La séance est ouverte à quinze heures cinq.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
Alors qu’ils effectuaient un reportage, Ghislaine Dupont et Claude Verlon ont été froidement exécutés.
À la demande de M. le président Jean-Pierre Bel, au nom du Sénat tout entier, je veux assurer leurs familles de notre soutien, et leur présenter nos condoléances les plus attristées.
C’est toute une profession qui est à nouveau frappée par ce lâche assassinat. Dans ces circonstances tragiques, je tiens à exprimer ma solidarité à l’égard de la rédaction de RFI et de l’ensemble des journalistes qui exercent leur métier dans des conditions très difficiles afin d’assurer la libre information de tous.
Madame la ministre, mes chers collègues, je vous demande d’observer une minute de silence en hommage à Ghislaine Dupont et Claude Verlon. (
Nous allons à présent interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à quinze heures dix, est reprise à quinze heures quinze.
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, garantissant l’avenir et la justice du système de retraites (projet n° 71, résultat des travaux de la commission n° 96, rapport n° 95, avis n° 76, rapport d’information n° 90).
Nous poursuivons la discussion des articles.
Titre II
RENDRE LE SYSTÈME PLUS JUSTE
Chapitre II
Favoriser l’emploi des seniors
Nous en sommes parvenus, au sein du chapitre II du titre II, à l’article 12.
I. – L’article L. 161-22 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les mots : « du régime général de sécurité sociale, du régime des salariés agricoles ou d’un régime spécial de retraite au sens de l’article L. 711-1 » sont remplacés par les mots : « d’un régime de retraite de base légalement obligatoire, » ;
2° Le deuxième alinéa est ainsi modifié :
a) Au début, sont ajoutés les mots : « Par dérogation, » ;
b) Les mots : « les régimes mentionnés au premier alinéa » sont remplacés par les mots : « le régime général de sécurité sociale, le régime des salariés agricoles ou l’un des régimes spéciaux de retraite au sens de l’article L. 711-1 » ;
3° Au troisième alinéa, le mot : « premier » est remplacé par le mot : « deuxième » ;
4° Au septième alinéa, la référence : « du premier alinéa » est remplacée par les références : « des trois premiers alinéas » ;
5° §(nouveau) Le 8° est remplacé par un alinéa ainsi rédigé :
« Le premier alinéa ne fait pas obstacle à la perception des indemnités mentionnées à l’article L. 382-31 du présent code. »
II. – Après le même article L. 161-22, il est inséré un article L. 161-22-1 A ainsi rédigé :
« Art. L. 161 -22 -1 A . – La reprise d’activité par le bénéficiaire d’une pension de vieillesse personnelle servie par un régime de retraite de base légalement obligatoire n’ouvre droit à aucun avantage de vieillesse, de droit direct ou dérivé, auprès d’aucun régime légal ou rendu légalement obligatoire d’assurance vieillesse, de base ou complémentaire.
« Le premier alinéa n’est pas opposable à l’assuré qui demande le bénéfice d’une pension au titre d’une retraite progressive prévue par des dispositions législatives ou réglementaires, notamment par l’article L. 351-15. »
III. – Le livre VI du même code est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa des articles L. 634-6 et L. 643-6 est supprimé ;
1° bis Au quatrième alinéa des mêmes articles, les mots : « trois précédents » sont remplacés par les mots : « deux premiers » ;
2° Aux deuxième et dernier alinéas de l’article L. 634-6 et au deuxième alinéa de l’article L. 643-6, après le mot : « alinéa », est insérée la référence : « de l’article L. 161-22 ».
IV. – L’article L. 723-11-1 du même code est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est supprimé ;
2° Au deuxième alinéa, la référence : « précédent alinéa » est remplacée par la référence : « premier alinéa de l’article L. 161-22 ».
V. – Le code des pensions civiles et militaires de retraite est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa de l’article L. 84 est ainsi modifié :
a) Après le mot : « sociale », sont insérés les mots : «, à l’exception de son premier alinéa, » ;
b) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée :
« Par dérogation, les articles L. 161-22 et L. 161-22-1 A du même code ne sont pas applicables aux bénéficiaires d’une pension militaire. » ;
2° Au deuxième alinéa du même article L. 84, après la référence : « l’article L. 86-1, », sont insérés les mots : « ou de tout autre employeur pour les fonctionnaires civils, » ;
3° Au début du premier alinéa du I de l’article L. 86, les mots : « Par dérogation aux » sont remplacés par les mots : « Par dérogation au premier alinéa de l’article L. 161-22 du code de la sécurité sociale, ainsi qu’aux ».
