Intervention de Jean-Pierre Caffet

Réunion du 28 octobre 2013 à 15h00
Avenir et justice du système de retraites — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi

Photo de Jean-Pierre CaffetJean-Pierre Caffet :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la commission des finances s’est saisie pour avis du projet de loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites.

En tant que rapporteur pour avis, je me suis attaché à apprécier la réforme dans sa globalité, en tenant compte à la fois des mesures inscrites dans le présent projet de loi, dans les projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2014, ainsi que des mesures réglementaires.

Deux critères principaux ont ensuite guidé mes travaux et les réflexions de la commission des finances : les conséquences financières de la réforme sur les régimes de retraite dans la perspective de leur rééquilibrage, et sa contribution à la consolidation des finances publiques.

Avant de vous présenter les conclusions de ces analyses, permettez-moi de revenir sur quelques constats.

La réforme des retraites de 2010 avait pour objectif de rétablir l’équilibre financier du système en 2018. Toutefois, il est très vite apparu que l’objectif ne serait pas atteint, notamment en raison de la dégradation de la conjoncture économique. Les ressources des régimes de retraite, assises sur la masse salariale, et les dépenses de pensions, indexées sur les prix, sont en effet très sensibles à la croissance. Après un rebond d’activité en 2011, où nous avons atteint 2 % de croissance, nous avons, hélas ! connu une croissance nulle en 2012, et l’année 2013 ne sera guère meilleure.

C’est la raison pour laquelle le Conseil d’orientation des retraites a constaté, dans son onzième rapport, remis au mois de décembre 2012, que le besoin de financement du système de retraites ne serait pas nul en 2018, comme cela était prétendu dans le projet de réforme de 2010, mais qu’il serait de l’ordre de 20 milliards d’euros, soit près d’un point de PIB. En l’absence de réforme, le déficit global des régimes devrait croître régulièrement au cours des prochaines années, passant de 13, 2 milliards d’euros en 2011 à 21 milliards d’euros en 2020.

Cette projection de solde du système de retraites repose sur un scénario, dit « scénario B », défini par le COR et retenu par le Gouvernement. Le scénario B retient les hypothèses macroéconomiques suivantes : un taux de chômage à long terme de 4, 5 % et une croissance de la productivité du travail de 1, 5 %, hypothèse cruciale, puisque, par construction, le pouvoir d’achat des salaires est censé évoluer au même rythme.

Ces deux hypothèses ont fait l’objet d’une discussion nourrie au sein de la commission des finances. Je rappellerai tout d’abord que ces hypothèses correspondent à celles qui sont utilisées par le COR pour établir ses projections en 2010 et qui ont donc présidé à la réforme de 2010. De plus, l’hypothèse de croissance de la productivité correspond à l’évolution moyenne observée depuis le début des années 2000 jusqu’au déclenchement de la crise. Enfin, et je tiens à le souligner il s’agit d’hypothèses de long terme : il est en effet supposé que le taux de chômage effectif convergera progressivement vers le niveau de 4, 5 % d’ici à 2030, c'est-à-dire à un horizon de moyen et long termes.

Au-delà de ces hypothèses de long terme, le Gouvernement a réactualisé la projection de trajectoire financière des régimes de retraite établie par le COR, afin de prendre en compte la révision à la baisse des hypothèses de croissance à court terme, ainsi que l’accord conclu entre l’Association pour le régime de retraite complémentaire des salariés, ou ARRCO, et l’Association générale des institutions de retraite des cadres, ou AGIRC, du mois de mars 2013, et qui permettra à ces régimes complémentaires de réaliser 3 milliards d’économies d’ici à 2017.

Les perspectives démographiques, quant à elles, sont fondées sur les projections de population réalisées en 2010 par l’Institut national de la statistique et des études économiques, l’INSEE. Elles indiquent que la population active continuerait de croître jusqu’en 2025, pour ensuite se stabiliser, avant de repartir à la hausse à partir de 2035. Ainsi, nous devrions connaître une période critique entre 2025 et 2035, au cours de laquelle la population active resterait stable et la population de retraités continuerait à augmenter jusqu’à l’extinction du papy-boom en 2035.

Partant de l’ensemble de ces constats – effets de la crise économique, persistance des déficits, stagnation de la population active à moyen terme, en tout cas entre 2025 et 2035 –, il apparaît à la fois nécessaire et urgent d’agir.

J’en viens à la réforme elle-même. Sa démarche en deux temps correspond au diagnostic établi.

