Séance en hémicycle du 31 octobre 2013 à 15h00

Résumé de la séance

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  • médecin
  • pénibilité

La séance

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La séance, suspendue à douze heures trente-cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Jean-Pierre Bel.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Je rappelle que l’auteur de la question dispose de deux minutes trente, de même que la ou le ministre pour sa réponse.

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

Ma question s'adresse à Mme la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique.

Face aux déficits budgétaires, chacun doit participer à la baisse des dépenses, y compris les collectivités territoriales. Seulement, de son côté, l’État ne s’applique pas l’effort qu’il leur demande. En effet, entre 2013 et 2015, alors que les dotations aux collectivités territoriales baisseront de 3, 6 %, les dépenses de l’État augmenteront de 2 %, passant de 299, 5 milliards d’euros à 305, 5 milliards d’euros.

L’effort que le Gouvernement demande aux petites communes rurales n’est pas soutenable. Ces communes ont des ressources extrêmement faibles, parmi lesquelles les dotations de l’État tiennent une place majeure. Leurs dépenses de fonctionnement, notamment salariales, sont quant à elles quasiment incompressibles : elles se résument au traitement d’une secrétaire de mairie et d’un employé communal quelques heures par semaine, le maire ne recevant qu’une indemnité symbolique.

Madame la ministre, il est inexact que la baisse des dotations représentera en moyenne 0, 69 % par collectivité territoriale, comme vous le soutenez. À la vérité, la part communale forfaitaire de la DGF subira une réduction de plus de 800 millions d’euros, soit un taux supérieur à 4 % par rapport à l’an passé. Ni la péréquation ni la dotation de solidarité rurale ne suffiront à compenser une contraction aussi importante !

De plus, vous avez déclaré que vous ne pouviez pas prendre d’engagement, au nom de l’État, sur la fin de la réduction des dotations ; c’est un signal très négatif pour les projets d’investissement, que vous prétendez vouloir préserver.

On ne peut demander plus à des communes déjà exsangues. Vous devez fixer un plancher protecteur pour les petites communes rurales. À l’image de ce qui fut fait avec le Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales, créé en 2011, vous devez mettre en place une réforme des dotations par stratification : la baisse de la DGF ne pourrait-elle pas être modulée par strates de population et de budget de fonctionnement ?

Madame la ministre, je vous le demande avec insistance : ne condamnez pas les petites communes rurales !

Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

La parole est à Mme la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique.

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique

Monsieur le sénateur, je vous remercie de votre question, même si je ne partage pas votre analyse.

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu, ministre

Permettez-moi de vous rappeler un certain nombre de faits importants.

Je n’ai pas affirmé qu’une diminution de 1, 5 milliard d’euros correspondait, en moyenne, à 0, 69 % par collectivité territoriale ; j’ai fait remarquer qu’elle représentait 0, 69 % de l’ensemble des dotations de l’État, dont il faut se souvenir que leur total dépasse 80 milliards d’euros.

À cet égard, d’ailleurs, je vous rappelle que le Gouvernement a consenti des efforts, puisqu’il a augmenté de 4 % la dotation de solidarité urbaine, la DSU, et la dotation de solidarité rurale, la DSR – cette mesure, monsieur le sénateur, rejoint vos préoccupations. Aussi, les collectivités territoriales rurales ne subiront pas une baisse moyenne de 0, 69 % de leur dotation.

Que les collectivités territoriales participent à l’effort était inévitable. Certains, comme Mme Pécresse, ont proposé une baisse des dotations de 5 milliards d’euros par an. Ils n’ont pas été suivis par le Président de la République, qui a voulu que la participation des collectivités territoriales soit inférieure à celle de l’État. Monsieur le sénateur, vous avez donc largement obtenu satisfaction. Certains diraient même que nous avons reculé sur la baisse des dotations des collectivités territoriales, mais nous l’avons fait pour protéger nos communes.

Comme je viens de le rappeler, nous avons décidé d’aider davantage les communes en difficulté, en augmentant la DSU et la DSR de plus de 4 %.

Même si vous n’êtes pas tout à fait d’accord avec notre interprétation de la situation, vous pouvez reconnaître que nous avons préservé la péréquation ; nous l’avons même augmentée, pour aider autant que possible les collectivités territoriales les plus pauvres.

Monsieur le sénateur, vous mettez en lumière les difficultés des communes et des communautés de communes rurales. Or si certaines d’entre elles sont en très grande difficulté, d’autres se portent correctement ; il est très important que nous en tombions d’accord. Nous ne pouvons pas considérer qu’elles sont toutes dans la même situation.

M. Aymeri de Montesquiou acquiesce.

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu, ministre

En plus d’avoir persuadé les uns et les autres de consentir un effort sur la péréquation – l’Assemblée nationale en a accepté le principe –, nous avons posé la question de la DGF et de la péréquation verticale.

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu, ministre

À cet égard, vous avez raison : indépendamment des dégâts, que nous reconnaissons tous et que nous essayons de pallier, du remplacement de la taxe professionnelle par la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, la CVAE, nous essayons, chaque année, de poser la question de ces péréquations.

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu, ministre

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Je pense que la remise à plat de la DGF et, par exemple, la prise en compte des mètres carrés agricoles et des mètres carrés des protections sont des idées importantes. Ensemble, monsieur le sénateur, nous y arriverons !

Applaudissementssur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de François Patriat

En l’absence de M. Sapin, ministre du travail et de l’emploi, ma question s'adresse à Mme Lebranchu, ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique.

Il y a 440 000 apprentis en France. L’apprentissage est une des voies de la réussite : il permet à de nombreux jeunes d’accéder à l’emploi dans des conditions que, aujourd’hui, les entreprises recherchent.

Les régions sont pleinement compétentes dans le domaine de l’apprentissage ; elles entendent assumer cette compétence, malgré le contexte de crise qui rend plus difficiles les recrutements d’apprentis.

Le projet de loi de finances pour 2014 prévoit de réserver aux entreprises de moins de dix salariés le bénéfice de la prime pour l’apprentissage.

Debut de section - PermalienPhoto de François Patriat

C’est une mesure que nous acceptons difficilement, …

Debut de section - PermalienPhoto de François Patriat

… encore qu’on puisse la comprendre, dans la mesure où les grandes entreprises peuvent avoir moins de difficulté à recruter des apprentis.

Debut de section - PermalienPhoto de François Patriat

Reste que le système de la taxe d’apprentissage est une nébuleuse, qui mérite aujourd’hui d’être réformée. Nous attendons du Gouvernement qu’une partie des fonds soit sanctuarisée, parce que cette taxe aide des entreprises et des associations et parce qu’elle permet à des jeunes, notamment les « décrocheurs », de trouver un emploi.

Avec ma question, je me tourne vers l’avenir.

Sourires sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de François Patriat

Pour assurer la réussite de l’apprentissage, j’ai proposé, avec mes collègues membres de la commission des finances, une réforme portant à la fois sur la collecte et sur la répartition de la taxe d’apprentissage.

Nous avons exploré plusieurs pistes, suggérant notamment de diminuer le nombre des organismes collecteurs, qui forment aujourd’hui une nébuleuse responsable de déperditions sur les 2, 4 millions d’euros de la prime d’apprentissage, et d’appliquer un nouveau modèle de répartition, en fusionnant les différentes taxes pour mieux cibler les moyens collectés vers l’apprentissage aux niveaux IV et V. Je crois que tel est aussi l’objectif du Gouvernement.

Madame la ministre, ma question est double.

Tout d'abord, en liaison avec les régions de France, que vous connaissez bien, et l’ensemble des acteurs concernés, allez-vous sanctuariser la partie des fonds destinée aux centres de formation d’apprentis ?

Ensuite, la simplification et le paritarisme seront-ils assurés dans la future réforme de la taxe d’apprentissage, et les régions seront-elles associées à celle-ci ?

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste . – M. Christian Poncelet applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

La parole est à Mme la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique.

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique

Monsieur Patriat, Michel Sapin aurait souhaité vous répondre. Quant à moi, j’associe à ma réponse Sylvia Pinel, qui travaille sur les questions que vous avez évoquées.

Dans le cadre du pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi, le Gouvernement s’est fixé l’objectif de faire progresser le nombre d’apprentis, de 435 000 à la fin de 2012 à 500 000 en 2017. Pour y parvenir, il a déjà pris un certain nombre d’initiatives, en particulier le renouvellement des développeurs de l’apprentissage – vous y avez fait allusion – et l’accélération du programme des investissements d’avenir consacrés à la formation et à l’hébergement des apprentis, un aspect qui a été trop souvent oublié.

Par ailleurs, le projet de loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites, actuellement soumis à l’examen du Sénat, prévoit d’améliorer de façon substantielle les droits à la retraite des apprentis ; cet aspect aussi avait été oublié.

Une étape de plus grande ampleur sera franchie avec la mise en œuvre d’une réforme plus globale de l’apprentissage et de son financement. Celle-ci interviendra au terme d’une première phase de concertation conduite par Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, et par Sylvia Pinel avec les grands acteurs de l’apprentissage, les partenaires sociaux, les régions et les chambres consulaires.

Monsieur Patriat, les principaux axes de cette réforme, que le Gouvernement vient de rendre publics, correspondent, pour la plupart, aux conclusions de votre rapport d’information, dont tout le monde loue la très grande qualité.

Exclamations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique

Plus précisément, nous voulons orienter davantage les ressources vers le financement de l’apprentissage et simplifier le dispositif de collecte de la taxe d’apprentissage en réduisant le nombre d’organismes collecteurs – monsieur le sénateur, vous serez entendu à cet égard. Notre intention est également de renforcer le dialogue social et territorial en vue de la répartition de cette taxe et de sécuriser le parcours de formation des apprentis.

Dans le nouveau dispositif, les régions, compétentes dans le domaine de l’apprentissage depuis les premières lois de décentralisation, seront confortées dans leur rôle de financement et de régulation ; monsieur Patriat, vous serez donc exaucé. Leurs moyens seront renforcés, conformément aux engagements pris dans le cadre du pacte national : pour cela, une part de la taxe d’apprentissage sera régionalisée, et son produit réparti selon des règles favorables au développement de l’apprentissage.

En outre, une concertation sera organisée entre les régions et les organismes collecteurs sur la répartition des fonds libres, afin d’optimiser l’articulation des politiques de développement de l’alternance des branches et des territoires.

Cette réforme d’ampleur, nous entendons qu’elle entre en vigueur dès le 1er janvier 2015 ; monsieur Patriat, mesdames, messieurs les sénateurs, nous comptons sur votre soutien !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Leila Aïchi

Ma question s’adressait à M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères.

Depuis six semaines, l’équipage de l’Arctic Sunrise, navire de l’ONG Greenpeace, est en détention provisoire dans la prison de Mourmansk, en Russie. Son crime : avoir dénoncé, de manière non violente, les projets de forage de la société Gazprom au-delà du cercle polaire.

Pouvons-nous laisser condamner des citoyens lanceurs d’alerte, accusés parce qu’ils refusent le saccage de l’Arctique ? Bien évidemment, non !

L’Arctique abrite un écosystème fragile et unique au monde, et de nombreuses espèces protégées y vivent ; elles sont en voie de disparition, alors qu’elles sont nécessaires – ô combien ! – au devenir de l’humanité. Mes chers collègues, songez que, en trente ans, la superficie moyenne de la banquise est passée de 6, 5 à 3, 4 millions de kilomètres carrés, soit une diminution équivalente à près de cinq fois la superficie totale de la France !

Or, dans la mesure où la banquise réfléchit les rayonnements solaires et contribue directement à la régulation des températures, sa disparition marquerait un point de non-retour dans le réchauffement climatique ; elle provoquerait la montée du niveau des eaux et l’acidification des océans, ce qui affecterait nécessairement les ressources halieutiques.

L’Arctique, qui renfermerait 22 % des réserves mondiales d’hydrocarbures, fait l’objet d’une sinistre convoitise de la part des groupes pétroliers et miniers. Plus grave encore : l’accroissement inéluctable des stress environnementaux et énergétiques dans cette région du monde sera source, à terme, de tensions et de conflits ; c’est la raison pour laquelle nous autres, écologistes, plaidons en faveur du concept de green defense.

Alors que, dans deux semaines, la communauté internationale débattra à Varsovie des moyens de faire face au réchauffement climatique, le Premier ministre, actuellement à Moscou, ne peut ignorer les activités néfastes pour l’environnement des groupes pétroliers, notamment de Gazprom, poids lourd de l’industrie russe. Il semblerait qu’il ait prévu d’évoquer le sujet avec les autorités russes. Dont acte !

Il est impératif que notre diplomatie use de toute son influence pour libérer les trente prisonniers et lancer un nouvel élan international en faveur d’une convention maritime mieux adaptée aux problèmes d’aujourd’hui.

Madame la ministre, l’Arctique ne doit pas être un enjeu géoéconomique. Seule la sanctuarisation de cette zone permettra, à terme, de prévenir les risques inhérents à l’exploitation massive des matières premières et à la pêche industrielle, comme les marées noires, et de pallier ainsi les insuffisances de la convention de Montego Bay.

Devant l’indifférence coupable des nations et le dramatique silence de l’ONU et de l’Europe, les ONG environnementales mènent, parfois au péril de la vie de certains militants, une action essentielle pour le bien-être des générations futures et pour la survie de l’humanité. Les « Trente de l’Arctique » ont d’abord été injustement qualifiés de terroristes, de pirates, de hooligans et de vandales ; en réalité, ces militants sont des héros !

Protestations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Leila Aïchi

Oui, des héros, au même titre que Chico Mendes, mort pour la défense de l’Amazonie, et que le capitaine Paul Watson, de l’ONG Sea Shepherd, sous le coup d’un mandat d’arrêt international pour sa lutte contre la pêche industrielle et illégale, et que le Gouvernement a ignoré.

Debut de section - PermalienPhoto de Leila Aïchi

Mme Leila Aïchi. Madame la ministre, quelle action le Gouvernement compte-t-il mener pour obtenir la libération des trente héros de Greenpeace ?

Marques d’impatience sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Leila Aïchi

Mme Leila Aïchi. Comment la France peut-elle protéger les lanceurs d’alerte internationaux, à commencer par le capitaine Watson, en favorisant la création d’un statut international de réfugié politique écologiste ?

Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

La parole est à Mme la ministre des droits des femmes.

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du Gouvernement

Madame la sénatrice, l’Arctic Sunrise a été arraisonné il y a maintenant plus d’un mois par les autorités russes. Les trente militants de Greenpeace qui étaient à son bord sont depuis lors en détention préventive dans la ville de Mourmansk. Parmi eux figure l’un de nos compatriotes, Francesco Pisanu. La France lui a immédiatement accordé la protection consulaire, et je veux vous assurer, mesdames, messieurs les sénateurs, que nous suivons avec la plus grande attention les développements de cette affaire.

Le Premier ministre, vous le savez, est en ce moment même en Russie, et il ne m’appartient pas, vous le comprendrez, d’évoquer à sa place sa visite. Toutefois, je peux vous dire avec certitude que le Gouvernement est pleinement mobilisé sur cette affaire. Il agit de la façon la plus efficace possible, en particulier dans l’intérêt de notre compatriote.

Ces questions font partie de la politique étrangère de la France, quel que soit le déplacement ministériel effectué. En Russie comme dans les autres pays, les autorités françaises les évoquent avec franchise, mais aussi dans le respect des interlocuteurs. Je crois en effet que c’est en créant les conditions du dialogue, en examinant posément la situation, notamment celle de notre compatriote, qu’on pourra apporter une réponse concrète à ce problème.

S’agissant du sujet de fond que vous évoquez, madame la sénatrice, à savoir la question de l’exploitation des ressources naturelles en Arctique, vous savez qu’elle fait aujourd'hui l’objet de débats au sein du Conseil de l’Arctique. Sachez que, en tant qu’observatrice au sein de cette institution, la France compte bien y prendre toute sa part.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Le Scouarnec

Ma question s’adressait à M. le Premier ministre.

Madame Vallaud-Belkacem, depuis plus d’un an, la Bretagne est saignée, soumise à un véritable désastre économique et social. Dans cette déroute, elle est loin d’être la seule région frappée par un système à bout de souffle, qui conduit à la faillite d’entreprises et à des licenciements massifs et souvent abusifs.

Ce que vous appelez la compétitivité représente, pour nos concitoyens, une réalité tragique, à l’opposé d’une visée humaniste. Au regard du contexte actuel, l’annonce de la suspension de l’application de l’écotaxe sur l’ensemble du territoire national était la seule décision adaptée face à l’urgence sociale et la cristallisation des mobilisations et des tensions.

Pour autant, l’écotaxe ne doit pas être rejetée par principe. Sa mise en œuvre doit s’inscrire dans une réflexion globale sur la transition écologique des territoires, par le développement du ferroutage et la relocalisation des modes de production et de distribution. Un grand débat sur les coûts du transport s’impose !

Toutefois, une telle volonté est loin d’apparaître clairement pour la Bretagne, d’autant que vous avez annoncé le non-financement de la ligne de chemin de fer Brest-Quimper-Rennes. Comment, dans ces conditions, changer les pratiques et développer de nouvelles infrastructures de transports, si l’État n’accorde pas les moyens suffisants ?

Toutefois, l’écotaxe n’est pas la seule cause de la crise du monde agricole et du modèle économique breton. Guidées par les seuls signaux du marché, les entreprises se livrent à la plus farouche concurrence, s’efforçant de baisser le coût du travail, pour affronter des cours agricoles au plus bas. Seuls les actionnaires s’engraissent, alors que des milliers de salariés sont abandonnés à leur sort ! Il n’y a pas de fatalité aux politiques d’austérité, de chômage de masse, de dumping social, à la LME, c'est-à-dire à la loi de modernisation de l’économie, dont les conséquences sont désastreuses, et aux tentatives de contractualisation plus favorables aux grands distributeurs qu’aux producteurs.

Il faut engager la bataille de la ré-industrialisation agroalimentaire ! L’avenir de ce secteur et une nouvelle ambition agricole passent par la juste rémunération du travail des salariés et des paysans, dans le cadre d’un soutien aux filières de production relocalisées.

Pour s’en sortir, il faut d’urgence s’engager dans une autre voie. Le Gouvernement doit s’opposer aux licenciements boursiers, mettre en place de nouveaux systèmes de régulation, mais surtout mener prioritairement une réforme fiscale d’envergure plaçant la justice et l’équité au centre de notre fiscalité.

Madame la ministre, la Bretagne veut vivre ! Quelles mesures comptez-vous mettre en œuvre dans les prochains mois pour qu’elle retrouve espoir en l’avenir ?

Applaudissements sur les travées du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

La parole est à Mme la ministre des droits des femmes.

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du Gouvernement

Monsieur le sénateur, je vous remercie de votre question, qui porte sur un sujet faisant l’objet, vous le savez, de toutes nos préoccupations.

Le Premier ministre réunissait encore mardi dernier à Matignon les élus de Bretagne. C’était une réunion exceptionnelle, justifiée par une situation exceptionnelle, associant non seulement les parlementaires, mais aussi les élus de la région et du département. Vous y étiez, monsieur le sénateur, et je vous en remercie.

La Bretagne est une région dynamique, qui dispose de nombreux atouts.

Sourires sur les travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud-Belkacem, ministre

Elle traverse aujourd'hui une crise, en particulier dans le secteur de l’agroalimentaire. Dès le début, le Gouvernement s’est mobilisé, prenant l’initiative. Je pense notamment à la situation que nous avons trouvée au groupe Doux ou au groupe Gad.

Le 12 septembre dernier, le Premier ministre a annoncé non seulement un plan agroalimentaire pour la Bretagne, mais aussi des mesures d’urgence, sous forme de moyens financiers immédiatement disponibles, notamment pour accompagner les salariés de ces entreprises et celles qui sont le plus touchées.

Aujourd'hui, nos objectifs sont simples : préserver l’emploi et rendre des perspectives économiques à la région. Le 16 octobre dernier, Jean-Marc Ayrault a proposé une deuxième étape dans la mobilisation, avec le pacte d’avenir pour la Bretagne, qui a pour priorité de moderniser l’appareil productif. Un contrat de plan État-région anticipé a été annoncé, qui est déjà en préparation entre le préfet de région et les élus du territoire.

Force est de constater aujourd'hui que ce travail doit être collectif ; c’est ce qui fera la force de la Bretagne. Or il a été bloqué, vous l’avez dit, concernant l’écotaxe. La mise en œuvre de ce projet voté en 2009, conçu par l’ancienne majorité…

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud-Belkacem, ministre

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. … et préparé par le gouvernement précédent, avait déjà été reportée une fois, preuve des difficultés qu’elle posait.

Protestations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud-Belkacem, ministre

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Chacun sait ici que l’écotaxe n’est pas la cause de la crise de l’agroalimentaire en Bretagne. Toutefois, elle soulève indéniablement des questions de mise en œuvre, qui n’ont pas été anticipées par le gouvernement précédent.

Mêmes mouvements.

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud-Belkacem, ministre

Le gouvernement actuel a déjà corrigé certains effets négatifs de cette écotaxe, mais, à l’évidence, ce n’était pas suffisant. C’est la raison pour laquelle le Premier ministre a choisi de recréer les conditions d’un dialogue constructif dans la région, en suspendant la mise en œuvre de cette mesure.

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud-Belkacem, ministre

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Ce dialogue devra associer toutes les bonnes volontés. Je sais qu’elles sont nombreuses, et je vous remercie, monsieur le sénateur, d’en faire partie.

Applaudissementssur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Barbier

Ma question s’adressait au ministre de l’économie et des finances, mais il n’est pas là. Pourtant, il avait, au mois d’août dernier, avec beaucoup de raison, mis en garde contre le « ras-le-bol » fiscal. Le Président de la République avait répondu par la promesse d’une « pause » en la matière ; aujourd’hui, plus personne n’y croit.