V bis (nouveau). – Après l’année : « 1984 », la fin du troisième alinéa de l’article L. 732-39 du code rural et de la pêche maritime est ainsi rédigée : « dans un régime d’assurance vieillesse des professions artisanales, industrielles et commerciales. »
V ter (nouveau). – Le second alinéa de l’article L. 1242-4 du code du travail est supprimé.
VI. – Le présent article est applicable aux assurés dont la première pension prend effet à compter du 1er janvier 2015.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les membres du groupe CRC voteront l’article 12.
Cet article modifie le cumul emploi-retraite de telle sorte que les cotisations acquises dans le cadre d’un cumul d’activités professionnelles ne permettent pas aux salariés d’acquérir des droits supplémentaires en matière de retraite.
Vous le savez, notre groupe a toujours été très réservé sur le dispositif du cumul emploi-retraite. En laissant certains salariés libres de poursuivre une activité professionnelle tout en percevant leur pension, on a donné l’illusion que notre système de retraites pouvait s’apparenter à un système à la carte, dans lequel chacun pourrait aménager sa sortie professionnelle.
Or, dans les faits, on s’aperçoit que ce mécanisme profite à des salariés retraités ou près de la retraite, dont les salaires et les pensions sont nettement supérieurs à ceux qui sont versés à la moyenne de nos concitoyens.
Au nom de l’individualisation des droits à la retraite, s’est installé un système inégalitaire reposant sur des disparités de rémunérations et de fonctions. En effet, on le constate, rares sont les salariés, et surtout les ouvriers, qui demandent à bénéficier du cumul emploi-retraite, à l’exception de ceux qui ne peuvent faire autrement que de continuer à travailler, car le montant de leur pension est trop faible.
Selon nous, le cumul emploi-retraite n’est pas la solution, d’autant qu’il tend à créer d’autres problèmes, notamment parce qu’il joue contre l’entrée des jeunes dans la vie active.
Si je voulais être provocateur, je dirais que, pour cumuler, encore faut-il trouver un emploi, ce qui, chacun le sait, devient problématique, encore plus lorsqu’on est un salarié âgé.
C’est pourquoi, si nous ne souhaitons pas interdire le cumul emploi-retraite, il ne nous semble pour autant pas opportun, compte tenu du profil de ceux qui en bénéficient, d’encourager ce dispositif par le biais de l’acquisition de droits supplémentaires.
L'amendement n° 285, présenté par MM. Longuet et Cardoux, Mmes Boog, Bruguière, Bouchart, Cayeux, Debré et Deroche, M. Dériot, Mme Giudicelli, MM. Gilles et Husson, Mme Hummel, MM. Fontaine, de Raincourt, Laménie et Milon, Mme Kammermann, M. Pinton, Mme Procaccia, M. Savary et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 7
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
...° Le 3° est ainsi rédigé :
« 3° participation aux activités juridictionnelles ou assimilées, consultations données dans la limite de 20 heures par semaine en moyenne dans l’année précédant le versement de la pension, participation à des jurys de concours publics, jurys d’examens d’État ou à des instances consultatives ou délibératives réunies en vertu d'un texte législatif ou réglementaire ; »
La parole est à M. Jean-Noël Cardoux.
Il est nécessaire de clarifier les dispositions du 3° de l’article L. 161-22 du code de la sécurité sociale, qui permet de poursuivre certaines activités tout en liquidant une pension, et donc de continuer à ouvrir des droits à pension au titre de ces activités.
Nous souhaitons tout d’abord indiquer clairement que les jurys d’examens d’État sont visés.
Par ailleurs, selon une circulaire ministérielle de 1984, sont concernées les personnes qui donnent des consultations à caractère discontinu ne les occupant pas plus de quinze heures par semaine en moyenne pendant l'année. Il est nécessaire de relever cette limite pour autoriser plus largement le cumul d’activités judiciaires et d’honoraires.
Cet amendement tend à élargir le champ des activités qui peuvent être poursuivies sans condition de cessation d’activité et de plafond dans le cadre du cumul dérogatoire.
Il vise particulièrement les consultations données dans la limite de vingt heures par semaine ainsi que les jurys d’examens d’État.
Concernant les activités de consultation, il nous semble préférable de conserver la formulation actuelle de « consultations données occasionnellement », qui est suffisamment générale, plutôt que d’apporter des précisions relevant davantage du domaine réglementaire.
Pour ce qui est de la participation à des jurys d’examens d’État, la notion ne paraît pas suffisamment encadrée juridiquement pour être intégrée telle quelle dans la loi.
La commission est donc défavorable à cet amendement.
L’avis du Gouvernement est défavorable, pour les mêmes raisons.
Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.
Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 283, présenté par MM. Longuet et Cardoux, Mmes Boog, Bruguière, Bouchart, Cayeux, Debré et Deroche, M. Dériot, Mme Giudicelli, MM. Gilles et Husson, Mme Hummel, MM. Fontaine, de Raincourt, Laménie et Milon, Mme Kammermann, M. Pinton, Mme Procaccia, M. Savary et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéas 10 à 12
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Gérard Longuet.
Nous estimons qu’il n’est pas opportun de supprimer l’acquisition d’un complément de retraite pour ceux qui choisissent de cumuler un emploi et une pension.
Cet amendement procède d’une conviction : nous souhaitons inciter nos compatriotes à travailler plus longtemps et leur donner la perspective réjouissante de pouvoir continuer à améliorer leurs droits à retraite, même si, par la loi d’airain de la démographie, la probabilité de profiter de cette retraite diminue au fur et à mesure que se prolonge l’activité professionnelle.
Cela dit, chaque situation est particulière, et des personnes bénéficiant d'ores et déjà d’une pension de vieillesse peuvent décider en toute responsabilité de continuer à travailler du fait de contraintes familiales fortes.
J’ajoute que c’est un principe d’égalité : à travail égal, cotisations égales et avantages égaux.
L'amendement n° 284, présenté par MM. Longuet et Cardoux, Mmes Boog, Bruguière, Bouchart, Cayeux, Debré et Deroche, M. Dériot, Mme Giudicelli, MM. Gilles et Husson, Mme Hummel, MM. Fontaine, de Raincourt, Laménie et Milon, Mme Kammermann, M. Pinton, Mme Procaccia, M. Savary et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 11
Après les mots :
ouvre droit
insérer les mots :
, à compter de l’âge à partir duquel il peut liquider sans décote ses pensions de vieillesse personnelles auprès de la totalité des régimes légaux ou rendus légalement obligatoires, de base et complémentaires, français et étrangers, ainsi que des régimes des organisations internationales dont il a relevé,
La parole est à M. Gérard Longuet.
Plusieurs régimes complémentaires de retraite, notamment des professions libérales, prévoient un âge de liquidation sans décote de soixante-cinq ans. Le poids de ces régimes complémentaires est très important dans les retraites des intéressés et représente parfois l’essentiel de leur revenu. Il serait injuste de ne pas prendre en compte cette différence de situation.
Cet amendement vise donc à permettre à un salarié ayant liquidé ses droits à retraite d’exercer ensuite une activité libérale jusqu’à l’âge de liquidation, et ce sans décote en se constituant des droits. Il est lui aussi inspiré par l’idée que chacun doit s’adapter au destin qui est le sien et aux difficultés qu’il rencontre.
Certaines professions, notamment médicales, sont caractérisées par un déséquilibre démographique. Afin d’encourager leur exercice, il est justifié de leur conférer des avantages supplémentaires. Le maintien de la possibilité de s’ouvrir des droits à pension y participe.
Par ailleurs, j’insiste sur la situation de certains salariés en fin de carrière ayant pu subir de longues périodes de chômage sans pouvoir retrouver un emploi avant de liquider leur pension de retraite. Il est injuste de ne pas permettre à celles de ces personnes qui auraient, par exemple, la possibilité d’exercer une activité libérale de ne pas se constituer des droits.
L'amendement n° 357, présenté par M. Zocchetto et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Alinéa 11
Compléter cet alinéa par les mots :
, à l'exception des avantages de vieillesse acquis et non liquidés par les régimes visés aux articles L. 643-1, L. 644-1 et L. 645-1 du présent code
La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe.
S’il diffère quelque peu dans sa rédaction, cet amendement est à peu près le même que celui qui vient d’être présenté : son objet est d’exclure du champ d’application de l’alinéa 11 les avantages de vieillesse acquis et non liquidés par les régimes visés aux articles L. 643-1, L. 644-1 et L. 645-1 du code de la sécurité sociale.
L’article 12 généralise le principe de cotisations non génératrices de droits à retraite dès lors qu’un droit est liquidé dans un régime légalement obligatoire de base.
Or, comme notre collègue Gérard Longuet vient de le préciser, les règles d’acquisition des droits de retraite en vigueur dans la plupart des régimes complémentaires des professions libérales rendraient ce système très pénalisant pour les professionnels libéraux, pour lesquels le taux plein ne peut être acquis qu’à soixante-cinq ou soixante-sept ans, quelle que soit la durée d’assurance et contrairement au régime de base.
Il convient donc d’exclure ces régimes complémentaires d’assurance vieillesse des professionnels libéraux du champ d’application du dispositif prévu à l’alinéa 11. Tel est le sens de cet amendement.
Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 311 est présenté par M. Beaumont.
