La question de la certification de nos comptes n'a rien de formel : il s'agit de la sécurité financière de la branche, dont le budget s'élève à 12 milliards d'euros. Le problème tient à l'impossibilité de définir précisément le niveau de la provision pour risque contentieux. Naguère, cette provision n'existait pas : le coût des contentieux était simplement mutualisé entre les entreprises. C'était une erreur comptable, mais aussi politique, puisque la mutualisation réduit notre capacité à prévenir les accidents du travail.
Paradoxalement, le problème est accru par le fait que la branche est à l'équilibre : dans ces conditions, une erreur de 100 millions d'euros peut convertir un excédent en déficit, et changer qualitativement la situation comptable de la branche. En outre, nous avons du mal à comptabiliser les contentieux en cours.
Pour y remédier, il est prévu de créer un logiciel spécialisé de gestion des contentieux, qui servira aussi à la branche maladie. Il y faudra au moins deux ans. En attendant, nous préparons avec la Cour des comptes l'enquête questionnaire auprès des caisses primaires pour faire l'inventaire des contentieux en cours au 31 décembre de cette année. Malgré cela, il n'est pas sûr que nous obtenions l'an prochain la certification.
La Cour nous reproche également le manque de contrôle interne sur la tarification. Ce contrôle devrait porter aussi bien sur la branche elle-même que sur ses relations avec les Urssaf. Nous y travaillons. Toutefois, je reste persuadé qu'il n'y aura pas de contrôle interne satisfaisant tant que nous n'aurons pas simplifié la tarification. On compte en France plus de 600 codes risques, contre 40 tout au plus chez nos voisins européens. Cette catégorisation ne correspond à aucune autre : elle est incompatible avec la nomenclature d'activités française (NAF) utilisée par l'Insee. Le travail de simplification en cours n'aboutira pas avant quelque temps : il faudra rechercher un accord entre partenaires sociaux, dans le cadre des comités techniques nationaux des branches professionnelles. C'est l'intérêt des entreprises comme des salariés.
Pour en revenir au Fiva, tout prélèvement sur notre excédent réduit d'autant notre capacité à rembourser notre dette. Cependant, je ne conteste pas le montant global de la dotation du Fiva, qui correspond à ses besoins. La participation habituelle de l'Etat, de l'ordre de 50 millions d'euros, est somme toute relativement marginale, même si j'aurais évidemment apprécié d'avoir un excédent supérieur de 50 millions... Bien que je n'aie pas d'information sur les intentions de l'Etat pour 2015, j'ai bon espoir qu'il participera de nouveau au financement du fonds, parce qu'on aura mieux anticipé les choses. En outre, le fonds ayant retrouvé d'ici là un certain équilibre, sa dotation globale devrait repartir à la baisse.
La nouvelle tarification n'avait pas pour but de réduire le risque contentieux. A cet égard, le décret entré en vigueur en 2010, qui encadre les possibilités de recours relatifs à l'instruction des dossiers en fixant un délai de deux mois, s'est révélé très efficace, en particulier pour les contentieux procéduraux. La réforme de la tarification visait à rendre celle-ci plus lisible aux yeux des entreprises, en la forfaitisant et en la reliant plus étroitement aux sinistres. En revanche, elle pourrait susciter des contentieux d'ordre médico-administratif, du fait de l'importance des seuils : 90 000 euros pour un préjudice occasionnant une incapacité professionnelle de 39 %, 400 000 euros pour une incapacité de 40 %. Cela incite naturellement à sous-évaluer l'incapacité... Tout dépend de la qualité du travail fait avec les médecins-conseils. Ce contentieux-là ne peut être réduit par décret.
Au-delà de l'utile réforme de la tarification, il faut réfléchir à une simplification, pour améliorer le service rendu et inciter à la prévention. Le système actuel est trop complexe. Il pèse sur les agents, rend difficile le contrôle interne et peu lisible le mécanisme assurantiel. Dès lors, la tarification ne joue pas son rôle d'outil de prévention. Or la branche AT-MP a précisément pour objet de prévenir ces drames humains que sont les accidents du travail et maladies professionnelles.
La prévention primaire occupe une grande place dans le projet de convention d'objectifs et de gestion. Nous avons tenu compte de certaines recommandations de la Cour des comptes, en particulier sur la nécessité d'identifier des priorités, de définir des cibles et d'évaluer l'impact de nos actions. En revanche, la question des tableaux ou celle des trajets nous paraissent être plutôt du ressort de l'Etat. Nous ne sommes pas non plus tout à fait favorables à l'utilisation comme principal indicateur de la valeur du risque, croisement de la fréquence et du coût individuel du risque. Si cet indicateur traduit la gravité d'un accident du travail, très bien. S'il traduit le niveau de responsabilité professionnelle du salarié, il n'est pas pertinent : nous n'avons pas à traiter différemment un cadre supérieur et un ouvrier spécialisé. Je ne sais que répondre à votre question sur la pénibilité...