le dépôt de sa proposition de résolution, afin de nous laisser la possibilité de nous en saisir dans des conditions raisonnables.
La Commission européenne a présenté le 30 janvier dernier six propositions législatives qui composent le quatrième paquet ferroviaire. Ces six propositions législatives interviennent après la libéralisation du fret ferroviaire, international puis national, ainsi que celle du transport international de voyageurs. Répondant à la volonté de la Commission de lever les dernières entraves à la concurrence, elles couvrent trois thématiques. La sécurité et l'interopérabilité du système ferroviaire, d'abord : les règles sont harmonisées afin de réduire les coûts administratifs des entreprises ferroviaires et de faciliter l'entrée de nouveaux opérateurs sur le marché. Ce volet est composé de propositions de refonte des directives « Sécurité » et « Interopérabilité », ainsi que du règlement relatif à l'Agence ferroviaire européenne.
Le deuxième volet concerne la gouvernance des systèmes ferroviaires. La Commission entend renforcer l'indépendance du gestionnaire d'infrastructures à l'égard des opérateurs de transport, en particulier l'opérateur historique, en modifiant la directive 2012-34 établissant un espace ferroviaire unique européen. La Commission élargit notamment les missions obligatoirement exercées de façon indépendante par le gestionnaire d'infrastructures, afin d'éviter qu'il ne délègue une part trop importante de ses missions aux opérateurs de transport. La constitution de toute nouvelle entreprise verticalement intégrée, rassemblant en son sein le gestionnaire d'infrastructures et l'opérateur historique de transport, est également interdite. Seules les sociétés de ce type déjà constituées à la date d'entrée en vigueur du quatrième paquet pourront continuer à exister, à la condition de respecter des règles d'indépendance très strictes - par exemple, interdiction leur est faite d'être regroupées géographiquement dans les mêmes locaux...
Dernier volet du quatrième paquet ferroviaire : l'ouverture à la concurrence du transport de voyageurs. En matière de transport conventionné sous contrat, la proposition de modification du règlement n° 1370-2007 encadre la définition des obligations de service public par les autorités compétentes, ainsi que la généralisation de l'ouverture à la concurrence comme mode d'attribution des contrats de service public. En matière de transport non conventionné, la proposition de modification de la directive 2012-34 libéralise le transport national de voyageurs, dès lors que ce dernier n'est pas susceptible de porter atteinte à l'équilibre économique d'un contrat de service public.
A ce stade, ce ne sont que des propositions de la Commission européenne. Elles restent débattues au sein du Conseil et du Parlement européen, où leur examen en commission devrait intervenir le 26 novembre. Personne ne peut préjuger de ce qu'il adviendra de ces textes et il revient à chaque acteur de faire valoir ses positions.
Simultanément, un projet de loi de réforme ferroviaire, dont l'objectif est de réunir à nouveau Réseau ferré de France (RFF) et la SNCF au sein d'une même entité, devrait être bientôt présenté en Conseil des ministres.
Dans ce contexte, la proposition de résolution de Roland Ries affirme opportunément un certain nombre de principes fondamentaux pour notre système ferroviaire : elle rappelle d'abord que la concurrence n'est pas une fin en soi, et qu'elle n'a de sens que si elle est régulée, compte tenu des particularités du système ferroviaire ; elle affirme ensuite notre attachement au libre choix par les autorités organisatrices du mode d'attribution des obligations de service public ; elle pose le principe d'une péréquation entre lignes rentables et lignes déficitaires ; elle prévoit les modalités de reprise du personnel dans des conditions identiques en cas de délégation du service public ; elle adhère enfin au principe d'une répartition claire des tâches entre le gestionnaire d'infrastructures et les opérateurs ferroviaires, tout en déplorant les contraintes excessives applicables aux entreprises verticalement intégrées.
Cette proposition est satisfaisante, car elle souligne nombre d'exigences auxquelles nous ne saurions renoncer.
