Je voudrais à nouveau expliquer la nature de nos inquiétudes.
Si nous sommes opposés aux mécanismes de retraites à prestations définies, c’est parce que nous en connaissons les effets, notamment sur le montant des pensions.
L’exemple Suédois est à ce titre éclairant et devrait logiquement nous prémunir de la tentation de passer d’un modèle à prestations définies à un modèle à cotisations définies. En effet, dans un tel système, les cotisations sont définies au début de la carrière professionnelle et sont censées ne pas évoluer durant celle-ci. En conséquence, l’équilibre des caisses de retraites, qu’elles soient publiques ou privées, s’opère mécaniquement par la seule variable d’ajustement possible : le montant de la pension. Cet ajustement se fait soit en augmentant la durée de cotisation et l’âge de départ à la retraite – ce qui provoque des décotes –, soit en agissant sur la valeur des points. L’évolution de ceux-ci dépendant de la croissance, un ralentissement économique ou une crise – comme celle que nous connaissons depuis quelques années – entraîne une importante baisse du taux de conversion, donc une baisse notable des pensions.
Là encore, l’exemple suédois est intéressant. La crise qui a débuté avec l’affaire dite des « subprimes » a conduit à une crise économique mondiale qui s’est traduite par un fort ralentissement de la consommation privée et une contraction massive de la dépense publique. La croissance étant en berne, les retraites ont baissé de 3 % en 2010, cette baisse ayant atteint 7 % en 2011. Sur cinq ans, les retraites des Suédois ont ainsi connu une baisse cumulée de près de 40 %.
Voilà le scénario que nous souhaitons éviter à nos concitoyens, et que nous voulions rappeler ici.
En outre, les régimes de retraite à cotisations définies entraînent une conséquence trop souvent éludée : ils interdisent le débat sur le partage des richesses, auquel nous sommes attachés. En effet, dès lors que les cotisations sont figées, la part de richesses prélevée pour financer les retraites est appelée à ne plus évoluer. Au contraire, la part de richesses créées destinée à la spéculation et à la rémunération des actionnaires profite de l’amélioration de la productivité et des nouvelles technologies qui réduisent les coûts et participent à l’augmentation des marges bénéficiaires.
Cette situation ne peut nous satisfaire dans la mesure où, pour notre part, nous considérons que les actionnaires ne sont pas les seuls propriétaires des richesses créées par le travail. Ainsi, la question de sa répartition constitue un enjeu démocratique et de société et une issue pour la pérennité que nous souhaitons tous.
Enfin et pour conclure sur cette question, je ne partage pas l’analyse selon laquelle cette disposition n’aurait pas sa place dans le présent article, au motif que la question de notre modèle de retraite – à prestations ou à cotisations définies – ne constituerait pas un objectif, mais un moyen. C’est en réalité tout le contraire : l’objectif est bien le maintien d’un système à prestations définies, car seul ce système est protecteur pour les retraités.