L’objectif de réduction des déficits est décisif, mais il doit servir un projet de société nous permettant de renouer avec le sens du progrès.
Désormais, notre système de retraites tiendra compte de la diversité des parcours professionnels et de leurs conséquences sur l’espérance de vie, qui ne s’allonge pas de la même manière pour tous : celle d’un ouvrier reste aujourd’hui inférieure de six ans à celle d’un cadre. Nous devons pouvoir répondre à cette injustice. Port de charges lourdes dans les métiers du bâtiment ou de la manutention, exposition au bruit, à des températures élevées, à des produits dangereux ou encore travail de nuit, qui touche de plus en plus de femmes… nous ne saurions ignorer ces situations de pénibilité, qui concernent plus de 3 millions de personnes.
Dix critères de pénibilité ont été identifiés et élaborés par les partenaires sociaux. À partir du 1er janvier 2015, chaque Français exposé à l’un de ces facteurs se verra doté d’un compte de prévention de la pénibilité lui permettant de cumuler des points. Un trimestre d’exposition vaudra un point. Lorsque le salarié sera exposé à au moins deux facteurs de pénibilité, il sera crédité pour la même période de deux points.
Ce compte lui permettra ensuite de faire le choix de réorienter sa carrière grâce à la formation, de bénéficier de temps partiel rémunéré à temps plein ou de valider jusqu’à huit trimestres pour le calcul de sa retraite.
Le dispositif de prise en compte de la pénibilité a été précisé et renforcé lors de l’examen du texte à l’Assemblée nationale.
Ainsi, le passage à temps partiel au titre de la pénibilité a été facilité : il pourra désormais intervenir tout au long de la vie active.
Les règles transitoires pour les salariés proches de la retraite ont été précisées. Concrètement, les salariés de plus de 52 ans auront davantage la possibilité de convertir leurs points pénibilité en temps partiel ou en trimestres de retraite, et pas seulement en trimestres de formation.
Ce compte sera bien évidemment financé par les entreprises. Nous allons travailler en 2014 à la mise en place d’un dispositif que je veux simple, accessible et pratique. Il s’agit d’en faire un élément non pas de complexité pour les entreprises, mais de simplicité pour l’ensemble du monde du travail.
Notre réforme comporte également des avancées sociales majeures pour les femmes. Elle leur permettra de valider l’intégralité de leurs congés de maternité, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Par ailleurs, les femmes sont les premières victimes du temps partiel : à l’avenir, 150 heures de travail rémunérées au SMIC suffiront à valider un trimestre, contre 200 heures actuellement. Au-delà, le Gouvernement a exprimé sa volonté de revoir notre système de droits familiaux, de manière que celui-ci bénéficie davantage aux femmes.
Les jeunes sont confrontés aux difficultés croissantes d’entrée dans la vie active.
Répondre à leurs aspirations, c’est d’abord garantir aux 400 000 apprentis actuellement en formation que tous leurs trimestres de travail en alternance seront validés. C’est ensuite faciliter la validation des périodes de chômage non indemnisé pour ceux qui connaissent des périodes de chômage ou de travail précaire. C’est encore permettre à tous ceux qui travaillent pour financer leurs études de valider plus facilement ces périodes grâce à la réduction du seuil de validation d’un trimestre. Enfin, nous proposons à tous ceux qui ont obtenu un diplôme après le baccalauréat de valider jusqu’à quatre trimestres en cotisant à un tarif préférentiel. Les jeunes pourront recourir à cette aide jusqu’à dix ans après la fin de leurs études.
Le dispositif de rachat aidé a été étendu à deux catégories de travailleurs lors du débat à l’Assemblée nationale : les anciens apprentis et les assistantes maternelles.
J’avais posé deux principes sur les périodes de stage : pas de validation sans cotisation et, surtout, pas de banalisation des stages au regard des contrats de travail.
La loi permettra de valider deux trimestres au titre des stages en contrepartie d’une contribution mensuelle, que j’ai souhaitée limitée et mesurée.
La justice, c’est également prendre en compte la situation des personnes handicapées, ainsi que celle de leurs aidants. Les premiers auront demain plus facilement accès à la retraite anticipée et pourront bénéficier plus rapidement d’une retraite à taux plein. Pour les seconds, nous faisons en sorte que le temps passé auprès d’un proche en situation de handicap soit mieux pris en compte grâce à la création d’une nouvelle majoration d’assurance. Nous ouvrons ainsi l’accès à l’assurance vieillesse des parents aux foyers, quelles que soient leurs ressources, ce qui garantira aux aidants familiaux une continuité dans leurs droits à retraite.
Notre projet s’adresse enfin au monde agricole : les plus faibles pensions de notre pays sont celles des agriculteurs ou, en tout cas, d’une partie d’entre eux. Cette situation exigeait une réponse forte. D’ici à 2017, les plus modestes des chefs d’exploitation verront leurs pensions portées à 75 % du SMIC. Les retraites des femmes d’exploitants seront aussi significativement améliorées.
Enfin, le manque de transparence et de lisibilité de notre système de retraites entretient la défiance de nos concitoyens.
C’est pourquoi j’ai tenu à ce que cette réforme simplifie les conditions d’accès aux informations concernant la retraite et sa liquidation.
Notre système est complexe, et nos régimes de retraite sont nombreux. Les Français réclament une clarification des règles, une simplification des démarches et une transparence accrue des dispositifs.
Aussi chaque Français disposera-t-il désormais de son compte individuel de retraite, qui lui permettra de suivre l’évolution de ses droits et de faciliter l’ensemble de ses démarches. Les règles de calcul et le versement des pensions seront unifiés pour les polypensionnés.
Une fois encore, nous avons été pragmatiques. C’est ce que les Français attendent de nous. C’est ainsi que nous pourrons rétablir la confiance.
Mesdames, messieurs les sénateurs, la pérennité de notre système social appelle l’engagement de tous. Il faut faire preuve d’audace et accepter de transformer les règles existantes. C’est à vous qu’il appartient, aujourd’hui et dans les jours qui viennent, de prendre la responsabilité d’apporter des réponses concrètes, fiables et pérennes à l’ensemble de nos concitoyens. C’est à vous qu’il appartient de répondre à la demande de justice exprimée par les femmes, les jeunes et ceux qui travaillent dans des conditions pénibles. C’est à l’aune de cette responsabilité que nous pourrons ensemble construire le système social de demain. Je suis certaine que vous ne vous y déroberez pas.