Après avoir rencontré les syndicats et consulté les services du ministère, je vous propose plusieurs amendements afin de la préciser et de la compléter, mais sans revenir sur sa philosophie. Ainsi, en aucun cas l'objectif d'ouverture à la concurrence ne devrait conduire à un affaiblissement des exigences de sécurité du système ferroviaire.
Les récents événements ont tristement rappelé l'importance de cette exigence. J'ai aussi souhaité signaler la nécessité de prendre le temps nécessaire pour la mise en place de ces réformes, compte tenu de la préparation qu'elles exigent, sur le plan social en particulier. La précipitation ne peut que conduire à l'apparition des mêmes difficultés que celles qui ont été constatées au moment de la libéralisation du fret. J'ai enfin voulu préciser l'importance de laisser aux autorités compétentes la liberté de déterminer les contours des obligations de service public, compte tenu des velléités d'encadrement fortes de cet exercice par la Commission.
Ce faisant, j'ai repris certaines des propositions contenues dans les amendements que vous aviez déposés sur ce texte. Notre position aura d'autant plus de force que nous serons réunis sur les grandes lignes directrices que je viens de vous exposer.
Je partage l'analyse de votre rapporteur, mais les amendements proposés par M. Nègre dénatureraient mon texte. Inscrite dans les textes européens, la concurrence est, à terme, inévitable. Au fond, nous nous opposons sur la force de la régulation à laquelle il convient de la soumettre. Vous estimez que la concurrence doit porter sur les éléments les plus rentables du système ferroviaire, les autres relevant du service public. Je pense au contraire que les lignes rentables doivent aider à équilibrer celles qui ne le sont pas - nous ne raisonnons pas sur le même périmètre.
Second point de divergence : la gouvernance du système. Nous pensons qu'on ne saurait séparer radicalement l'opérateur historique du gestionnaire d'infrastructures et défendons le principe d'une structure verticalement intégrée, selon le jargon bruxellois - une holding, en somme. Frédéric Cuvillier a reconnu que la SNCF n'était pas n'importe quel opérateur : elle fait partie de notre patrimoine. En outre, le transfert de personnels vers le gestionnaire d'infrastructures doit être strictement encadré, leurs statuts maintenus et leurs avantages acquis protégés.
Le cadre de cette discussion a été posé par les remarquables rapports de Jean-Jacques Filleul et Roland Ries. Le problème est loin d'être simple, mais nos différences sont essentiellement de nature philosophique, ce qui le simplifie dans une certaine mesure. Nous pouvons néanmoins cheminer les uns vers les autres sur un certain nombre de points.
La préparation du quatrième paquet ferroviaire a été agitée. Le commissaire Siim Kallas a déclaré avoir subi des pressions, ce qui est assez rare pour être signalé. Ce paquet se compose d'un ensemble de textes approuvés par le collège des commissaires, de nature technique, d'une part, et relatifs à la gouvernance des systèmes, d'autre part. Sur le plan technique, des progrès essentiels ont été accomplis. Un compromis a été trouvé sur l'Agence ferroviaire européenne et, en attendant de consacrer sa prééminence, sur l'articulation de son travail avec celui des agences de sécurité nationales. Enfin, l'Europe a finalement accepté l'existence d'entreprises verticalement intégrées. En somme, la Commission européenne a cheminé vers les positions française et allemande.
Nous divergeons sur les conditions posées à l'indépendance du gestionnaire d'infrastructures. La Commission européenne souhaite lui conférer une forme juridique distincte, assurer une autonomie participative et financière - les dividendes ne pouvant être versés qu'à son propriétaire ultime, c'est-à-dire à l'État -, bref édifier une muraille de Chine entre celui-ci et les entreprises ferroviaires.
