Cet article vise à instaurer, pour reprendre l’expression même du Gouvernement et du rapporteur, un mécanisme de pilotage de l’ensemble du système de retraites. Il s’agit d’un mécanisme complexe, reposant sur le Conseil d’orientation des retraites, ainsi réduit à une simple expertise technique, et sur le « comité de suivi des retraites », qui sera chargé demain de remettre annuellement un avis sur l’adéquation du système de retraites à ses objectifs.
La composition de ce comité ne peut nous pas satisfaire ; les parlementaires et les organisations syndicales en sont exclus. D’ailleurs, le rapport de notre collègue député Michel Issindou justifie cette exclusion au motif que leur présence aurait pour effet d’interdire « de facto l’élaboration de propositions concrètes ».
Autrement dit, afin de parvenir à un comité qui puisse faire des propositions concrètes, il convient de faire taire les différences.
Tout nous conduit à penser que les quatre experts désignés pour cinq ans, comme celui nommé en conseil des ministres, et qui composeront demain le comité, seront, en quelque sorte, issus de la même matrice économique, de la même école de pensée, pour ne pas dire du même moule. Car s’il est impossible de parvenir à élaborer des propositions concrètes en présence de parlementaires qui ne sont pas nécessairement issus de la même famille politique ou de représentants des organisations syndicales pouvant aussi avoir des positions divergentes, il faudra nécessairement que les experts nommés, eux, soient sur la même ligne… §
Comment prétendre arriver à l’élaboration de propositions concrètes en faisant cohabiter, notamment, des économistes libéraux et d’autres engagés aux « économistes atterrés » ? C’est bien évidemment impossible. Aussi, et sans même attendre la composition de ce comité, nous savons d’ores et déjà que celui-ci ne sera pas de nature à refléter ou à étudier les solutions de substitution pouvant exister, par exemple, en matière de financement.
À vrai dire, le comité de suivi est à l’image du projet de loi. Il tend à faire croire qu’il n’y aurait pas d’autres solutions pour assurer l’avenir des retraites que les mesures d’ajustements comptables et financiers que vous voulez mettre en œuvre et qu’il n’y aurait pas d’autre voie que celle sur laquelle nous nous sommes engagés depuis 1993. Or celle-ci a fait la démonstration de son inefficacité – nous l’avons fréquemment souligné aujourd'hui –, puisque les caisses de la branche vieillesse sont dans le rouge.
Cette substitution du technique au politique, des mesures technocratiques aux choix de société, nous la combattons !
Il ne doit appartenir à personne d’autre qu’aux parlementaires, représentants de la Nation et de nos concitoyens, de prendre les décisions qui semblent les plus justes et les mieux adaptées ; des décisions élaborées en lien avec les organisations syndicales et les administrateurs des caisses, à qui il convient de rendre toute leur légitimité en organisant enfin, et rapidement, des élections au sein de chacune des branches de la sécurité sociale.
L’urgence n’est pas à la création d’un nouveau comité lambda, qui réduirait la question des retraites à des chiffres et à des options fléchées en amont. Elle est bel et bien à l’immersion du débat et de la démocratie dans les choix à opérer demain en matière de retraites, comme de santé ou de politique familiale.
Pour toutes ces raisons, le groupe CRC votera contre cet article.