Cela fait déjà quelque temps qu’une certaine partie du patronat, notamment les représentants de la banque et de l’assurance, et quelques idéologues, réunis au sein de l’Institut de l’entreprise ou de l’Institut Montaigne, présentent la capitalisation comme la panacée aux maux rédhibitoires de notre système de retraite par répartition, dont l’avenir serait indéfiniment voué à un déficit grandissant.
Je crois qu’il faut, à un moment donné, revenir aux fondamentaux mêmes de la capitalisation, des fondamentaux exactement inverses de ceux de notre système solidaire de retraite.
En effet, dans le système de la capitalisation, l’intérêt des actifs qui veulent épargner est de disposer de revenus élevés qui leur permettent de soustraire des sommes au-delà de leur consommation. Dans le même temps, l’intérêt des rentiers-retraités est d’obtenir la meilleure rémunération immédiate de leur capital investi.
En clair, le système par capitalisation oppose donc les actifs aux retraités. La persistance des outils de capitalisation conduit à pérenniser non notre système de retraites, mais cet antagonisme entre actifs et retraités.
De plus, la capitalisation dessert l’intérêt général, car sa logique globale tient dans un accroissement continu du capital et dans une progression du rendement du capital. À ce titre, c’est un système qui joue contre la consommation et contre l’emploi. Le prélèvement opéré à un moment donné sur les richesses produites est retiré de la consommation et n’y revient qu’après un circuit long et fortement hasardeux.
Le système par capitalisation est, en effet, plein d’aléas. Les placements opérés aujourd’hui peuvent ne pas se révéler judicieux quelques années plus tard. Il s’agit bel et bien de confier sa retraite à la bourse, ce qui n’est pas très rassurant. Tout le monde peut en juger aujourd’hui au vu des fluctuations, voire des crises boursières.
Ainsi, la capitalisation peut paraître rentable pendant la montée en puissance du système. Tel est le cas, par exemple, quand la demande d’actifs financiers est importante, c’est-à-dire quand les actifs sont nombreux en période d’épargne-capitalisation.
À l’inverse, quand les personnes arrivent à l’âge de la retraite, elles ont tendance à vouloir liquider leur pension. Elles souhaitent, très logiquement, vivre sur leur capital et vont vendre une partie de leurs avoirs, qui sera offerte sur les marchés. Supposons qu’il y ait alors moins de jeunes et de revenus pour acheter ces titres, la tendance du marché sera à la baisse. En conclusion, ces titres vont s’effondrer et ni les retraités ni les actifs ne pourront bénéficier des bienfaits supposés de la capitalisation.
Il ressort donc de ce qui précède que le recours à la capitalisation n’empêche pas les effets du fameux « choc démographique », on y revient, auquel vous vous référez pour l’imposer. La capitalisation n’est efficace ni pour créer de la solidarité, ni pour répondre aux variations démographiques, ni pour engendrer du revenu. Elle n’est efficace que pour organiser sa disparition !
C’est bel et bien pour ces motifs de fond que nous vous proposons l’adoption de cet amendement.