Voyez l'Allemagne : elle s'est débrouillée pour que son gestionnaire d'infrastructures, DB Netz, finance la Deutsche Bahn nationale, qui n'en est pas séparée par une muraille de Chine, en lui transférant des recettes provenant des redevances d'accès aux voies exigées à ses concurrents... La ficelle est grosse. Nous défendons à l'inverse une totale étanchéité et une pleine autonomie du gestionnaire d'infrastructures, ainsi que l'incompatibilité entre les fonctions dirigeantes des différentes entités afin de prévenir les conflits d'intérêts.
L'article 7 quater décrit les limitations au droit d'accès aux infrastructures des entreprises ferroviaires faisant partie d'une entreprise verticale intégrée si l'étanchéité n'est pas effective. Si le quatrième paquet ferroviaire passe avant notre réforme ferroviaire...
Si nous ne convergeons pas sur le principe de la muraille de Chine, je ne pourrai pas la voter. Nous pouvons toutefois nous retrouver sur un certain nombre de points. La sécurité du système d'abord. Nous y sommes tous attachés. Le Royaume-Uni avait dans un premier temps confié ses infrastructures à des fonds de pension soucieux de récupérer leur argent : le manque d'entretien a provoqué des morts ! La conséquence du libéralisme total, c'est la catastrophe. Avec pragmatisme, l'État britannique a ensuite récupéré les infrastructures - un État stratège, voilà ce que nous défendons, car les infrastructures ferroviaires font partie de notre patrimoine.
La refondation totale du système opérée par les Britanniques les place aujourd'hui au niveau de sécurité le plus élevé en Europe. En quinze ans, ils sont passés d'un extrême à l'autre. Voyez ce à quoi a conduit le monopole chez nous : à Brétigny, il manquait des boulons ! Comment appelez-vous cela ?
Avons-nous atteint le niveau de sécurité maximal en régime de monopole ?
Nous pourrions nous retrouver ensuite sur le principe d'une concurrence régulée. Il n'est pas question de faire comme le Royaume-Uni dans les années 1980. Une concurrence régulée certes, à condition que la régulation n'étouffe pas la concurrence ! La SNCF, qui fait partie du patrimoine national, est une entreprise prestigieuse, reconnue à l'étranger. Nous voulons avant tout sauver le soldat SNCF. Or sans concurrence régulée, elle s'endort, rien ne la stimule. Il faut donner du temps au temps, entend-on souvent. Mais le premier paquet ferroviaire a été adopté en 1991 et depuis, nous faisons tout pour bloquer l'ouverture à la concurrence.
La philosophie que vous défendez a trois conséquences négatives : politique d'abord, puisque le Parlement européen soutiendra sans doute la proposition de la Commission européenne. Nous aurions intérêt à ne pas nous éloigner de l'Europe, et à ne pas nous comporter en mauvais élève. Juridique ensuite, car la Cour de justice ne manquera pas de condamner la SNCF et la Deutsche Bahn. Économique enfin, parce que des entreprises non stimulées sont des entreprises moins compétitives. Notre activité de fret s'effondre - et s'effondrait dès avant l'arrivée d'entreprises concurrentes - alors qu'elle progresse là où la concurrence a été instaurée.
Mais non. À nouveau, nous poursuivons tous le même but : sauver le ferroviaire français. Comme Deng Xiaoping, il m'importe peu que le chat soit noir ou blanc, pourvu qu'il attrape des souris. Je veux que la SNCF acquière des parts de marché et cesse de se faire tailler des croupières par nos amis allemands !
Au risque de choquer les libéraux, je crois que l'adoption du quatrième paquet ferroviaire par la Commission européenne et le Parlement européen n'est ni nécessaire ni opportune. Là où la concurrence a été instaurée, dans le fret ferroviaire par exemple, l'activité n'a nullement progressé : en Allemagne, elle s'est stabilisée ; en France, le fret ferroviaire de proximité a été quasiment abandonné. Par surcroît, aucun bilan précis des conséquences des trois premiers paquets ferroviaires n'a été établi à ce jour.
