Intervention de Isabelle Pasquet

Réunion du 31 octobre 2013 à 15h00
Avenir et justice du système de retraites — Article 11

Photo de Isabelle PasquetIsabelle Pasquet :

L’article 11 du présent projet de loi modifie les règles relatives à la retraite progressive, afin de rendre le dispositif plus clair, plus facile d’accès pour les salariés éventuellement intéressés et, d’une certaine manière, plus protecteur.

Si nous avons bien compris la mesure qui nous est proposée, un salarié pourrait décider, dès l’âge de soixante ans, de réduire son activité professionnelle. Il pourrait alors prétendre au bénéfice tout à la fois de la partie de sa pension de retraite correspondant à la réduction de son activité et du maintien de son salaire au prorata du temps travaillé.

Notre collègue député Michel Issindou précisait dans son rapport que la retraite progressive permettait « la transition entre vie active et retraite sans induire de baisse du niveau de vie. »

Cette affirmation, madame la ministre, madame le rapporteur, nous incite à vous demander de plus amples explications.

Tout d’abord, les gains qui seront perçus par le salarié au titre de la retraite seront calculés sur la base des trimestres effectivement réalisés, soit 150 trimestres au minimum.

Les salariés qui parviennent à ce seuil sans atteindre le plancher de cotisations percevront-ils une part de retraite amputée des décotes applicables, dans le régime général, à tout retraité partant à la retraite sans avoir le nombre de trimestres cotisés nécessaires pour obtenir une retraite à taux plein ?

C’est une chose de dire que le salarié qui réduit son activité de 40 % percevra 40 % de la retraite à taux plein ; c’en est une autre de dire qu’il percevra 40 % de sa retraite avec application des décotes ! Si tel est le cas, le cumul des salaires provenant de son activité et de sa pension de retraite sera bien évidemment inférieur aux revenus qu’il aurait perçus en cas de maintien total de son activité.

Qui plus est, dès lors que la condition d’âge pour bénéficier de ce dispositif est abaissée à soixante ans, les salariés qui opteront pour une retraite progressive ne risquent-ils pas d’être perdants lorsqu’ils prendront définitivement leur retraite à soixante-deux ans ?

Ainsi, tous les trimestres travaillés ne sont pas nécessairement cotisés. Si la réduction du temps de travail a pour effet de porter celui-ci en dessous du seuil de 150 heures, les trimestres travaillés durant la période de retraite progressive ne seront pas pris en compte et les droits à la retraite seront, au final, calculés sur une carrière amputée de ces trimestres.

En outre, les pensions perçues durant la période de cumul ne sont pas intégrées dans le calcul du salaire moyen annuel, ce qui peut réduire, là encore, le montant des pensions servies à soixante-deux ans. La preuve en est que les salariés qui optent pour la retraite progressive peuvent, s’ils le souhaitent, mais, surtout, s’ils le peuvent financièrement, surcotiser.

En réalité, si le dispositif est peu utilisé aujourd’hui – 2 409 personnes en 2012 –, c’est sans doute moins en raison de sa complexité que des effets induits en matière de niveau de vie et de pension. Or cette situation est injuste puisque, dans leur grande majorité, les salariés qui demandent à bénéficier d’une retraite progressive le font parce que l’exercice d’une activité à temps plein est devenu trop difficile.

Ce sont bien les salariés qui assument financièrement le coût d’une mesure, certes, volontaire, mais destinée à compenser une forme de pénibilité qui ne fait pas et ne fera pas partie des facteurs reconnus par la loi et ouvrant droit à un départ anticipé, sur le fondement des articles 5 à 10 du présent projet de loi.

Enfin, je regrette que, pour bénéficier de cette possibilité, les salariés doivent encore obtenir l’autorisation de leur employeur. Il serait du reste intéressant que Mme la ministre nous indique le nombre de demandes formulées et d’autorisations effectivement accordées.

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