Après les énormes efforts qui leur ont été demandés l’an dernier, les ménages vont payer 12 milliards d’euros de plus en 2014.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Barbier

Le premier moteur de la croissance, c’est la confiance. Mais celle-ci suppose un cap et une certaine stabilité.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Barbier

Or il n’est pas une semaine sans que vous inventiez un nouvel impôt ou changiez les règles du jeu ! On ne compte plus les revirements ou les volte-face : taxe sur le diesel, taxe sur l’EBE, l’excédent brut d’exploitation, TVA réduite sur les produits de première nécessité, taxe à 75 % sur les hauts revenus, fiscalité sur l’épargne ou encore écotaxe.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Barbier

Comment voulez-vous que nos concitoyens vous fassent confiance ? Au mécontentement des retraités, des salariés et des consommateurs s’ajoute celui des quelque 170 000 travailleurs frontaliers résidant en France et travaillant en Suisse. Ils ont été plusieurs milliers à défiler, il y a quinze jours, devant les portes de l’Assemblée nationale et, le week-end dernier, dans certaines villes, notamment à Pontarlier, que M. le ministre de l’économie connaît bien, puisqu’elle se situe dans son département, pour défendre le droit d’option dont ils bénéficient en matière d’assurance maladie.

Comme vous le savez, ce droit d’option arrive à échéance en mai 2014. Malgré l’appel des élus des zones frontalières de Franche-Comté, d’Alsace, de l’Ain et de la Haute-Savoie, vous avez décidé de ne pas proroger ce dispositif, au nom de l’égalité de tous au regard des droits sociaux.

Toutefois, de quelle égalité s’agit-il ? Ces personnes travaillent dans un pays où le droit du travail est bien moins protecteur que le nôtre ; ils supportent des contraintes liées aux déplacements, au logement et aux congés ! Et demain, il leur en coûtera environ le double d’aujourd’hui pour être assurés contre le risque maladie, soit environ 150 euros à 250 euros par mois, sous forme de prélèvement.

En leur imposant d’abandonner leur assurance privée pour rejoindre le régime de sécurité sociale, vous faites un choix idéologique, qui, de surcroît, pose la question de la poursuite des soins engagés en Suisse.

Madame la ministre, quelle réponse pouvez-vous apporter à tous ces frontaliers, qui demandent seulement qu’on ne les décourage pas d’aller au travail ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des personnes âgées et de l'autonomie.

Debut de section - Permalien
Michèle Delaunay, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes âgées et de l'autonomie

Monsieur le sénateur, je vous demande tout d’abord de bien vouloir excuser Mme Touraine, qui ne peut pas vous répondre aujourd'hui.

Vous avez raison, jusqu’ici les frontaliers ont bénéficié d’un droit d’option entre l’assurance maladie française et l’assurance privée. Ce droit d’option étant réversible, certains d’entre eux s’adressaient d’ailleurs à l’assurance privée quand ils étaient jeunes et bien portants, pour revenir vers l’assurance maladie française quand ils étaient plus âgés, ce qui contrevient bien évidemment à nos valeurs.

À l’inverse, sachons aussi que l’un d’eux a été radié de l’assurance privée, alors qu’il venait d’apprendre qu’il était atteint, malgré son jeune âge, d’un cancer. Il a alors appelé les autres frontaliers à s’orienter vers l’assurance française.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous rappelle, mais vous le savez, que l’agenda de la fin du droit d’option a été fixé par le gouvernement de droite soutenu par la majorité précédente.

Exclamations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Michèle Delaunay, ministre déléguée

Je n’ai pas parlé de faute ! Simplement, vous en avez fixé l’agenda. Nous nous sommes cantonnés, de notre côté, à améliorer les conditions de cette transition.

C’est ainsi qu’un tarif dégressif a été mis en place : la cotisation atteindra seulement 6 % la première année et 8 % la seconde, ce qui permettra à 50 % des frontaliers, dont 3 500 Jurassiens, qui vous sont chers, monsieur le sénateur, de ne pas débourser un euro de plus et, dans la période suivante, de bénéficier d’un tarif de cotisation raisonnable.

Par ailleurs, contrairement à ce que vous avez affirmé, Mme Touraine a pris l’engagement formel que tous les patients qui auraient commencé un traitement lourd en Suisse pourront le poursuivre sans aucun problème.

Enfin, vous le savez, ce droit d’option était anticonstitutionnel et contrevenait aux valeurs qui ont présidé à la mise en place de l’assurance maladie à la française.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

M. le président. La parole est à M. François-Noël Buffet.

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

Enfin ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Dans le département du Rhône, le préfet vient de prendre une décision de réquisition d’un terrain situé sur la commune d’Oullins, afin d’y installer 300 demandeurs d’asile, expulsés de la ville de Lyon, à la suite d’une procédure d’expulsion engagée par le maire de cette ville, président du Grand Lyon.

Le terrain choisi se situe sur une petite commune de 26 000 habitants, un petit territoire dans le cadre de la politique de la ville et qui, de surcroît, accueille déjà 225 demandeurs d’asile depuis longtemps.

L’émotion est extrêmement grande, d’abord parce que la pression migratoire sur le département du Rhône est très importante, ensuite parce que les habitants se sont mobilisés fortement contre la manière dont cette décision a été prise : avec plus de 6 000 pétitionnaires dans une commune de 26 000 habitants, vous conviendrez, monsieur le ministre, que l’opposition est importante.

Au plan national, nous le savons, les demandes d’asile sont en très forte augmentation. Le rapport du sénateur Roger Karoutchi

Exclamations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

… indique même que, pour 2013, nous enregistrerons plus de 70 000 demandes. Par ailleurs, aujourd'hui, l’OFPRA, l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, et la Cour nationale du droit d’asile ne rendent pas leurs décisions dans un délai inférieur à dix-neuf mois, ce qui est considérable. Je tiens à souligner que, sous le précédent gouvernement, ce délai avait été réduit, passant à dix mois.

Je souhaite, monsieur le ministre, attirer votre attention sur le fait que le problème tient à plusieurs facteurs.

Le premier tient à la difficulté de définir ce qu’est un pays d’origine sûr, et en particulier de trouver une position commune sur ce point à l’échelle européenne.

Le deuxième facteur est lié aux délais d’instruction, très longs, qui favorisent bien évidemment les filières d’immigration clandestine. Ces dernières profitent de la situation pour maintenir sur le territoire des gens qui ne relèvent pas du droit d’asile, auquel nous sommes tous attachés.

Enfin, je rappelle que, les années précédentes, sur les 53 000 décisions d’expulsion du territoire, seules 20 000 ont été exécutées. Les étrangers non expulsés sont donc restés sur le territoire national. De fait, comme l’ont fait remarquer nos collègues Christophe-André Frassa et Roger Karoutchi, nous produisons nos propres situations irrégulières.

Monsieur le ministre, je vous pose trois questions.

Tout d'abord, pouvez-vous intervenir auprès du préfet du Rhône pour qu’il revienne sur sa décision et reconsidère la situation telle qu’elle se présente aujourd’hui ?

Ensuite, sur le plan national, ne serait-il pas opportun d’envoyer des représentants de l’OFPRA en Albanie, notamment, pour instruire sur place, immédiatement, les demandes d’asile qui pourraient être déposées ?

Enfin, quelles initiatives allez-vous prendre pour que l’Europe adopte une définition unique des pays d’origine sûrs et quels moyens allez-vous engager pour que soient exécutées les décisions de retour ?

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC . – M. Jean-Vincent Placé s’exclame.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre de l'intérieur

Monsieur le sénateur, vous l’avez rappelé, la situation est très tendue en Rhône-Alpes et dans le département du Rhône. La région a connu une hausse de plus de 50 % du nombre des demandeurs d’asile et dans votre département ce nombre a doublé. Tant la ville de Lyon que le Grand Lyon sont touchés.

Le Rhône n’est pas le seul département à vivre une telle situation critique, à connaître une saturation des capacités d’hébergement. Ce sont 5 700 personnes qui y sont hébergées chaque jour par l’État et le préfet – c’est son devoir – veille à leur répartition sur l’ensemble du département. Toutefois, malgré ces efforts importants, il n’est pas possible de trouver des solutions d’hébergement pour tous. À la veille de l’hiver, nous vivons des situations particulièrement difficiles.

Dans le Rhône, la capacité d’accueil sera augmentée de 900 places durant la période hivernale. C’est pourquoi le préfet a décidé – j’y reviendrai – d’héberger sur un terrain de votre commune 290 demandeurs d’asile, dont près de 110 enfants, qui occupaient depuis le début de juillet 2013 une zone située à côté de la gare de Lyon-Perrache, sous un autopont, dans des conditions terribles que j’ai pu moi-même constater de visu voilà quelques jours.

Depuis 2011, d’autres communes de l’agglomération lyonnaise, dont la vôtre, ont participé à cet effort collectif d’hébergement, mais il est évident que nous ne tiendrons pas très longtemps avec des solutions de ce type.

S’agissant du terrain d’Oullins, je vais demander au préfet d’organiser autrement la répartition des demandeurs d’asile. Je vous connais bien, monsieur le sénateur, et je ne doute pas que vous participerez à cet effort. Je prends l’engagement auprès de vous de faire en sorte que l’accueil de ces populations soit organisé autrement.

Concernant la réforme du droit d’asile, elle est en cours. Depuis plusieurs mois, une concertation est menée par Valérie Létard et Jean-Louis Touraine, notamment pour réduire les délais. Ceux-ci étaient d’environ vingt mois sous le gouvernement précédent ; nous essayons de les réduire à seize mois, avec un objectif final de neuf mois. C’est difficile et c’est pourquoi nous avons donné des moyens à l’OFPRA. C’est toute la procédure qui doit être revue pour réduire les délais au niveau national, et la concertation doit s’engager au niveau européen. L’accueil sur notre territoire doit faire l’objet d’une organisation beaucoup plus directive.

Monsieur le sénateur, j’espère que nous parviendrons à une proposition consensuelle ; en tout cas, c’est mon souhait. En effet, nous avons besoin, au plan national comme à l’échelon local, de trouver les voies d’un consensus pour régler le problème de l’asile et le sort des déboutés de ce droit.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE . – M. Aymeri de Montesquiou applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Vaugrenard

Ma question s'adresse à M. le ministre délégué auprès du ministre de l’économie et des finances, chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation.

Monsieur le ministre, je souhaite vous interroger sur la situation d’une industrie forte et emblématique de notre pays, à savoir la construction navale.

Les chantiers de Saint-Nazaire, en Loire-Atlantique, ont su construire le Normandie, le France, le Queen Mary 2 et ont lancé, voilà quelques semaines, la construction du plus grand navire de croisière du monde, l’Oasis 3. Par ailleurs, la diversification y est bien présente, avec le développement en particulier de l’éolien offshore.

La qualité de la main-d’œuvre est donc mondialement reconnue et appréciée. En revanche, ce qui est source d’inquiétude aujourd’hui, c’est que l’actionnaire à 66, 6 % de ce chantier, STX France, à savoir la principale banque publique de Corée du Sud, envisage de vendre les actions qu’il détient. Cette banque est en effet en quête de liquidités, compte tenu de la situation dramatique du géant naval STX Corée.

Je rappelle que la France, quant à elle, est actionnaire depuis 2008 à hauteur de 33, 3 %, par l’intermédiaire du fonds stratégique d’investissement.

On peut donc aisément mesurer le risque que cette vente potentielle représente si nous n’en maîtrisons pas suffisamment le rachat. Le risque le plus important est qu’un financier de chantier concurrent, notamment européen, se place sur les rangs, nous privant par la suite de la maîtrise de notre propre avenir.

Monsieur le ministre, il y a selon moi deux logiques à suivre face à ces informations qui, vous vous en doutez, ne cessent d’inquiéter.

La première, c’est une logique industrielle, en organisant, sur l’initiative de l’État, un tour de table de grands groupes français afin qu’ils réfléchissent rapidement à un positionnement offensif en termes de rachat partiel ou total.

La seconde, c’est une logique de précaution, qui n’exclut pas la première. Cette précaution, c’est que la puissance publique accepte, momentanément, d’être majoritaire dans le capital, afin de maîtriser l’avenir d’une filière industrielle qui fonctionne et qui a su innover et se diversifier.

Un paquebot de l’envergure du prochain – sans compter celui, identique, qui peut suivre –, c’est 2 milliards d’euros dans notre balance commerciale, ce qui est loin d’être négligeable dans la période actuelle.

Monsieur le ministre, je vous remercie de nous donner les informations permettant, je le souhaite, de nous rassurer sur le destin d’une filière industrielle indispensable à l’économie de notre pays. Je souhaite que la détermination du Gouvernement soit totale.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

La parole est à M. le ministre délégué chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation.

Debut de section - Permalien
Benoît Hamon, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation

Monsieur le sénateur, ce dossier inquiète légitimement les élus que vous êtes, les salariés des chantiers de Saint-Nazaire et leurs familles. Au nom du Gouvernement, je voudrais leur adresser un message à la fois de confiance et de vigilance. En effet, nous suivons avec la plus grande attention les développements actuels concernant la situation financière du groupe coréen STX. Ce dernier est actionnaire majoritaire de STX Europe, qui lui-même détient plus de 66 % de STX France.

Que se passe-t-il aujourd’hui ? Le groupe STX connaît des difficultés financières, et il est en cours de redressement, sur l’initiative de la banque publique coréenne KDB.

La question ou l’option d’une cession de certains de ses actifs, notamment en Europe, est aujourd’hui posée, sans que pour autant – je tiens à vous le dire – le Gouvernement ait été officiellement informé de ses intentions.

À ce jour, l’État, actionnaire indirect de STX France via la Banque publique d’investissement, n’a pas été saisi par STX Corée. Or aucun projet de cession ne peut avoir lieu sans information préalable de l’actionnaire public français.

Plusieurs points doivent donc être soulignés.

En aucun cas la situation économique et le financement des chantiers de Saint-Nazaire ne sont en cause dans le développement de la situation du groupe STX Corée. À l’inverse, STX France a pleinement consolidé son activité ces derniers mois grâce à d’importants contrats remportés, en particulier à l’export, notamment, vous l’avez cité, monsieur le sénateur, la construction du plus grand paquebot de croisière du monde, Oasis 3. L’activité de Saint-Nazaire n’est donc pas menacée par les événements de Corée.

Le Gouvernement est pleinement mobilisé sur ce dossier afin de conforter, comme vous l’avez souhaité, parmi les options que vous évoquez, l’avenir industriel des chantiers, qu’il continuera d’accompagner dans leur développement et leur diversification.

Le Gouvernement a donc confiance dans l’avenir capitalistique des chantiers. La preuve en est qu’il suit avec la plus grande attention la restructuration actuelle du groupe coréen STX. Le Premier ministre lui-même a évoqué, à la fin du mois de juillet dernier, lors de son déplacement en Corée, cette restructuration avec le Premier ministre coréen.

Cette confiance n’empêche pas la vigilance. Le principal enjeu demeure, pour nous comme pour vous, l’activité des chantiers, plus que sa structure actionnariale.

De quoi les chantiers de Saint-Nazaire ont-ils besoin aujourd’hui ? D’une part, vous l’avez dit, de continuer à engranger des commandes pour poursuivre la consolidation des perspectives de charge de travail. D’autre part, de poursuivre les actions visant à renforcer leur compétitivité et à circonscrire l’exposition de leur activité à un nombre limité de commandes dans le secteur de la croisière. C’est le sens des développements dans l’éolien offshore.

Debut de section - Permalien
Benoît Hamon, ministre délégué

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Ces aspects sont aussi importants pour l’entreprise que les questions actionnariales.

Mme Isabelle Pasquet s’exclame.

Debut de section - Permalien
Benoît Hamon, ministre délégué

Pour conclure, l’État entend rester un partenaire de long terme du groupe aux côtés d’actionnaires industriels responsables, désireux de développer la société, son activité et l’emploi.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste . – M. Michel Le Scouarnec applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Dufaut

Ma question s'adresse à M. le ministre délégué auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants.

Au préalable, je souhaiterais que la réponse qui me sera faite soit exempte de tout caractère polémique et sorte du sempiternel refrain : « Quand vous étiez au gouvernement… »

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

C’était il n'y a pas si longtemps, pourtant !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Dufaut

J’associe également à ma question notre collègue Marcel-Pierre Cléach, président du groupe d’études des sénateurs anciens combattants.

Monsieur le ministre, le 24 septembre dernier, vous avez publié un décret amputant de 20 % la rente mutualiste du combattant, qui, je le rappelle, a été créée en 1923. Si nous ne contestons pas l’impératif de réduction de la dépense publique, nous considérons que cela ne peut se faire sur le dos de ceux qui ont combattu pour la liberté et pour les valeurs de la France.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Dufaut

Pour les anciens combattants et pour les soldats engagés aujourd’hui dans les OPEX, c'est-à-dire dans opérations extérieures, qui sont les anciens combattants de demain, la rente mutualiste est plus qu’un simple droit qu’on pourrait ajuster au gré des impératifs budgétaires. C’est en effet un droit imprescriptible, une reconnaissance de la Nation tout entière pour leur engagement et leur sacrifice sous le drapeau français.

Monsieur le ministre, nous savons que vous avez engagé des négociations avec Bercy et les principaux organismes gestionnaires, tels que la CARAC, la Caisse autonome de retraite des anciens combattants, ou La France mutualiste. Vous avez également annoncé devant l’Assemblée nationale, la semaine dernière, la création d’un comité de suivi qui se réunirait annuellement afin d’examiner les projections démographiques et l’évolution des dépenses liées à l’abondement de l’État, afin de rétablir éventuellement le taux normal de la majoration.

Surtout, vous avez annoncé que cette mesure serait transitoire. Nous voudrions bien le croire, mais nous ne sommes jamais trop prudents et nous refusons solennellement que ce futur comité soit un palliatif d’une réduction du taux de majoration de la RMC, la retraite mutualiste du combattant, qui ferait en quelque sorte jurisprudence.

Enfin, et surtout, raboter le taux de majoration de la RMC, c’est s’attaquer aux principes fondateurs de notre défense nationale. C’est s’attaquer au principe de l’égalité entre les générations du feu, et cela, c’est inacceptable pour toute la communauté de la défense.

Monsieur le ministre, à l’heure où bon nombre de nos anciens combattants vivent en dessous du seuil de pauvreté, à l’heure où les futurs anciens combattants sont rentrés d’Afghanistan et se battent au Mali, pourriez-vous nous dire précisément combien de temps va durer cette mesure transitoire ?

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC . – M. Jean-Vincent Placé applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

La parole est à Mme la ministre des droits des femmes.

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du Gouvernement

Monsieur le sénateur, je n’ai aucune intention de polémiquer avec vous sur ce sujet important. Bien au contraire, j’entends répondre précisément à votre question et même faire preuve de pédagogie pour que vous y voyiez plus clair sur les intentions du ministre délégué chargé des anciens combattants, qui, retenu par ailleurs, m’a demandé de vous répondre.

Comme vous le savez, Kader Arif s’est entretenu avec les acteurs du système mutualiste. Un dialogue enrichi s’est ensuivi, qui a permis de définir des pistes pour sécuriser les dispositifs fiscaux dont bénéficient les anciens combattants et stabiliser en même temps la dépense budgétaire afférente à ce système.

Qu’en est-il ressorti ? Une baisse, c’est vrai, mais très modeste, de l’abondement de l’État, qui ne porte que sur la partie spécifique et non sur la partie légale de ces dispositifs mutualistes.

Cette concertation a permis de sécuriser la rente mutualiste comme un dispositif qui relève du droit à réparation, de préserver la double exonération fiscale à l’entrée à la sortie des rentes mutualistes, qui est leur principal avantage, de maintenir à 125 points PMI – pension militaire d’invalidité – le plafond de ces rentes, de maintenir à niveau constant le coût budgétaire de la rente mutualiste à hauteur de 255 millions d’euros, enfin – c’est un point important –, d’éviter toute remise en cause de la demi-part fiscale pour les veuves d’anciens combattants.

Deux mutuelles importantes, qui représentent environ 60 % des bénéficiaires de la RMC, ont salué ces résultats, dans un communiqué publié le 10 octobre dernier, disant à la fois leur satisfaction quant à la concertation conduite par le ministre chargé des anciens combattants et leur accord avec la solution élaborée en toute transparence.

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud-Belkacem, ministre

Par ailleurs, le ministre délégué chargé des anciens combattants a souligné que serait mise en place une commission de suivi – vous l’avez évoquée –, dont la mission consistera à surveiller l’impact de cette mesure sur les bénéficiaires de la rente. Par conséquent, une évaluation progressive sera menée.

Plus généralement, monsieur le sénateur, je veux souligner que, dans un contexte financier que nous savons tous difficile, tout a été fait pour préserver le budget des anciens combattants. La baisse de ce budget est certes de 2, 7 %, mais elle est inférieure de moitié à la baisse de 5, 4 % que la précédente majorité, à laquelle vous apparteniez, lui avait imposée entre 2011 et 2012.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste . – Exclamations sur les travées de l’UMP.

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud-Belkacem, ministre

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Grâce à la préservation des moyens de ce budget, nous avons pu tenir des promesses que vous-mêmes aviez prises voilà de nombreuses années sans jamais les tenir.

Protestations sur les travées de l’UMP.

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud-Belkacem, ministre

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Je pense à l’extension des droits à la carte du combattant accordée aux personnes qui ont participé aux opérations militaires en Afrique du Nord, à l’accroissement de 6 % de l’aide sociale de l’Office national des anciens combattants, enfin, à la meilleure prise en charge des invalides mutilés – je tiens à les saluer ici –, grâce au financement de prothèses de nouvelle génération.

Applaudissementssur les travées du groupe socialiste et sur certaines travées du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Savin

Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur.

Monsieur le ministre, depuis votre arrivée Place Beauvau, nous sommes nombreux à adhérer à votre discours particulièrement ferme et très volontariste en matière de sécurité. Vous avez rappelé qu’il faut lutter contre les phénomènes délinquants et mafieux, démanteler les trafics et combattre l’exploitation de la misère qui s’y greffe.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Savin

Toutefois, ce qui paraît évident dans vos discours l’est malheureusement moins au niveau de vos résultats, comme en atteste le dernier bilan de l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales.

Je ne doute pas que vous aurez à cœur de nous expliquer que les chiffres manquent de fiabilité. Reste que la plupart des indicateurs sont à la hausse. C’est particulièrement vrai dans les zones de gendarmerie où, sur les douze derniers mois, les cambriolages ont augmenté de 12 % et les violences aux personnes de 10, 4 %.

Dans ce contexte, nos 100 000 gendarmes ont, plus que jamais, besoin des moyens matériels indispensables pour remplir efficacement leur mission. Or ils éprouvent actuellement les plus grandes difficultés à boucler leur budget de 2013.