L'amendement n° 389 rectifié est présenté par MM. Barbier, Mézard, Bertrand et Collombat.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’alinéa 11
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le premier alinéa ne s’applique pas aux avantages de vieillesse acquis dans les régimes visés aux articles L. 644-1 et L. 645-1 par les bénéficiaires d’une pension servie par le régime visé à l’article L. 641-2.
L’amendement n° 311 n'est pas soutenu.
La parole est à M. Gilbert Barbier, pour présenter l'amendement n° 389 rectifié
Cet amendement va dans le même sens que ceux que viennent de présenter MM. Longuet et Vanlerenberghe.
Je tiens toutefois à mettre l’accent sur l’utilité, notamment pour les professions de santé, de la modification proposée au travers de notre amendement.
Alors que la pénurie de médecins est patente dans beaucoup de secteurs, l’application de l’article 12 risque de décourager un certain nombre de professionnels n’ayant pas atteint l’âge de soixante-cinq ans – celui qui leur permet de liquider la totalité de leurs droits à la retraite – de reprendre une activité. Je rappelle en effet que, si certains peuvent bénéficier du régime obligatoire à partir de soixante-deux ans, ce sont les régimes complémentaires et l’avantage social vieillesse, l’ASV, pour les secteurs conventionnés, de la Caisse autonome de retraite des médecins de France, la CARMF, qui leur assurent de pouvoir toucher la totalité de leur retraite.
Permettre à certains médecins de continuer à exercer au-delà de soixante-deux ans – âge de liquidation du régime de base – présente donc un intérêt pour les personnes concernées, en leur offrant un complément de retraite. Il s’agit aussi d’une mesure d’intérêt public.
S’ils s’appliquent à des professions différentes, ces quatre amendements visent tous à remettre en cause l’objectif d’équité entre les salariés, qui sous-tend l’article 12.
L’amendement n° 283 tend à supprimer la disposition centrale de cet article, qui généralise le principe selon lequel la reprise d’une activité professionnelle après liquidation d’une pension de retraite ne permet pas l’acquisition de nouveaux droits à retraite. L’avis de la commission est donc défavorable.
La commission est également défavorable à l’amendement n° 284, pour les mêmes raisons, ainsi qu’aux amendements n° 357 et 389 rectifié, concernant les cumuls emploi-retraite pour les professions libérales, car ces amendements contreviendraient à cet objectif d’équité.
Le Gouvernement est défavorable à ces quatre amendements.
Il ne s’agit pas d’empêcher des personnes retraitées de travailler : il s’agit simplement…
… d’établir une distinction claire entre le statut de salarié et celui de retraité.
La parole est à M. Jean-Noël Cardoux, pour explication de vote sur l’amendement n° 283.
Pour rebondir sur les propos de Gérard Longuet, je rappelle que la situation des professions libérales est totalement différente de celle des salariés puisque, pour certaines d’entre elles, l’âge de départ à la retraite se situe entre soixante-cinq et soixante-sept ans ; nous y reviendrons à l’article 32.
Bien sûr, l’article 12 n’empêchera personne de travailler, mais comment ne pas voir une punition dans le fait que la reprise d’activité ne soit pas génératrice de droits ?
M. Jean Desessard s’exclame.
Une telle mesure contribuera à ce que la société se prive de talents dans certains domaines où les besoins sont évidents et où les plus jeunes professionnels ne peuvent pas ou ne veulent pas s’exprimer.
Mes chers collègues, permettez-moi simplement de prendre l’exemple de deux professions que je connais bien.
Je pense, en premier lieu, aux experts-comptables, qui, bien souvent, exercent plusieurs activités, à l’instar d’autres professions libérales. En l’espèce, ces professionnels cumulent souvent leur activité avec celle de commissaire aux comptes et celle d’expert judiciaire. Cette profession présente une particularité : quel que soit le régime choisi, si un expert-comptable est salarié d’une société, il continue de cotiser au régime de base des professions libérales.
Il n'y a aucune raison de dissuader ceux qui ont pris leur retraite d’intervenir auprès des tribunaux, au moment même où l’on manque d’experts judiciaires !
Je pense, en second lieu, aux professions médicales, dont on parle beaucoup – Gérard Longuet y a fait allusion en présentant son amendement. Je rappelle simplement que, dans un rapport sur la désertification médicale présenté, il y a peu, au nom d’un groupe de travail présidé par notre collègue Jean-Luc Fichet, Hervé Maurey a envisagé beaucoup de pistes et cherché en vain des solutions contre ce fléau.
Avec une telle mesure, on va se priver de l’appoint de médecins ayant décidé de liquider les droits à retraite qu’ils ont acquis pendant l’exercice de leur activité libérale, et dont les interventions pourraient répondre à un certain nombre de besoins de la société.
