La loi du 25 juin 2008 portant modernisation du marché du travail a créé le dispositif de rupture conventionnelle. Rappelons que cette loi est issue d’un accord conclu entre le patronat et certaines organisations syndicales. Toute ressemblance avec l’accord national interprofessionnel portant sur la sécurisation des parcours professionnels serait, bien sûr, purement fortuite…
Nous avions, à l’époque, dénoncé ce dispositif en expliquant que l’égalité présupposée entre l’employeur et l’employé n’existait pas. C’est, au contraire, sur l’absence d’égalité entre les deux que repose tout notre droit du travail. Nous y voyons une brèche supplémentaire dans la législation relative au licenciement.
En effet, soit l’initiative de la rupture conventionnelle vient de l’employeur, et il s’agit alors de contourner la législation en matière de licenciement, soit elle vient du salarié, et l’on voit mal, dans ce cas, quel intérêt aurait le salarié à accepter une telle rupture.
S’agit-il réellement d’un avantage ? On peut en douter au vu de la politique de radiation que mène Pôle Emploi et de la pénurie d’emplois qui pèse sur notre pays.
En 2011, le journal L’Humanité… §– c’est une bonne lecture ! – dressait une liste non exhaustive d’entreprises ayant utilisé le dispositif pour passer outre les obligations relevant d’un plan de sauvegarde de l’emploi ou tout simplement pour se séparer d’un salarié trop âgé : « 1 191 plans sociaux ont été comptabilisés pour l’ensemble de l’année 2010, contre 2 245 en 2009. Une réduction des PSE qui pourrait être expliquée, dans certains cas, par la montée en puissance de la rupture conventionnelle. »
On sait très bien que certains ont été contraints d’accepter ce mode de licenciement sous la pression de leur entreprise.
Près de cinq ans après leur création, nous portons toujours le même regard critique sur ces ruptures conventionnelles. Et nous ne sommes pas les seuls !
Ainsi, l’évaluation du Centre d’analyse stratégique met en évidence un certain nombre de dérives en s’appuyant sur les constatations de l’administration du travail relatives à l’utilisation détournée de la rupture conventionnelle, notamment pour « éviter la procédure collective de licenciement pour motif économique, éviter la mise en place d’un plan de sauvegarde de l’emploi, éviter de respecter l’obligation de reclassement, éviter le transfert automatique des contrats de travail en cas de changement d’employeur, frauder l’assurance chômage dans les entreprises familiales ».
Certes, le taux de retour à l’emploi est plus important qu’après un licenciement, mais il est moins important qu’après une démission. Néanmoins, ce retour à l’emploi est parfois synonyme de précarisation de l’emploi puisqu’un salarié sur six devient travailleur indépendant et que 18 % concluent un CDD, contre seulement 11 % de ceux qui ont démissionné.
C’est pour toutes ces raisons que nous demandons, avec cet amendement, l’abrogation de ce dispositif.
On peut, bien sûr, écarter cette proposition en la qualifiant de cavalier législatif… Toutefois, dans la mesure où il ne semble pas envisagé, à l’occasion de prochains textes, de revenir sur cette disposition, à notre sens fortement contestable, il nous semble très important de l’évoquer à l’occasion de ce débat.