Lors de son audition devant la commission de la défense nationale et des forces armées de l’Assemblée nationale, le 16 octobre dernier, le directeur général de la gendarmerie nationale avait d’ailleurs attiré l’attention sur les véritables difficultés engendrées par un budget sous tension.

À titre de simple exemple, le volume d’essence disponible pour les 30 000 véhicules de gendarmerie est en baisse de 6 % par rapport à 2012. Ces restrictions portent également sur le matériel informatique, les véhicules et les équipements nécessaires aux militaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Savin

Autre sujet d’inquiétude, il serait aujourd’hui question, pour la direction de la gendarmerie nationale, de reporter le paiement des loyers dus aux collectivités locales, et ce pour continuer d’assurer le bon fonctionnement des unités.

Monsieur le ministre, dans un contexte économique et social difficile, les gendarmes sont les premiers exposés à l’augmentation de la délinquance. Ils font, jour et nuit, un travail difficile et exigeant pour garantir la sécurité de nos concitoyens. Mais on ne peut pas leur demander plus de résultats, qui passent par une présence accrue sur le terrain, et, dans le même temps, réduire leurs moyens d’intervention.

Aussi, je vous remercie de m’indiquer, monsieur le ministre, les mesures que le Gouvernement entend prendre rapidement pour garantir les crédits nécessaires au bon fonctionnement de nos gendarmeries.

Vifs applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre de l'intérieur

M. Manuel Valls, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, je vous remercie de l’attention que vous portez à la situation de la gendarmerie, mais, vous le savez, depuis six ans, ses crédits de fonctionnement et d’investissement ont baissé, sous la majorité que vous défendiez, de 18 %.

Exclamations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre

Je regarde la réalité en face, et je constate que, depuis trente ans, les violences sur les personnes ne cessent d’augmenter – près de 30 % au cours de ces dix dernières années – et que, depuis cinq ans, le nombre des cambriolages explose. Ces derniers mois, ces violences et ces cambriolages, sauf dans les zones de sécurité prioritaires, ont encore augmenté.

Par conséquent, sur ces sujets difficiles, nous devons ensemble nous attaquer à de tels phénomènes. Pour cela, nous avons décidé d’arrêter l’hémorragie que la police et la gendarmerie ont connue en matière d’effectifs – 6 700 postes supprimés dans la gendarmerie en cinq ans –, de remplacer tous les départs à la retraite et de créer tous les ans de 400 à 500 postes supplémentaires de policiers et de gendarmes.

M. Michel Vergoz s’exclame.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre

Chaque année, des discussions ont lieu sur la fin de gestion des budgets de l’État, nous n’y avons pas échappé. Le général Favier a eu raison de souligner les difficultés qui se sont posées à la gendarmerie, pas seulement cette année, mais au cours de ces dernières années.

Le Premier ministre vient de décider de dégeler 111 millions d’euros de crédits de paiement pour la police et la gendarmerie, …

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, ministre

… ainsi que 10 millions d’euros d’autorisations d’engagement pour répondre aux besoins immobiliers les plus pressants dans la gendarmerie nationale pour le logement des familles. J’ai eu l’occasion de l’annoncer ce matin lors de l’examen des crédits de la mission « Sécurité » en commission élargie à l’Assemblée nationale, et j’ai le plaisir de le rappeler dans votre enceinte.

Cette décision du Gouvernement aura une conséquence très simple : pour la première fois depuis 2007, mesdames, messieurs les sénateurs, les crédits exécutés par la police nationale et la gendarmerie nationale sont en augmentation par rapport à l’année précédente de 2 %, soit 40 millions d’euros.

Dans un moment difficile pour nos finances publiques, vous l’avez rappelé, nous augmentons le nombre des postes dans la police et dans la gendarmerie, et nous donnons, en fonctionnement et en investissement, des moyens supplémentaires à la gendarmerie. C’est vrai pour les brigades de gendarmerie, les forces mobiles, le parc automobile de la gendarmerie, le carburant, les équipements informatiques.

Pour nous, la priorité à la sécurité, ce ne sont pas des mots, ce sont des actes, et nous les accomplissons sur le terrain.

Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste . – M. Jean-Vincent Placé applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Tuheiava

Ma question s'adresse à M. le ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation.

La loi de finances pour 2009 du 27 décembre 2008 a institué, en son article 67, le contrat de redynamisation des sites de défense, ou CRSD, afin d’ouvrir le droit pour l’État de céder, à l’euro symbolique, certains terrains militaires reconnus comme étant inutiles par le ministère de la défense au profit des communes dans lesquelles ces domaines fonciers sont situés.

Le décret d’application du 3 juillet 2009 a fixé la liste des communes éligibles au dispositif. Pour la Polynésie française, il s’agit des communes de Arue, de Faa’a, de Mahina, de Papeete, de Pirae, de Punaauia, de Taiarapu-Est et de Teva-i-Uta pour l’île de Tahiti, celles de Hao et de Tureia aux îles Tuamotu, et celle de Nuku-Hiva aux îles Marquises.

Ce dispositif a été approuvé à l’unanimité des représentants élus de l’assemblée de la Polynésie française en décembre 2011, puis par les différents gouvernements locaux successifs. Depuis lors, la plupart des communes éligibles ont adopté, lors de leurs conseils municipaux, des délibérations pour approuver les projets de reconversion qu’elles souhaitaient engager.

Or, depuis 2009, les communes polynésiennes semblent être les seules à n’avoir pas encore bénéficié de ce dispositif jusqu’à ce jour. Devant une telle situation, un certain nombre de maires polynésiens ont récemment annoncé vouloir passer à la phase contentieuse, ce qui me désole. À cet égard, il serait légitime qu’un dialogue direct puisse être envisagé à Paris avec les maires concernés, dès lors qu’ils vous en feraient la demande.

Les maires polynésiens manifestent ensuite une incompréhension de fond sur le retard accumulé.

L’acquisition des terrains militaires dont il s’agit remonte aux années soixante et obéissait à une décision politique. Le dispositif CRSD de 2008 trouve encore sa source dans une décision politique. C’est bien une décision politique qu’attendent aujourd’hui ces onze communes de Polynésie française éligibles au dispositif CRSD, en vue du dénouement de cette affaire.

En votant l’amendement du rapporteur de la commission des finances visant à ajouter un nouvel article 29 bis au projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale, adopté lors de sa séance du 21 octobre dernier, le Sénat a rouvert la voie à cette solution politique, et je l’en félicite. Ainsi, le délai d’expiration du dispositif CRSD est repoussé au 31 décembre 2019.

Les discussions récentes entre le Gouvernement et mes collègues députés polynésiens laisseraient à penser que le CRSD sera encadré à travers l’outil du syndicat mixte. Mais une telle solution technique n’offre pas à ce dispositif, monsieur le ministre, un cadre de gouvernance qui garantisse le respect du principe de libre administration des collectivités locales. Les tensions politiques locales, à des degrés variables, risqueraient de s’envenimer.

Toutefois, d’autres solutions pourraient être trouvées à travers l’extension à ce dispositif d’outils contractuels ayant déjà fait leurs preuves en Polynésie française. Je veux parler du contrat de ville, mais aussi du contrat urbain de cohésion sociale.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Tuheiava

Je termine, monsieur le président.

Ma question est donc la suivante : quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre pour aboutir à un dénouement rapide et concret du dispositif CRSD en faveur des communes éligibles de Polynésie française ? §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

La parole est à M. le ministre délégué chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation.

Debut de section - Permalien
Benoît Hamon, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à vous présenter les excuses de M. le ministre de l’économie et des finances, car j’ai omis de le faire tout à l’heure.

Monsieur le sénateur, vous avez appelé l’attention du Gouvernement sur la situation des communes de Polynésie française qui, quoique étant éligibles au dispositif de cession à l’euro symbolique, n’ont pu acquérir les emprises libérées par le ministère de la défense dans le cadre de la loi relative à la programmation militaire pour les années 2009 à 2014 et portant diverses dispositions concernant la défense.

Cette impossibilité résulte, vous le savez et vous l’avez évoqué, du contexte institutionnel propre à la Polynésie française. En application du statut d’autonomie, les communes ne peuvent mobiliser leurs compétences aux fins de mettre en œuvre les projets d’aménagement devant être réalisés sur les sites concernés, sauf dans le cadre d’une loi de pays et de réglementation polynésienne, et sous réserve du transfert des moyens nécessaires.

À l’inverse, la collectivité de Polynésie française, qui dispose des compétences, n’est pas éligible au dispositif de cession à l’euro symbolique.

La commission pour la transparence et la qualité des opérations immobilières de l’État, organe garant du respect des procédures en matière de cession domaniale, a été saisie du dossier par deux fois. Cette commission, composée de membres des corps d’inspection et de contrôle, ainsi que des magistrats du Conseil d’État, a invariablement rendu un avis négatif, motivé principalement par la difficulté juridique que j’ai rappelée.

La situation actuelle résulte donc non pas d’un blocage du Gouvernement, mais plutôt d’un défaut du dispositif mis en place par nos prédécesseurs, qui ont omis de prendre en compte les spécificités du contexte institutionnel polynésien et les difficultés d’application qui en résulteraient.

Le Gouvernement partage, je vous le confirme, votre volonté de trouver une issue rapide à une situation dommageable à la Polynésie française et à ses habitants. Il va de soi que les engagements pris par l’État au titre de l’accompagnement des restructurations de défense doivent être tenus en métropole comme dans les outre-mer. L’État soutient et soutiendra les projets de redynamisation économique des sites concernés et de construction de logements sociaux. C’est d’ailleurs l’intérêt de l’État, qui est propriétaire de ces terrains.

La loi de programmation militaire actuellement en discussion au Parlement prévoit explicitement la prorogation du dispositif de cession de l’euro symbolique jusqu’en 2019, vous l’avez vous-même rappelé, monsieur le sénateur.

Je vous confirme enfin que notre souhait est de faire émerger avant l’expiration du dispositif actuel une solution juridiquement incontestable et qui recueillerait l’assentiment des collectivités.

Je conclus en vous disant que les députés de Polynésie ont à cet égard évoqué la possibilité de constituer des syndicats mixtes. Le Gouvernement est à l’écoute de cette proposition, et le haut-commissaire assure un dialogue constant avec les collectivités. Si d’autres schémas sont proposés par les acteurs locaux et qu’ils permettent de surmonter la difficulté juridique à laquelle nous faisons face collectivement, le Gouvernement est tout naturellement prêt à les examiner avec vous et l’ensemble des acteurs concernés.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de Mme Bariza Khiari.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La parole est à Mme Laurence Cohen, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Je souhaite faire un rappel au règlement, me référant à l’article 36, alinéa 3 du règlement.

Ce matin, alors que nous débattions de la réforme des retraites, la direction de l’Assistance publique-hôpitaux de Paris, l’AP-HP, tentait de déménager des lits de médecine interne de l’Hôtel-Dieu. Les personnels sont parvenus à empêcher que la salle Saint-François soit vidée de ses lits et du matériel d’hospitalisation. À cette violence s’en ajoutent d’autres, comme le fait que des patients de la salle Saint-Robert, dont certains font partie des populations les plus précaires, sont littéralement renvoyés chez eux.

Depuis des mois, les personnels, les usagers, les élus de toutes sensibilités politiques luttent contre la fermeture des urgences de cet établissement hautement symbolique situé au cœur de Paris.

La visite de l’Hôtel-Dieu m’a permis de constater, avec mes collègues du groupe CRC, que des millions d’euros avaient été consacrés à la rénovation des locaux, contrairement à ce que disait la direction de l’AP-HP.

Madame la ministre, vous avez été interpellée sur cette question et vous avez demandé un moratoire de la fermeture des urgences prévue le 4 novembre prochain, afin de prendre le temps de la concertation.

Les personnels ne sont pas favorables au statu quo. Ils veulent eux aussi des évolutions. Il est donc plus que temps, et il est même vital, de créer les conditions pour que les deux projets, celui que porte la direction de l’AP-HP et celui que défendent les personnels, soient examinés avec un regard non partisan.

En réalité, malgré votre intervention, que, je le répète, nous soutenons, madame la ministre, l’Hôtel-Dieu est vidé peu à peu de son mobilier ainsi que de son matériel médical, et ses personnels sont sommés de choisir leur affectation dans un autre hôpital. Or chacun sait que sans lits d’aval, les urgences ne peuvent tenir. Cette attitude irresponsable de la part de la direction de l’AP-HP ne peut manquer, à long terme, de mettre en danger la vie des patients.

Madame la ministre, que comptez-vous faire pour que de tels agissements cessent ? La direction de l’AP-HP serait-elle au-dessus de l’autorité du ministre et, par voie de conséquence, de celle du Gouvernement ? Il faut absolument que vos engagements puissent être respectés.

J’en appelle donc à la mobilisation de l’ensemble de mes collègues, sénatrices et sénateurs, qui soutiennent l’hôpital public, pour que, à vos côtés, ils défendent l’Hôtel-Dieu et que cet hôpital puisse fonctionner dans de bonnes conditions. De l’avenir de l’Hôtel-Dieu dépend la situation des autres hôpitaux de Paris, donc la qualité des soins pour la population francilienne.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Mme la présidente. Ma chère collègue, en toute amitié et sans porter de jugement sur le fond de votre intervention, je ne puis prendre acte de ce rappel au règlement, parce que ce n’en est pas un.

Marques d’étonnement sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, garantissant l’avenir et la justice du système des retraites.

Nous poursuivons l’examen de l’article 10, dont je rappelle les termes :

I. – Le I de l’article 86 et l’article 88 de la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites sont abrogés.

II. – Les articles 5 à 9 de la présente loi entrent en vigueur à compter du 1er janvier 2015, à l’exception du dernier alinéa de l’article L. 4162-3 du code du travail, qui entre en vigueur à une date fixée par décret en Conseil d’État et, au plus tard, cinq ans après l’entrée en vigueur de l’article 6.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Je suis saisie de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 282, présenté par MM. Longuet et Cardoux, Mmes Boog, Bruguière, Bouchart, Cayeux, Debré et Deroche, M. Dériot, Mme Giudicelli, MM. Gilles et Husson, Mme Hummel, MM. Fontaine, de Raincourt, Laménie et Milon, Mme Kammermann, M. Pinton, Mme Procaccia, M. Savary et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Rédiger ainsi cet alinéa :

II. – Les articles 6 à 9 de la présente loi entrent en vigueur à compter du 1er janvier 2015. Pour les entreprises employant moins de 250 salariés, l’article 6 de la présente loi entre en vigueur à compter du 1er janvier 2017.

La parole est à Mme Catherine Deroche.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

L’amendement n° 282 vise à modifier l’alinéa 2 de l’article, de sorte que les articles 6 à 9 du présent texte entrent en vigueur non pas au 1er janvier 2015, mais au 1er janvier 2017.

Je ne reviendrai pas sur les difficultés d’application qu’entraîne le compte personnel de prévention de la pénibilité. Nous souhaitons un recul de la date d’entrée en vigueur pour les entreprises de moins de 250 salariés, si ce compte venait à être validé ultérieurement.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

L'amendement n° 280, présenté par MM. Longuet et Cardoux, Mmes Boog, Bruguière, Bouchart, Cayeux, Debré et Deroche, M. Dériot, Mme Giudicelli, MM. Gilles et Husson, Mme Hummel, MM. Fontaine, de Raincourt, Laménie et Milon, Mme Kammermann, M. Pinton, Mme Procaccia, M. Savary et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Rédiger ainsi cet alinéa :

II. – Les articles 6 à 9 de la présente loi entrent en vigueur à compter du 1er janvier 2015. Pour les entreprises employant moins de 50 salariés, l’article 6 de la présente loi entre en vigueur à compter du 1er janvier 2017.

La parole est à Mme Catherine Deroche.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

Cet amendement vise à prévoir une date d’entrée en vigueur des articles 6 à 9 du présent texte au 1er janvier 2017 pour les entreprises employant moins de cinquante salariés.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

L'amendement n° 281, présenté par MM. Longuet et Cardoux, Mmes Boog, Bruguière, Bouchart, Cayeux, Debré et Deroche, M. Dériot, Mme Giudicelli, MM. Gilles et Husson, Mme Hummel, MM. Fontaine, de Raincourt, Laménie et Milon, Mme Kammermann, M. Pinton, Mme Procaccia, M. Savary et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Rédiger ainsi cet alinéa :

II. – Les articles 6 à 9 de la présente loi entrent en vigueur à compter du 1er janvier 2015. Pour les entreprises employant moins de 20 salariés, l’article 6 de la présente loi entre en vigueur à compter du 1er janvier 2017.

La parole est à Mme Catherine Deroche.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

Cet amendement vise à prévoir une date d’entrée en vigueur des articles 6 à 9 du présent texte au 1er janvier 2017 pour les entreprises employant moins de vingt salariés.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

L'amendement n° 318, présenté par M. Delahaye, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Pour les entreprises employant moins de 250 salariés, l’article 6 de la présente loi entre en vigueur à compter du 1er janvier 2017, à l’exception du dernier alinéa de l’article L. 4162-3 du code du travail, qui entre en vigueur à une date fixée par décret en Conseil d’État et, au plus tard, cinq ans après l’entrée en vigueur de l’article 6.

Cet amendement n'est pas soutenu.

Quel est l’avis de la commission sur les amendements n° 282, 280 et 281 ?

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

Madame la sénatrice, vous suggérez de différer l’entrée en vigueur du compte personnel de prévention de la pénibilité au 1er janvier 2017 en proposant trois seuils différents : les entreprises de moins de 250 salariés par l’amendement n° 282, de moins de cinquante salariés par l’amendement n° 280, enfin de moins de vingt salariés par l’amendement n° 281.

Je ne comprends pas le sens de ces amendements. En effet, pour les salariés, qu’ils travaillent dans une entreprise de 350, 239, 48 ou 18 salariés, l’exposition au risque est la même ! C’est non pas la taille de l’entreprise qui détermine l’exposition au risque, mais bien les postes de travail.

La commission émet donc, bien évidemment, un avis défavorable sur ces trois amendements.

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé

Avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La parole est à Mme Catherine Deroche, pour explication de vote sur l'amendement n° 282.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

J’entends bien votre réponse, madame la rapporteur. Toutefois, nous avons mis l’accent hier sur les difficultés que le compte pénibilité générait, notamment pour les TPE-PME, d’où notre amendement.

Or vous ne voulez pas entendre cet argument et vous restez fixée sur la notion d’égalité entre les entreprises, quelle que soit leur taille, tandis que nous tenons compte des difficultés de ces dernières.

Permettez-moi de vous dire que, alors même que vous voulez appliquer aux établissements privés des règles en matière de pénibilité différentes de celles qui valent à l’hôpital, il est incohérent de vous tenir mordicus à ces règles en ce qui concerne les petites entreprises et ne pas les appliquer dans le grand secteur public.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La parole est à M. Gilbert Barbier, pour explication de vote sur l’amendement n° 280.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Barbier

Je pense effectivement que les entreprises de moins de 250 salariés peuvent s’organiser.

En revanche, pour les petites entreprises de moins de vingt salariés – je pense pour ma part que le seuil de dix salariés serait bon –, il est beaucoup plus difficile de rédiger ces fiches pénibilité. En effet, le travail qu’elles demanderont aux chefs d’entreprise rebutera un certain nombre d’entre eux : cela créera une surcharge de travail, il faudra embaucher quelqu’un parce qu’il n’existe pas de direction des ressources humaines dans l’entreprise, etc. En somme, cela créera des complications qui s’ajouteront les unes aux autres.

Je soutiens par conséquent l’amendement n° 280.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote sur l'amendement n° 281.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

Il s’agit évidemment d’un amendement de repli par rapport aux amendements précédents.

Je reprends l’excellente intervention de mon collègue Gilbert Barbier. Le seuil qui est retenu par l’amendement n° 281, rédigé par Jean-Noël Cardoux, est de vingt salariés ; nous parlons donc vraiment ici des TPE.

La réflexion sur la pénibilité est un devoir absolu, mais je crois profondément que votre système ne peut pas fonctionner dans les petites entreprises, sauf à susciter des charges administratives qu’à aucun moment vous ne faites l’effort d’évaluer en les rapportant au nombre de salariés.

Madame la rapporteur, vous avez dit quelque chose d’important tout à l’heure sur un autre article. Vous avez dit : on passe de la sécurité sociale au droit du travail, de l’invalidité à la pénibilité.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

On ne se situe plus sur le terrain de la santé – je cherche du regard mon collègue M. Alain Milon –, mais sur celui du fonctionnement de l’entreprise, au cœur de celle-ci.

Or, dans le fonctionnement de l’entreprise, ou bien l’on retient des normes générales qui s’appliquent d’une façon indifférenciée au sein de grandes catégories d’entreprises, ou bien, comme le propose le projet de loi à travers des fiches, on entre dans le détail de l’activité de chaque salarié. Vous avez choisi cette seconde solution, mais je crains qu’elle ne soit irréaliste.

En effet, l’intervention du salarié, lorsqu’il va réparer une chaudière, par exemple, livrer des meubles en ville ou monter un mur d’aggloméré, est prévisible théoriquement – du moins peut-on l’imaginer. Toutefois, la vie ne se passe pas toujours comme la théorie le prévoit. À certains moments, le salarié est obligé de s’adapter. L’équipe, le contremaître s’adaptent eux-mêmes aux réalités du travail, et ce qui était facile devient difficile.

Pour reprendre l’exemple du marteau-piqueur qui a déjà été évoqué, démolir une dalle dont on s’aperçoit finalement qu’elle est en béton armé avec un ferraillage dense est un travail beaucoup plus difficile que celui qui était prévisible théoriquement. Comment va-t-on procéder ? Va-t-on considérer que chaque mètre carré de terrassement permet d’atteindre un seuil de pénibilité, ou faudra-t-il revenir sur chaque action ? Très honnêtement, on a besoin de comprendre.

Vous me direz que ces réflexions relèvent de l’application, pas même des décrets, mais des circulaires. Je le concède, mais ce que je voulais dire à travers cet amendement, c’est que, très tranquillement, vous imposez une charge nouvelle aux employeurs.