J’en parle en connaissance de cause : mes chers collègues, vous ne pouvez pas imaginer les difficultés que rencontrent actuellement les conseils généraux pour trouver des médecins susceptibles de travailler sur les plans d’aide personnalisée à l’autonomie, la prestation de compensation du handicap, ou encore dans le domaine de la protection maternelle et infantile ! Dans bien des cas, les départements sont obligés de recourir à des fonctionnaires territoriaux, qui n’ont reçu qu’une maigre formation médicale. Nous sommes là à la limite de la légalité, et travaillons sans filet…
Sourires.
Empêcher ces professionnels de s’engager dans une activité complémentaire et, par la même occasion, de rendre service n’est pas intéressant pour la société. C’est d’autant plus vrai que les montants en jeu ne représentent pas grand-chose !
J’ajoute que le rapport précité sur la désertification médicale évoquait une nouvelle forme de médecine, assez impressionnante : la télémédecine. Voilà peu de temps, j’en ai vu une illustration dans mon département : un patient installé dans une cabine a pu passer, à distance, tous les examens possibles, en correspondance avec un médecin qui ne pouvait se déplacer jusqu’à lui.
Dans les communes rurales, particulièrement touchées par la désertification médicale, il serait intéressant qu’un médecin en semi-activité puisse, deux jours par semaine, accompagner les patients qui entreraient dans ces nouveaux dispositifs de télémédecine et faire le lien avec le professionnel exerçant à temps plein.
Au-delà de ces deux professions, que je connais un peu mieux que les autres, ce raisonnement s’applique à toutes les autres professions libérales, me semble-t-il. Ne pas leur permettre de bénéficier de points de retraite en cas de reprise d’activité est un mauvais service qu’on leur rend, et qu’on rend à la société tout entière.
C'est la raison pour laquelle je voterai cet amendement.
Je voterai contre les amendements.
Je souscris tout à fait à la philosophie de l’article 12, qui clarifie les règles du cumul emploi-retraite.
Cher collègue Cardoux, votre propos donne l’impression que les médecins qui travailleront en milieu rural ne seront pas payés ! Je tiens à dire à tous les téléspectateurs qui nous regardent
Sourires.
Nouveaux sourires.
… que ces médecins toucheront un salaire, même s’ils bénéficient déjà d’une pension de retraite.
La seule chose qu’ils n’auront pas, c’est la possibilité de cotiser pour leur retraite sur la base de l’activité qu’ils ont reprise.
En termes de montants, ce sera presque insignifiant.
Si vous défendiez, cher collègue, dans une logique d’assurance, l’idée que toute cotisation doit ouvrir des droits, on pourrait parler de philosophie.
Mais là, vous défendez les médecins, les commissaires aux comptes et tous les professionnels qui percevront une rémunération correspondant à leur travail sans que leur retraite s'en trouve pour autant augmentée…
Il est amusant de voir que votre conception des économies est à géométrie variable. Quand il s'agit de faire travailler les gens une ou deux années de plus – et l'on connaît les difficultés que rencontrent certains pour trouver un emploi après cinquante ans, difficultés encore relatées par certains articles de journaux parus aujourd'hui même –, cela ne vous pose pas de problèmes, et vous êtes d'accord avec le projet de loi.
Mais dès que l’on touche aux médecins et aux commissaires aux comptes, on a vraiment l'impression que cela vous arrache le cœur…
À cet égard, je tiens à vous dire que je suis solidaire des médecins. D'ailleurs, je voudrais qu’il y en ait plus, qu’il y ait davantage de formations de médecins et de chirurgiens, et que l’on crée beaucoup de postes… §Les uns et les autres, nous devrions nous engager dans cette voie pour avoir plus d'infirmiers et de médecins.
Pour que nos médecins soient formés dans les universités françaises, il faudrait supprimer le numerus clausus et en terminer avec cette idée que les dépenses de santé diminueront si l'on forme moins de médecins. C'est une aberration.
Je soutiens donc l’article 12 et suis opposé à vos amendements qui montrent, encore une fois, que votre sens de l'économie est variable… Il vous arrive parfois de vouloir faire payer ceux qui ont du mal à joindre les deux bouts en les obligeant à travailler une année supplémentaire. Et là, vous voudriez que les médecins puissent obtenir des droits supplémentaires lorsqu’ils cumulent leur retraite et un emploi. À mon avis, c'est un peu exagéré !
Je profite de l’amendement n° 283 pour demander à Mme la ministre une précision sur les emplois à domicile, laquelle a déjà fait l’objet d’une question écrite pour l’instant demeurée sans réponse.
