Cet article, introduit par voie d’amendement par nos collègues députés, précise que le Gouvernement devra remettre aux commissions permanentes compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat, dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport relatif à la situation des personnes nées en 1952 et 1953, inscrites à Pôle emploi au 31 décembre 2010 et pourtant exclues du bénéfice de l’allocation transitoire de solidarité établie par le décret du 4 mars 2013, alors même qu’elles justifient de tous leurs trimestres à la date de la fin de droits de l’allocation chômage.
Bien entendu, je me félicite de l’introduction de cet article parce qu’elle est au moins le signe que la situation des milliers de personnes concernées ne reste pas ignorée.
Cependant, cet article n’est pas entièrement satisfaisant. Nous le savons toutes et tous puisque nous recevons depuis des mois les appels de détresse de ces femmes et de ces hommes qui, après avoir cotisé tout au long d’une vie professionnelle qui a souvent démarré très tôt, se sont retrouvés sans emploi alors qu’ils étaient déjà des seniors. Beaucoup d’entre eux avaient accepté avec confiance, avant 2010, un départ volontaire dans le cadre d’un plan de sauvegarde de l’emploi qui les plongeait dans le chômage, sans imaginer que l’âge légal de départ à la retraite serait repoussé en 2010. Nombre d’entre eux sont aujourd’hui en fin de droits et n’ont donc plus suffisamment de ressources pour vivre dignement.
Au moment de leur perte d’emploi, ces femmes et ces hommes avaient l’assurance de bénéficier de l’allocation équivalent retraite – un minimum social majoré pouvant atteindre 1 030 euros – jusqu’à ce qu’elles atteignent l’âge de la retraite. Cependant, à la fin de l’année 2010, le gouvernement Fillon a supprimé l’AER et repoussé l’âge de départ à la retraite ; la gauche sénatoriale avait alors largement protesté contre ces deux mesures. L’allocation transitoire de solidarité a certes été créée pour remplacer l’AER, mais elle ne s’adresse qu’aux salariés de plus de soixante ans ; un nombre important de chômeurs reste donc en dehors de ce dispositif. C'est pourquoi notre groupe a déposé, en juin 2012, une proposition de loi tendant à rétablir l’AER.
Ému par ces situations, le Premier ministre a annoncé au début de l’année 2013 le rétablissement de l’AER pour les personnes nées en 1952 et 1953. On imagine la grande joie que cette annonce a suscitée !
Malheureusement, le décret du mois de mars 2013 instituant la nouvelle allocation à titre exceptionnel a exclu un nombre important de bénéficiaires, puisque les trimestres validés au titre de l’allocation de solidarité spécifique ne sont pas pris en compte. Ainsi, une personne peut voir les trimestres pour lesquels elle a bénéficié de l’allocation de solidarité spécifique être validés par la CARSAT pour le calcul de la retraite, mais non pris en compte pour le bénéfice de l’ATS.
À cet égard, de 10 000 à 11 000 personnes, chômeurs et chômeuses âgés en fin de droits, inscrites à Pôle emploi avant le 31 décembre 2010, peuvent aujourd’hui prétendre à l’ATS, tandis que près du double en sont exclues.
Comment ne pas être ému par le témoignage de cette femme âgée de 59 ans, arrivée en fin de droit d’allocation d’aide au retour à l’emploi à la fin du mois d’août 2013, qui a commencé à travailler à 17 ans et comptabilise 172 trimestres validés, pour seulement 164 reconnus, à qui l’on refuse le bénéfice de l’ATS en raison d’un trimestre manquant, et qui devra vivre avec les 470 euros de l’ASS pendant encore deux années, soit sous le seuil de pauvreté ? Comment ne pas imaginer la situation dans laquelle se retrouveront les seniors nés en 1954, 1955 et 1956, trop âgés pour les employeurs, mais trop jeunes pour bénéficier de la retraite ?
Mes chers collègues, il est urgent d’agir !
Au mois de novembre 2012, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2013, M. Michel Sapin avait exclu tout retour à l’AER, renvoyant à de futures négociations sur l’avenir de la retraite. Nous y sommes !
Madame la ministre, la solidarité ne souffre désormais d’aucun délai. Ces hommes et ces femmes qui vivent aujourd’hui l’angoisse des minima sociaux, qui expriment le sentiment d’indignité dans lequel les a plongés, en tout premier lieu, la rupture imposée de leur activité professionnelle – la première injustice est bien le licenciement des salariés lorsqu’ils atteignent l’âge de 56 ou de 57 ans – ne peuvent se satisfaire – et ils nous en font part – d’un nouveau report de décision les concernant, dans l’attente d’un rapport qui leur soit favorable.
La loi de finances pour 2013 les ayant déjà rejetés, la réforme des retraites, qui se revendique comme de justice, de solidarité et de plus d’égalité, ne peut pas les rejeter de nouveau.
Aussi, je vous demande, madame la ministre, de nous assurer que le Gouvernement mettra tout en œuvre pour réparer cette injustice sociale.