Je reste fidèle à ce que j’ai toujours voté, conformément à mon opposition aux allégements de cotisations sociales, surtout dans un contexte de chômage massif des jeunes. Indépendamment de mon hostilité, je crains que cette mesure ne soit mise en place.
À l’instar de ce qu’a proposé mon collègue Jean-Marc Germain à l’Assemblée nationale, je pense qu’il faut prévoir un garde-fou pour le futur. Chaque génération doit avoir un âge de départ offrant une durée de retraite au moins égale à la moitié de la durée de l’activité professionnelle.
Vous me ferez la même réponse qu’à mon collègue Jean-Marc Germain, madame la ministre, en m’objectant que ce ratio est actuellement respecté en moyenne. Il faut néanmoins l’inscrire dans le texte de l’article 1er du projet de loi, parce que nous y fixons le cadre de notre régime de retraite et que, pour plusieurs raisons, ce qui est vérifié aujourd’hui ne le sera plus nécessairement demain.
Premièrement, en neuf ans, de 2001 à 2010, l’âge moyen de départ en retraite s’est élevé de deux ans. Dans la même période, nous n’avons pas tous gagné deux années d’espérance de vie. Un décalage se creuse donc entre l’allongement de l’espérance de vie et celui de la durée de l’activité professionnelle. Il s’agit d’un risque majeur : les textes proposaient d’affecter les deux tiers de l’allongement de l’espérance de vie à la durée de l’activité professionnelle contre un tiers seulement à la durée de retraite. A minima, il faudrait que 50 % de cette augmentation se traduise dans la durée de retraite.
J’ai l’impression que l’on découvre seulement maintenant une tendance pourtant séculaire. Depuis que l’humanité existe, on vit plus longtemps, et on travaille moins longtemps ! C’est le progrès humain ! Je ne vois pas pourquoi en 2009, 2010, 2011 ou 2014, il faudrait soudainement inverser cette donne, à rebours des positions historiques de la gauche. Cette dernière n’a jamais allongé ni la durée de cotisation ni le temps de travail. Pour résumer, les années de vie gagnées sont essentiellement consacrées au travail. Quel progrès !
Deuxièmement, la durée de vie moyenne diminue dans certains pays. Contrairement à une opinion répandue, plus la durée de l’activité professionnelle est longue, plus l’espérance de vie baisse. De surcroît, il faut prendre en compte que l’on vivra moins longtemps en bonne santé. J’évoquerai le sujet au moment de la discussion de l’article 2.
Comme l’espérance de vie risque de baisser et que la durée de cotisations devrait s’accroître, à long terme, une divergence entre la durée de l’activité professionnelle et la durée de retraite pourrait se faire jour.
Troisièmement, la durée de la vie active des jeunes est menacée. Effectivement, depuis les années 2008-2009, concomitamment à la montée en flèche du travail des seniors, le taux d’activité des autres actifs, et surtout des jeunes, baisse.
En conclusion, puisque nous serons obligés de travailler plus longtemps, le temps passé à la retraite sera proportionnellement grignoté par le temps passé au travail.
Personnellement, je me contenterai de la suppression de l’article 2. Dans la mesure où, selon moi, le projet de loi risque tout de même de conserver les dispositions relatives à l’allongement de la durée de cotisation, il est nécessaire, par précaution, de mettre en place le cliquet évoqué : la durée moyenne de la retraite doit être au moins égale à la moitié de la durée de l’activité professionnelle.