L’année dernière, les parlementaires ont voté l’augmentation des cotisations se rapportant à ces emplois en supprimant la possibilité de cotiser sur une base forfaitaire. Or il se trouve qu’un certain nombre de personnes à la retraite, qui ont de petits revenus, occupent des emplois à domicile, qu’il s’agisse de garde d’enfants ou d’heures de ménage.
Je me demandais si le supplément de cotisations désormais payé par les employeurs bénéficiait bien à ces personnes. À défaut, je souhaiterais savoir quelle est son utilité. En effet, ces cotisations sont censées améliorer la protection sociale et la retraite des personnes employées.
Je vous serais très reconnaissante de bien vouloir répondre à mes interrogations, madame la ministre.
Je suis particulièrement étonné de la réponse de Mme la ministre sur ces amendements, …
… une réponse dans laquelle s'est engouffré M. Desessard, sans voir exactement où il allait…
Monsieur Desessard, je vous rappelle, s’agissant du problème de la pénurie de médecins, que, si certains d'entre eux souhaitent continuer à travailler, c'est pour obtenir une pleine retraite. En effet, pour les régimes complémentaires et supplémentaires, la retraite est obtenue à soixante-cinq ans, ce qui pose un véritable problème.
On peut, certes, continuer à travailler, à percevoir des consultations à 23 euros, mais l’affiliation à la Caisse autonome de retraite des médecins de France reste obligatoire. Il faut donc continuer à cotiser, sauf si le montant global du chiffre d'affaires est inférieur à 11 300 euros par an. Cela représente un certain nombre de consultations, mais, si ce plafond de chiffre d'affaires est dépassé, des rappels sont effectués auprès des médecins concernés.
C’est une chose de ne pas toucher de complément de retraite ; c’en est une autre de continuer à cotiser pour rien !
Dans la situation actuelle de pénurie de praticiens, que beaucoup regrettent par ailleurs, la possibilité pour les médecins de continuer à travailler en acquérant des droits pour leur retraite complémentaire – et surtout pour l'avantage social vieillesse, qui concerne aussi le secteur 1 –, me semble constituer une mesure d'intérêt public.
Si je suis notoirement incompétente en matière de sécurité sociale et en matière sociale tout court, je n’ignore rien en revanche des problèmes de démographie médicale !
En la matière, le département de l’Orne, que j’ai l'honneur de représenter, se trouve très en dessous de la moyenne nationale. Si les médecins pouvant prendre leur retraite la prenaient effectivement, ce serait encore pis, et les médecins étrangers ne régleraient pas à eux seuls le problème.
Pourtant, je ne suis pas sûre que le coût de la mesure visée par l’amendement n° 389 rectifié de Gilbert Barbier et de nos collègues du RDSE soit si élevé au regard de l’avantage pour la population, notamment en milieu rural, de pouvoir conserver un médecin grâce à des conditions plus « attrayantes » de cumul emploi-retraite. Il faudrait se livrer à un petit calcul.
Par ailleurs, notre excellent collègue Desessard parle de création de postes, mais nous n’en sommes pas encore à une médecine totalement fonctionnarisée…
… et nous avons le numerus clausus. Nous reviendrons probablement sur ces sujets très prochainement, à l’occasion de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Quoi qu’il en soit, je soutiens cet amendement n° 389 rectifié.
Je ne vous répondrai pas maintenant, madame Goulet, mais à l’occasion de l’examen d’un amendement ultérieur…
M. Jean Desessard s'exclame .
Selon nous, si, après de longues études, une personne n’a pas pu cotiser suffisamment longtemps en raison des aléas de la vie, ce ne serait que justice qu’elle puisse parvenir à une retraite à taux plein en travaillant après l'âge de la retraite.
Par ailleurs, madame la ministre, on sait que la désertification médicale tient beaucoup à un numerus clausus très dur ; son assouplissement apportera incontestablement un ballon d'oxygène. Mais il faut neuf ans pour « fabriquer » un médecin. Avant qu’il y en ait suffisamment, il y aura donc des trous à boucher… En incitant les médecins qui n’ont pas tout à fait acquis leur taux de retraite maximum à rester en exercice, on faciliterait la transition et rendrait service dans beaucoup de campagnes.
Enfin, je rappelle que le groupe UDI-UC est un fervent partisan du régime unique par points, avec lequel toutes ces questions ne se poseraient pas…
La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe, pour explication de vote.
Mon collègue vient de préciser ce que je voulais dire. Monsieur Desessard, il me semble que c'est clair pour tout le monde : avec l’article 12, on peut continuer à travailler, mais on ne peut plus cotiser.
Je pense que cela va pénaliser pas mal de monde. Même ici, peut-être !
