Intervention de Gérard Longuet

Réunion du 31 octobre 2013 à 15h00
Avenir et justice du système de retraites — Article 10, amendement 281

Photo de Gérard LonguetGérard Longuet :

On ne se situe plus sur le terrain de la santé – je cherche du regard mon collègue M. Alain Milon –, mais sur celui du fonctionnement de l’entreprise, au cœur de celle-ci.

Or, dans le fonctionnement de l’entreprise, ou bien l’on retient des normes générales qui s’appliquent d’une façon indifférenciée au sein de grandes catégories d’entreprises, ou bien, comme le propose le projet de loi à travers des fiches, on entre dans le détail de l’activité de chaque salarié. Vous avez choisi cette seconde solution, mais je crains qu’elle ne soit irréaliste.

En effet, l’intervention du salarié, lorsqu’il va réparer une chaudière, par exemple, livrer des meubles en ville ou monter un mur d’aggloméré, est prévisible théoriquement – du moins peut-on l’imaginer. Toutefois, la vie ne se passe pas toujours comme la théorie le prévoit. À certains moments, le salarié est obligé de s’adapter. L’équipe, le contremaître s’adaptent eux-mêmes aux réalités du travail, et ce qui était facile devient difficile.

Pour reprendre l’exemple du marteau-piqueur qui a déjà été évoqué, démolir une dalle dont on s’aperçoit finalement qu’elle est en béton armé avec un ferraillage dense est un travail beaucoup plus difficile que celui qui était prévisible théoriquement. Comment va-t-on procéder ? Va-t-on considérer que chaque mètre carré de terrassement permet d’atteindre un seuil de pénibilité, ou faudra-t-il revenir sur chaque action ? Très honnêtement, on a besoin de comprendre.

Vous me direz que ces réflexions relèvent de l’application, pas même des décrets, mais des circulaires. Je le concède, mais ce que je voulais dire à travers cet amendement, c’est que, très tranquillement, vous imposez une charge nouvelle aux employeurs.

Vous savez que dans une année, un salarié doit, je crois, en moyenne, 220 journées de travail à son employeur, et l’employeur, lui, doit 365 jours par an à son entreprise. A-t-il nécessairement envie de consacrer le temps dont il dispose à établir le compte pénibilité ? Nous ne contestons pas qu’il doive appliquer les lois – vous avez tout à fait raison, madame la ministre, il faut appliquer les lois – et les normes – il faut en effet appliquer les normes de sécurité, d’hygiène, d’environnement. Nous acceptons tout cela. Cependant, selon votre rédaction du projet de loi, il faudra qu’il établisse une sorte de dialogue permanent, prévisionnel d’abord, rétrospectif ensuite, pour savoir si toutes les marches d’accès au seuil de pénibilité ont été franchies ou non.

Je crains que vous n’aboutissiez ainsi véritablement à décourager les employeurs, qui risquent, pour les toutes petites entreprises, de prendre la décision de ne pas saisir les occasions de développement, lorsqu’elles existent, tant ils seront préoccupés de la charge de travail que représenterait – j’insiste sur le conditionnel pour ne pas être systématiquement négatif – une interprétation conflictuelle de l’obligation d’établir des fiches restituant la réalité de la pénibilité dans le travail.

S’il s’agit d’une norme générale, eh bien, on coche des cases. S’il s’agit de restituer ce qu’a été la réalité d’une journée de travail sur un chantier, bonjour les dégâts ! En tous les cas, bonjour le découragement pour l’employeur.

C’est la raison pour laquelle je voulais défendre avec conviction cet amendement n° 281, qui vise à modifier la date d’entrée en vigueur du texte pour les entreprises de moins de vingt salariés.

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