Il ne faut toutefois pas se faire d'illusions : le quatrième paquet ferroviaire sera adopté après les élections européennes. Dans ce contexte, la proposition de résolution européenne de Roland Ries témoigne avec force d'une volonté d'encadrer l'ouverture à la concurrence du ferroviaire, afin que ni les usagers, ni les contribuables, ni les personnels ne soient lésés. Je vous renvoie à la théorie des marchés contestables, qui s'applique bien plus efficacement au secteur ferroviaire que celle de la concurrence pure et parfaite.
Les propositions d'encadrement de la concurrence figurent dans le rapport de Roland Ries : laisser aux États-membres la liberté d'opter ou non pour une structure verticalement intégrée, sous réserve que les sillons soient attribués de manière impartiale ; affirmer le principe de réversibilité de ce choix ; maintenir l'étanchéité des flux financier du gestionnaire d'infrastructures à destination des opérateurs de transport, sans interdire les mouvements de cheminots ; autoriser le ministre des transports à superviser le fonctionnement du gestionnaire d'infrastructures et des opérateurs, quel que soit le mode d'organisation retenu.
Chaque État membre devrait en outre avoir la faculté d'ouvrir un marché de délégation de service public, incluant réseaux rentables et déficitaires - ce qui n'est pas possible dans le schéma retenu à Bruxelles. Sixième proposition : autoriser les États membres à organiser des enchères pour l'ouverture d'une ligne commerciale à la concurrence, et des enchères négatives pour les réseaux dont le maintien est motivé par des nécessités de service public. Enfin, maintenir la faculté ouverte aux autorités organisatrices d'organiser les transports ferroviaires en régie et imposer systématiquement la reprise du personnel en fonction des entreprises non retenues au terme des procédures de délégation de service public.
Les dispositions complémentaires de notre rapporteur sont bienvenues : elles mettent l'accent sur la sécurité, sur le volet social, et sur la liberté laissée aux autorités nationales de fixer des obligations de service public, en vertu du principe essentiel de subsidiarité. Il propose en outre d'affirmer la place du wagon isolé dans le système ferroviaire. Mireille Schurch et moi-même avons jadis envisagé de faire reconnaître par l'Europe que le wagon isolé était une mission d'intérêt général, ce qui le rendrait éligible à des financements publics.
Si la Commission européenne et le Parlement européen persistent dans leur volonté d'adopter le quatrième paquet ferroviaire, la proposition de résolution européenne de Roland Ries telle qu'amendée par Jean-Jacques Filleul fera valoir l'absolue nécessité d'encadrer fortement l'ouverture à la concurrence : si elle advient, l'encadrer est le seul moyen de nous prémunir des excès de l'ultralibéralisme.
L'objectif d'une résolution européenne est de faire l'état des lieux sur une question, des problèmes qu'elle pose et des solutions qu'il convient d'y apporter. Ce quatrième paquet sera vraisemblablement adopté : quelle est alors notre responsabilité ? Par-dessus tout : renforcer la SNCF pour qu'elle continue d'assurer ses missions. Ménager la chèvre et le chou n'est pas une solution. Souvenez-vous des rapports de l'école polytechnique fédérale de Lausanne et de la Cour des comptes. Hors TGV, plus aucun train n'arrive à l'heure, le réseau n'est plus en état et nos matériels vieillissent. Si nous choisissons de faire le dos rond, le jour où le quatrième paquet nous sera pour ainsi dire imposé, nous ne serons pas prêts !
En l'état, nous ne voterons pas cette résolution. Nous partageons l'objectif de faciliter la circulation et de développer notre système ferroviaire. Le fret ferroviaire ne s'est pas développé, rappelle le paragraphe 15 de la résolution : ancien rapporteur du projet de loi relatif aux grands ports, je suis bien placé pour le savoir. Tout est fait pour freiner son essor. Au-delà du vote que nous allons émettre sur cette résolution, regardons plus sérieusement, à partir notamment du rapport de la Cour des comptes, quel est l'état de la situation. Allons véritablement au fond des choses pour diagnostiquer les faiblesses de la SNCF et y apporter des remèdes.