Je rappelle donc que nous avons voté majoritairement pour la retraite à points, qui autoriserait beaucoup plus de liberté que le système quelque peu coercitif que l'on est en train de voter.
M. Gérard Longuet. En termes excellents, avec beaucoup de compétence et l’autorité que confère le vécu, certains de nos collègues ont défendu des amendements concernant les professions médicales. Je n’y reviendrai pas. Je pourrais défendre les mêmes amendements pour les professions juridiques ou judiciaires, mais je ne le ferai pas pour éviter un conflit d'intérêts. Ayant une épouse avocate, on me soupçonnerait en effet de défendre une cause à laquelle je ne crois pas dans le seul but de chercher à conserver la paix et la sérénité de mon ménage…
Sourires.
Je m’abstrairai donc des contextes professionnels. Madame la ministre, je perçois quelques contradictions dans l'attitude du Gouvernement. Vous êtes en train d’épouser une révolution sémantique – il y en a tous les dix ans – sur les personnes âgées. Après être passés des « vieux » aux « personnes âgées », nous découvrons la « silver économie ». Je trouve le mot merveilleux – il constitue d'ailleurs un hommage à ceux qui ont gardé leurs cheveux devenus blancs, sans considération de ceux qui les ont totalement perdus…
Mme Catherine Procaccia s'esclaffe.
Cette « silver économie », ce n’est pas seulement une source de dépenses inévitables et – pour reprendre un ton plus grave – parfois douloureuses pour les familles au regard de la dépendance et des difficultés qui sont inhérentes aux dernières années de sa vie ; c’est aussi une autre conception de l’existence.
L'économiste Jean-Hervé Lorenzi, qui n’est pas un dangereux libéral, a tout récemment présidé un colloque, patronné par le Gouvernement, qui a fait apparaître avec force certains traits caractéristiques de la société française, en particulier la sous-activité des personnes plus âgées.
En dépit d’une évolution aujourd'hui favorable, il y a très nettement, en France, une sous-activité des personnes âgées de plus de cinquante-cinq ans.
Votre mesure, madame la ministre, est en total décalage avec la volonté affichée du Gouvernement de s'intéresser aux personnes plus âgées et de leur donner confiance dans l'idée que l'on doit construire sa vie professionnelle à un horizon beaucoup plus lointain.
Une des autres conclusions du colloque est qu’il ne faut pas seulement parler de formation permanente pour ceux qui ont moins de trente-cinq ou quarante ans ; aujourd'hui, à cinquante ans, il est raisonnable d'engager une formation permanente de fond, car, à cet âge-là, nous disent les intervenants à ce colloque, l'horizon professionnel est de l'ordre d'une vingtaine d'années.
Ce n’est pas complètement faux – bien au contraire –, parce que les carrières sont elles-mêmes plus diverses et plus complexes. On peut être salarié, puis profession libérale, puis redevenir salarié ; on peut aussi être salarié toute sa vie et, bénéficiant de droits complets à retraite à partir de soixante-deux ans, décider de poursuivre une activité à un rythme plus réduit, plus adapté à son âge, mais en tenant compte de son expérience, avec le statut de profession libérale.
C’est à cet instant que votre article 12 devient simplement humiliant.
Cet article n’est pas décourageant financièrement – je réponds à mon collègue Jean Desessard – : les écarts que peuvent apporter trois années de cotisations sur une carrière de plus de quarante ans, par définition, ne sont pas considérables.
Mais est-il normal de poser le principe que, passé soixante-deux ans, si vous décidez, pour des raisons qui vous sont propres – et qui sont en général parfaitement respectables –, de poursuivre une activité, vous aurez l'obligation de cotiser et l'impossibilité de bénéficier de ces deux, trois ou quatre années de cotisations supplémentaires dont l'effet financier sera modeste, mais dont l'impact psychologique vous renverra dans la catégorie des cumulards, des profiteurs, de ceux qui vivent aux crochets de la société, alors que c'est exactement le contraire ?
Il s'agit de salariés qui acceptent de devenir professions libérales pour mettre à la disposition de l'économie globale et de la société leurs compétences de juriste, de médecin – d'expert en général –, et vous leur refusez le droit de considérer qu’ils pourront améliorer de façon marginale les années qu’il leur reste à vivre et qui, y compris au-delà de soixante-sept ans, peuvent représenter plus de vingt ans de vie.
Sous prétexte de réaliser des économies de bouts de chandelle, c’est vraiment désobligeant…
M. Jean-Noël Cardoux applaudit.
L’État est mal placé pour donner des leçons sur la retraite des professions libérales et sur un éventuel complément lié à la poursuite d’une activité au-delà de l’âge légal.
