Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite consacrer mon intervention, d'une part, aux conditions d'accès à la profession agricole et, d'autre part, à la situation particulière de l'agriculture de montagne.
L'accès à la profession agricole nécessite des filières de formation dotées de moyens de financement adéquats et des conditions satisfaisantes d'installation des jeunes agriculteurs.
S'agissant du financement de l'enseignement agricole, vous avez été saisi, monsieur le ministre, des vives préoccupations des maisons familiales rurales, dont la situation a été prise en compte par l'Assemblée nationale à l'occasion de la première lecture. Depuis lors, ce sont les établissements de l'enseignement agricole technique qui ont fait état de leurs inquiétudes face aux perspectives offertes par le projet de loi de finances.
C'est pourquoi notre collègue Françoise Férat, rapporteur pour avis du budget de l'enseignement agricole, a présenté la semaine dernière des amendements visant à permettre à ces établissements de poursuivre leurs activités dans des conditions satisfaisantes.
Pouvez-vous, monsieur le ministre, confirmer au Sénat que les solutions financières arrêtées par la Haute Assemblée sont désormais à l'abri de toute remise en question et apportent ainsi les garanties attendues et nécessaires à cette filière d'enseignement ?
D'autres questions de première importance concernent les conditions d'installation des jeunes agriculteurs.
Il s'agit, en premier lieu, du financement des stages préalables à l'installation et des stages dits « de six mois ». Les chambres d'agriculture s'inquiètent, vous le savez, de l'éventuelle remise en cause des crédits apportés par l'État à ces actions. Les assurances que vous avez pu donner ces dernières semaines concernant le maintien des moyens destinés à leur financement jusqu'en fin d'année 2005 ont temporairement rassuré la profession, et je vous en remercie.
Même si les jeunes agriculteurs sont de mieux en mieux formés et effectuent différents stages durant leur scolarité, comme vous me l'avez écrit le mois dernier, l'utilité de ces stages professionnels sur une période prolongée est reconnue par tous. Ils permettent en effet aux futurs exploitants d'acquérir des compétences et connaissances pratiques qui leur seront d'une grande utilité quotidienne tout au long de leur carrière.
Monsieur le ministre, quelles assurances pouvez-vous donner à notre assemblée sur le financement futur de ces stages, notamment pour l'année 2006 ?
Il est un autre point sur lequel la profession agricole attend des éclaircissements et des assurances : le volume des contrats d'agriculture durable qui pourront être signés l'an prochain. Les prévisions budgétaires font en effet état d'une nette réduction de leur nombre, de 9 000 en 2005 à 6 000 en 2006, ce qui représenterait, d'après les prévisions des services de la chambre d'agriculture de mon département, seulement douze nouveaux contrats pour l'année à venir.
Vous comprendrez, monsieur le ministre, qu'une telle dotation est bien insuffisante pour un département tel que la Haute-Savoie, qui veut conserver une agriculture dynamique et vivante, ce qui suppose, selon ses prévisions et objectifs, plusieurs dizaines d'installations nouvelles par an.
L'évocation de ce département haut-savoyard me conduit tout naturellement aux préoccupations spécifiques de l'agriculture de montagne.
J'évoquerai tout d'abord la question de la revalorisation des indemnités compensatrices de handicaps naturels, les ICHN, qui est, vous le savez, une absolue priorité dans nos départements alpins, et dans les départements montagnards en général, comme l'ont dit plusieurs orateurs.
Conscient de l'importance de ce dispositif, le Gouvernement s'était engagé, en 2003, à relever de 50 % le montant de cette aide spécifique à l'agriculture de montagne pour les 25 premiers hectares exploités.
Grâce aux remises à niveau successives inscrites depuis lors dans les budgets de votre ministère, la bonification a atteint 30 %. Toutefois, le respect de l'objectif de 50 % nécessiterait un nouvel abondement en 2006, qui n'a pas jusqu'alors été prévu.
Aujourd'hui, l'agriculture de montagne, dont la situation est à maints égards fragilisée, a besoin de cette mesure et ne peut attendre 2007, date que vous avez récemment annoncée, pour bénéficier d'un hypothétique relèvement des ICHN.
C'est pourquoi j'ai tenu à déposer, comme l'avait fait le rapporteur spécial de ce budget à l'Assemblée nationale, M. Alain Marleix, un amendement rétablissant le montant des crédits affectés à cette mesure à un niveau conforme aux engagements pris par le Gouvernement en 2003 et renouvelés, le 21 octobre 2004, par M. le Président de la République.
Étant donné l'impact décisif de cette indemnité sur l'avenir des petites exploitations de montagne, il est primordial que le projet de budget pour 2006 réserve les crédits nécessaires, et je vous remercie, monsieur le ministre, de l'accueil que vous pourrez réserver à cet amendement.
Au-delà des interrogations immédiates portant sur la revalorisation des ICHN, c'est toute la question des perspectives de financement du second pilier de la politique agricole commune pour les années 2007 à 2013 qui est posée. Ce « second pilier » permet, nous le savons, de financer les mesures agro-environnementales et, en particulier, de compenser les handicaps naturels des régions les moins favorisées du point de vue de leur climat et des conditions d'exploitation.
À la suite de la question d'actualité que je vous avais posée ici même, le 3 novembre dernier, et de nos échanges en marge de la discussion du projet de loi d'orientation agricole, vous m'avez répondu que la France oeuvrerait dans le cadre des négociations européennes « pour que soit reconnue au second pilier de la politique agricole commune sa juste place ».
Je vous remercie de cette réponse, dont vous savez qu'elle était très attendue par les exploitants, notamment les éleveurs. Mais, au-delà de ces assurances de principe, vous serait-il possible de communiquer au Sénat quelques orientations chiffrées sur les propositions qui seront formulées par notre pays ?
Enfin, je veux souligner l'importance d'autres questions, qui portent de réelles attentes en montagne.
La première a trait à la modernisation des bâtiments d'élevage. Dans mon département, il a en effet été nécessaire que le conseil général apporte une contribution, équivalente à celle de l'État, au plan de modernisation des bâtiments d'élevage, pour permettre de résorber la « file d'attente » qui s'était constituée faute de crédits suffisants. Cette situation, vous le concéderez, n'est guère satisfaisante. Est-il possible d'espérer, en 2006, un niveau d'abondement par l'État plus en rapport avec le nombre de demandes demeurant en instance de financement ?
Enfin, vous le savez, les responsables des unités de sélection et de promotion des races bovines ont connu, cet automne, de sérieuses inquiétudes à la suite du « gel » des crédits de génétique animale. Leurs préoccupations n'ont pas été totalement apaisées par la décision que vous avez pu obtenir de « dégel spécial » de ces financements à hauteur de 1 million d'euros, mesure dont nous prenons acte et dont nous vous remercions.
En effet, le budget que nous examinons prévoit une réduction de 4 millions d'euros des moyens attribués à la politique de sélection des races bovines.
Si cette décision devait être confirmée, les conséquences pour la génétique française, essentielle à la qualité du cheptel et dont les performances sont largement reconnues, y compris hors de nos frontières, seraient très lourdes.
Je suis conscient, monsieur le ministre, des difficultés de tous ordres qui contraignent la préparation de ce projet de loi de finances, notamment en ce qui concerne vos crédits, mais, pour autant, l'agriculture de montagne ne saurait apparaître comme le parent pauvre du budget que vous présentez et défendez aujourd'hui. Aussi, je vous remercie vivement d'avance des éléments, positifs je l'espère, ...