Vous savez que dans une année, un salarié doit, je crois, en moyenne, 220 journées de travail à son employeur, et l’employeur, lui, doit 365 jours par an à son entreprise. A-t-il nécessairement envie de consacrer le temps dont il dispose à établir le compte pénibilité ? Nous ne contestons pas qu’il doive appliquer les lois – vous avez tout à fait raison, madame la ministre, il faut appliquer les lois – et les normes – il faut en effet appliquer les normes de sécurité, d’hygiène, d’environnement. Nous acceptons tout cela. Cependant, selon votre rédaction du projet de loi, il faudra qu’il établisse une sorte de dialogue permanent, prévisionnel d’abord, rétrospectif ensuite, pour savoir si toutes les marches d’accès au seuil de pénibilité ont été franchies ou non.

Je crains que vous n’aboutissiez ainsi véritablement à décourager les employeurs, qui risquent, pour les toutes petites entreprises, de prendre la décision de ne pas saisir les occasions de développement, lorsqu’elles existent, tant ils seront préoccupés de la charge de travail que représenterait – j’insiste sur le conditionnel pour ne pas être systématiquement négatif – une interprétation conflictuelle de l’obligation d’établir des fiches restituant la réalité de la pénibilité dans le travail.

S’il s’agit d’une norme générale, eh bien, on coche des cases. S’il s’agit de restituer ce qu’a été la réalité d’une journée de travail sur un chantier, bonjour les dégâts ! En tous les cas, bonjour le découragement pour l’employeur.

C’est la raison pour laquelle je voulais défendre avec conviction cet amendement n° 281, qui vise à modifier la date d’entrée en vigueur du texte pour les entreprises de moins de vingt salariés.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

L'amendement n° 161, présenté par Mme David, M. Watrin, Mmes Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... – L’article L. 4622-2 du code du travail est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« Le refus de l’employeur de se conformer aux prescriptions du médecin du travail doit être motivé par écrit.

« En cas de contentieux liés à l’altération ou à la dégradation de l’état de santé du salarié, en lien avec son activité professionnelle, le refus de l’employeur de se conformer aux prescriptions du médecin lui est opposable. »

La parole est à Mme Annie David.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Cet amendement vise à tirer les conséquences de l’allongement progressif de la durée de vie au travail.

Nous considérons en effet qu’étendre le nombre d’années de cotisations, quand bien même l’espérance de vie augmente, n’est pas sans effets sur la santé des travailleurs. Encore aujourd’hui, dans nombre de métiers pénibles, les conséquences d’une vie de travail sont telles que l’espérance de vie en bonne santé est très inégale. Ce sont bien souvent les populations issues de milieux déjà frappés par la crise et les bas salaires qui sont les plus mal loties.

Disons-le sans ambages : avec ces multiples réformes, la retraite à soixante ans ne sera bientôt plus qu’un souvenir. Nombre de nos jeunes ne peuvent aujourd’hui espérer, compte tenu des périodes de chômage ou d’inactivité qu’ils auront à traverser, de retraite complète avant d’atteindre l’âge de soixante- cinq ans. Aussi devons-nous réfléchir sur les conditions dans lesquelles les citoyens de ce pays auront à effectuer ces années supplémentaires.

Il nous semble tout à fait opportun de renforcer les protections du travailleur dans le domaine de la santé au travail, puisque l’allongement de la durée de cotisations et, partant, de la durée de vie passée au travail ne sera pas sans incidence sur sa santé.

Il s’agit donc de s’assurer que les prescriptions du médecin du travail seront suivies d’effets.

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

Cet amendement vise à renforcer les obligations de l’employeur au regard des prescriptions du médecin du travail. Bien entendu, notamment sur les travées de gauche de cet hémicycle, on ne peut que partager cet objectif.

Pour autant, il convient d’observer que cet amendement n’a pas véritablement de lien avec l’objet du projet de loi. On peut même dire qu’il s’agit d’un cavalier législatif. Or la jurisprudence du Conseil constitutionnel à cet égard est très claire : il avait censuré la réforme de la médecine du travail introduite dans le projet de loi de 2010 au cours de la navette parlementaire.

Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre

À l’argument relatif à l’inconstitutionnalité, j’ajouterai, madame David, que les dispositions que vous souhaitez introduire figurent déjà dans les articles L. 4624-1 et L. 4624-3 du code du travail, qui prévoient l’obligation pour l’employeur de prendre en considération les propositions du médecin du travail et de motiver son refus.

Par conséquent, le Gouvernement demande le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Je maintiens l’amendement, madame la présidente !

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

Cet amendement est intéressant, parce qu’il nous replonge dans le débat que nous avons eu hier soir sur le rôle du médecin du travail.

Je crois me souvenir – je peux me tromper, car nous avons examiné un grand nombre d’amendements – que le Sénat a adopté, contre l’avis de la commission et du Gouvernement, un amendement permettant de consulter le médecin du travail pour établir les fiches de pénibilité dans l’entreprise.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

À partir du moment où l’on a fait mention du médecin du travail hier, je comprends que Mme David veuille qu’il en soit de même aujourd’hui.

Madame la ministre, le risque qui existe serait dissipé si nous examinions ce texte selon la procédure normale et si la navette parlementaire nous laissait le temps – oh ! ce ne serait pas l’éternité, ce serait l’affaire de deux ou de trois semaines –, de consulter les meilleurs juristes et, par conséquent, d’éviter la perspective – honteuse ! – d’une censure par le Conseil constitutionnel.

Comme nous travaillons à marche forcée – au tambour, dirai-je ! –, nous ne pouvons évidemment entrer dans le détail. Du reste, cela n’a rien d’un détail : c’est au contraire très important puisque le principe de l’intervention du médecin du travail a été décidé hier et que son avis ne serait pas considéré aujourd'hui comme requis.

Madame la ministre, j’ai bien compris que l’avis du médecin du travail peut être recueilli, mais c’est au titre de la santé et non à celui de la pénibilité. Or, hier, nous avons fait en sorte d’impliquer le médecin du travail dans la pénibilité sans pour autant intégrer la problématique de la pénibilité dans la médecine du travail.

Quoi qu'il en soit, nous ne participerons pas au vote sur cet amendement, car il s’agit d’une affaire interne à la majorité gouvernementale. §

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

J’entends bien qu’il existe un risque d’inconstitutionnalité et que le code du travail prévoit déjà que les prescriptions faites à l’employeur par le médecin du travail lui sont opposables. Cependant, nous savons tous ici que ce n’est pas pour autant que ces prescriptions sont suivies d’effet. Si, dans l’entreprise, ce que demandait le médecin du travail était appliqué, cela se saurait ! Hélas, il ne suffit pas qu’une obligation figure dans le code du travail pour qu’elle soit respectée !

Puisque nous abordons un nouveau chapitre du projet de loi et que la notion de pénibilité est incluse dans le code du travail, il me semble important de prévoir que les prescriptions du médecin du travail à cet égard sont rendues opposables à l’employeur.

Madame la ministre, force est de le reconnaître, aujourd’hui, les dispositions que vous avez citées ne sont pas appliquées ! C’est pourquoi je maintiens cet amendement.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

L'amendement n° 162, présenté par Mme David, M. Watrin, Mmes Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... – Au III de l’article L. 4624-3 du code du travail, les mots : «, à leur demande, » sont supprimés.

La parole est à Mme Laurence Cohen.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Toujours pour mieux prendre en compte la pénibilité au travail et défendre les droits des salariés, nous proposons de modifier l’article L. 4624-3 du code du travail.

En vertu de cet article, lorsque le médecin du travail est saisi par un employeur pour éviter toute altération de la santé des travailleurs du fait de leur travail, notamment par une surveillance de leurs conditions d’hygiène au travail, des risques de contagion et de leur état de santé, il fait connaître ses propositions par écrit.

Ces propositions ainsi que la réponse de l’employeur sont tenues, à leur demande, à la disposition du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, le CHSCT, ou, à défaut, à celle des délégués du personnel, de l’inspecteur ou du contrôleur du travail, du médecin inspecteur du travail ou des agents des services de prévention des organismes de sécurité sociale.

Nous souhaitons la suppression des termes « à leur demande », afin que ces propositions soient tenues de façon systématique à la disposition des personnes précitées.

Le caractère systématique de cette mise à disposition serait gage de transparence et serait source d’une plus grande réactivité pour prendre les mesures propres à garantir une bonne santé au salarié.

Cette mesure est simple, de bon sens et permet de répondre à l’objectif affirmé dans l’article 1er de ce projet de loi.

Si l’espérance de vie a bel et bien augmenté et que l’on recule de fait l’âge légal de départ à la retraite en augmentant la durée de cotisations, comme le souhaite le Gouvernement, il paraît, a minima, indispensable de s’assurer que les salariés sont en bonne santé au moment de partir à la retraite.

En ce sens, le rôle du médecin du travail, par les recommandations qu’il peut faire, est essentiel.

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

Cet amendement prévoit l’accès direct du CHSCT aux propositions et préconisations émises par le médecin du travail ainsi qu’à la réponse formulée par l’employeur.

Cet amendement, comme le précédent, est un cavalier législatif et la commission y est, pour cette raison, défavorable.

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre

Même avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

Je crains que cet amendement ne desserve la cause que ses auteurs veulent défendre.

Si l’on « arrose » tout le monde, plus personne ne lira ces documents ! C’est le CHSCT, au cœur du dispositif, qui saisira l’employeur ; en cas de contentieux, il mobilisera les partenaires dont il a besoin. En prévoyant la diffusion de tous les documents, vous risquez d’aboutir à un phénomène de saturation.

Il s’agit là d’une observation de bons sens qui nous conduira, cette fois, à suivre l’avis de la commission et du Gouvernement.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

L'amendement n° 164, présenté par Mme David, M. Watrin, Mmes Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

… - L’article L. 4624-3 du code du travail est complété par un paragraphe ainsi rédigé :

« ... – En cas de contentieux lié à l’altération ou à la dégradation de l’état de santé du salarié en lien avec son activité professionnelle, le refus de l’employeur de se conformer aux prescriptions du médecin lui est opposable. »

La parole est à M. Dominique Watrin.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Watrin

Nous avions déjà déposé cet amendement lors de l’examen de la proposition de relative à l’organisation de la médecine du travail, au mois de janvier 2011 ; malheureusement, il n’avait pas été retenu ni par le gouvernement ni par la majorité d’alors.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Watrin

Nous continuons de penser, comme en 2011, qu’il est important de compléter le code du travail pour préciser que, en cas de contentieux lié à l’altération ou à la dégradation de l’état de santé du salarié en lien avec son activité professionnelle, le refus de l’employeur de se conformer aux prescriptions du médecin lui est opposable. Si le code le prévoit déjà, qu’on nous dise à quel article !

Aux termes de l’article L. 4121-1 du code du travail, « l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ». C’est dire que pèsent sur lui non seulement une obligation de moyens, mais aussi une obligation de résultat. Telle est la jurisprudence constante, depuis l’arrêt rendu par la chambre sociale de la Cour de cassation, le 28 février 2006, dans l’affaire SA Cubit France technologies, qui consacra ce principe en ces termes : « L’employeur, tenu d’une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l’entreprise, doit en assurer l’effectivité. »

Il résulte de cette situation de droit que l’employeur doit garantir à chaque travailleur le résultat attendu, c’est-à-dire la protection de sa santé au travail. En cas de défaut de résultat, c’est-à-dire de dégradation de la santé causée par le travail, même seulement en partie, l’employeur est présumé responsable d’une défaillance fautive.

Les dispositions de cet amendement s’inscrivent dans cette logique : nous entendons donner force obligatoire aux interventions prescrites par le médecin du travail, afin d’éviter que celles-ci ne restent vaines, ce que l’on constate malheureusement trop souvent dans les entreprises.

Rien ne sert en effet de confier cette faculté au médecin du travail si l’employeur peut systématiquement et sans formalité particulière s’y soustraire. Nous proposons donc que le refus de l’employeur de se conformer aux prescriptions soit motivé par écrit. Chacun l’aura compris, cette précision vise, en cas de contentieux, à faciliter l’administration de la preuve du manquement caractérisé de l’employeur, en l’espèce par son refus de suivre les prescriptions formulées par le médecin du travail.

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

Sur cet amendement comme sur les précédents, la commission fait la même analyse : il s’agit d’un cavalier législatif. Par conséquent, elle émet un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre

Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur cet amendement.

Je précise que, en cas de contentieux, le refus de l’employeur de consulter le médecin du travail ou de tenir compte de ses préconisations lui est déjà opposable. C’est l’état actuel du droit du travail.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

Je tiens à soutenir de façon circonstanciée la proposition de nos collègues, en prenant l’exemple très actuel des chantiers de désamiantage, comme chacun d’entre nous en connaît sur son territoire.

L’obligation de résultat et d’effectivité de la protection de la santé des travailleurs est particulièrement sensible en ce domaine. Ce sont des chantiers itinérants, sur lesquels travaillent souvent des salariés en contrat non durable, qui signent un document dans lequel ils affirment connaître la dangerosité du produit alors qu’ils ne sont pas francophones ; et il suffit de collecter les bordereaux auprès de l’inspection générale du travail pour constater que, là où doivent se trouver les signatures, il y a surtout des croix en guise de paraphe.

En conséquence, si nous adoptions, comme je le souhaite, la proposition de nos collègues, nous enverrions un signal extrêmement fort. Quand Mme la ministre dit : « S’il y avait un contentieux, la parole du médecin du travail ferait foi et l’entrepreneur serait placé devant ses responsabilités », elle dit vrai. Cependant, notre but n’est pas de poursuivre de futurs coupables éventuels, il est de garantir le bon état de santé des travailleurs.

En inscrivant maintenant cette disposition dans nos textes, nous éviterions que des salariés ne meurent dans le futur d’avoir travaillé sur les très nombreux chantiers de désamiantage qui doivent encore être menés à bien.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Madame la présidente, je souhaite exprimer mon désaccord avec l’emploi du mot « cavalier » pour qualifier cet amendement.

L’article L. 4624-3, visé par l’amendement, dispose que, « lorsque le médecin du travail constate la présence d'un risque pour la santé des travailleurs, il propose par un écrit motivé et circonstancié des mesures visant à la préserver ».

Cet amendement n’est pas un cavalier dans la mesure où nous avons dit à plusieurs reprises qu’il ne fallait pas que d’éventuels points de pénibilité servent à gagner du temps de retraite. Ce qu’il faut avant tout, c’est prévenir la pénibilité, de manière à préserver la santé des travailleurs. En cela, l’amendement est non seulement fondé, mais il a toute sa place dans les débats sur ce projet de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

Hier, nous avons soutenu le fait que les médecins du travail soient associés à l’élaboration des fiches de pénibilité.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Cela, vous l’avez voté hier, monsieur Longuet !

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

Oui, et de bon cœur, parce qu’un médecin, dans l’entreprise, est en mesure d’observer la pénibilité d’une tâche et qu’il peut distinguer la pénibilité de l’atteinte à la santé, car ce n’est pas la même chose.

Lorsque Mme Demontès dit que cet article 8 est très important, qu’on passe du code de la sécurité sociale du code du travail, je lui donne raison. Qu’on me permette de m’en expliquer.

Tout ce qui est dangereux n’est pas nécessairement pénible. Le tabac est dangereux, mais la plupart de ceux qui fument le font par plaisir. L’alcool est plutôt agréable, mais chacun sait que c’est profondément dangereux.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

C’est surtout pénible pour les autres !

(Sourires.) Cela peut même éveiller une réflexion, susciter une ouverture…

Nouveaux sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

En revanche, il y a des choses qui sont très pénibles, sans être dangereuses le moins du monde. Ainsi, le fait de m’écouter parler quand on veut faire aboutir un texte rapidement est certainement pénible, mais ce n’est absolument pas dangereux : cela ne porte pas atteinte à la santé ! §

Donc, il faut bien séparer ce qui est pénible et ce qui est dangereux ou, selon votre formule, provoque « l’altération ou la dégradation de l’état de santé ». Je serais au passage intéressé de connaître la différence entre l’altération et la dégradation, mais c’est là de la sémantique qu’on peut laisser à un débat de commission.

L’essentiel, c’est que, comme vous l’avez dit avec raison, madame le rapporteur, il convient de distinguer, d’un côté, la santé et la mission de prévention du médecin du travail dans l’entreprise et, de l’autre, une pénibilité qui, parfois, n’altère ni ne dégrade la santé.

C’est la raison pour laquelle nous ne soutiendrons pas les amendements de nos collègues communistes, qui méritent un débat mais dans d’autres circonstances.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Génisson

L’invalidité était reconnue dans la loi de 2010, mais pas la pénibilité !

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Vanlerenberghe

Nous pouvons tous tomber d’accord sur cet amendement. Le problème est de savoir s’il a vocation à figurer dans ce texte, ou à cet endroit du texte.

Marie-Christine Blandin a pris l’exemple de l’amiante, que nous connaissons bien. Et Dieu sait si, dans ce domaine, il y a eu parfois des manquements ! Il est normal que l’employeur se conforme à ce que dit le médecin du travail s’il fait remarquer des altérations graves de la santé du salarié. Mais je ne crois pas que le caractère opposable de cette prescription doive figurer ici.

C’est ce qui nous amènera à nous abstenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La parole est à M. Dominique Watrin, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Watrin

Il n’y a pas, sur ce dispositif, de divergence de fond entre notre groupe et les autres groupes de la majorité sénatoriale puisque nous avions, ensemble, proposé et soutenu une telle disposition en janvier 2011.

Reste la question de la forme… Bien que mon expérience sénatoriale soit encore très courte, j’ai déjà vu passer, et encore tout récemment, un certain nombre d’amendements qui avaient parfois de manière bien plus évidente que celui-ci le caractère de cavalier !

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

L'amendement n° 163, présenté par Mme David, M. Watrin, Mmes Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... – L’article L. 4625-2 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Ces médecins doivent être titulaires d’une habilitation délivrée par l’autorité administrative conditionnée par le suivi d’une formation spécifique dont le contenu est fixé par décret. Le protocole précise les modalités d’exercice au sein du service de santé au travail et l’incompatibilité entre la fonction de médecin de soin du travailleur ou de l’employeur et le suivi médical du travailleur prévu par le protocole. »

La parole est à M. Michel Le Scouarnec.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Le Scouarnec

Nous souhaitons, avec cet amendement, revenir sur une disposition à laquelle nous nous étions opposés en 2011 avec nos collègues socialistes de la commission des affaires sociales, lorsque nous étions dans l'opposition, au moment de l'examen du texte relatif à l'organisation de la médecine du travail.

En effet, ce texte, a permis, pour certaines professions, par exemple les artistes et techniciens intermittents du spectacle, les mannequins, les salariés du particulier employeur et les VRP, que des accords de branche puissent déroger au droit commun de la protection de la santé au travail des salariés, au motif, contestable selon nous, que l'activité professionnelle des salariés en question les écarte déjà de la médecine du travail.

Ainsi, cette réforme prévoit que des médecins généralistes puissent accomplir des actes et des missions qui relèvent normalement des missions et compétences des médecins du travail.

Or il s'agit justement de salariés qui de par leur activité professionnelle, peuvent se trouver isolés ou confrontés à des difficultés sanitaires certaines, en raison notamment du morcellement de leurs horaires.

Dans le cas des mannequins, par exemple, notre collègue Jean-Pierre Godefroy avait évoqué le phénomène de l'anorexie.

Les VRP, quant à eux, sont soumis à des contraintes importantes : culture du résultat, rémunérations variables, autonomie non contrôlée, pressions multiples des clients et des dirigeants ; au point qu'ils figurent aujourd'hui parmi les premières victimes de ce qu'il est convenu d'appeler les troubles psychosociaux.

Il en va de même pour les intermittents du spectacle, qui comptent parmi les salariés les plus précaires. Les priver de l'accès à la médecine du travail au motif que leur précarité rend difficiles des rencontres régulières avec les équipes pluridisciplinaires n'est pas sérieux au regard des enjeux de santé publique.

Ces salariés devraient pouvoir accéder, comme les autres, à la médecine du travail. Or le dispositif qui a été adopté en 2011 prenait prétexte de ce que leur suivi médical est trop difficile ou trop espacé, pour les en écarter.

C'est pourquoi nous souhaitons, avec cet amendement, apporter des garanties suffisantes à la préservation de la santé de ces professionnels soumis à des conditions de travail particulières. Il est donc proposé que l'habilitation des médecins non spécialisés ne puisse résulter que d'une autorisation délivrée par une autorité administrative compétente en matière de santé publique et non d'un simple protocole de gré à gré entre un médecin non spécialisé et le service de santé au travail.

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

Là encore, selon la commission, cet amendement n’est pas à sa place dans ce projet de loi : avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre

Même avis, madame la présidente.

Je me permettrai de dire en outre à M. Desessard qu’il a, si je puis m’exprimer ainsi, une conception assez cavalière des cavaliers. §En effet, il ne suffit pas d’introduire dans un texte la référence à un autre texte, et de broder ensuite autour, pour créer un lien avéré avec un projet de loi. En 2010, le Conseil constitutionnel a annulé de très nombreux articles qui avaient été introduits par des amendements dans le projet de loi présenté par la précédence majorité, amendements qui portaient précisément sur la médecine du travail.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La parole est à Mme Catherine Génisson, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Génisson

J’entends bien les arguments de Mme la rapporteur et de Mme la ministre selon lesquels certains amendements sont des cavaliers, mais ces amendements sont tout de même intéressants. Ils soulignent l’importance de l’organisation de la médecine du travail et la nécessité de nouvelles réformes qui seraient vraiment protectrices de la santé au travail.

Je le dis au moment de l’examen de cet amendement au travers duquel nos collègues du groupe CRC souhaitent exclure toute possibilité pour le médecin de soin du salarié ou de l’employeur d’être aussi le médecin du travail. C’est là une règle fondamentale, qui a d’ailleurs été inscrite dans la loi du 13 août 2004 relative à l’assurance maladie. Cette loi, qui a instauré le dossier médical personnel, a prévu deux circonstances dans lesquelles ce dossier ne peut être transmis à un autre médecin : si ce dernier est un médecin du travail ou un médecin d’assurance.

Par conséquent, si j’entends les arguments selon lesquels ces amendements seraient des cavaliers législatifs, je tiens à insister sur un point : l’urgence de la réforme de la médecine du travail doit aussi être entendue !

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

L'amendement n° 165, présenté par Mme David, M. Watrin, Mmes Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

… - Après le 1° bis de l’article L. 422-4 du code de la sécurité sociale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« 1° ter Imposition d’une cotisation supplémentaire en cas de non-respect par l’employeur des obligations découlant de l’article L. 4622-1 du code du travail ; ».

