Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à l’image de mon collègue, je m’abstiendrai sur cet article, non que les principes avancés dans celui-ci ne me séduisent pas, mais parce que je mesure précisément combien ces principes, rapportés à ce projet de loi, sont au mieux un cap infranchissable, au pire une succession de promesses intenables.
En réalité, en faisant le choix de faire porter l’essentiel du financement de cette réforme des retraites sur les salariés et en allongeant la durée de cotisation, vous poursuivez la logique débutée en 1993 sous M. Balladur, continuée en 2003 par M. Fillon et poursuivie en 2010 par M. Woerth.
L’allongement de la durée de cotisation prévue à l’article 2 rapportera, selon l’étude d’impact associée à ce projet de loi, 5, 4 milliards d’euros, une somme importante à laquelle il conviendra également d’ajouter les millions d’euros d’économies qui résulteront des décotes imposées à celles et ceux qui, usés par une vie de travail faite de précarité, de périodes de chômage et de conditions de travail abîmant le corps et réduisant l’espérance de vie en bonne santé, n’auront d’autre choix que de faire valoir leurs droits à la retraite, y compris s’ils ne sont pas parvenus à cumuler tous les trimestres leur permettant de bénéficier d’une retraite à taux plein.
Mais c’est également sans compter sur les effets désastreux de cette mesure sur d’autres branches de notre système de protection sociale – je pense par exemple aux dépenses liées à l’indemnisation accordée aux salariés privés d’emplois. Dans la mesure où les employeurs continuent à exclure les salariés âgés de plus de cinquante-cinq ans du marché du travail, l’adoption de l’article 2 aura mécaniquement pour effet d’accroître les périodes de chômage, et donc une partie des dépenses publiques. Mais je pense également à la branche famille, déjà déficitaire et victime d’une tuyauterie complexe qui l’appauvrit et qui ne poursuit qu’un objectif : satisfaire chaque année un peu plus que la précédente l’exigence du MEDEF de soustraire les entreprises au financement de cette branche.
Au final, avec ces effets secondaires sur l’indemnisation du chômage comme sur la branche famille, le Gouvernement creuse un trou pour en boucher d’autres, plutôt que de sauver notre système de retraites. Celui-ci connaît effectivement une situation de déficit, mais ce dernier est tout relatif. En 2020, le déficit de la branche vieillesse atteindra à peine 1 % de notre produit intérieur, c’est-à-dire, pour parler en chiffres et non en pourcentage, 20 milliards d’euros, exactement la somme que le Gouvernement vient d’offrir sur un plateau au patronat au nom du plan compétitivité.
Il y a bien, d’un côté, une ponction de 5, 4 milliards d’euros à la charge des salariés, sur la seule base de l’application de l’article 2 et, de l’autre, un cadeau fiscal de 20 milliards d’euros accordé au patronat. Et ce, alors même que l’article 1er, que vous nous invitez à adopter, prétend vouloir faire financer une partie de nos retraites sur ce même capital que vous épargnez !
Parce que vos actes en la matière sont à l’opposé de vos discours, je ne voterai pas en faveur de cet article.