En 1945, en effet, le CNR a lancé une sorte de nouveau contrat social. La répartition est l’enfant de l’inflation, puisqu’il s’agit de payer immédiatement, sans attendre, des retraites avec les ressources des cotisations – ce qu’a évoqué René-Paul Savary précédemment – et de faire en sorte que les retraites versées correspondent aux cotisations immédiatement versées. À l’époque, en effet, la fuite devant la monnaie, en raison du risque permanent d’inflation, rendait tout système de capitalisation à peu près impossible.
Ce qui n’a d’ailleurs pas empêché un certain nombre de nos compatriotes, qui avaient des revenus suffisants pour dégager une marge ou qui pouvaient accéder au crédit, d’échapper à l’inflation et de se constituer ainsi une retraite par l’accumulation d’actifs – notamment d’actifs immobiliers – qui, eux, étaient des biens réels, protégés de l’inflation. Pendant ce temps, le salarié ou le retraité, lui, courait après l’inflation, faisant dire aux syndicalistes que « les prix prennent l’ascenseur et les salaires prennent l’escalier. »
Aujourd’hui, la situation a complètement changé en France et ce, pour deux raisons.
La première, c’est que nous avons une monnaie nouvelle, l’euro, dont l’objectif est la stabilité – on peut regretter cet objectif ; on peut, au contraire, s’en féliciter. C’est un fait que, depuis la mise en place de l’euro – et la majorité de cette assemblée souhaite maintenir l’appartenance de la France à la zone euro –, nous connaissons la stabilité. Le regard de nos compatriotes face à la sécurité des vieux jours change, parce que change également la relation qu’ils ont avec la monnaie, dans la mesure même où l’inflation a disparu. C’est un premier élément dont vous ne pouvez pas ne pas tenir compte.
La seconde raison extrêmement importante de ce changement – et je suis très surpris, madame le ministre, que vous ne lanciez pas une réflexion publique sur ce thème – est la globalisation.
La globalisation économique mondiale présente des avantages et des inconvénients. Le régime de répartition est nécessairement exclusivement national, puisque l’autorité de la loi ne peut jouer qu’à l’intérieur d’un espace, de l’espace national, qui est l’espace de l’imperium de la loi.
Pourquoi priver les générations actuelles de Français des bienfaits des performances économiques, du développement et de la croissance que connaissent d’autres parties du monde, et que seul l’investissement français, réalisé à l’extérieur par le biais de la capitalisation, permettrait de rapatrier dans notre pays ?
Après tout, la France vieillit, contrairement à ce que vous pensez. Or, dans le même temps, des pays jeunes deviennent puissants et connaissent une expansion économique. L’intérêt bien compris des jeunes générations françaises serait d’associer leurs économies et leur prévoyance au développement de pays qui ont des perspectives affichées de croissance que nous n’avons pas, puisqu’il est prévu – c’est indiqué dans le rapport – que le taux de croissance de notre pays serait de l’ordre de 1, 5 % par an dans les vingt prochaines années. Ce taux est certes extrêmement raisonnable, comme l’a rappelé M. Caffet en commission, mais il est aussi très largement inférieur à la performance économique réalisée ailleurs dans le monde.
Je ne nie pas qu’il y ait dans la démarche de capitalisation la perspective d’un risque, mais il y a également celle d’un succès. Lorsque nous rappelons le principe de la capitalisation, nous ne voulons pas simplement énoncer l’évidence qui est, comme vous l’avez rappelé, madame le ministre, que chacun d’entre nous a le droit à se constituer une épargne, si possible non taxée, dès lors que l’on a déjà acquitté l’impôt sur le revenu. Nous nous demandons simplement pourquoi on devrait priver la société française de la perspective d’être associée, au travers de placements collectifs judicieux, à la réussite d’autres pays, auxquels nous souhaitons d’ailleurs qu’ils connaissent une forte croissance.
Prolétaires et consommateurs de tous les pays, unissez-vous pour une croissance mondiale harmonieuse et pacifique !