Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, beaucoup de choses ayant été dites sur le logement, j’évoquerai simplement l’urbanisme.
Il s’agit en effet du premier outil au service de la politique du logement, et un outil déterminant pour engager des opérations de construction et indispensable à la prise en compte du « mieux vivre ensemble », dès leur conception.
C’est aussi l’urbanisme qui est le garant de la qualité de notre cadre de vie et de la prise en compte des grands enjeux de développement durable des territoires dans un cadre décentralisé.
Si je précise que ce cadre doit être décentralisé, c’est parce qu’il appartient bien aux élus d’être à l’initiative de ces démarches de planification, qui dépassent largement le seul calendrier des échéances électorales, pour inscrire les collectivités dans des perspectives de développement durable sur le long terme.
Encore faut-il que ces collectivités disposent des moyens nécessaires et d’une capacité d’initiative suffisante pour y parvenir. C’est bien l’un des enjeux du débat qui s’ouvre aujourd’hui au Sénat.
Oui, une nouvelle approche de l’urbanisme est maintenant nécessaire pour limiter la consommation des terres agricoles et lutter contre l’étalement urbain, qui coûte cher, au final, à la collectivité et au contribuable, mais aussi qui nuit aux grands équilibres écologiques de notre pays. N’oublions pas que notre pays est le champion d’Europe en matière d’extension de l’urbanisation, avec une urbanisation équivalente à un terrain de football toutes les cinq minutes ou à la surface d’un département tous les dix ans !
Une nouvelle approche est donc bel et bien nécessaire.
Toutefois, à mon sens, au moins deux conditions sont indispensables à l’aboutissement d’une telle démarche : l’adhésion des élus qui sont aujourd’hui chargés du droit des sols et la prise en compte d’un juste équilibre entre protection et développement des territoires.
Dans cette perspective, j’évoquerai rapidement quatre sujets : le transfert de compétence vers le PLUI ; les délais d’évolution des documents d’urbanisme ; les zones rurales, qui ne doivent pas être condamnées à une sanctuarisation inéluctable ; la situation des centres anciens.
S’agissant des PLUI, c’est bien l’approche intercommunale de l’urbanisme qui nous permettra de mieux répondre aux grands enjeux du développement durable et à un aménagement plus équilibré des espaces urbains, périurbains et ruraux. Toutefois, cette démarche ne peut être issue que d’un projet territorial partagé faisant consensus.
C’est une position claire, qui est aussi celle de l’Association des maires de France, contrairement à ce que j’ai pu entendre et, sur ce point, je note avec satisfaction que nous avons été entendus par la commission des affaires économiques ; je tiens à remercier le rapporteur, qui a été à notre écoute.
Nous devrons cependant veiller à ce que les nouvelles communautés ou les communautés fusionnées après la promulgation de la loi bénéficient aussi de la souplesse introduite. Nous serons également très vigilants – plusieurs d’entre nous l’ont déjà souligné – quant au contenu du texte qui reviendra au Sénat en deuxième lecture. Dans l’immédiat, monsieur Lenoir, le pire serait que le texte parte du Sénat sans que les dispositions adoptées par la commission aient été approuvées. §En effet, ce serait alors l’Assemblée nationale qui déciderait toute seule !
Pour ce qui est des délais et de la période de transition proposée pour l’évolution des documents d’urbanisme, dès lors que le transfert de compétence du PLUI n’est plus automatique dans le texte proposé par la commission, il faut aussi veiller à ce que les communes comprises dans un EPCI qui ne prendra pas la compétence PLUI ne soient pas frappées par un gel de leur urbanisation.
Je souhaite donc attirer l’attention de notre assemblée sur les risques que comporte l’impossibilité, en l’état actuel du texte, de réviser des documents d’urbanisme entre la date de promulgation de la loi et la date de transfert des compétences, puis entre celle-ci et la date d’approbation d’un PLUI. Ces délais successifs, éventuellement additionnés, pourront durer plusieurs années, risquant ainsi de geler le potentiel de développement des communes.
C'est pourquoi, à mon sens, il faut assouplir les dispositions transitoires du texte afin de pallier cette difficulté ; à défaut, cela provoquera le vif mécontentement des communes quand elles s’en rendront compte, c'est-à-dire un peu plus tard. Il y a là une vraie bombe à retardement, qu’il faut désamorcer dès maintenant.
Je veux aussi évoquer les mécanismes de lutte contre l’étalement urbain intégrés dans le projet de loi.
Bien sûr, des mesures sont nécessaires, et nous sommes nombreux à partager la volonté de préserver nos espaces naturels comme nos terres agricoles. Cependant, il faut le redire, certaines dispositions du texte induisent tout simplement la sanctuarisation des territoires ruraux, notamment en montagne et sur le littoral, alors que ces territoires sont déjà soumis à des dispositions très contraignantes en matière d’urbanisation.
Il y a une vie aussi dans nos campagnes, qui ne peuvent être réduites au statut d’immenses réserves naturelles. Les nombreux villages et hameaux qui constituent l’une des richesses de la ruralité sont dotés d’un patrimoine architectural très intéressant et souvent inutilisé du fait de l’évolution des pratiques agricoles. Leurs bâtiments se prêtent parfaitement à la réhabilitation pour accueillir de nouveaux logements, car ils sont déjà viabilisés et raccordés au réseau routier. Ils méritent donc d’être mis en valeur au même titre que certains quartiers urbains ou péri-urbains.
Les villages et hameaux peuvent contribuer à lutter contre l’étalement urbain grâce au fort potentiel de leur patrimoine bâti. Encore faut-il que cela soit possible. Le dynamisme et la vitalité économique et démographique de nombreuses communes rurales sont ici en jeu.
Nous pouvons concilier la protection de nos espaces naturels et le développement rural en faisant confiance aux élus pour l’élaboration des documents d’urbanisme. C’est bien dans le cadre de cette élaboration que les communes pourront ouvrir leur droit à construire. Mais, pour qu’elles soient en mesure de le faire, il faut introduire plus de souplesse dans le texte. Plusieurs amendements ont été déposés en ce sens.
Je ne peux terminer ce propos sans évoquer la situation des centres anciens – notamment ceux des petites et moyennes villes –, qui connaissent aujourd’hui de grandes difficultés économiques, sociales, voire environnementales, en particulier sur le plan de la consommation d’énergie. Les centres anciens constituent pourtant des potentiels d’accueil de population importants, avec de nombreux logements vacants dans un cadre architectural souvent très intéressant. Leur rénovation est une réponse efficace en matière tant de lutte contre l’étalement urbain que de cohésion sociale.
Des politiques partenariales et contractualisées sont cependant nécessaires pour parvenir à ce résultat. Je forme donc le vœu, madame le ministre, que les projets d’intérêt majeur que vous avez opportunément insérés dans ce projet de loi puissent contribuer à la reconquête de ces quartiers anciens. J’aimerais savoir si ces quartiers seront bien concernés par le dispositif.
Pour conclure tout à fait, je forme un autre vœu : que les débats à venir au Sénat nous permettent de trouver des consensus, car, comme vous l’avez rappelé, c’est la condition si nous voulons être en mesure de développer l’offre de logements pour tous dans notre pays et surtout, dans l’immédiat, si nous voulons peser sur les choix de l’Assemblée nationale.