La parole est à Mme Isabelle Pasquet.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Pasquet

Cet amendement vise à renforcer les obligations des entreprises en matière de santé au travail.

Nous considérons effectivement qu’il est nécessaire de compléter l’arsenal de sanctions et d’amendes existant, car nombre d’entreprises, c’est un fait, ne respectent pas leurs obligations, qu’il s’agisse des visites médicales, obligatoires au minimum tous les deux ans, ou de l’organisation d’un service de santé au travail.

Souvent, les entreprises visées par les enquêtes des services de l’inspection du travail arguent de difficultés économiques, difficultés qui les empêcheraient de tenir leurs engagements en tant qu’employeurs.

Pourtant, nous l’avons indiqué à plusieurs reprises, la question de la santé au travail est capitale. La loi est d’ailleurs claire sur ce point et il ne saurait y avoir ici matière à discussion : un salarié en bonne santé, c’est une entreprise en bonne santé ! Certes, dans l’esprit général, ces dispositions concernent surtout les métiers considérés comme étant les plus exposés. Il est évident que le secteur industriel ne peut pas fonctionner sans des salariés en bonne santé. Mais, en réalité, une telle affirmation vaut pour tous les secteurs.

La prévalence grandissante des troubles musculo-squelettiques est bien une preuve que la médecine du travail est indispensable dans tous les domaines d’activité. On dénombre aujourd’hui près de 40 000 personnes indemnisées par an, mais il y a sans doute beaucoup de cas non déclarés. Ces troubles ont de plus de vraies répercussions économiques puisque leur indemnisation représente plus de 800 millions d’euros et près de 8 millions d’heures de travail perdues.

L’extension du phénomène doit nous inciter à renforcer la médecine du travail. En effet, celle-ci permet précisément de repérer ces troubles, de les prévenir et, ainsi, d’assurer la pérennité de l’activité économique.

Nous proposons donc d’inscrire dans la loi que, sous peine d’une cotisation supplémentaire, l’employeur est tenu au respect absolu de ses obligations en matière de santé au travail. La cotisation, qui fait office de sanction, est évidemment destinée à ne pas être perçue, l’effet recherché étant un effet dissuasif.

Cette mesure permettrait de placer les employeurs face à leurs responsabilités, alors même que, les contentieux le montrent, la loi a encore du mal à être respectée partout.

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

Cet amendement tend à affranchir d’injonctions préalables l’imposition à l’employeur, par la caisse d’assurance retraite et de la santé au travail, la CARSAT, d’une cotisation supplémentaire en cas de non-respect de ses obligations en matière d’organisation des services de santé au travail.

Comme les quatre amendements précédents, celui-ci aurait sans doute sa place dans un texte réformant la médecine du travail, mais n’en a pas dans le présent projet de loi. Par conséquent, l’avis est défavorable.

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre

Le Gouvernement émet également un avis défavorable.

Je voudrais rebondir sur les propos que Catherine Génisson a tenus précédemment et indiquer que, comme Mme la rapporteur l’a souligné elle-même de façon extrêmement claire, les avis défavorables exprimés sur ces amendements ne traduisent en aucun cas une vision négative du rôle et de la place de la médecine du travail.

Je crois que nous partageons tous ici le sentiment selon lequel cette médecine du travail ne fonctionne pas aussi bien qu’elle devrait et pourrait fonctionner. De toute évidence, des améliorations doivent être apportées, aussi bien sur le fond, au niveau des politiques de santé publique, qu’en termes d’organisation du service en lui-même.

Sur le premier point, en tant que ministre en charge de la santé, j’ai annoncé que la stratégie nationale de santé devait permettre une meilleure coordination des actions de santé publique dans tous les domaines de l’action publique, ce qui englobe, indépendamment des rattachements administratifs, les secteurs relevant directement de mon ministère, mais aussi la santé des enfants dans le cadre de l’éducation nationale ou celle des salariés dans le cadre de leur activité professionnelle.

Sur le second point, je tiens à rappeler que Michel Sapin, ministre du travail, a pris l’engagement devant le Conseil d’orientation sur les conditions de travail, le COCT, qu’il a présidé le 14 mai dernier de présenter un bilan de la mise en œuvre de la réforme de la médecine du travail et des services de santé au travail. Cet examen, auquel le COCT sera associé, permettra d’identifier les points méritant une amélioration. D’ailleurs, dans le cadre de la grande conférence sociale des 20 et 21 juin dernier, des réflexions ont d’ores et déjà été engagées sur le sujet.

Les questions relatives à l’avenir de la médecine du travail, à son organisation et aux moyens mis à sa disposition pour mieux prendre en compte les situations des salariés dans le monde du travail figurent donc bien, et en bonne place, à l’agenda gouvernemental. Nous les considérons comme tout à fait prioritaires. Pour autant, nous ne pensons pas que des mesures concernant la médecine du travail aient leur place dans le présent projet de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La parole est à Mme Isabelle Pasquet, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Pasquet

Nous avons bien compris l’argumentation avancée par la commission et le Gouvernement, aux termes de laquelle les amendements que nous avons déposés au sujet de la médecine du travail n’ont pas leur place dans ce texte.

Nous pensons pour notre part que la médecine du travail a un rôle important à jouer dans le cadre de la mise en œuvre du compte personnel de prévention de la pénibilité et, puisque la question de ce compte est abordée dans le présent projet de loi, il est intéressant de pouvoir débattre du sujet dans ce cadre et, ainsi, montrer comment cette médecine peut intervenir.

C’est pour cette raison que nous avons proposé un certain nombre d’améliorations, qui n’enlèvent rien, selon moi, aux discussions prévues et engagées, y compris avec les partenaires sociaux, sur la réforme de la médecine du travail.

Voilà pourquoi nous persistons à considérer que cet amendement ainsi que ceux qui l’ont précédé ne sont pas des cavaliers législatifs.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Par souci de ne pas abuser du temps de parole, je m’exprimerai ici sur l’ensemble des questions touchant à la médecine du travail, en particulier sur cet amendement n° 165 et sur le précédent.

Je voudrais remercier Mme la ministre d’avoir souligné que des évolutions sont nécessaires dans le domaine de la médecine du travail. Je les crois même indispensables.

Notre opposition à ces deux amendements ne tient pas principalement au fait qu’il s’agit de cavaliers législatifs, même si nous partageons la conviction énoncée tant par Mme le rapporteur que par Mme la ministre. Effectivement, ces mesures n’ont qu’un lien assez ténu avec l’objet principal de ce projet de loi portant diverses dispositions relatives aux retraites.

Il reste que, bien entendu, c’est le fond qui prime. Or, de ce point de vue, madame la ministre, je tiens à exprimer une légère déception quant au contenu de votre réponse. Celle-ci n’éclaire guère notre assemblée sur les intentions du Gouvernement à propos d’éventuelles réformes à venir en matière de médecine du travail. Je crois qu’il eût été appréciable, pour l’information du Sénat, que vous nous en disiez un peu plus.

J’ajoute que, à mes yeux, les amendements n° 163 et 165 ne vont dans la bonne direction.

En premier lieu, vouloir ériger des barrières supplémentaires au recours, par défaut, à des médecins généralistes quand les médecins du travail viennent à manquer présente, me semble-t-il, un risque grave. Cela reviendrait tout simplement à baisser la garde et nous nous retrouverions, dans un certain nombre d’entreprises, sans aucun professionnel pour assumer cette fonction.

Certes, le dilemme est très difficile à trancher et, sur toutes les travées, nous reconnaissons la nécessité d’une formation et d’une habilitation spécifiques pour les médecins du travail. Pour autant, on ne peut se contenter d’interdire toute dérogation quand il est avéré que nous manquons de médecins du travail. Le passage par l’habilitation est, a contrario, indispensable pour régler le problème démographique qui se pose dans ce secteur.

En second lieu, je dois dire que je ne suis pas du tout surpris par la méthode proposée par les membres du groupe communiste, républicain et citoyen dans l’amendement n° 165 : à l’heure actuelle, c’est ce que j’appellerai la « méthode unique » ! Elle consiste à créer des prélèvements et des pénalités supplémentaires, pesant de préférence sur les entreprises. C’est la politique du tout-fiscal ! Cette réponse n’est pas pertinente et ne peut en rien régler les problèmes.

Voilà pourquoi nous voterons contre le présent amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La parole est à Mme Catherine Génisson, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Génisson

Je voudrais réagir brièvement à l’intervention de notre collègue Philippe Bas.

Il n’est pas question de mettre en cause les médecins du travail ou les médecins généralistes, ni de prétendre qu’un médecin généraliste ne pourrait pas exercer cette compétence, bien sûr sous certaines conditions de validation de connaissances qu’il aurait acquises en matière de médecine du travail. Ce qu’il importe de préciser, c’est que le médecin traitant du salarié ou de l’employeur ne doit avoir aucun lien avec le médecin du travail.

Mme Laurence Cohen et M. Michel Le Scouarnec applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La parole est à Mme Catherine Deroche, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

Une réforme de la médecine du travail est effectivement nécessaire et pourrait sans doute nous permettre de compléter celle qui a précédemment été mise en œuvre. Mais, comme l’a souligné Philippe Bas, les principaux problèmes sont liés à la démographie médicale : ceux que l’on constate à cet égard pour la médecine générale sont encore plus prégnants en médecine du travail et, même en ayant recours à la pluridisciplinarité, les difficultés demeurent.

En défendant cet amendement n° 165, le groupe CRC pointe les failles pouvant exister dans certaines entreprises. Mais le secteur privé n’est pas le seul concerné ! Ainsi, dans nos collectivités locales, il nous est parfois bien difficile de faire en sorte que, par exemple, les agents spécialisés des écoles maternelles, les ASEM, puissent effectuer la visite médicale qui est obligatoire. Pourquoi ? Parce qu’il n’y a plus de médecins du travail et de médecins dans les centres de gestion ! Que fait l’État face à cela ? Il donne des délais beaucoup plus longs pour le personnel enseignant ! Ainsi, nous connaissons tous des instituteurs qui ne voient jamais de médecin du travail et qui ne sont jamais contrôlés, alors que nos propres personnels sont soumis à un contrôle tous les deux ans.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Il y a aussi des enfants qui ne voient jamais le médecin scolaire !

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote sur l'article.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

Voilà enfin, avec l’article 10, une rupture ! C’est ce qui le rend particulièrement intéressant.

Mon collègue Philippe Bas vous a interrogée, madame la ministre, sur les ruptures que vous comptiez mettre en œuvre avec ce texte. Eh bien, nous en percevons enfin une !

Nous nous demandions ce que vous aviez décidé de supprimer parmi ces constructions scélérates qui, depuis 1993, brisent toute espérance en matière de retraites… Nous disposons à présent d’un premier élément : l’article 10 met fin à deux initiatives importantes que la loi de 2010 avait consacrées.

Il s’agit tout d’abord de la création d’un comité scientifique ayant pour mission d’évaluer les conséquences de l’exposition aux facteurs de pénibilité sur l’espérance de vie avec et sans incapacité des travailleurs, qui devait être constitué avant le 31 mars 2011. Le sujet est passionnant !

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

Je dois reconnaître que les ministres du travail successifs sont responsables de ne pas avoir institué ce comité scientifique.

S’il s’était réuni et s’il avait produit des études, il aurait pu éclairer une partie du débat qui nous occupe depuis ce matin, à savoir la frontière entre pénibilité et santé, entre code du travail et code de la sécurité sociale, entre organisation du travail – laquelle s’établit sous l’autorité du chef d’entreprise, en liaison avec les représentants du personnel, et avec un droit de regard des médecins du travail – et médecine du travail, qui s’attaque pour sa part à la santé, à sa dégradation ou à son altération. Ce comité n’ayant pas vu le jour, nous ne savons pas exactement où se situe cette frontière. Sans doute d’ailleurs n’existe-t-il pas de bornage précis. Ce serait d’ailleurs bien le seul domaine où la logique des ensembles flous ne s’appliquerait pas !

Mme Catherine Deroche s’esclaffe.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

Courageusement, l’article 10 démolit, détruit, abat une prétention de la majorité précédente en matière de retraites.

Vous marquez une rupture puisque vous constatez que la possibilité pour les branches de mettre en place, par accord, un dispositif d’allégement ou de compensation de la charge de travail des salariés occupés à des travaux pénibles n’a pas été saisie – il s’agissait de l’article 86 de la loi de 2010. Cette expérimentation, qui devait prendre fin au 31 décembre 2013, n’a pas abouti, et vous décidez donc d’y mettre un terme. Nous pourrions presque vous dire, comme Madame du Barry, « Encore une minute, monsieur le bourreau ! », puisqu’il reste deux mois.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

M. Philippe Bas. À vous, il reste une minute quarante de temps de parole, mon cher collègue !

Nouveaux sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

M. Gérard Longuet. Je ne voulais pas dire que j’allais encore parler pendant deux mois !

Nouveaux sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

Vous supprimez donc un comité qui ne s’est, certes, jamais réuni, mais qui aurait été utile s’il avait fonctionné. Je plaide toutefois coupable, car nous aurions dû nous-mêmes l’installer.

Voilà une rupture !

Nouveaux sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

Le monde va changer, assurément ! Quelle rupture avec 1993, 2003, 2008 et 2010 !

Très honnêtement, c’est un peu faible…

C’est la raison pour laquelle nous voterons contre cet article.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

M. Philippe Bas. Je me permets de compléter l’explication de vote que vient de livrer M. Gérard Longuet au nom de notre groupe, car il n’a pas eu en effet tout le temps nécessaire pour développer l’ensemble de son argumentation.

Nouveaux rires sur les mêmes travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Je voudrais, pour ma part, vous expliquer les conséquences qui s’attachent, de notre point de vue, au rejet de cet article 10.

Je suis d’accord avec ce qui vient d’être dit : il est tout à fait regrettable que l’expérimentation prévue par la loi du 9 novembre 2010 n’ait pas été mise en œuvre, et que le comité scientifique prévu à son article 88 n’ait pas été réuni.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Au lieu de balayer d’un revers de manche ces initiatives positives pour les travailleurs, on ferait mieux de se poser la question de savoir s’il ne serait pas plus opportun de reporter le délai d’expiration de l’expérimentation, fixé au 31 décembre 2013. C’est ce que nous souhaitons pour notre part, et je pense que la navette pourrait être mise à profit pour obtenir satisfaction.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

Mme Catherine Deroche. Il n’y a pas de navette !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

D’autre part, la création du comité scientifique est une initiative qu’un gouvernement peut assez aisément prendre, me semble-t-il. Je ne comprends d’ailleurs pas pourquoi elle n’a pas été prise plus tôt.

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

Elle devait l’être au 31 mars 2011 ! Soyez complet dans votre propos, monsieur Bas !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Je dirai d’ailleurs que, s’agissant du II de cet article 10, il me paraît absolument impossible que les dispositions adoptées en matière de prévention de la pénibilité puissent entrer en vigueur au 1er janvier 2015.

Ce nouveau dispositif constitue véritablement un choc de complexité : j’ai rappelé, hier et ce matin, qu’il venait percuter latéralement toute la construction française de prévention des risques et maladies professionnels.

Vous le savez, notre système repose sur la recherche du risque zéro, alors que le compte pénibilité va en réalité imposer un dispositif de seuil d’exposition au risque, qui, dans sa conception même, est radicalement contraire au système que nous développons à l’aide de très nombreux accords paritaires dans le domaine de la prévention des risques et maladies professionnels.

Je ne vois pas comment l’on pourrait résoudre cette complexité d’ici au 1er janvier 2015.

Je note très souvent dans les textes des échéances intenables, par souci d’afficher son volontarisme. J’en parle d’autant plus à mon aise que nous avons nous-mêmes beaucoup fauté…

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Génisson

Mme Catherine Génisson. Il faut aller à confesse, monsieur Bas !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

J’en veux pour preuve l’absence de mise en place du comité scientifique au 31 mars 2011 et l’absence de mise en œuvre de la disposition sur les expérimentations concernées par le I de cet article.

Pour toutes ces raisons, et pour faire bref

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Vanlerenberghe

Je joins également ma voix à celles de mes collègues de l’UMP pour regretter la suppression, lourde de conséquences, de ces mesures introduites en 2010.

Le comité scientifique avait été prévu pour répondre aux demandes de prise en compte, non pas seulement de la pénibilité constatée par une invalidité, mais de la pénibilité à effet différé, celle qui semble pénaliser l’espérance de vie.

Tout le monde était à peu près d’accord sur le principe d’une telle mesure, mais il était difficile d’en évaluer précisément les conséquences. Si ma mémoire est bonne, la création de ce comité scientifique fut, à l’époque, le fruit d’une initiative ministérielle.

Il me semble que vous commettez une plus grande erreur encore en supprimant l’expérimentation prévue à l’article 86. J’ai entendu au cours des auditions des remarques sur la difficulté de mettre en place le compte pénibilité dans certaines entreprises ou certaines branches. Or cet article nous donnait précisément l’occasion d’expérimenter. Je sais que ce n’est pas vraiment dans la tradition française, mais c’est dommage.

Il y avait là une belle occasion de mettre en place expérimentalement, jusqu’en 2015, dans certaines branches et entreprises, en fonction de leur taille, les dispositifs que vous proposez d’appliquer. Il eût été intelligent de conserver cette disposition.

De même, il eût été opportun d’organiser le débat national sur la retraite par points, également prévu dans la loi de 2010, et qui aurait dû être organisé au premier semestre de 2013. La loi n’a donc pas été appliquée et, en l’occurrence, cela relève entièrement de la responsabilité du présent gouvernement.

MM. Philippe Bas et Gérard Longuet applaudissent.

Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'article 10.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

L'amendement n° 336 rectifié, présenté par M. Desessard, Mme Archimbaud, M. Placé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Après l’article 10

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Avant le 30 juin 2014, le Gouvernement remet au Parlement un rapport évaluant l’efficience du dispositif d’allocation transitoire de solidarité et la pertinence d’un retour à l’allocation équivalent retraite.

La parole est à M. Jean Desessard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Cet amendement prévoit la remise par le Gouvernement d’un rapport évaluant le dispositif de l’allocation transitoire de solidarité, l’ATS.

L’allocation équivalent retraite, l’AER, était destinée aux demandeurs d’emploi ayant justifié d’un nombre suffisant de trimestres pour bénéficier d’une pension sans décote, mais n’ayant pas atteint l’âge légal.

L’AER a été supprimée en juillet 2011 et remplacée par l’ATS, qui, comme son nom l’indique, est transitoire et dont les conditions d’attribution sont particulièrement restrictives. Le Président de la République s’était engagé à revenir sur ce dispositif lors de la campagne présidentielle.

Le rapporteur de l’Assemblée nationale, M. Issindou, a même indiqué : « Les conditions d’éligibilité de l’ATS instaurée en 2011 n’ont pas permis de prendre en compte la situation de certains demandeurs d’emplois. Nous avons tous vécu cela dans nos circonscriptions, et nous le vivons encore. »

De notre côté, nous recevons de nombreux témoignages de personnes en grande précarité qui ont été exclues du dispositif en raison des strictes conditions d’éligibilité.

Il faut néanmoins souligner que le Gouvernement a élargi les conditions d’accès à l’ATS par le décret du 4 mars 2013 instituant à titre exceptionnel une allocation transitoire de solidarité pour certains demandeurs d’emploi nés entre 1952 et 1953. C’est ce que l’on a appelé l’« ATS 2013 ».

Mais le dispositif reste insuffisant, car les critères pour en bénéficier sont nombreux et cumulatifs. Il faut être né entre le 1er janvier 1952 et le 31 décembre 1953, être indemnisé au titre de l’assurance chômage, de l’allocation spécifique de reclassement ou de l’allocation de transition professionnelle à la date du 31 décembre 2010, et enfin avoir validé le nombre de trimestres nécessaires pour pouvoir prétendre à une retraite à taux plein.

Nous pensons que la suppression de l’AER et son remplacement par l’ATS gardent un caractère injuste malgré les correctifs.

L’Assemblée nationale a voté un amendement émanant du groupe socialiste et demandant un rapport sur les personnes qui, bien que nées entre 1952 et 1953, sont exclues du bénéfice de l’ATS, car certains de leurs trimestres n’ont pas été pris en compte. Cet article additionnel devrait permettre de régler certaines situations, mais il ne traite pas l’ensemble du problème.

C’est pourquoi nous proposons à travers la remise d’un rapport qui analysera les difficultés d’application de l’allocation transitoire de solidarité, son impact réel et ses modalités, dans le but d’évaluer l’opportunité d’un retour à l’allocation équivalent retraite, plus à même, selon nous, d’apporter des solutions concrètes aux précaires en fin de carrière.

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

Cet amendement prévoit la remise d’un rapport sur l’efficience de l’allocation transitoire de solidarité et l’évaluation d’un retour à l’allocation équivalent retraite.

L’ATS tel que modifié par le Gouvernement a permis de corriger un grand nombre d’injustices liées à la suppression, à la suite de la précédente réforme des retraites, de l’AER.

En outre, par l’introduction d’un article 10 bis, l’Assemblée nationale a déjà demandé au Gouvernement un rapport sur la situation de certaines personnes, exclues de l’ATS bien que remplissant la quasi-totalité des critères requis.

Je ne suis pas certaine que, en l’état actuel, il faille aller plus loin, d’autant que les générations auparavant concernées par l’AER ont désormais, pour la plupart, atteint l’âge de la retraite. Par ailleurs, un décret de juillet 2012 prend en compte les carrières longues et permet aux intéressés de partir plus tôt à la retraite.

Je sollicite donc, monsieur Desessard, le retrait de votre amendement. À défaut, la commission émettra un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Dominique Bertinotti

Le Gouvernement émet le même avis que la commission, en invoquant les mêmes raisons.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Je retire l’amendement, madame la présidente !

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

L’amendement n° 336 rectifié est retiré.

L'amendement n° 348, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l'article 10

Insérer un article additionnel ainsi rédigé:

Le Gouvernement crée, dans les deux mois qui suivent la promulgation de la présente loi, une commission permanente composée de représentants des organisations syndicales et patronales, d'élus nationaux et d'élus locaux des départements et territoires d'outre-mer, chargée d'évaluer dans les années à venir les effets de cette réforme sur les populations concernées.

La parole est à M. Dominique Watrin.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Watrin

Cet amendement a pour objet de créer une commission permanente qui, après promulgation de la loi, serait chargée d’étudier les conséquences de cette réforme sur les populations des départements et territoires d’outre-mer.

