Intervention de Laurence Cohen

Réunion du 31 octobre 2013 à 10h00
Avenir et justice du système de retraites — Article 8

Photo de Laurence CohenLaurence Cohen :

Je m’inscris dans la continuité de l’intervention de mon collègue.

Les mutations techniques et technologiques entraînent une évolution des conditions de travail des salariés. Si cette évolution s’accompagne dans bien des cas d’une amélioration notable de la réalisation de l’activité professionnelle, elle peut également entraîner pour les salariés une plus grande exposition à des facteurs de risques, certains persistant tandis que d’autres apparaissent.

La pénibilité affecte les conditions de travail des salariés, ce qui peut réduire non seulement la productivité de ces derniers, mais surtout leur espérance de vie en bonne santé. Compte tenu des conséquences économiques, sociologiques et humaines, il s’agit d’un véritable enjeu de société.

En effet, 35 % des travailleurs âgés de cinquante à cinquante-neuf ans ont déclaré avoir été exposés pendant quinze ans ou plus à un poste pénible. La revue Santé et Travail soulignait ainsi, dans son édition de juillet 2011 : « Parmi eux, 24 % connaissent des limites dans leur vie quotidienne en raison de problèmes de santé, contre 17 % des autres seniors ».

Ces données ne sont pas nouvelles. Elles résultent de l’enquête « Santé et itinéraire professionnel », commandée et réalisée par la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, la DARES, dont les conclusions, étonnamment tardives, n’ont malheureusement pu être pleinement exploitées par les parlementaires en 2010.

Alors qu’en 2010 la réforme menée par Éric Woerth et François Fillon entendait réduire la pénibilité à une question médicale et individuelle, vous avez pour votre part fait un choix différent, ce que nous considérons comme positif.

Toutefois, comme le soulignent la Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés, la FNATH, et l’Association nationale de défense des victimes de l’amiante, l’ANDEVA, vous auriez pu aller plus loin dans l’analyse, et nous regrettons que tel n’ait pas été le cas.

En effet, vous auriez pu profiter de l’occasion qui vous était donnée par l’examen du présent texte pour permettre à tous les salariés de bénéficier d’une protection supplémentaire en matière de pénibilité. Nous en avons d’ailleurs parlé hier soir tardivement.

Tel ne sera pas le cas puisque seules les entreprises d’au moins cinquante salariés, dont plus de 50 % des effectifs sont exposés à un ou plusieurs risques professionnels, seront soumises à l’obligation de négocier des accords ou des plans d’action relatifs à la prévention de la pénibilité. Ainsi, les salariés des entreprises de moins de cinquante salariés sont une nouvelle fois exclus du système de prévention.

Pourtant, un dispositif reposant sur les délégués du personnel voire, comme il en a été question hier soir, les conseillers du salarié aurait tout à fait pu être envisagé. Les dispositions de l’article auraient ainsi pu être étendues aux entreprises de dix à cinquante salariés.

Au final, les salariés des petites entreprises sont doublement perdants : ils ne peuvent compter ni sur la présence de représentants du personnel ni sur un CHSCT pour veiller au respect de leurs droits en matière de santé et d’hygiène au travail ; en outre, ils ne peuvent bénéficier d’aucun accord relatif à la prévention. Pourtant, les salariés des petites entreprises ne sont pas moins exposés à la pénibilité que ceux des grandes et moyennes entreprises.

De plus, aucune mesure n’est prise pour inciter à la signature d’accord de branche étendu. Les résultats sont pourtant, là encore, loin d’être satisfaisants. Si je m’en réfère à l’étude d’impact, on ne dénombrait au 31 août 2013 que quinze accords de branche. C’est dire le retard pris. Or, rien dans cet article n’est de nature à nous faire penser qu’une amélioration de la situation est possible. C’est tout à fait regrettable.

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