La vie des femmes est une longue addition d’inégalités.
Tout se joue avant soixante ans. Si les carrières des femmes sont courtes, c’est parce que ce sont plus souvent elles qui interrompent leur activité. On pourrait penser que l’accroissement régulier du taux d’activité des femmes devrait permettre aux retraites de femmes de rejoindre celles des hommes de manière spontanée, au fil du temps.
Cependant, et le Conseil d’orientation des retraites l’a fait observer devant la délégation, le maintien d’interruptions de carrière liées à la famille, et principalement aux enfants, va maintenir très longtemps encore un différentiel de 20 % entre retraites des hommes et retraites des femmes. Cela pose la limite de nos perspectives de développement des droits propres des femmes.
Ces interruptions d’activité sont parfois contraintes par l’insuffisance de solutions d’accueil pour jeunes enfants et par leur coût. À cet égard, je souligne, comme le fait la délégation aux droits des femmes à chaque fois qu’elle en a l’occasion, le déficit chronique de places de crèche en France. Un enfant sur deux, soit 800 000 enfants, n’a pas de place dans une structure collective d’accueil. La moitié des enfants sont donc gardés par leur parent, c’est-à-dire, en général, par leur mère. Vous avez là l’explication pour les pensions de retraite amoindries par rapport à celles des hommes que nous retrouverons quelque trente-cinq ans plus tard.
Le travail à temps partiel concerne également de très nombreuses femmes, soit qu’elles le subissent – c’est souvent la seule offre d’emploi qui leur a été proposée – soit qu’elles y ont recours pour mieux concilier travail et contraintes de la vie quotidienne. Or qui dit « travail à temps partiel » dit aussi « salaire partiel », puis « retraite partielle ».
Parmi l’ensemble des facteurs qui vont conduire à une inégalité importante dans les pensions entre les hommes et les femmes, il y a, certes, des carrières « hachées » mais aussi l’immobilisme de l’évolution du partage des tâches domestiques au sein du couple. Aujourd’hui, ce sont toujours les femmes qui assument à 80 % les tâches domestiques, hormis le jardinage et le bricolage, qui relèvent rarement du quotidien… Elles se trouvent donc en permanence à devoir choisir ou combiner les contraintes de la vie quotidienne et le travail.
Si les retraites des femmes sont encore très inférieures à celles des hommes, ce n’est pas qu’une question de durée de la carrière ; c’est aussi une question de niveau de salaire.
Or, comme le rapport le développe, les salaires des femmes restent inférieurs à ceux des hommes. Même en faisant abstraction des facteurs d’inégalité salariale, comme le temps de travail ou les différences de qualification, c’est-à-dire à compétence égale, niveau d’activité égal, poste égal, il reste toujours une différence de 9 % entre les salaires des femmes et les salaires des hommes. Cette situation « inexpliquée » tient à une sorte de préjugé à l’encontre des femmes.
Le constat de ces inégalités au travail nous renvoie à la question de la dévalorisation trop fréquente des activités professionnelles des femmes et à la nécessité d’une révision des grilles de classification professionnelle.
Je mentionnerai à présent un autre aspect des inégalités entre hommes et femmes au travail, même si cela ne se traduit pas par des différences immédiates sur le niveau des retraites. Je fais référence à la prise en compte de la pénibilité, dont les critères correspondent généralement au travail des hommes. Les facteurs définis dans le code du travail devraient être révisés dans un sens prenant en compte la pénibilité au féminin.