Nous demandons que cette commission permanente soit composée de représentants des organisations syndicales et patronales, ainsi que d’élus nationaux et locaux des territoires concernés.

En effet, la réalité sociale et économique des outre-mer est telle que l’application mécanique d’une telle loi aurait des conséquences extrêmement graves.

En prenant l’exemple de la Réunion, je citerai quelques chiffres propres à illustrer la situation de ces collectivités.

Selon la cartographie sociale établie par l’INSEE, 343 000 personnes vivent sous le seuil de pauvreté, soit 42 % de la population réunionnaise.

Le nombre des actifs privés d’emploi ne cesse d’augmenter, ainsi que le constatent, mois après mois, divers organismes. Pôle Emploi, l’INSEE, les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi – DIRECCTE – et Eurostat établissent ainsi que les DOM sont les départements les plus touchés par le chômage.

C’est aussi dans les DOM que les jeunes sont le plus privés d’emploi et donc de perspectives d’avenir. À la Réunion, fin mai 2013, près de 167 000 personnes étaient à la recherche d’un emploi, dont 60 % des jeunes de moins de vingt-six ans.

Par ailleurs, la Réunion connaît à la fois une forte croissance démographique et un vieillissement de sa population.

Les personnes âgées de plus de soixante ans représentent actuellement de 11, 5 % de la population. Elles seront 22 % à l’horizon 2025-2030.

En outre, la Réunion est l’une des régions où l’espérance de vie est la plus faible. Même si l’écart s’est resserré ces dernières années entre la Réunion et la France métropolitaine, l’espérance de vie d’une femme est inférieure de près de deux ans à la moyenne nationale.

À la Réunion, 30 % des plus de soixante ans vivent avec le minimum vieillesse, soit neuf fois plus qu’en métropole et deux fois plus qu’en Corse du Sud, premier département métropolitain concerné. Parmi ces 30 % de personnes âgées allocataires du minimum vieillesse, les femmes sont majoritaires.

Toujours d’après les chiffres de l’INSEE, 42 % des Réunionnais de plus de soixante-cinq ans vivent en dessous du seuil de pauvreté. C’est quatre fois plus qu’en France métropolitaine.

Nous pourrions continuer à aligner les chiffres montrant l’extrême gravité de la situation. Ce n’est pas seulement une vision politique, c’est une réalité ! Au point que, comme nous le rappelait notre collègue Paul Vergès, l’INSEE n’a pas hésité à qualifier la Réunion de « département hors normes » avant de conclure : l’importance du niveau de la pauvreté représente un véritable défi à relever en matière d’action sociale à la Réunion.

Si le contexte économique y est différent de celui qui prévaut en métropole, les mesures contenues dans ce projet de loi ne le seront pas. Il serait donc souhaitable, pour éviter une application mécanique de la loi, qui pourrait avoir des conséquences difficiles, voire dramatiques pour la Réunion et d’autres départements et collectivités d’outre-mer, que des dispositions spécifiques puissent être prises.

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

Mon cher collègue, par votre amendement, vous demandez la création d’une commission permanente chargée d’évaluer les effets de la réforme des retraites en outre-mer.

Comme nos collègues ultra-marins, vous avez raison de rappeler que les difficultés économiques que rencontrent les départements et collectivités d’outre-mer ont un impact évident sur les retraites et le niveau des pensions servies. Notre collègue Jean-Étienne Antoinette l’a d’ailleurs souligné lors de la discussion générale.

Pour cette raison, la commission a souhaité recueillir l’avis du Gouvernement sur cet amendement, afin qu’il nous précise quelles mesures il compte adopter pour tenir compte des inégalités que subissent les outre-mer.

Debut de section - Permalien
Dominique Bertinotti, ministre déléguée

La législation en matière d’assurance vieillesse applicable dans les DOM est celle du droit commun. Le présent projet de loi, sans qu’il soit besoin de le préciser, s’applique donc dans les départements d’outre-mer, à l’exception de Mayotte.

Vous soulignez le fait que nombre d’assurés des départements d’outre-mer ont connu des périodes de chômage ou des carrières heurtées. Cependant, toutes les mesures de solidarité prévues dans le projet de loi y seront applicables. Cela permettra d’améliorer, notamment, les droits à la retraite des jeunes, des chômeurs, des femmes et des apprentis.

Le présent texte est un texte de justice. Il adapte l’assurance vieillesse aux réalités sociales d’aujourd’hui, aux insertions parfois difficiles dans l’emploi, aux périodes de stage ou de temps partiel. Contrairement à ce que vous semblez craindre, monsieur le sénateur, son impact sera très positif, dans les DOM comme en métropole.

La proposition de création d’une commission nous paraît inutile, d’autant que le comité de suivi des retraites, chargé de veiller au respect des grands objectifs de notre système de retraites, examinera celui-ci dans son ensemble, en incluant les départements d’outre-mer.

Le Gouvernement est, par conséquent, défavorable à cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Procaccia

Je m’étonne du dépôt d’un tel amendement. En effet, le Sénat a créé, il y a un an, une délégation à l’outre-mer. Cette délégation, présidée par Serge Larcher et composée à parité de parlementaires d’outre-mer et de métropole, a justement pour mission d’examiner tous les problèmes spécifiques de l’outre-mer. Serge Larcher a déjà organisé plusieurs réunions et lancé plusieurs études, y compris sur la question des retraites.

Je ne vois pas pourquoi nous confierions une mission d’étude à l’extérieur du Sénat alors que nous avons, ici, toutes les intelligences et les compétences pour conduire de tels travaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

Monsieur Watrin, vous proposez de créer une commission rassemblant des représentants du Gouvernement et des représentants de l’outre-mer. Non ! Si l’on veut faire fonctionner un système national, ainsi que l’a dit Catherine Procaccia de façon très pertinente, il convient d’instaurer un dialogue entre des responsables compétents pour évaluer le projet national et son application en outre-mer. C’est le sens de la délégation sénatoriale, qui associe des élus représentant toutes les catégories – cela permet de n’en oublier aucune, alors que votre énumération ouvre le risque, comme toujours, d’en omettre – puisque y siègent des sénateurs des départements et collectivités d’outre-mer, reflétant toute la diversité sociologique de l’outre-mer, et des parlementaires du continent.

Ensemble, ils sont en mesure, à la fois, de faire la loi pour tous et de voir comment cette loi peut tenir compte d’aspects spécifiques liés à la démographie ou à des difficultés en matière d’emploi, pour partie liées à l’insularité. En effet, nous savons que l’insularité est une condition d’activité très particulière et le plus souvent – ce n’est évidemment pas vrai pour la Grande-Bretagne – contraignante et handicapante pour le développement.

Pour cette raison, nous ne soutiendrons pas votre amendement. Ce n’est pas par désintérêt pour l’outre-mer, mais parce que nous disposons ici même de la structure permettant de traiter cette question et de nous adresser par la suite au Gouvernement.

Cette observation me conduit à une deuxième objection. En associant le Gouvernement et uniquement les représentants de l’outre-mer, vous donnez le sentiment de court-circuiter le Parlement. Le vote d’une loi sur les retraites relève de la responsabilité des parlementaires ; il leur reviendra également celle de la faire évoluer, si nécessaire. Or votre proposition organise un face-à-face qui écarte les parlementaires, alors que ce sont eux qui auront voté la loi et seront sans doute amenés à voter encore pour l’adapter.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Cet amendement soulève plusieurs questions.

Premièrement, quel est le meilleur instrument d’expertise et de concertation pour évaluer la situation des droits à la retraite en outre-mer ? Je laisse cette question de côté, car les réponses apportées par Catherine Procaccia sont tout à fait convaincantes.

Deuxièmement, se pose la question de notre analyse des causes des difficultés constatées par les auteurs de l’amendement.

Je rappelle à cet égard qu’en 1995, sur la décision personnelle du président Jacques Chirac, nos compatriotes d’outre-mer ont obtenu, en matière d’allocations de solidarité, une parité absolue par rapport à celles qui sont servies en métropole. Cela a constitué un progrès très important.

Certes, aujourd’hui, nous ne pouvons ignorer les difficultés de nombre de nos compatriotes d’outre-mer qui doivent vivre, certains avec le minimum vieillesse, d’autres avec le revenu de solidarité active. Mais n’oublions pas la formidable avancée réalisée sur l’initiative du président Chirac en 1995.

Est-ce sur le traitement social du problème qu’il faut avancer de nouveau ? Ne refusons pas d’examiner la question sociale, mais elle ne doit pas en occulter une autre, plus importante encore : celle du développement économique de nos départements d’outre-mer. Or il me semble que, à cet égard, l’actuel gouvernement ne propose pas grand-chose.

Plusieurs de nos départements d’outre-mer sont situés aux abords immédiats de marchés en très forte expansion. Si l’Europe connaît actuellement une situation de marasme économique, l’Amérique latine, l’Afrique ou encore l’île Maurice sont, quant à elles, dans une période d’expansion, avec des taux de croissance annuels qui avoisinent parfois 8 % ou même 10 %. Que faisons-nous aujourd'hui pour permettre aux entrepreneurs de ces départements, et notamment à ceux qui travaillent dans le secteur touristique, de profiter de ces formidables marchés ?

Au lieu de nous focaliser sur l’évaluation du régime social de l’outre-mer, nous ferions bien – sans pour autant laisser de côté la question sociale, évidemment – de mettre l’accent sur la nécessité de donner de meilleures chances de développement économique à nos départements d’outre-mer. C’est la clef de la diminution du chômage de nos compatriotes d’outre-mer. C’est la clef de l’allongement des carrières professionnelles, notamment pour les salariés. C’est aussi grâce à cela que nos compatriotes pourront acquérir des droits leur permettant de prendre leur retraite dans de meilleures conditions.

Nous devrions privilégier cette voie de réflexion plutôt que celles auxquelles on pense traditionnellement en premier, mais qui ne sont probablement pas les plus fécondes.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Je crois que nos collègues de l’UMP n’ont pas lu notre amendement. Il n’est absolument pas question de court-circuiter le Parlement, contrairement à ce que veut faire croire Gérard Longuet. Au demeurant, cela fait déjà un petit moment que nos propos sont largement déformés et caricaturés.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Mais là n’est pas le plus important.

Nous demandons qu’une commission chargée d’évaluer les effets de la réforme en outre-mer soit mise en place. Cette commission comporterait bien des représentants des organisations syndicales et patronales. Si nos collègues de l’UMP écoutaient nos explications, cela les dispenserait de commettre des erreurs sur le contenu de nos amendements… La commission comporterait également des élus nationaux et des élus locaux des départements et territoires d’outre-mer.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Apparemment non puisque vos réponses ne correspondent pas à la composition que nous proposons !

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

La création de cette commission n’a pas du tout pour but de court-circuiter le Parlement. C’est le contraire : nous voulons associer les parlementaires, les élus locaux, les salariés et les entrepreneurs.

Lundi, Jean-Étienne Antoinette nous a exposé ici même les difficultés que traverse la Guyane. Paul Vergès nous parle assez souvent de celles de La Réunion pour que nous soyons sensibilisés à la situation des outre-mer. En tant que présidente de la commission des affaires sociales, j’ai reçu avec grand plaisir Serge Larcher, président de la délégation sénatoriale à l’outre-mer, auquel j’ai affirmé que notre commission soutiendrait pleinement le travail qu’il devra mener, avec sa délégation, pour faire entendre dans notre assemblée la voix des outre-mer, qui est bien trop souvent oubliée ou du moins insuffisamment entendue.

Tel est le sens de notre amendement. Pour avoir écouté attentivement Jean-Étienne Antoinette, nous sommes bien conscients que cette réforme des retraites s’appliquera de la même manière dans les outre-mer et en métropole. Quelles que soient les mesures de solidarité et de justice incluses dans ce projet de loi – vous les avez rappelées, madame la ministre –, il n’en reste pas moins que les injustices sont flagrantes et que l’application unilatérale et uniforme de la réforme ne fera qu’aggraver la situation déjà difficile des outre-mer.

C'est pourquoi nous demandons la mise en place d’une commission chargée d’évaluer les effets de la réforme en outre-mer.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La parole est à M. Michel Magras, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Magras

J’apprécie énormément que nous consacrions quelques minutes de ce débat à l’outre-mer. Permettez-moi de vous faire entendre une autre voix de l’outre-mer.

Il est certain que l’outre-mer illustre parfaitement la problématique globale de notre débat. Je m’écarterai un peu de l’amendement lui-même afin de vous dire ce que, en tant qu’ultramarin, je pense du texte.

Tout le monde le sait, la réalité du problème des retraites, c’est l’emploi. Si nous avions moins de 4 % de chômeurs, le système social français serait excédentaire : il remplirait les caisses de l’État au lieu de lui coûter de l’argent. Je viens d’une collectivité qui compte moins de 3 % de chômeurs. Toutes dépenses confondues et toutes recettes cumulées, compte tenu des cotisations versées et des prestations reçues, la contribution nette des 9 000 habitants de Saint-Barthélemy à la solidarité nationale s’élève à 20 millions d'euros par an ; cet excédent a été vérifié par un organisme particulièrement compétent.

Vous avez souligné tout à l'heure que les ultramarins étaient soumis à la même législation sociale que les métropolitains : ils paient les mêmes charges et versent de la même manière la CSG et la CRDS. Le système en vigueur à Saint-Barthélemy fonctionne, au contraire du système en vigueur dans le reste de l’outre-mer, qui est inadapté. Je ne parle pas du système de retraites, mais du système dans sa globalité.

Je lie les charges et la fiscalité parce que les deux sont indissociables. Je ne comprends pas qu’on nous dise que, pour régler le problème des retraites, il faut à la fois augmenter les charges sociales et les impôts. Ces deux augmentations sont mathématiquement incompatibles. Si l’on diminue les charges en laissant les impôts au même niveau, le système fonctionnera, mais on ne peut pas augmenter les deux sans provoquer un résultat négatif.

À Saint-Barthélemy, le système fiscal permet d’assurer un équilibre. Nous payons pourtant la totalité des charges sociales. Mais, juste à côté de nous, la Guadeloupe enregistre – je l’ai récemment entendu à la radio – un déficit de 100 millions d'euros en matière sociale. Les Guadeloupéens ne peuvent assumer leurs charges sociales parce que l’addition de ces charges et de la fiscalité rend leur économie impossible à piloter ; Philippe Bas l’a très bien expliqué.

Mon sentiment personnel est que nous sommes en train d’apporter des semblants de solution à un problème qui doit absolument être appréhendé dans sa globalité. Le problème des retraites, c’est le problème de l’emploi. Le problème de l’emploi, c’est aussi bien le problème de la fiscalité des entreprises que le problème des charges sociales qui pèsent sur les salariés et sur les entrepreneurs. Tant que nous ne nous mettrons pas autour d’une table pour régler ces problèmes de manière définitive, nous ne nous en sortirons pas !

Je suis heureux que nous évoquions la situation de l’outre-mer, mais il faudrait organiser autant de débats qu’il y a de collectivités ultramarines.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La parole est à Mme Catherine Deroche, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

Je tiens à répondre à Annie David.

Catherine Procaccia a souligné que la délégation sénatoriale à l’outre-mer pouvait tout à fait se charger du travail que vous souhaitez confier à une commission. La délégation sénatoriale à l’outre-mer présente l’avantage de réunir des élus nationaux d’outre-mer et de métropole, tandis que votre commission se composerait uniquement d’élus nationaux et d’élus locaux des départements et territoires d’outre-mer. À moins qu’il ne manque une virgule au texte qui figure dans votre amendement, votre proposition n’est donc pas du tout la même que celle de Catherine Procaccia.

Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.

Le Gouvernement remet aux commissions permanentes compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat, dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport relatif à la situation des personnes nées en 1952 et 1953, inscrites à Pôle emploi au 31 décembre 2010 et pourtant exclues du bénéfice de l’allocation transitoire de solidarité établie par le décret n° 2013-187 du 4 mars 2013 instituant à titre exceptionnel une allocation transitoire de solidarité pour certains demandeurs d'emploi, qui prévoit l’obligation pour elles de justifier de tous leurs trimestres à la date de la fin des droits de l’allocation chômage.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Cet article, introduit par voie d’amendement par nos collègues députés, précise que le Gouvernement devra remettre aux commissions permanentes compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat, dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport relatif à la situation des personnes nées en 1952 et 1953, inscrites à Pôle emploi au 31 décembre 2010 et pourtant exclues du bénéfice de l’allocation transitoire de solidarité établie par le décret du 4 mars 2013, alors même qu’elles justifient de tous leurs trimestres à la date de la fin de droits de l’allocation chômage.

Bien entendu, je me félicite de l’introduction de cet article parce qu’elle est au moins le signe que la situation des milliers de personnes concernées ne reste pas ignorée.

Cependant, cet article n’est pas entièrement satisfaisant. Nous le savons toutes et tous puisque nous recevons depuis des mois les appels de détresse de ces femmes et de ces hommes qui, après avoir cotisé tout au long d’une vie professionnelle qui a souvent démarré très tôt, se sont retrouvés sans emploi alors qu’ils étaient déjà des seniors. Beaucoup d’entre eux avaient accepté avec confiance, avant 2010, un départ volontaire dans le cadre d’un plan de sauvegarde de l’emploi qui les plongeait dans le chômage, sans imaginer que l’âge légal de départ à la retraite serait repoussé en 2010. Nombre d’entre eux sont aujourd’hui en fin de droits et n’ont donc plus suffisamment de ressources pour vivre dignement.

Au moment de leur perte d’emploi, ces femmes et ces hommes avaient l’assurance de bénéficier de l’allocation équivalent retraite – un minimum social majoré pouvant atteindre 1 030 euros – jusqu’à ce qu’elles atteignent l’âge de la retraite. Cependant, à la fin de l’année 2010, le gouvernement Fillon a supprimé l’AER et repoussé l’âge de départ à la retraite ; la gauche sénatoriale avait alors largement protesté contre ces deux mesures. L’allocation transitoire de solidarité a certes été créée pour remplacer l’AER, mais elle ne s’adresse qu’aux salariés de plus de soixante ans ; un nombre important de chômeurs reste donc en dehors de ce dispositif. C'est pourquoi notre groupe a déposé, en juin 2012, une proposition de loi tendant à rétablir l’AER.

Ému par ces situations, le Premier ministre a annoncé au début de l’année 2013 le rétablissement de l’AER pour les personnes nées en 1952 et 1953. On imagine la grande joie que cette annonce a suscitée !

Malheureusement, le décret du mois de mars 2013 instituant la nouvelle allocation à titre exceptionnel a exclu un nombre important de bénéficiaires, puisque les trimestres validés au titre de l’allocation de solidarité spécifique ne sont pas pris en compte. Ainsi, une personne peut voir les trimestres pour lesquels elle a bénéficié de l’allocation de solidarité spécifique être validés par la CARSAT pour le calcul de la retraite, mais non pris en compte pour le bénéfice de l’ATS.

À cet égard, de 10 000 à 11 000 personnes, chômeurs et chômeuses âgés en fin de droits, inscrites à Pôle emploi avant le 31 décembre 2010, peuvent aujourd’hui prétendre à l’ATS, tandis que près du double en sont exclues.

Comment ne pas être ému par le témoignage de cette femme âgée de 59 ans, arrivée en fin de droit d’allocation d’aide au retour à l’emploi à la fin du mois d’août 2013, qui a commencé à travailler à 17 ans et comptabilise 172 trimestres validés, pour seulement 164 reconnus, à qui l’on refuse le bénéfice de l’ATS en raison d’un trimestre manquant, et qui devra vivre avec les 470 euros de l’ASS pendant encore deux années, soit sous le seuil de pauvreté ? Comment ne pas imaginer la situation dans laquelle se retrouveront les seniors nés en 1954, 1955 et 1956, trop âgés pour les employeurs, mais trop jeunes pour bénéficier de la retraite ?

Mes chers collègues, il est urgent d’agir !

Au mois de novembre 2012, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2013, M. Michel Sapin avait exclu tout retour à l’AER, renvoyant à de futures négociations sur l’avenir de la retraite. Nous y sommes !

Madame la ministre, la solidarité ne souffre désormais d’aucun délai. Ces hommes et ces femmes qui vivent aujourd’hui l’angoisse des minima sociaux, qui expriment le sentiment d’indignité dans lequel les a plongés, en tout premier lieu, la rupture imposée de leur activité professionnelle – la première injustice est bien le licenciement des salariés lorsqu’ils atteignent l’âge de 56 ou de 57 ans – ne peuvent se satisfaire – et ils nous en font part – d’un nouveau report de décision les concernant, dans l’attente d’un rapport qui leur soit favorable.

La loi de finances pour 2013 les ayant déjà rejetés, la réforme des retraites, qui se revendique comme de justice, de solidarité et de plus d’égalité, ne peut pas les rejeter de nouveau.

Aussi, je vous demande, madame la ministre, de nous assurer que le Gouvernement mettra tout en œuvre pour réparer cette injustice sociale.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Pour compléter les propos de Mme Annie David, je tiens à préciser que les membres du groupe CRC voteront néanmoins en faveur de l’article 10 bis issu des travaux de l’Assemblée nationale

Comme vous le savez, mes chers collègues, l’allocation transitoire de solidarité a remplacé l’allocation équivalent retraite, supprimée le 1er janvier 2011 par le précédent gouvernement, « remplacé » n’étant peut-être pas le qualificatif le plus adéquat, puisque, en réalité, l’ATS n’a jamais été l’équivalent de l’AER.

En effet, les conditions d’attribution de cette nouvelle allocation sont, de l’avis de tous, plus complexes à réunir, au point que 39 000 personnes qui auraient pu relever de l’AER sont exclues du bénéfice de l’ATS.

Le décret du 4 mars 2013, qui a précisé les conditions d’application de cette nouvelle forme d’allocation, ne répond pas aux attentes de milliers de salariés privés d’emploi, qui arrivent en fin de droits et qui, malheureusement, ne sont pas parvenus à cotiser un nombre de trimestres suffisant pour partir à la retraite.

Le cumul d’une allocation transitoire de solidarité, aux conditions d’entrée trop restrictives, et des mesures d’allongement de la durée de cotisation adoptées sans discontinuer depuis plusieurs décennies aura pour effet de faire plonger ces salariés privés d’emploi dans le dispositif de l’allocation spécifique de solidarité.

