Intervention de Marisol Touraine

Réunion du 28 octobre 2013 à 15h00
Avenir et justice du système de retraites — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi

Marisol Touraine :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis heureuse de vous présenter aujourd’hui le projet de loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites. Il est important de répondre au défi de la branche vieillesse de notre sécurité sociale, dans un contexte de grande transformation de la société.

La réforme, pour être à la fois juste et efficace, doit s’inscrire dans notre histoire, marquée par l’attachement profond des Français à notre pacte social. Dans le même temps, elle doit permettre de relever les défis actuels, faute de quoi elle n’apporterait aucune garantie et ne créerait pas de confiance pour l’avenir. Aujourd’hui, la gauche montre qu’une réforme des retraites peut être porteuse de progrès social, de droits nouveaux, tout en apportant des garanties financières.

Les Français sont attachés à la retraite, pour plusieurs raisons.

D’abord, la retraite est un rempart contre l’incertitude. C’est un droit inaliénable. Elle permet à tous les retraités de ne plus être les victimes de la grande pauvreté et d’obtenir « de la collectivité des moyens convenables d’existence », pour reprendre le Préambule de la Constitution de 1946, qui a valeur constitutionnelle aujourd’hui.

La retraite, c’est aussi la promesse faite à chaque Français qu’il existe une vie libérée des contraintes du temps après une vie de travail, une vie au travail. C’est la garantie que la fin de la vie active est non pas le début d’une vie sans activité, mais bien la possibilité donnée à tous nos concitoyens d’exercer une autre forme de liberté, de se consacrer autrement à la contribution que l’on doit apporter à notre société. C’est la possibilité donnée à chacun de suivre cette « ligne de vie et d’espoir », selon la très belle formule que Pierre Mauroy a employée ici même, d’inventer un nouvel âge de la vie, celui des loisirs, de la famille, de la transmission, de l’engagement associatif...

La retraite, enfin, est un puissant facteur d’égalité ; nous nous en réjouissons tous. C’est notre système de retraite par répartition qui a permis de rapprocher le niveau de vie des retraités de celui des actifs occupés.

Tout cela, nous le devons à un système mis en place au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, grâce au Conseil national de la Résistance, le CNR, dont le génie aura été d’avoir créé un modèle évidemment en phase avec la société d’après-guerre, mais aussi d’avoir forgé des principes universels sur lesquels nous devons prendre appui pour préparer l’avenir.

Alors que s’élèvent des voix pour contester notre protection sociale et prôner le chacun pour soi de la capitalisation, je veux ici réaffirmer avec force mon attachement profond, et celui de tout le Gouvernement, à notre système de retraites par répartition.

Contrairement à ce que d’aucuns voudraient faire croire, cet attachement n’est pas la marque de l’immobilisme ; l’immobilisme serait le plus sûr chemin vers l’abandon.

La responsabilité du Gouvernement, c’est de regarder les choses en face, avec lucidité. Dès notre arrivée aux responsabilités, nous avons annoncé qu’une réforme s’imposait pour garantir l’avenir de notre système de retraites par répartition et ne pas céder aux sirènes de la capitalisation. Sans attendre, nous avons répondu aux injustices les plus criantes nées des décisions du précédent gouvernement. C’est le sens du décret que j’ai signé au mois de juillet 2012. Il a d’ores et déjà permis à près de 60 000 personnes ayant commencé à travailler dès le plus jeune âge de partir à 60 ans. À terme, 100 000 personnes seront concernées.

La responsabilité du Gouvernement, c’est aussi de répondre avec ambition aux transformations de notre société, à commencer par les transformations démographiques. Les générations du baby-boom vivent plus longtemps, et cela va continuer. Jusqu’en 2060, nous gagnerons une année de vie tous les dix ans. La natalité de notre pays, l’une des plus élevées d’Europe, est une chance. Ce dynamisme démographique est un atout majeur pour l’avenir ; il est porteur de confiance pour notre système social. Pour autant, cela ne nous exonère pas de notre responsabilité immédiate.

Nous vivons plus longtemps. Les conditions de vie et de travail ont évolué et se sont diversifiées.

Souvenons-nous de ce qu’était la société au moment lors de la mise en place de notre pacte social. La grande majorité des enfants quittaient l’école à 14 ans pour aller travailler. Les femmes s’occupaient de la vie domestique et devaient demander une autorisation à leur mari pour exercer un métier. Les couples ne divorçaient pas. Les salariés entraient dans une entreprise après leurs études ou après l’école et la quittaient quatre décennies plus tard, au terme d’une carrière tout entière menée en son sein. Ce « monde d’hier» n’est pas celui que nous connaissons. Qui peut le regretter ?

En ignorant l’évolution de notre société, en niant ces nouvelles réalités, en réduisant la question des retraites à de simples ajustements comptables, les gouvernements précédents ont laissé l’injustice prendre racine. Nous devons désormais adapter notre système de retraites afin de permettre que, pour chacun d’entre nous, les aléas nés de la carrière professionnelle ou de la vie personnelle soient pris en compte. Une réalité simple s’impose à nous : nous ne pouvons tous partir à la retraite dans les mêmes conditions, dès lors que nos vies, personnelles et professionnelles, n’ont pas suivi les mêmes trajectoires.

Alors que les femmes ont des pensions inférieures d’un tiers à celles des hommes, qu’un salarié sur cinq travaille en situation de pénibilité et que les jeunes sont confrontés à la banalisation des stages, il nous faut agir.

C’est pourquoi la lutte contre les injustices est au cœur de notre projet. Toutefois, elle serait vaine si nous ne relevions pas le défi du financement, auquel nos régimes de retraite sont confrontés.

Les réformes qui ont émaillé les vingt dernières années n’ont pas garanti la pérennité de notre système. Faut-il le rappeler ? Voilà trois ans à peine, alors que la crise était déjà là, Éric Woerth promettait « zéro déficit en 2018 ». On ne peut donc pas prétendre que la crise explique la situation et l’effondrement des comptes sociaux ! §

Quelques mois après le vote de cette loi, au demeurant injuste, ...

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