Je suis venu en RER B : après quelques semaines d'amélioration, il semble victime d'une nouvelle rechute...
À la lecture de la proposition de résolution, je ne peux m'empêcher de nous voir comme d'irréductibles Gaulois : notre modèle est formidable, nous ne voulons pas le faire évoluer... C'est risqué. Soyons lucides, admettons que notre système n'a que trop tardé à évoluer. Cette proposition de résolution anticipe sur les débats que nous aurons dans le cadre de la réforme ferroviaire. Elle semble même en dresser le cahier des charges, précis jusqu'à la mobilité des personnels... Je doute que cela soit vraiment productif.
Nous commettons une erreur d'analyse si nous contestons les objectifs défendus par l'Union européenne, plutôt que de discuter ses modalités d'application. Les Allemands, bons élèves, ne s'y sont pas trompés. Arrêtons de mener des guerres picrocholines sur les objectifs généraux de la réforme : le système actuel n'est optimal pour personne, et nous avons besoin de la concurrence. Soyons moins frileux. Nous devons convaincre la Commission européenne de prendre en compte la spécificité française et nous n'y arriverons pas en nous opposant frontalement. Montrons-nous ouverts à la réforme, puis négocions finement ses modalités d'application au lieu d'écrire noir sur blanc que la SNCF sera la seule en mesure de répondre à l'ouverture à la concurrence.
Tout relier sur la gouvernance au projet de loi fantôme est cousu de fil blanc. Nourrissons le débat plutôt que d'adopter un texte qui pourrait être pris pour une provocation. Ce n'est pas un service à rendre aux cheminots, qui doivent être accompagnés dans une situation difficile vers une SNCF plus à même d'affronter la concurrence.
Pour ma part, je suis fière d'être française, et de l'héritage en infrastructures de notre pays. Présenter la France comme un mauvais élève est dévalorisant, je ne l'accepte pas. Les infrastructures sont des outils au service du pays, des gens, des entreprises. Voilà la différence philosophique entre nous. Notre position n'est pas jusqu'au-boutiste ; elle se borne à reprendre celle du Comité économique et social européen. Nous ne sommes pas seuls, ni outrageusement révolutionnaires.
L'Allemagne se débrouillerait mieux que nous en contournant les règles pour les tourner à son avantage ? Pourquoi valoriser ce modèle-là ? Pourquoi avoir honte de défendre des infrastructures au service du pays, qui souffrent d'abord de la concurrence déloyale d'un transport routier qui, lui, ne paie pas les routes. Tant qu'on ne dit pas cela, tout est biaisé ! Les enjeux de ce quatrième paquet ferroviaire, ce sont les parts de marché respectives des différents opérateurs, et non l'intérêt du pays. S'il est adopté, il sera inutile d'aborder le transport ferroviaire lors de la conférence environnementale en septembre 2014 !
Usons de logique pour démonter les sophismes. La concurrence entre le rail et la route est faussée, puisque cette dernière ne paie pas ses externalités. Cela devrait déplaire à des libéraux assumés ! L'écotaxe sur les poids lourds en Allemagne a rapporté 25 milliards d'euros. Je regrette à cet égard - et c'est une pierre dans le jardin socialiste - que mon amendement favorisant la mise en place d'une vraie écotaxe ait été retoqué. On est resté au milieu du gué, et c'est dommage.
Nous manquons de sillons ferroviaires. Dès lors, les trains n'arrivent pas dans des temps raisonnables et la route conquiert des parts de marché. Un État qui investit massivement dans une infrastructure, doit s'assurer qu'un exploitant l'utilise. Les autres problèmes sont secondaires. La vraie question est celle-ci : le choix de préférer le transport routier est-il raisonnable ? Je partage la position du rapporteur et de Roland Ries.
La sécurité implique une indépendance totale de Réseau ferré de France (RFF) avec une intégration complète de la direction de la circulation ferroviaire et de SNCF Infra. Tant que la SNCF garde la main, cela ne marche pas.