L’article 10 bis se borne à prévoir la remise d’un rapport. Nous en connaissons toutes et tous la raison, mais nous ne nous lassons pas de la répéter : l’article 40 de la Constitution nous empêche de jouer notre rôle de législateur et participe, à sa manière, à la politique de rigueur que nous ne cessons de dénoncer.

En effet, réintroduire par voie d’amendement parlementaire l’AER telle qu’elle existait avant sa suppression exigerait de mobiliser des recettes supplémentaires ce qui, vous le savez bien, mes chers collègues, nous est interdit. Les parlementaires en sont donc réduits à ne déposer qu’une demande de rapport, lequel sera par ailleurs insatisfaisant puisqu’il se limitera à envisager la question des salariés privés d’emploi nés en 1952 et 1953, alors que, de toute évidence, il faudrait mener une réflexion globale portant sur l’ensemble de celles et ceux de nos concitoyens qui sont confrontés au risque de basculement vers l’allocation spécifique de solidarité ou pour qui l’allongement des durées de cotisation et le report de l’âge de départ à la retraite, décidés en 2010, seront nécessairement synonymes de précarité.

Toutefois, malgré la réserve que je viens d’émettre, les membres du groupe CRC, je le répète, voteront en faveur de l’article 10 bis, tout en souhaitant que le rapport demandé aborde tous les aspects de fond de la question.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Pasquet

À mon tour, je voudrais intervenir pour poser un certain nombre de questions à Mme la ministre. Nous avons l’impression que l’article 10 bis permet, à peu de frais, d’aborder dans le présent projet de loi la question de l’allocation transitoire de solidarité.

Je dis bien « à peu de frais », puisqu’il ne prévoit qu’une demande de rapport. Il ne tend donc pas au rétablissement complet et total de l’allocation équivalent retraite que nous n’avons eu de cesse de demander depuis sa suppression en 2011. Nous avions pourtant cru ce rétablissement possible à la suite des propos de M. le Premier ministre.

Autant dire que son remplacement partiel par l’ATS ne nous a pas satisfaits. De la même manière, nous ne nous satisfaisons pas du fait que vous nous proposiez d’attendre encore trois mois un rapport qui, disons-le, ne nous donnera aucun élément supplémentaire sur la situation sociale des salariés privés d’emploi potentiellement éligibles à l’ATS, voire à l’AER, ni même sur les coûts d’une telle mesure pour les comptes sociaux.

L’article que nous examinons ne peut par conséquent pas nous convenir, d’autant que nous avons été nombreuses et nombreux à être alertés par nos concitoyens sur leurs conditions d’accès à l’ATS.

La situation actuelle me conduit à vous poser deux questions concrètes, madame la ministre.

Tout d’abord, à la suite de la publication du décret du 4 mars 2013, certains salariés privés d’emploi ont pu bénéficier de l’ATS, parce que les CARSAT prenaient en compte les trimestres de l’ASS, ce qui nous paraît particulièrement logique puisque cette allocation permet, sous certaines conditions, de valider des trimestres. Pourtant, si nos informations sont exactes, le Gouvernement aurait donné consigne de ne plus intégrer les trimestres validés au titre de l’ASS, privant ainsi certains bénéficiaires éventuels du bénéfice de l’ATS. Pourriez-vous nous confirmer cet élément plutôt étonnant ?

Par ailleurs, la possible adoption de l’amendement, déjà partiel, qui a été déposé au présent article conduira à ignorer la situation des assurés nés après 1953, pour qui rien n’est prévu. Cette omission fait craindre à beaucoup une suppression progressive du dispositif en cause. Madame la ministre, pourriez-vous nous dire ce qu’il en est réellement ?

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

L'amendement n° 369 rectifié bis, présenté par MM. M. Bourquin, Daudigny, Kerdraon, Fichet et Mirassou, est ainsi libellé :

Remplacer les mots :

trois mois

par les mots :

un mois

La parole est à M. Yves Daudigny.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Lors de mon intervention dans la discussion générale, j’ai évoqué le sujet de l’AER, suspendue en 2011 par le précédent gouvernement et remplacée par l’ATS. Je tenais à le rappeler, car, en écoutant les propos des uns et des autres, on a parfois le sentiment que l’histoire de ce pays a commencé voilà un an et demi. Non, il y a eu aussi un avant !

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Cela étant, le décret n° 2013-187 du 4 mars 2013 témoigne d’une volonté réelle de répondre à une urgence sociale. Il s’agit, par cet amendement, de permettre d’évaluer et de corriger les difficultés d’application rencontrées tout en faisant preuve de la même exigence, et ce avant la fin de cette année budgétaire.

De plus, les années concernées étant restreintes aux classes d’âges 1952 et 1953, une évaluation longue du dispositif préalablement à toute décision risque d’être perçue comme étant dilatoire.

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

Les auteurs de cet amendement proposent d’avancer de deux mois la date de remise du rapport, demandé par nos collègues députés, sur la situation des personnes nées en 1952 et 1953 ne percevant pas l’ATS.

Cette demande de rapport témoigne de véritables difficultés et nous avons tous été interpellés par un certain nombre de nos concitoyens à ce sujet. Mme Annie David nous a d’ailleurs donné un exemple concret.

J’espère, madame la ministre, que vous pourrez nous préciser les intentions du Gouvernement quant à la date de remise de ce rapport. Dans l’attente, la commission est convenue de s’en remettre à la sagesse du Sénat.

Debut de section - Permalien
Dominique Bertinotti, ministre déléguée

Je souhaite insister sur certains points qui ont déjà été évoqués.

Le relèvement de l’âge légal de départ à la retraite mis en œuvre par la précédente majorité a effectivement créé une situation imprévue et injuste pour certains demandeurs d’emploi entre la fin de leur période d’indemnisation au titre du chômage et la date de liquidation de leurs droits à une pension de retraite.

Ces chômeurs, qui pensaient en toute bonne foi pouvoir partir à la retraite à la fin de cette période d’indemnisation, se seraient alors retrouvés sans ressources.

Pour remédier à cette situation, l’allocation transitoire de solidarité a été reconduite au mois de mars dernier. Ses conditions ont toutefois été assouplies, notamment au regard de l’indemnisation chômage, pour les chômeurs en fin de droits nés en 1952 et 1953, comme l’a rappelé Mme la rapporteur, et justifiant d’une durée d’assurance complète. Je puis vous assurer que le Gouvernement porte une attention toute particulière à cette population.

L’article 10 bis, ajouté par les députés socialistes et écologistes pendant l’examen du présent projet de loi à l’Assemblée nationale, dispose qu’un rapport sur l’ATS doit être remis dans les trois mois suivant la promulgation de la future loi.

Ce délai me paraît être de bon sens, car les interrogations soulevées méritent précisément un rapport de qualité, ce qui suppose que les services disposent d’un temps suffisant. Si l’on souhaite que ce document ait une efficacité, il faut se donner les moyens techniques de faire en sorte qu’il apporte de véritables réponses. D’aucuns soutiennent que l’on en connaîtrait déjà les conclusions. Quelle serait alors sa pertinence ?

Quoi qu’il en soit, le délai de trois mois me semble raisonnable ; le réduire encore davantage serait préjudiciable à la qualité des travaux. C’est pourquoi, monsieur Daudigny, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement, faute de quoi j’émettrai un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Ce rapport peut être élaboré très rapidement.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Les chiffres relatifs à la situation en cause sont déjà connus, madame la ministre. En effet, lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2013, M. Sapin nous les avait communiqués et avait indiqué que le budget ne pouvait pas les absorber. Ainsi, les services du ministère gagneront du temps.

Nous sommes tous destinataires de messages assez dramatiques. Sincèrement, à mon sens, ce n’est pas un bon signal que de remettre le rapport encore à plus tard, car il est question de situations d’urgence. Je pense réellement que cette demande de raccourcissement du délai est raisonnable. S’il le faut, nous pouvons même donner un coup de main au ministère en faisant remonter très rapidement les données des départements.

Madame la ministre, il s’agirait d’un geste fort envers ces femmes et ces hommes qui espèrent être entendus.

L'amendement est adopté.

L'article 10 bis est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

L'amendement n° 166, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Avant l’article 11

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code du travail est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa de l’article L. 1231-1, les mots : «, ou d’un commun accord, » sont supprimés ;

2° Au second alinéa de l’article 1233-3, les mots : « à l’exclusion de la rupture conventionnelle visée aux articles L. 1237-11 et suivants, » sont supprimés ;

3° Les articles L. 1237-11 à L. 1237-16 sont abrogés.

La parole est à M. Michel Billout.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Billout

La loi du 25 juin 2008 portant modernisation du marché du travail a créé le dispositif de rupture conventionnelle. Rappelons que cette loi est issue d’un accord conclu entre le patronat et certaines organisations syndicales. Toute ressemblance avec l’accord national interprofessionnel portant sur la sécurisation des parcours professionnels serait, bien sûr, purement fortuite…

Nous avions, à l’époque, dénoncé ce dispositif en expliquant que l’égalité présupposée entre l’employeur et l’employé n’existait pas. C’est, au contraire, sur l’absence d’égalité entre les deux que repose tout notre droit du travail. Nous y voyons une brèche supplémentaire dans la législation relative au licenciement.

En effet, soit l’initiative de la rupture conventionnelle vient de l’employeur, et il s’agit alors de contourner la législation en matière de licenciement, soit elle vient du salarié, et l’on voit mal, dans ce cas, quel intérêt aurait le salarié à accepter une telle rupture.

S’agit-il réellement d’un avantage ? On peut en douter au vu de la politique de radiation que mène Pôle Emploi et de la pénurie d’emplois qui pèse sur notre pays.

En 2011, le journal L’Humanité… §– c’est une bonne lecture ! – dressait une liste non exhaustive d’entreprises ayant utilisé le dispositif pour passer outre les obligations relevant d’un plan de sauvegarde de l’emploi ou tout simplement pour se séparer d’un salarié trop âgé : « 1 191 plans sociaux ont été comptabilisés pour l’ensemble de l’année 2010, contre 2 245 en 2009. Une réduction des PSE qui pourrait être expliquée, dans certains cas, par la montée en puissance de la rupture conventionnelle. »

On sait très bien que certains ont été contraints d’accepter ce mode de licenciement sous la pression de leur entreprise.

Près de cinq ans après leur création, nous portons toujours le même regard critique sur ces ruptures conventionnelles. Et nous ne sommes pas les seuls !

Ainsi, l’évaluation du Centre d’analyse stratégique met en évidence un certain nombre de dérives en s’appuyant sur les constatations de l’administration du travail relatives à l’utilisation détournée de la rupture conventionnelle, notamment pour « éviter la procédure collective de licenciement pour motif économique, éviter la mise en place d’un plan de sauvegarde de l’emploi, éviter de respecter l’obligation de reclassement, éviter le transfert automatique des contrats de travail en cas de changement d’employeur, frauder l’assurance chômage dans les entreprises familiales ».

Certes, le taux de retour à l’emploi est plus important qu’après un licenciement, mais il est moins important qu’après une démission. Néanmoins, ce retour à l’emploi est parfois synonyme de précarisation de l’emploi puisqu’un salarié sur six devient travailleur indépendant et que 18 % concluent un CDD, contre seulement 11 % de ceux qui ont démissionné.

C’est pour toutes ces raisons que nous demandons, avec cet amendement, l’abrogation de ce dispositif.

On peut, bien sûr, écarter cette proposition en la qualifiant de cavalier législatif… Toutefois, dans la mesure où il ne semble pas envisagé, à l’occasion de prochains textes, de revenir sur cette disposition, à notre sens fortement contestable, il nous semble très important de l’évoquer à l’occasion de ce débat.

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

Monsieur Billout, ainsi que vous l’avez vous-même laissé entendre, cet amendement est évidemment sans lien avec ce projet de loi sur les retraites. Je rappelle que la rupture conventionnelle est issue d’un accord national interprofessionnel de 2008 relatif à la modernisation du marché du travail.

L’avis de la commission est défavorable.

Debut de section - Permalien
Dominique Bertinotti, ministre déléguée

Monsieur le sénateur, vous l’avez dit vous-même, il s’agit d’un cavalier législatif. Vous ne serez donc pas étonné que j’émette, au nom du Gouvernement, un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Procaccia

Je me réjouis, madame la ministre, madame la rapporteur, de vous entendre émettre un avis défavorable sur un amendement dont l’objet est de remettre en cause la rupture conventionnelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

C’est seulement parce que cette proposition n’a rien à faire dans le texte !

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Procaccia

Je sais toutes les réticences qui ont été celles de l’actuelle majorité à l’égard de ce dispositif. Or vous vous êtes contentées, madame la rapporteur, madame la ministre, de motiver votre rejet de l’amendement par le fait que c’est un cavalier, sans ajouter que vous envisagiez de remettre en cause la rupture conventionnelle. Vous auriez pu le faire. Or, ni l’une ni l’autre, vous ne l’avez fait !

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Procaccia

Dans les entreprises où j’ai travaillé, la rupture conventionnelle n’existait pas et elle était vraiment attendue par les salariés. Je dis bien : les salariés !

Comme vous, monsieur Watrin, j’ai pris connaissance, la semaine dernière, des éléments fournis par le Centre d’analyse stratégique. Ils sont moins critiques que vous, mon cher collègue, mais aussi moins dithyrambiques que je ne peux l’être, en particulier pour ce qui est des ruptures conventionnelles concernant les personnes de plus de cinquante-cinq ans.

Il n’empêche que, si une proportion notable de personnes choisit, après une rupture conventionnelle, d’exercer une activité individuelle, ce peut aussi être en vertu d’un choix de vie.

En tout cas, je me félicite que, pour l’instant du moins, aucun projet de texte gouvernemental ne vienne signer la fin de la rupture conventionnelle, que je continuerai à défendre.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Je sais que mes collègues communistes ne vont pas être d’accord avec ce que je vais dire, car je connais leur position : ils l’ont clairement exprimée. Soit dit en passant, j’aurais aimé entendre la position des socialistes sur la rupture conventionnelle. En effet, un débat a eu lieu sur ce sujet en commission mixte paritaire, et je crains de n’avoir qu’à moitié compris quelle était cette position. À moins qu’une moitié seulement du groupe socialiste ne se soit exprimée... En tout cas, je n’ai pas entendu « la » position des socialistes à propos de la rupture conventionnelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Personnellement, je suis pour la rupture conventionnelle. Certes, il y a des abus, des excès, mais le fait qu’il y ait accord entre l’employeur et le salarié pour mettre fin à un contrat de travail me paraît de nature à protéger le salarié des pressions morales qu’il pourrait subir de la part de l’employeur. C’est une modalité de négociation intéressante.

Sans connaître avec certitude, donc, la position des socialistes sur le sujet, je pense qu’ils sont pour la rupture conventionnelle. Si le dispositif appelle des contreparties, s’il mérite des aménagements, mieux vaut faire appel aux inspecteurs du travail, quitte à renforcer ce corps, plutôt que de supprimer cette disposition.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

L'amendement n° 169, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Avant l’article 11

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le premier alinéa de l’article L. 5121-14 du code du travail est complété par une phrase ainsi rédigée :

« L’inspection du travail procède annuellement au contrôle de l’application de l’accord ou du plan d’action dans l’entreprise. »

La parole est à M. Dominique Watrin.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Watrin

Les salariés âgés qui sont touchés par la pénibilité de leur poste de travail souhaitent partir en retraite un peu plus tôt. La réalité sociale de notre pays nous a amenés à déposer cet amendement, dont l’objet est de s’assurer que l’accord ou le plan d’entreprise en faveur de l’emploi des salariés âgés est effectivement mis en œuvre.

Bien entendu, si, dans les grandes entreprises, les organisations syndicales, les institutions comme les CHSCT ou les comités d’entreprise, jouent leur rôle et peuvent agir en cas de difficulté, il n’en va pas de même dans les PME et les très petites entreprises.

Nous le savons, par ailleurs, les délégués du personnel ont bien peu de moyens pour exister et exercer sereinement tous les contrôles nécessaires. Le temps leur manque. Ainsi, les discussions sur les salaires ou les conditions de travail, pour ne citer que ces exemples, absorbent pas mal de leur énergie.

En revanche, nous avons, dans notre pays, la chance de disposer d’un corps des inspecteurs du travail. Oui, ils font un travail admirable ! Encore faut-il leur donner des moyens, car ils travaillent dans des conditions difficiles. Il serait nécessaire d’augmenter leurs effectifs et de renforcer leurs prérogatives, comme leurs capacités d’intervention. D’ailleurs, nous attendons une réforme en ce sens.

L’objet de cet amendement est de permettre aux inspecteurs du travail d’être les garants de ces accords, s’assurant que les négociations sur la pénibilité ont bien lieu et que les dispositifs pour les salariés âgés sont respectés.

N’oublions jamais qu’après le vote d’une loi, ce qui compte, c’est son application ! Qui est mieux placé que l’État, les organisations syndicales et les structures paritaires pour contrôler que la loi est bel et bien appliquée ?

Du fait de la complexité de notre droit du travail et de la multiplication des mesures qui y touchent de près ou de loin, les salariés ont besoin de femmes et d’hommes pour les aider à décrypter les textes et à prévenir les chausse-trapes que certains chefs d’entreprise, il faut le dire, n’hésitent jamais à employer contre leurs salariés !

Nous pensons que les inspectrices et les inspecteurs du travail sont les meilleurs remparts, notamment dans les petites et moyennes entreprises, pour le respect des règles à l’intérieur de celles-ci.

Tel le sens de cet amendement qui, s’il est voté, trouvera aussi tout son sens dans le cadre d’une réforme plus globale de l’inspection du travail, que nous appelons de nos vœux, car elle assurerait à ce corps les moyens de ses missions.

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

Par cet amendement, notre collègue Dominique Watrin et le groupe CRC demandent un contrôle annuel par l’inspection du travail de l’application des accords ou plans d’action relatifs aux contrats de génération.

Le contrôle des accords ou plans d’action relatifs aux contrats de génération est particulièrement strict puisqu’ils doivent être soumis à la DIRECCTE, qui vérifie leur conformité aux dispositions législatives.

De plus, chaque année, un document d’évaluation sur la mise en œuvre de l’accord collectif et du plan d’action doit lui être transmis. Si ce n’est pas fait, l’entreprise est redevable d’une pénalité.

Dans ces conditions, mieux vaut regarder, avant d’aller plus loin, comment les entreprises mettent en œuvre ce dispositif nouveau, voté il y a moins d’un an.

J’émets donc, au nom de la commission, un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Dominique Bertinotti, ministre déléguée

Monsieur le sénateur, le Gouvernement est, bien entendu, tout aussi soucieux que vous de voir l’accord et le plan d’action en faveur de l’emploi des salariés âgés recevoir application.

Le code du travail prévoit déjà que l’entreprise transmet chaque année un document d’évaluation de l’accord ou du plan d’action relatif aux contrats de génération. Ce rapport est transmis au directeur régional des entreprises de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi. Je le rappelle, ce dernier peut adresser à l’entreprise des observations portant sur la mise en œuvre de l’accord ou du plan d’action.

En outre, les délégués syndicaux et le comité d’entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel en reçoivent copie. Ainsi, un contrôle annuel de la mise en œuvre et de l’application des accords et plans d’action est déjà assuré dans le droit et il le sera également dans les faits.

Telles sont les raisons qui motivent l’avis défavorable du Gouvernement sur cet amendement n° 169.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Procaccia

Si l’on veut bien m’autoriser cette pointe d’humour, je dirai que, vu le succès des contrats de génération, ce contrôle ne devrait guère demander du travail aux inspecteurs du travail et à l’entreprise !

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

Comme ma science n’est pas universelle, j’ai, pour ma part, une question à poser : à partir de quand est-on « âgé » au sens des contrats de génération ?

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

Dans le cadre du contrat de génération, on est considéré comme « âgé » à cinquante-cinq ans quand on est au chômage et à cinquante-sept ans lorsqu’on est salarié.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

M. Jean Desessard. Vous avez réponse à tout, madame la rapporteur !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

Mme Christiane Demontès, rapporteur. Que j’ai réussi !

Mêmes mouvements.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

L’amendement n° 170, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Avant l’article 11

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À la deuxième phrase du deuxième alinéa de l’article L. 5121-14 du code du travail, le taux : « 1 % » est remplacé par le taux : « 10 % ».

La parole est à Mme Isabelle Pasquet.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Pasquet

Alors que le poids de la réforme qui nous est soumise repose sur les salariés, le groupe CRC n’a eu de cesse de chercher, par tous les moyens, à proposer un financement solidaire et durable pour les retraites.

Parmi les principaux défis posés par le vieillissement de la population et la longévité accrue figurent non seulement celui des retraites, mais aussi celui de l’emploi des salariés âgés. En la matière, il ne suffit pas de promouvoir les bonnes pratiques : non accompagnée de sanctions, toute préconisation semble inefficace. L’expérience le prouve, puisque, vous en conviendrez, mes chers collègues, ce n’est pas la première fois que nous nous penchons sur ce sujet.

L’amendement n° 170 tend donc à augmenter la pénalité imputée aux entreprises de plus de cinquante salariés qui ne sont pas couvertes par un accord ou un plan d’action en faveur de l’emploi des salariés âgés.

Ce dispositif permettra d’inciter plus efficacement les entreprises à améliorer l’emploi des personnes âgées de plus de cinquante ans, et, par voie de conséquence, de contribuer à un meilleur taux d’emploi de ces dernières, conformément à l’objectif fixé dans le présent projet de loi de rejoindre la moyenne des taux d’emploi des seniors des pays de l’Union européenne.

Cette pénalité, aujourd’hui établie à 1 % des rémunérations ou gains versés aux travailleurs salariés ou assimilés au cours des périodes au titre desquelles l’entreprise n’est pas couverte par un accord ou un plan d’action, serait ainsi portée à 10 %.

Certes, notre proposition ne permettra pas, à elle seule, de combler le déficit de la sécurité sociale. Mais, face aux injustices constatées– nous incriminons, une fois encore, celle qui consiste à compenser intégralement l’augmentation de cotisation des employeurs sans contrepartie –, notre amendement vise à mieux répartir l’effort tout en favorisant l’emploi des seniors.

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

Par votre amendement, vous proposez, ma chère collègue, d’augmenter la pénalité dont sont redevables les entreprises n’ayant pas conclu d’accord ou établi de plan d’action relatif au contrat de génération.

Comme nous l’avons dit lors de l’examen de l’amendement précédent, il nous semble trop tôt pour modifier le régime de ce contrat.