En premier lieu, d’ici à 2020, de nouvelles recettes et des mesures d’économie permettront de réduire le déficit de l’ensemble des régimes de base, dont le régime général, de 8, 8 milliards d’euros à 300 millions d’euros, c’est-à-dire de ramener ces régimes pratiquement à l’équilibre en 2020. Dès 2014, le report de la date de revalorisation des pensions au 1er octobre permettra aux régimes de retraite d’économiser 800 millions d’euros ; la hausse modérée et progressive des cotisations vieillesse déplafonnées rapportera 2, 2 milliards d’euros. À partir de 2015, le rendement de la fiscalisation des majorations de pensions pour enfants, soit environ 1, 2 milliard d’euros, sera intégralement reversé à la branche vieillesse de la sécurité sociale.

En second lieu, une mesure structurelle viendra prendre le relais entre 2020 et 2035. L’allongement de la durée de cotisation d’un trimestre tous les trois ans permettra à l’ensemble des régimes de retraite de réaliser des économies substantielles, de l’ordre de 5, 4 milliards d’euros en 2030 et de 10, 4 milliards d’euros en 2040. À partir de la génération née en 1973, la durée d’assurance requise pour obtenir une retraite à taux plein sera de quarante-trois annuités, soit un partage équitable des gains d’espérance de vie à soixante ans entre période de travail et temps passé à la retraite. Ces mesures permettront d’équilibrer durablement les régimes de base à partir de 2020.

Restent les déficits résiduels des régimes complémentaires et des autres régimes de base équilibrés par une subvention, c’est-à-dire les régimes des fonctionnaires et les régimes spéciaux. Pour les régimes complémentaires, il appartiendra évidemment aux partenaires sociaux de définir les conditions de leur retour à l’équilibre sur le long terme. Ils n’éviteront sans doute pas – mais ce n’est là qu’une opinion personnelle – un passage au moins partiel de rendements constants à des rendements décroissants.

La hausse des cotisations et de la durée d’assurance les concernera également les fonctionnaires et les assurés des régimes spéciaux. Afin éviter de faux débats, je rappelle que, pour les fonctionnaires, un alignement du taux de cotisation vieillesse avec celui des salariés du secteur privé est d’ores et déjà mis en œuvre : en 2020, les taux seront identiques entre le public et le privé, soit une augmentation de près de trois points pour les fonctionnaires en l’espace de dix ans.

Pour terminer, je souhaiterais replacer la présente réforme dans un contexte plus large : celui de la consolidation des finances publiques.

Les mesures prévues dans le cadre de la réforme du système de retraites représentent une part substantielle de l’effort structurel prévu au titre de l’exercice 2014. Ainsi, l’effort en recettes de 2, 7 milliards d’euros programmé en 2014 repose en grande partie sur les mesures nouvelles entrant dans le périmètre de la réforme, à savoir les hausses de cotisations de retraite et la suppression de l’exonération d’impôt sur le revenu des majorations de pensions, dont l’effet est évalué à 3, 4 milliards d’euros.

Il en va de même de l’effort en dépenses. Sur les 15 milliards d’euros d’économies prévus en 2014, 800 millions d’euros résulteront du report du 1er avril au 1er octobre de la date de revalorisation des pensions.

Avec une réduction des déficits de 4, 1 milliards d’euros dès 2014 et de l’ordre de 7 milliards d’euros en 2017, la réforme apportera une contribution significative au respect de la trajectoire des finances publiques sur la période de programmation 2012-2017.

La présente réforme participe également à la réalisation de l’objectif de moyen terme de solde structurel, en contribuant à ce que l’équilibre structurel soit atteint en 2017. Au-delà de la fin de la période de programmation, après 2017, la réforme contribuera encore de manière significative au rééquilibrage des comptes publics. L’effet des mesures de redressement devrait atteindre un peu plus de 8 milliards d’euros à l’horizon 2020, tandis que le gain net de la réforme atteindrait un peu moins de 20 milliards d’euros en 2040.

Dès lors, la réforme, en combinant des mesures à différents horizons temporels, représente un pas important vers une plus grande soutenabilité des finances publiques à long terme. Là où la réforme de 2010 limitait son horizon aux huit années suivantes, celle-ci se projette dans les vingt ans à venir et même à l’horizon 2040. Au total, les volets dépenses et recettes de la réforme des retraites des régimes de base conduisent à améliorer la soutenabilité de 0, 5 point de PIB de manière actualisée. Elle est donc équivalente à une amélioration du solde structurel et pérenne de 0, 5 point de PIB.

Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, la commission des finances a émis un avis favorable à l’adoption du projet de loi.

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