Beaucoup de mes collègues l’ont souligné, la lutte contre les inégalités entre les hommes et les femmes est loin d’être gagnée, bien au contraire. En effet, seules 44 % des femmes valident une carrière complète, et un tiers d’entre elles touchent une pension inférieure à 600 euros.
Pourtant, établir une égalité salariale réelle entre les hommes et les femmes et lutter contre le temps partiel imposé rapporterait 52 milliards d’euros supplémentaires de cotisations. C’est plus qu’il n’en faut pour garantir les retraites, voire pour les améliorer !
Il importe donc de revenir sur les conséquences régressives des réformes engagées depuis vingt ans, auxquelles les femmes, on le voit, ont payé le plus lourd tribut. Il apparaît également indispensable de se pencher sur le passé pour mieux appréhender notre avenir et ne pas refaire des erreurs qui, je le répète, ont été catastrophiques pour les femmes.
En matière de retraite, les inégalités sont très importantes. On constate par exemple un écart de 39 % entre les pensions des femmes et celles des hommes. Ce chiffre est tiré d’un rapport de la Commission européenne publié en juillet, et portant sur les inégalités de pension entre les sexes. Ce même rapport attire l’attention sur le fait que tout allongement de la durée de cotisation a un effet disproportionné sur les femmes et entraîne une réduction de leur pension.
Pourtant, le Gouvernement a visiblement décidé d’ignorer une telle réalité. Il inscrit sa réforme dans la logique des précédentes en augmentant encore la durée.
Sur le plan européen, seuls cinq pays sur les vingt-neuf étudiés ont un écart supérieur à celui de la France. Nous avons, me semble-t-il, des leçons à tirer de cette étude, d’autant que l’évolution ne va pas dans le bon sens : cet écart a augmenté de 10 % entre 2005 et 2010, les effets des réformes passées continuant de se faire fortement sentir.
Améliorer la retraite des femmes est pourtant possible. Cela implique de cesser d’augmenter la durée de cotisation. Les quarante-trois années bientôt exigées seront en effet très difficiles à atteindre pour tout le monde, mais plus encore pour les femmes : les jeunes générations trouvent un emploi stable de plus en plus tard, les entreprises se débarrassent souvent de leurs salariés, et plus encore de leurs salariées à partir de la cinquantaine, la moitié des salariés se trouvent sans emploi au moment de liquider leur retraite. Tout allongement de la durée de cotisation aboutira ainsi à une baisse des pensions.
On nous répète à satiété que la hausse de l’espérance de vie impose que l’on travaille plus longtemps. Je tiens à le souligner : l’histoire dément cette affirmation. L’espérance de vie augmente depuis longtemps, et cela n’a pas empêché le temps passé au travail de régulièrement diminuer depuis le début du XXe siècle. Cette évolution, élément central du progrès, a été permise par le partage des richesses produites. C’est pourquoi la réforme Balladur, en allongeant la durée de cotisation, a initié une inversion de la courbe historique du progrès.
En plus de l’égalité des salaires, il faudrait également se préoccuper de celle des taux d’activité. Aujourd’hui, le taux d’activité des femmes est inférieur de dix points à celui des hommes : il est de 84, 2 % pour les premières contre 94, 8 % pour les seconds entre 25 ans et 49 ans. C’est un problème sur lequel il faudra se pencher car, sur ce point, la France ne se classe qu’au quatorzième rang européen.
De grandes marges de manœuvre existent pourtant. Pour donner un ordre de grandeur, si le taux d’activité des femmes avait été égal à celui des hommes en 2011, des cotisations supplémentaires, d’un montant de près de 9 milliards d’euros, seraient entrées dans les caisses. Cette somme aurait permis de combler une bonne part du déficit.
L’ampleur des gains potentiels à attendre de l’égalité entre les sexes suffit donc à justifier la présentation du rapport, à laquelle tend cet amendement. Je vous invite donc à le voter, mes chers collègues.