Par ailleurs, porter la pénalité de 1 % à 10 % de la masse salariale semble excessif. C’est pourquoi la commission a émis un avis défavorable sur l’amendement n° 170.

Debut de section - Permalien
Dominique Bertinotti, ministre déléguée

Une pénalité n’a de sens que si elle peut être appliquée et avoir un véritable effet dissuasif.

Faire passer le taux de la pénalité en cause de 1 % à 10 %, c’est rendre cette dernière totalement inapplicable, ce qui n’est pas de nature à renforcer le dispositif. Aucune entreprise ne pourrait en effet régler une pénalité aussi forte, sans courir le risque d’être en cessation de paiement.

Je tiens à vous assurer, madame le sénateur, que le contrat de génération comprend aujourd’hui de véritables pénalités, dissuasives et proportionnées.

Votre proposition étant totalement irréaliste, le Gouvernement émet un avis défavorable sur votre amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

... et qui, à la lecture de l’amendement déposé par nos collègues du groupe CRC, vous souhaite la bienvenue dans un monde de répression, de pénalités et de sanctions !

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Et les licenciements, ce n’est pas violent ?

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

Vous ne vous étonnerez pas si les employeurs ne cherchent pas à augmenter l’effectif de leurs salariés et si les investisseurs se tournent vers d’autres pays que le nôtre !

Mme le rapporteur l’a indiqué, une pénalité représentant 10 % de la masse salariale n’est pas réaliste. C’est un effet d’affichage !

M. Billout a cité tout à l’heure ce grand quotidien dont Jean Jaurès fut le directeur et dont Marcel Cachin assura la transmission au parti communiste. Certes, chers collègues du groupe CRC, vous pourrez dire dans L’Humanité que vous allez frapper fort. En réalité, si vous ne faisiez pas sourire par l’excès de vos propositions, vous risqueriez surtout de décourager...

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

C’est trop caricatural ... Dépensons notre énergie ailleurs !

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

L’amendement n° 167, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Avant l’article 11

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Un décret précise les conditions selon lesquelles, dans les entreprises de plus de 300 salariés, l’inspecteur du travail peut constater un recours abusif aux procédures de licenciement et de pré-retraite concernant les salariés de plus de cinquante-cinq ans. Après une telle constatation et au terme d’une procédure contradictoire avec le comité d’administration ou de surveillance, l’inspecteur du travail peut soumettre à une majoration de 10 % les cotisations dues par l’employeur au titre des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales pour l’ensemble des salariés dans l’entreprise concernée, pour une période de douze à vingt-quatre mois.

La parole est à M. Michel Billout.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Billout

Encore un amendement qui ne va plaire à tout le monde ! Tant pis...

La finalité de la réforme dont nous débattons depuis plusieurs jours est, notamment, d’allonger la durée de cotisation, en vertu du principe selon lequel l’espérance de vie a augmenté, ce qui justifierait que l’on travaille plus longtemps.

Nous l’avons déjà dit, ce postulat repose sur un fait déjà biaisé, le taux d’emploi des seniors étant aujourd’hui relativement faible en France. En 2011, le taux d’emploi moyen des travailleurs âgés de cinquante-cinq à soixante-quatre ans était seulement de 41, 5 % dans notre pays, contre 47, 4 % dans l’Union européenne. L’objectif de cette dernière comme de la France était pourtant d’atteindre 50 % en 2010.

Si nous proposons le présent amendement, c’est parce que nous avons constaté que des employeurs se servaient des ruptures conventionnelles, notamment, pour se séparer à bon compte et aux frais de l’assurance chômage des seniors. Le détournement de ce dispositif concernerait surtout les grandes entreprises, en particulier celles de plus de 250 salariés, dans lesquelles 17, 4 % des séparations à l’amiable touchent les salariés âgés de plus de cinquante-huit ans, soit treize points de plus que dans les entreprises de moins de 50 salariés.

L’assurance chômage note une « surreprésentation des 55-60 ans », laissant fort à penser qu’une grande majorité des personnes concernées ont été poussées vers la sortie. Cette situation est en contradiction avec l’article L. 1133-2 du code du travail, qui transpose la directive 2000/78/CE et dispose : « Les différences de traitement fondées sur l’âge ne constituent pas une discrimination lorsqu’elles sont objectivement et raisonnablement justifiées par un but légitime, notamment par le souci de préserver la santé ou la sécurité des travailleurs, de favoriser leur insertion professionnelle, d’assurer leur emploi, leur reclassement ou leur indemnisation en cas de perte d’emploi, et lorsque les moyens de réaliser ce but sont nécessaires et appropriés. »

Par cet amendement, nous souhaitons que l’inspecteur du travail puisse constater les abus, lorsqu’il y en a, et proposer une sanction.

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

Le maintien dans l’emploi des salariés âgés est essentiel pour l’amélioration du marché du travail, et le contrat de génération va y contribuer.

La proposition que vous faites, monsieur Billout, ne me semble pas appropriée et manque de cohérence.

En effet, l’inspecteur du travail n’a pas à porter de jugement sur la politique de gestion des ressources humaines de l’entreprise, mais doit s’assurer que le droit du travail est respecté. Il ne peut donc infliger lui-même des sanctions financières. Par ailleurs, les cotisations sociales ne relèvent pas de son champ de compétences.

En revanche, je le rappelle, les salariés qui estiment avoir été licenciés à cause de leur âge ont des recours possibles et peuvent, bien évidemment, saisir les prudhommes.

Telles sont les raisons pour lesquelles la commission émet un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Dominique Bertinotti, ministre déléguée

Pour abonder dans le sens de Mme le rapporteur, j’ajoute que la loi relative à la sécurisation de l’emploi du 14 juin dernier a créé une procédure de validation ou d’homologation des plans de sauvegarde de l’emploi par l’administration, laquelle veille d’ores et déjà, dans ce cadre, à ce que les mesures prévues ne soient pas discriminatoires à l’égard des salariés âgés de plus de cinquante-cinq ans.

J’émets donc un avis défavorable.

L'amendement n'est pas adopté.

L’article L. 351-15 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° Le 1° est complété par les mots : « diminué de deux années, sans pouvoir être inférieur à 60 ans » ;

2° Après le mot : « équivalentes », la fin du 2° est ainsi rédigée : « fixées par décret en Conseil d’État. »

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La parole est à Mme Isabelle Pasquet, sur l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Pasquet

L’article 11 du présent projet de loi modifie les règles relatives à la retraite progressive, afin de rendre le dispositif plus clair, plus facile d’accès pour les salariés éventuellement intéressés et, d’une certaine manière, plus protecteur.

Si nous avons bien compris la mesure qui nous est proposée, un salarié pourrait décider, dès l’âge de soixante ans, de réduire son activité professionnelle. Il pourrait alors prétendre au bénéfice tout à la fois de la partie de sa pension de retraite correspondant à la réduction de son activité et du maintien de son salaire au prorata du temps travaillé.

Notre collègue député Michel Issindou précisait dans son rapport que la retraite progressive permettait « la transition entre vie active et retraite sans induire de baisse du niveau de vie. »

Cette affirmation, madame la ministre, madame le rapporteur, nous incite à vous demander de plus amples explications.

Tout d’abord, les gains qui seront perçus par le salarié au titre de la retraite seront calculés sur la base des trimestres effectivement réalisés, soit 150 trimestres au minimum.

Les salariés qui parviennent à ce seuil sans atteindre le plancher de cotisations percevront-ils une part de retraite amputée des décotes applicables, dans le régime général, à tout retraité partant à la retraite sans avoir le nombre de trimestres cotisés nécessaires pour obtenir une retraite à taux plein ?

C’est une chose de dire que le salarié qui réduit son activité de 40 % percevra 40 % de la retraite à taux plein ; c’en est une autre de dire qu’il percevra 40 % de sa retraite avec application des décotes ! Si tel est le cas, le cumul des salaires provenant de son activité et de sa pension de retraite sera bien évidemment inférieur aux revenus qu’il aurait perçus en cas de maintien total de son activité.

Qui plus est, dès lors que la condition d’âge pour bénéficier de ce dispositif est abaissée à soixante ans, les salariés qui opteront pour une retraite progressive ne risquent-ils pas d’être perdants lorsqu’ils prendront définitivement leur retraite à soixante-deux ans ?

Ainsi, tous les trimestres travaillés ne sont pas nécessairement cotisés. Si la réduction du temps de travail a pour effet de porter celui-ci en dessous du seuil de 150 heures, les trimestres travaillés durant la période de retraite progressive ne seront pas pris en compte et les droits à la retraite seront, au final, calculés sur une carrière amputée de ces trimestres.

En outre, les pensions perçues durant la période de cumul ne sont pas intégrées dans le calcul du salaire moyen annuel, ce qui peut réduire, là encore, le montant des pensions servies à soixante-deux ans. La preuve en est que les salariés qui optent pour la retraite progressive peuvent, s’ils le souhaitent, mais, surtout, s’ils le peuvent financièrement, surcotiser.

En réalité, si le dispositif est peu utilisé aujourd’hui – 2 409 personnes en 2012 –, c’est sans doute moins en raison de sa complexité que des effets induits en matière de niveau de vie et de pension. Or cette situation est injuste puisque, dans leur grande majorité, les salariés qui demandent à bénéficier d’une retraite progressive le font parce que l’exercice d’une activité à temps plein est devenu trop difficile.

Ce sont bien les salariés qui assument financièrement le coût d’une mesure, certes, volontaire, mais destinée à compenser une forme de pénibilité qui ne fait pas et ne fera pas partie des facteurs reconnus par la loi et ouvrant droit à un départ anticipé, sur le fondement des articles 5 à 10 du présent projet de loi.

Enfin, je regrette que, pour bénéficier de cette possibilité, les salariés doivent encore obtenir l’autorisation de leur employeur. Il serait du reste intéressant que Mme la ministre nous indique le nombre de demandes formulées et d’autorisations effectivement accordées.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, faire évoluer notre système de retraites pour le défendre et pour en renforcer la justice, telle est la finalité de cette réforme. Il s’agit en particulier d’augmenter la durée de cotisation pour obtenir une pension à taux plein. Toutefois, pour que cette démarche soit exempte de toute hypocrisie, il faut que les assurés puissent effectivement cotiser jusqu’à l’obtention d’une retraite à taux plein.

Dans le contexte actuel du marché du travail, l’article 11 répond à cette préoccupation en rendant les conditions d’accès à une retraite progressive plus accessibles et plus flexibles.

Cela étant, je souligne l’intérêt que revêt ce dispositif pour un certain nombre de Français vivant en dehors de nos frontières et cotisant à la CNAV de manière volontaire, par l’intermédiaire de la Caisse des Français de l’étranger. En matière de droit du travail, ces ressortissants sont soumis au régime du pays de résidence, qui fixe parfois des âges de départ à la retraite plus précoces qu’en France. Dans ce cas, ils ne peuvent obtenir une retraite à taux plein. Il faut résoudre ce problème !

En outre, j’attire votre attention sur la situation des personnes recrutées localement travaillant dans les services publics français à l’étranger et cotisant à la Caisse des Français de l’étranger. Compte tenu des réductions d’effectifs et de la diminution du nombre d’équivalents temps plein dans nos administrations à l’étranger, ces personnels sont incités à partir à soixante ans, alors qu’ils ne jouissent pas encore d’une retraite à taux plein auprès de la CNAV.

Les démarches de cette nature s’apparentent à une mise à la retraite d’office. En France, elles sont, in fine, encadrées par l’article L. 1237-5 du code du travail, qui empêche de mettre un salarié à la retraite d’office avant l’âge de soixante-dix ans. Celles et ceux qui résident à l’étranger et qui cotisent volontairement à la CNAV ne sont pas protégés par ces dispositions. Par conséquent, les personnes recrutées localement et cotisant à la Caisse des Français de l’étranger sont susceptibles d’être mises à la retraite d’office à un âge qui ne leur permet pas de jouir d’une pension à taux plein.

À cet égard, le décret destiné à préciser les dispositions de l’article 11 devra viser la situation des Français de l’étranger qui ont cotisé et qui sont employés par les services publics français. Ces derniers subissent des réductions d’effectifs qui se chiffrent en centaines d’emplois. Leurs agents doivent, eux aussi, pouvoir partir à la retraite de manière progressive. Ils ne doivent pas être contraints de percevoir des retraites partielles ! J’espère que le futur décret apportera cette garantie.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

L’article 11 est très intéressant, et la présentation que Mme le rapporteur y consacre dans son rapport éclaire d’un jour nouveau le souci naturel de viser la perfection, qui n’emporte néanmoins pas toujours l’adhésion de ceux qui pourraient en bénéficier.

En effet, l’idée d’une retraite progressive paraît séduisante, eu égard à la complexité ou, plus exactement, à la diversité des carrières actuelles. On entre dans la vie active à des âges de plus en plus variés, généralement en raison de l’allongement de la durée des études mais aussi – hélas ! – à cause de la multiplication des périodes de stage. Qui plus est, avec les expériences internationales, les jeunes ne commencent pas nécessairement leur carrière en France.

Arrivée la fin de la vie professionnelle, le calcul des pensions met au jour des insuffisances. À cet égard, comme Mme Demontès le souligne dans son rapport, la retraite progressive permet de concilier une activité moindre et une capacité de cotiser à taux plein pour divers trimestres.

Dans ce document, la commission souligne que la CNAV a transmis des chiffres assez modestes pour ce qui concerne ce dispositif : même s’il affiche une forte progression, le nombre de ses bénéficiaires est, quoi qu’il en soit, inférieur à 3 000.

Toutefois, la CNAV ne nous a pas communiqué un chiffre qui mériterait d’être connu : la proportion, parmi les bénéficiaires de cette retraite progressive, des actifs dépendant respectivement du régime salarial et du régime des indépendants. Je songe non seulement au régime agricole, mais aussi et surtout à la Caisse nationale d’assurance vieillesse des professions libérales, la CNAVPL.

Mes chers collègues, comme vous le savez, la CNAVPL verse des retraites à des professionnels qui, en général, ont suivi des études longues, et qui, étant donné la nature de leurs fonctions, ont plus de possibilités de moduler leur activité en fin de carrière.

À ce titre, je souhaite obtenir l’éclairage de Mme le rapporteur quant à l’utilité de cette mesure : quel est, dans son esprit, le public visé par la retraite progressive ? À l’instar de notre collègue du groupe CRC, je relève que la complexité de ce dispositif est tout à fait remarquable ! J’ai tenté de suivre les explications de Mme Demontès, mais je ne suis pas certain d’avoir tout compris. Cette question me rappelle les moments les plus difficiles de mes permanences d’élu, lorsque des retraités polypensionnés m’expliquent qu’ils ne parviennent pas à faire valoir leurs droits. Je les comprends d’autant mieux que le système est d’une complexité effrayante !

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

Ajoutons à cela les conséquences de la globalisation, qui figure parmi mes préoccupations constantes.

M. Leconte a mentionné avec raison le cas des carrières internationales. Celles-ci sont appelées à se multiplier. Certaines sont géographiquement modestes : il s’agit des carrières transfrontalières. En métropole, elles concernent plusieurs dizaines voire sans doute plusieurs centaines de milliers de personnes, qui travaillent principalement en Belgique, au Luxembourg, en Allemagne et en Suisse. Ces salariés se voient appliquer des règles spécifiques. S’y ajoutent les carrières s’étendant à l’Europe entière. Certains actifs commencent en effet leur vie professionnelle dans des pays plus attractifs que la France, comme la Grande-Bretagne.

Je le répète, en prenant la parole sur cet article, je ne cherche qu’à comprendre ce que Mme la ministre attend de ces dispositions, et ce que les travaux de Mme le rapporteur lui laissent à penser de leur utilité. Une fois éclairés, mes collègues et moi-même pourrons nous déterminer quant au vote de cet article !

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

Madame la présidente, je demande la parole pour explication de vote !

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

Je constate que je n’ai pas obtenu de réponse de la part du Gouvernement ! Je conçois que Mme le rapporteur, après avoir beaucoup travaillé en commission, soit un peu lasse de détailler ses travaux. Toutefois, je m’étonne du silence de Mme la ministre. Cet article a certes été adopté par l’Assemblée nationale, mais il procède d’une initiative du Gouvernement ! Que ce dernier ne veuille ou ne puisse nous répondre, voilà qui pose un réel problème quant au sens d’un débat législatif.

Mes chers collègues, permettez-moi de prendre un ton un peu plus grave : l’article 11 renferme des dispositions complexes d’une haute importance. En toute bonne foi, nous avons du mal à en maîtriser les tenants et les aboutissants. J’admets que cette discussion relève d’un travail de commission, mais il serait tout de même bon que nous puissions être éclairés sur ce sujet ! Faute de quoi, par prudence, nous nous abstiendrions.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

M. Jean Desessard. Le cas échéant, j’y suis prêt !

Nouveaux sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Il est très difficile pour les membres de mon groupe de déterminer leur vote sans disposer des réponses nécessaires de la part du Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Notre excellent collègue Gérard Longuet vient de poser plusieurs questions très pertinentes et, à mon sens, dénuées de toute extravagance. Il ne s’agit tout de même pas d’une demande excessive ! Nous souhaitons simplement être un peu éclairés.

En vérité, il est juste de souligner que le système de la retraite progressive relève d’une intuition très pertinente. De fait, il permet à celles et ceux qui approchent de l’heure où ils partiront totalement à la retraite de développer des activités prenant le relais de leurs fonctions professionnelles. On le sait, en France, le bénévolat est assumé, pour les deux tiers, par de jeunes et moins jeunes retraités. Ainsi, cette disposition est humainement très bonne, nul ne peut pas le contester.

De même, le principe de la retraite progressive est, au fond, à l’origine de ces fameux contrats de génération, qui ont tant de mal à décoller. Par ce biais, les seniors peuvent faire bénéficier l’ensemble de leur entreprise de leur expertise, en particulier les jeunes salariés qui viennent la rejoindre.

Il n’y a donc ni opposition idéologique ni clivage profond entre nous sur cette question. Notre requête ne tend en aucun cas à opposer un refus radical des mesures que traduit l’article 11 ! Il s’agit simplement de bien comprendre la situation En effet, sur ce sujet complexe, il faut se garder des positions trop tranchées.

Pour notre part, nous dressons ce constat : si, malgré tous les efforts accomplis en la matière par les gouvernements précédents – cette idée n’est tout de même pas l’innovation de l’année ! –, nous ne sommes pas parvenus à développer ce système, ce n’est peut-être pas tant du fait d’imperfections juridiques restant à corriger qu’en raison d’obstacles de fond, complexifiant l’application de ce dispositif dans la gestion des ressources humaines des entreprises.

En réalité, au lieu de vouloir résoudre systématiquement les problèmes par de nouvelles dispositions législatives ou réglementaires, mieux vaudrait accorder plus de confiance au dialogue social et aux accords de travail.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Mieux vaudrait faire confiance aux dynamiques qui garantissent une gestion avisée des emplois dans l’entreprise. Dès lors, peut-être serait-il possible de progresser !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Ne serait-il pas préférable de réunir les partenaires sociaux, en vertu de l’article L. 1 du code du travail, pour engager une discussion interprofessionnelle globale ? À mes yeux, le nœud du problème n’est pas tant la question de la retraite que celle de l’emploi des seniors.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Du reste, il est peut-être abusif de parler de « retraite progressive ». Au fond, c’est aussi du maintien dans l’emploi qu’il s’agit.

Madame la ministre, je le répète, il n’y a aucun piège à redouter de notre part. Nous sommes animés par le seul désir de faire progresser le débat. Comme tous les membres de mon groupe – et sans doute ne sommes-nous pas les seuls ! –, je serais très heureux d’entendre votre réponse aux questions judicieuses posées par Gérard Longuet.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La parole est à M. le vice-président de la commission des affaires sociales.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacky Le Menn

Je m’étonne, monsieur Bas, monsieur Longuet, que vous insistiez avec autant de véhémence pour obtenir une réponse de la part de Mme la ministre. Nous l’avons longuement interrogée dans le cadre des auditions menées par la commission et elle a répondu sans rien occulter. D’autres auditions nous ont également éclairés. En outre, Mme le rapporteur a apporté des éléments complémentaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Je ne suis pas membre de la même commission que vous, mon cher collègue !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacky Le Menn

Mais vos amis qui en sont membres ont certainement relayé avec pertinence les informations qu’ils ont obtenues auprès des membres de la commission des lois ou de votre groupe !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Quand un sujet a été évoqué en commission, on n’a donc plus besoin d’en parler ?

Debut de section - Permalien
Dominique Bertinotti, ministre déléguée

Je trouve extraordinaire que des leçons de dialogue social émanent de vos travées ! J’ai souvenir de réformes menées lors du précédent quinquennat, durant lesquelles nous aurions aimé que soit simplement évoquée la notion de dialogue social.

Debut de section - Permalien
Dominique Bertinotti, ministre déléguée

En l’espèce, vous faites fausse route, puisque les partenaires sociaux, dans leur grande diversité, ont particulièrement apprécié que l’article 11 voie le jour. Je m’en tiendrai là.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La parole est à Mme Catherine Deroche, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

Je remercie Jacky Le Menn des précisions qu’il a apportées quant au travail réalisé en commission des affaires sociales. Cependant, tous nos collègues ne sont pas membres de cette dernière.

Par ailleurs, je précise, sans succomber à la névrose obsessionnelle, que nous examinons le présent projet de loi après engagement de la procédure accélérée, laquelle constitue un véritable handicap. Si, en sus, nous ne pouvons pas en débattre en séance, à quoi servons-nous ?

L'article 11 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Mes chers collègues, la suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance. Il reste cent vingt amendements à examiner sur ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au lundi 4 novembre 2013 à quinze heures et le soir :

- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, garantissant l’avenir et la justice du système de retraites (71, 2013-2014) ;

Rapport de Mme Christiane Demontès, fait au nom de la commission des affaires sociales (95, 2013-2014) ;

Rapport d’information de Mme Laurence Rossignol, fait au nom de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes (90, 2013-2014) ;

Résultat des travaux de la commission (n° 96, 2013-2014) ;

Avis de M. Jean-Pierre Caffet, fait au nom de la commission des finances (76, 2013-2014).

Personne ne demande la parole ?…

Je vous souhaite à tous un très bon week-end.

La séance est levée.

La séance est levée à dix-neuf heures.