Intervention de Jean-Pierre Michel

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 23 octobre 2013 : 1ère réunion
Publication de l'étude annuelle 2013 du conseil d'état consacrée au « droit souple » — Audition de M. Jean-Marc Sauvé vice-président du conseil d'état M. Christian Vigouroux président de la section du rapport et des études M. Jacky Richard rapporteur général de la section du rapport et des études et M. Laurent Cytermann rapporteur général adjoint de la section du rapport et des études

Photo de Jean-Pierre MichelJean-Pierre Michel :

Je ne doute pas que le Conseil d'État compte nombre d'esprits universels, mais pourquoi ne pas avoir interrogé les magistrats de l'ordre judiciaire ? Vous vous êtes déplacés à Bruxelles, mais pourquoi n'avez-vous pas rencontré de représentant de la Commission européenne ou de la CEDH ? Son actuel président ou son prédécesseur, M. Costa, auraient pu vous répondre. Le droit souple recouvre des réalités très différentes : le droit souple dans la réforme des retraites dont parle le rapporteur général adjoint est dans une loi, à l'inverse des bonnes pratiques dont parle le vice-président, et qui me semblent très dangereuses ! Je me souviens qu'un projet de loi interdisant à la publicité de porter atteinte notamment à la dignité des femmes avait été mis aux orties à la suite d'une levée de boucliers des publicitaires et de leur autorité de régulation - présidée alors par un éminent conseiller d'État - qui avaient invoqué leurs règles internes. Résultat : celles-ci n'empêchent nullement que soit bafouée la dignité des femmes ; au moins, sur l'interdiction de la publicité pour l'alcool, la loi est appliquée - plus ou moins - mais appliquée.

Certaines souplesses peuvent être introduites dans la loi, mais le contrat doit lui être soumis : j'en veux pour preuve la loi Sapin, qui a donné une base légale à un accord national. Les bonnes pratiques ou les règles déontologiques sont légitimes, si elles font partie d'un texte législatif. Le milieu médical a ainsi tendance à s'affranchir de la loi au nom du serment d'Hippocrate, des règles déontologiques... Or la loi, volonté du législateur, protège la sécurité des citoyens.

Il y a une différence fondamentale entre l'apparition du droit souple dans le droit international ou européen, légitime dans des domaines où les États ne peuvent admettre dans certains cas des règles trop dures, et son apparition en droit interne, où elle signifie l'avènement du libéralisme, pour qui la loi contraignante et la sanction représentent l'horreur, et qui se satisfait de simples recommandations. Ce n'est évidemment pas mon point de vue.

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