L'usager des trains express régionaux (TER) paie 30 % ; le reste est assumé par le contribuable : cela ne peut pas durer. D'autres pays ont montré que cela pouvait être 30 % moins cher, pour peu qu'il y ait de la concurrence. Pour y parvenir, il faut respecter le personnel - sous peine de bloquer le pays - et assurer la pérennité de l'opérateur.
Les deux sujets de fond sont les suivants : nous pâtissons de cet héritage de Vichy chargeant le ministre des transports de définir par décret les conditions de travail des cheminots. Or il faut les faire coïncider avec le code du travail. Le statut, quant à lui, doit être conservé pour les personnels qui en bénéficient, mais ne doit pas perdurer car la différence de coûts atteint 12 %. En Allemagne, Keolis, qui n'y est pas soumis, taille ainsi des croupières à la Deutsche Bahn. Tant que cela n'est pas résolu, le reste n'est que bavardage.
EXAMEN DES AMENDEMENTS
Alinéa 15
L'amendement n° COM-17 ajoute à l'alinéa 15 les mots « sans méconnaître les difficultés propres au fret ferroviaire en France, parmi lesquelles les insuffisances de l'offre de wagon isolé. » Ne pas suffisamment développer cette offre a été une grave erreur.
Nous souscrivons à cet amendement. La SNCF sait faire des trains complets de céréales, par exemple, mais il est difficile de travailler sous le mode du wagon isolé.
L'amendement n° COM-17 est adopté.
Je suis défavorable à l'amendement n° COM-8 présenté par Louis Nègre, qui affirme que l'ouverture à la concurrence dans le fret en France a produit des effets intéressants, dont la mise en évidence de l'impréparation de la SNCF et ses difficultés à gérer le trafic des wagons isolés. Cela me semble difficile de dire pareille chose, alors qu'elle a fait reculer la part modale du train dans le fret.
Ce n'est pas la concurrence qui est responsable de cela, c'est la situation dans laquelle se trouvait la SNCF.
Je ne nie pas la part des opérateurs de fret, notamment concernant le wagon isolé. Mais ce texte ne pas être intégré dans la résolution.
Le fret ferroviaire s'effondre avant l'arrivée de la concurrence. On assiste en France à un découplage entre fret ferroviaire et PIB, qu'on ne retrouve pas dans d'autres pays européens. Relisons le rapport d'information sénatorial rédigé sous la direction de Francis Grignon, et auquel j'ai participé : le fret ne fonctionne pas en France à cause de l'insuffisance de services afférents.
Le problème est que la SNCF n'était pas directement représentée lors de la négociation. Pourquoi ne pas dire que la concurrence « a mis en évidence quelques failles dans notre organisation ferroviaire » ?
Le libellé de cet amendement donne des arguments aux adversaires de notre pays. Ne condamnons pas la SNCF.
Lorsque j'ai participé aux travaux du rapport Grignon, Mireille Schurch et moi-même avions une position différente quant aux sources de ces problèmes.
La formulation de l'amendement est un peu vive, mais c'est qu'elle vient remplacer un jugement négatif sur l'ouverture du fret ferroviaire à la concurrence. L'idéal serait de l'enlever ou de le rédiger autrement.
Mon amendement n° COM-17, adopté précédemment, tient compte des difficultés spécifiques de la France en ce qui concerne le fret.
L'amendement n° COM-8 est rejeté.
Alinéa 16
L'amendement n° COM-9 présenté par Louis Nègre supprime l'alinéa 16. Je n'en vois pas la raison.
M. Capo-Canellas l'a bien expliqué, une opposition frontale nous ferait aller droit dans le mur. Négocions, sinon, nous reculerons en rase campagne.
Nous sommes là au coeur du débat : pour notre part, nous considérons que le rail n'est pas le lieu d'une concurrence pure et parfaite, mais d'une concurrence contestable.
La rédaction de l'alinéa est euro-compatible.
