Intervention de Michel Le Scouarnec

Réunion du 31 octobre 2013 à 10h00
Avenir et justice du système de retraites — Article 10

Photo de Michel Le ScouarnecMichel Le Scouarnec :

Outre l’abrogation de deux articles de la réforme de 2010 – cela ne constitue ni une remise en cause de la loi de 2010 ni un quitus sur l’efficacité de cette réforme –, l’article 10 précise que les articles 5 à 9 de ce projet de loi, qui sont relatifs au compte personnel de prévention de la pénibilité, n’entreront en vigueur qu’au 1er janvier 2015, exception faite de la transmission de la copie de la fiche de prévention de la pénibilité aux caisses chargées de la gestion du compte, une mesure appliquée au plus tard cinq ans après l’entrée en vigueur de l’article 6, qui renaîtra sans doute de ses cendres.

Si nous n’avons pas d’observations particulières à formuler sur cet article, nous avons néanmoins quelques interrogations.

Tout d’abord, nous ne comprenons pas pourquoi ces mesures ne seront applicables que dans plus d’un an. Pourquoi ne pas avoir prévu dans la loi que le compte personnel de prévention de la pénibilité serait rétrospectivement crédité des points accumulés entre la promulgation de cette loi et le 1er janvier 2015 ? Cela aurait laissé aux partenaires sociaux le temps de la négociation, tout en garantissant aux salariés la prise en compte de leur exposition à des facteurs dangereux durant cette période.

En faisant dépendre tout le dispositif d’une entrée en vigueur si lointaine, vous laissez les salariés être exposés à des facteurs de risques professionnels, dans la mesure où jamais cette période d’exposition ne sera prise en compte.

Si je fais un parallèle avec l’amiante, le dispositif que vous proposez n’a guère de sens. En effet, en cas d’exposition à cette fibre hautement cancérigène, l’indemnisation du salarié commence au moment où le salarié a été exposé et non pas dès lors que l’employeur a eu conscience ou connaissance de cette exposition. C’est la base de l’obligation de résultat qui pèse sur les employeurs.

C’est pourquoi nous sommes persuadés qu’il était possible, souhaitable et conforme à notre tradition législative en matière de protection de la santé au travail de rendre possible l’accumulation des points dès la promulgation de la loi, charge, ensuite, aux caisses de redresser la carrière et d’attribuer les points correspondants.

En outre, nous partageons les inquiétudes de la FNATH, la Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés, quant au flou qui persiste concernant les dispositions applicables aux personnes ayant été exposées à des facteurs de pénibilité et arrivant, au cours des prochaines années, à l’âge de la retraite.

En dépit des mesures adoptées par l’Assemblée nationale et la commission, il nous semble que les salariés dont l’âge est compris entre 50 et 58 ans sont les grands perdants du compte personnel de prévention de la pénibilité. En effet, trop âgés pour accumuler suffisamment de points et pas assez pour bénéficier pleinement des majorations accordées aux salariés dont l’âge est proche de la retraite, ils ne parviendront à accumuler qu’un nombre limité de points et ne pourront, par conséquent, prétendre qu’à peu de droits.

Certes, les salariés âgés de plus de 52 ans ne seront désormais pas contraints de verser leurs vingt premiers points, qui pourront parfois représenter tout leur capital, sur le compte personnel de formation, et c’est là une avancée.

Toutefois, au-delà, quels seront leurs droits ? Quels avantages concrets tireront-ils des mesures prévues dans ces articles ? Un salarié âgé de 57 ans disposant de vingt points pourra-t-il prétendre à un départ anticipé ? Si oui, de combien de mois ou de trimestres pourra-t-il bénéficier, et dans quelles conditions ?

Ces interrogations sont légitimes, car les salariés ayant été exposés à des facteurs à risques sont nombreux. Nous ne devons ni les oublier ni renoncer à leur garantir une réparation entière eu égard à la diminution de leur espérance de vie en raison d’une exposition professionnelle à des facteurs de risques.

Sous réserve d’obtenir des réponses à ces questions, madame la ministre, le groupe CRC optera pour l’abstention.

Mes chers collègues, permettez-moi d’ajouter quelques mots au sujet du débat qui a eu lieu ce matin.

Je veux dire à nos collègues Philippe Bas et Gérard Longuet que le groupe CRC est du côté de tous les salariés et de tous les employeurs honnêtes et respectueux des lois et des salaires. Les sénateurs communistes ont aussi des mandats locaux et ils rencontrent donc des employeurs comme des salariés. Pendant dix-sept ans, je n’ai eu que de bonnes relations avec les employeurs de ma ville, qui compte de très nombreuses entreprises et offre 8 000 emplois.

Lorsque vous vous êtes exprimés tout à l'heure, j’ai ressenti un certain mépris à notre égard.

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