Intervention de Laurence Rossignol

Réunion du 28 octobre 2013 à 15h00
Avenir et justice du système de retraites — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi

Photo de Laurence RossignolLaurence Rossignol :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi garantissant l’avenir et la justice du système des retraites a pour objectif, entre autres, de limiter les inégalités entre hommes et femmes en matière de retraite, objectif qui a justifié la saisine de notre délégation par la commission des affaires sociales, ce dont nous la remercions. La délégation aux droits des femmes a adopté mardi 22 octobre le rapport que je vous présente aujourd’hui. Il est assorti de onze recommandations.

Nous le savons tous, le niveau des retraites en France se caractérise par des véritables inégalités dans le service des pensions entre les hommes et les femmes ; ce projet vise à les corriger. Nous nous en félicitons, d’autant qu’une telle préoccupation a rarement été prise en compte dans les projets de réforme des retraites examinés au cours des dernières années.

Le rapport de la délégation commente les inégalités en détail, avec un chiffre éloquent : le montant des retraites des femmes représente, en moyenne, 58 % de celles des hommes, si l’on ne considère que les droits propres. En moyenne, une femme retraitée reçoit donc un peu plus de la moitié de ce que perçoit un homme.

Ce n’est qu’en tenant compte des droits familiaux que le montant moyen des retraites des femmes parvient à représenter 72 % de celui des retraites des hommes. Si l’on intègre les droits familiaux, il reste encore une différence de 28 % entre retraites des femmes et retraites des hommes. Cette différence révèle l’insuffisance des droits propres des femmes. C’est là le fil conducteur de notre rapport.

Autre aspect des inégalités entre hommes et femmes en matière de retraite, les femmes liquident leurs droits plus tard que les hommes, avec une différence de quinze mois en moyenne.

D’une manière générale, les réformes mises en œuvre depuis vingt ans, en allongeant la durée des cotisations, ont désavantagé les femmes et amplifié les inégalités. Les injustices appliquées à des situations injustes finissent toujours par accroître les injustices. C’est particulièrement vrai pour le calcul de la retraite de base établi sur les vingt-cinq meilleures années, par définition défavorable aux carrières courtes, voire « hachées » que connaissent de nombreuses femmes. Ainsi, pour toutes les mesures ayant visé à allonger la durée de cotisation ou choisi d’autres critères pour le calcul des pensions, rendant plus difficile l’accès à la retraite pour tous, le phénomène a été amplifié pour les femmes.

Toutefois, ce qui est injuste, ce n’est pas le système de retraite ; c’est tout ce qui se passe avant l’accès des femmes à la retraite.

Si les carrières des femmes sont courtes, c’est parce que ce sont le plus souvent elles qui interrompent leur activité pour participer à l’éducation des enfants. Le même problème se pose d’ailleurs quelques années plus tard pour accompagner des parents âgés. Ainsi, les femmes, après avoir eu une partie de leur vie consacrée à s’occuper des jeunes enfants, puis des adolescents, connaissent une petite pause jusqu’à ce que les parents soient eux-mêmes dépendants. À ce moment, ce sont elles qui reprennent le rôle d’entretien des improductifs que l’on identifie depuis l’histoire de l’humanité, ce qui a toujours pesé sur les femmes.

C’est au trois quarts sur les femmes que reposent l’entretien et l’aide aux parents âgés. En rédigeant ce rapport, j’ai même découvert un petit indicateur que je vous livre : il y a davantage de femmes mariées – je parle de femmes mariées non veuves – dans des établissements pour personnes âgées dépendantes que d’hommes mariés. Les femmes mariées gardent leur époux dépendant à la maison, tandis que les époux placent leur femme dépendante en maison pour personnes âgées. §

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