L'amendement n° COM-9 est rejeté.
Mon amendement n° COM-18 rappelle que l'ouverture à la concurrence « ne doit en aucun cas se traduire par un affaiblissement des exigences de sécurité. »
Il vaut mieux qu'il fasse beau, c'est sûr !
L'amendement n° COM-18 est adopté.
Alinéas 17 et 21
L'amendement rédactionnel n° COM-16 est adopté.
Alinéa 17
L'amendement n° COM-19 que je présente ajoute l'idée d'un calendrier raisonnable pour l'entrée en vigueur du quatrième paquet ferroviaire, afin de laisser le temps au volet social d'être mis en place. Il faut respecter les personnels.
Je salue les préoccupations de cet amendement, mais, en désaccord avec ce quatrième paquet, je m'abstiendrai.
L'amendement n° COM-19 est adopté.
Alinéas 19 et 20
L'amendement n° COM-1 d'Evelyne Didier et des membres du groupe CRC s'oppose à toute ouverture à la concurrence : j'y suis défavorable. Une telle position est contreproductive. Il est plus raisonnable de travailler sur un modèle de concurrence régulée, qui réserve une certaine marge de manoeuvre.
L'amendement n° COM-1 est rejeté.
Alinéa 19
Je suis défavorable à l'amendement n° COM-10 présenté par Louis Nègre qui instaure une séparation stricte, trop libérale, entre lignes rentables et lignes déficitaires, ce qui est contraire à notre conception de l'aménagement du territoire et du service public.
L'amendement n° COM-10 est rejeté.
Mon amendement n° COM-20 apporte une précision sur la responsabilité des autorités compétentes pour la définition des obligations de service public.
Il y a là une différence philosophique entre vous et nous.
L'amendement n° COM-20 est adopté.
Alinéas 14 et 15
Mon amendement n° COM-25 reprend des préoccupations d'Evelyne Didier pour inviter « les autorités européennes à fixer des objectifs clairs d'amélioration de l'accessibilité des personnes handicapées et à mettre en oeuvre une évaluation régulière de la qualité de service des prestations de transport ferroviaire » ; il supprime également le mot « néanmoins » à l'alinéa 15.
Nous sommes d'accord pour ce qui concerne l'alinéa 14.
L'amendement n° COM-25 est adopté.
Alinéa 21
L'amendement n° COM-2 présenté par Evelyne Didier et les membres du groupe CRC est satisfait par mes amendements n° COM-20 et n° COM-25. Avis défavorable.
L'amendement n° COM-2 est rejeté.
Alinéa 20
L'amendement n° COM-11 présenté par Louis Nègre, qui supprime l'alinéa 20, est contraire à la position que nous défendons.
L'amendement n° COM-11 est rejeté.
Alinéa 22
Je comprends le souci exprimé par l'amendement n° COM-3 d'Evelyne Didier et des membres du groupe CRC ; mais il ne peut pas être adopté en l'état. La rédaction actuelle de l'alinéa 22 convient au cadre de cette résolution.
L'amendement ne fait pourtant que reprendre les mots du Comité économique et social européen !
L'amendement n° COM-3 est rejeté.
Je suis défavorable à l'amendement n° COM-12 de Louis Nègre. On ne peut pas accepter que l'alinéa soit ainsi tronqué. Il faut tenir compte des statuts des personnels.
Je rappelle sur ce sujet les explications de Francis Grignon.
L'amendement n° COM-12 est rejeté.
Alinéa 23
Mon amendement n° COM-21 supprime la fin de la phrase après « déficitaires » ; il n'est pas opportun de préciser les modalités de la péréquation entre lignes rentables et déficitaires. La mise en oeuvre du dispositif d'enchères pourrait par exemple poser des difficultés pour déterminer a priori les lignes rentables et les lignes non-rentables.
