Intervention de Isabelle Pasquet

Réunion du 29 octobre 2013 à 21h30
Avenir et justice du système de retraites — Article 3

Photo de Isabelle PasquetIsabelle Pasquet :

Cela vient d’être souligné, nous voterons contre cet article, qui réduit le débat sur les retraites à une question technique, comme si le sujet n’était ni économique, ni sociétal, ni même philosophique, pour ne pas dire politique.

J’en ai pris bonne note, les observations, analyses et propositions du comité de suivi des retraites seront rendues publiques. Avouez tout de même qu’il s’agit de la moindre des choses. Pour fonctionner, ce comité fera appel à des ressources humaines, financières et techniques, assurées par un financement public. En outre, un membre sera nommé en conseil des ministres.

Toutefois, dans la continuité de ce que ma collègue vient de relever, je regrette que la nomination de ces membres ne soit pas soumise au vote de la représentation nationale. Cela aurait au moins permis aux parlementaires de s’assurer que les membres seraient choisis pour leurs compétences plus que pour leur concordance de vue entre eux ou à l’égard du Gouvernement qui les nommera.

Mes craintes sont d’autant plus grandes que si le projet de loi prévoyait expressément que ce comité puisse émettre des recommandations sur l’évolution de la durée d’assurance, et donc peut recommander de l’allonger plus rapidement que ne le dispose la loi, il ne pourra préconiser l’affectation d’autres ressources que dans un cadre limité. Votre gouvernement n’avait pas même envisagé cette possibilité, qui résulte du travail parlementaire.

C’est dire combien il est pour vous légitime que ce comité prône de rallonger à l’avenir la durée de cotisations. Mais il est impensable qu’il se prononce, par exemple, en faveur de la taxation des revenus financiers et spéculatifs.

Un tel dessaisissement du politique par le technique n’est d’ailleurs pas sans nous rappeler la manière dont la Commission européenne a placé les budgets nationaux sous la tutelle d’un comité d’experts.

Ainsi, Pierre Moscovici en personne a confié à Bruxelles le projet de budget de la France le 26 septembre dernier, soit le lendemain de sa présentation en conseil des ministres. C’est la conséquence de la législation dite two-pack, qui autorise les équipes du commissaire à l’économie Olli Rehn à demander à chaque membre de la zone euro de rectifier son budget avant même que celui-ci ne soit voté par les élus nationaux. Le projet de budget de la France a reçu un avis positif, mais nous sommes en droit de nous interroger sur les conséquences d’un tel mécanisme si, à l’avenir, la Commission rejetait les projets ?

Tout cela nous conduit, madame la ministre, à vous exprimer nos craintes et notre opposition à ce que les éléments majeurs du débat soient limités à ceux que le comité que vous proposez de créer voudra bien mettre en lumière. Naturellement, il ne s’agit aujourd’hui que de recommandations. Mais elles s’imposeront comme un élément essentiel du débat public, au point de pouvoir apparaître aux yeux de nos concitoyens comme des vérités, alors qu’elles ne sont en fait que des propositions validées officiellement par votre gouvernement.

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