Intervention de Gérard Longuet

Réunion du 4 novembre 2013 à 15h00
Avenir et justice du système de retraites — Article 15

Photo de Gérard LonguetGérard Longuet :

Je souhaite défendre l’amendement qu’a présenté notre collègue Jean-Noël Cardoux.

Madame Demontès, vous nous expliquez que ce dispositif constitue une avancée. Oui, incontestablement, si l’on considère que le fait de dépenser de l’argent sans mettre en face des contreparties en termes de recettes est un progrès. Je m’étonne même que vous ne soyez pas allée plus loin !

Comme votre rapport l’établit très clairement, nous avons un système qui suscite virtuellement un solde négatif dont on sait qu’il atteindra, en 2019, 180 millions d’euros. Certes, au regard des déficits de la France, l’enjeu n’est pas considérable.

Voilà cependant exactement le type de mesure qui ouvre un droit et qui va, à juste titre, susciter des espoirs d’extension continue. En effet, vous le rappelez dans votre rapport, si l’âge moyen d’entrée dans la vie active est de vingt-trois ans en 2020, alors que le décret du 2 juillet 2012 retient, lui, l’âge de vingt ans, il est à peu près inévitable que le débat sera rouvert chaque année en vue de l’extension de ce dispositif de vingt ans à vingt-trois ans.

Lorsque nous avons introduit ce mécanisme, en 2003, il s’agissait de rendre hommage à la génération des trente glorieuses, à ceux qui avaient souvent commencé à travailler dès l’âge de quinze ans et qui donc étaient entrés très tôt dans la vie active.

Relever aujourd’hui le seuil à vingt ans n’a pas tout à fait le même sens : on peut considérer que les personnes ayant commencé à travailler avant cet âge ont pu bénéficier d’études supérieures, certes courtes, mais durant lesquelles elles ont eu l’occasion de se former - et à l’issue desquelles elles ont pu accéder à des responsabilités professionnelles supérieures -, à moins qu’elles n’aient fait le choix de retarder leur entrée dans la vie professionnelle.

L’effort que nous avions fait en 2003 pour ceux qui avaient travaillé longtemps et qui risquaient de se trouver privés, en dépit de leurs années de cotisations, du droit à la retraite, ce qui était le cas antérieurement, représentait un véritable progrès social. Nous avions jugé légitime de consentir un effort financier substantiel.

Aujourd’hui, vous déplacez le curseur. Entre nous, c’est une conséquence de l’ambiguïté des positions adoptées par le parti socialiste, à la veille de l’élection présidentielle de 2012, sur le retour ou non à la retraite à soixante ans. Je ne vous imposerai pas, madame le ministre, un rappel du débat de la semaine dernière, où j’avais eu plaisir à citer vos textes contradictoires sur le sujet. Je dirai simplement que, avec ce décret de juillet 2012, vous répondiez à une demande politique liée à la contradiction existant entre vos diverses prises de position pendant la campagne pour l’élection présidentielle, ce qui vous permet d’exciper d’un retour à la retraite à soixante ans.

En réalité, accorder ce droit à des personnes ayant commencé à travailler avant vingt ans n’a pas le même sens que le prévoir au bénéfice de ceux qui étaient entrés dans la vie active avant l’âge de seize ans ou de dix-sept ans. Désormais, il s’agira de jeunes adultes qui auront pu recevoir une formation professionnelle ; vous leur accordez un avantage, dont je comprends bien l’attrait et que personne ne contestera, mais qui porte en germe une déstabilisation du système.

C’est la raison pour laquelle, faute d’une réflexion d’ensemble sur les régimes de retraite, nous récusons cette disposition de circonstance, cette mesure de facilité destinée à produire un effet médiatique et non à répondre à un problème de fond, tout en créant une dépense virtuellement lourde pour l’équilibre global du système de retraites par répartition.

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