Nous sommes d'accord pour évaluer les lignes afin de déterminer celle qui sont déficitaires. Mais pour quoi faire ? Actuellement, le déficit est couvert par le contribuable ; or il existe d'autres solutions, comme de remplacer la ligne par une liaison par autocar. Mélanger lignes rentables et non rentables évite de traiter les problèmes au fond. C'est du bonneteau !
Il y a un désaccord entre nous sur ce point : il faut ouvrir à la concurrence des réseaux cohérents, faits de lignes bénéficiaires et déficitaires, globalement. La solution apportée à une ligne non rentable relève d'un autre débat. Louis Nègre veut construire une muraille de Chine entre les lignes qui font gagner de l'argent aux opérateurs et les autres ; or les unes peuvent compenser les autres.
Je ne parlerai pas de muraille, mais de fossé. Vous voulez réserver les bénéfices au privé et les déficits au public ! C'est la cohérence du réseau qui fait sa richesse. Si une ligne est nécessaire à l'aménagement du territoire, il faut la conserver dans un réseau cohérent.
Pas à n'importe quel prix. Le faire avec 70% de financement public est excessif.
Nous sommes tous d'accord pour une régulation sans préjudice des solutions choisies ultérieurement. Maintenir le texte tel qu'il est ne laisse même pas l'espoir d'avoir des autocars ! Ne proposons pas nous-même des solutions radicales.
Il faut une péréquation. Il est inadmissible que la liaison entre les gares de Vierzon et de Montluçon soit assurée par autocar. La ligne Paris-Lyon est excédentaire et compense des lignes déficitaires.
Pour ma part, je veux faire apparaître clairement ce qui est déficitaire et ce qui ne l'est pas.
L'amendement n° COM-21 est adopté.
L'amendement n° COM-13 présenté par Louis Nègre devient sans objet.
Alinéa 24
Je suis défavorable à l'amendement de Louis Nègre n° COM-14. La proposition de confier à la Commission européenne des pouvoirs exorbitants sur les entreprises verticalement intégrées sans passer par une juridiction est contraire à l'esprit et à la pratique de l'Union européenne.
L'amendement n° COM-14 est rejeté.
Alinéa 26
Je suis évidemment défavorable à l'amendement n° COM-15 de Louis Nègre qui supprime l'alinéa 26.
L'amendement n° COM-15 est rejeté.
Alinéa 27
Mon amendement n° COM-22 supprime la fin de la phrase après le mot « ferroviaire », redondante.
L'amendement n° COM-22 est adopté
Alinéas 28 à 30
Mon amendement n° COM-23 précise l'interdiction des subventions du gestionnaire de l'infrastructure vers un opérateur de transport, quel qu'il soit, et modifie en conséquence les alinéas suivants.
L'amendement n° COM-23 est adopté
L'amendement n° COM-4 présenté par Louis Nègre devient sans objet.
Alinéa 30
Je suis défavorable à l'amendement n° COM-5 de Louis Nègre, qui supprime l'alinéa 30. Ce dernier ne s'oppose pas à l'adoption de règles de déontologie, mais énonce simplement que celles-ci ne doivent pas être réservées aux EVI.
L'amendement n° COM-5 est rejeté.
Alinéa 31
Le ministre des transports ayant un rôle de stratège, mon amendement n° COM-24, supprime l'alinéa 31, qui lui donne une fonction de surveillance, laquelle sera assumée par l'Agence ferroviaire européenne et les agences de sécurité nationales.
Dans la future réforme ferroviaire, il devrait y avoir un conseil de surveillance chargé de veiller au fonctionnement général du système ferroviaire.
Ce qui me gêne, c'est ce mot de surveillance, qui n'est pas adéquat pour définir le rôle de l'État stratège.
Je m'abstiendrai.
L'amendement n° COM-24 rectifié est adopté.
L'amendement n° COM-6 rectifié présenté par Louis Nègre devient sans objet.
Alinéa 33
Je suis défavorable à l'amendement n° COM-7 de Louis Nègre qui supprime l'alinéa 33.
L'amendement n° COM-7 est rejeté.
La résolution européenne est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.