Il faut toutefois reconnaître une certaine continuité dans l’action de l’État. Aujourd’hui, il ne veut pas que l’on puisse toucher de retraite supplémentaire en travaillant plus. Hier, il payait des salaires à des vétérinaires libéraux pour effectuer des opérations de prophylaxie sans verser la moindre cotisation !
Il y a donc une continuité : ne payer de retraite ni pour ceux qui travaillent après soixante-cinq ans ni pour ceux qui travaillent avant soixante-cinq ans… C’est clair !
C’est la raison pour laquelle je voterai, bien entendu, les amendements en discussion.
Je mets aux voix l'amendement n° 283.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
Je mets aux voix l'amendement n° 389 rectifié.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe du RDSE.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici le résultat du scrutin n° 39 :
Nombre de votants348Nombre de suffrages exprimés334Pour l’adoption175Contre 159Le Sénat a adopté.
Applaudissements sur les travées de l'UMP.
Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n’adopte pas l'article 12.
Sourires.
L'amendement n° 2 rectifié, présenté par Mme Debré, MM. Longuet, Cardoux, P. André, G. Bailly, Bas, Beaumont, Béchu, Bécot, Billard, Bizet et Bordier, Mmes Bouchart et Bruguière, MM. Buffet, Cambon, Cantegrit et Carle, Mme Cayeux, MM. César, Charon, Chatillon, Chauveau, Cléach, Cointat, Cornu, Couderc, Dallier, Dassault, de Legge, del Picchia et Delattre, Mmes Deroche et Des Esgaulx, MM. Doligé, P. Dominati, Doublet et du Luart, Mme Duchêne, MM. Dufaut, A. Dupont, Duvernois, Falco, Ferrand, Fleming, Fouché, B. Fournier, J.P. Fournier, Frassa et Frogier, Mme Garriaud-Maylam, MM. J. Gautier et Gilles, Mme Giudicelli, MM. Gournac, Grignon, Guené, Houel et Houpert, Mme Hummel, MM. Huré, Husson et Hyest, Mlle Joissains, Mme Kammermann, M. Karoutchi, Mme Keller, MM. Laménie, Laufoaulu, D. Laurent, Lecerf, Lefèvre, Legendre, Leleux, Lenoir, P. Leroy, Magras et Mayet, Mme Mélot, MM. Milon, Nègre, Paul, Pierre, Pillet, Pintat, Pointereau, Poniatowski et Portelli, Mmes Primas et Procaccia, MM. Reichardt, Retailleau, Revet, Savary et Sido, Mme Sittler, MM. Soilihi et Trillard, Mme Troendle et MM. Trucy et Vial, est ainsi libellé :
Après l’article 12
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 815-9 du code de la sécurité sociale est complété par trois alinéas ainsi rédigés :
« Par dérogation à l’alinéa précédent et dans des conditions définies par décret, lorsque le demandeur ou le bénéficiaire de l’allocation de solidarité aux personnes âgées ou son conjoint, concubin ou partenaire lié par un pacte civil de solidarité perçoivent, au jour du dépôt de la ou des demandes ou en cours de service, des revenus d’activité, ces revenus peuvent être cumulés avec la ou les allocations de solidarité aux personnes âgées et les ressources personnelles de l’intéressé ou des époux, concubins ou partenaires liés par un pacte civil de solidarité dans la limite d’un plafond.
« Ce plafond est fixé à 1, 2 fois le salaire minimum interprofessionnel de croissance lorsque l’allocation de solidarité aux personnes âgées est versée à une personne seule ou à un seul des conjoints, concubins ou partenaires liés par un pacte civil de solidarité et à 1, 8 fois le salaire minimum interprofessionnel de croissance lorsque l’allocation de solidarité aux personnes âgées est versée aux deux conjoints, concubins ou partenaires liés par un pacte civil de solidarité.
« Les dispositions prévues aux deuxième et troisième alinéas sont applicables, dans des conditions définies par décret, aux personnes qui sont titulaires des allocations mentionnées à l'article 2 de l'ordonnance n° 2004-605 du 24 juin 2004 simplifiant le minimum vieillesse. »
La parole est à Mme Isabelle Debré.
Cet amendement reprend le texte d’une récente proposition de loi visant à permettre le cumul du minimum vieillesse, l’actuelle allocation de solidarité aux personnes âgées, l’ASPA, avec les revenus d’une activité rémunérée, dans la limite de deux plafonds. L’ASPA étant financée par la solidarité nationale, nous avons en effet estimé qu’il fallait prévoir un plafond à 1, 2 fois le salaire minimum interprofessionnel de croissance pour une personne seule et à 1, 8 fois pour un couple.
Aujourd’hui, les personnes bénéficiaires de l’ASPA se situent en dessous du seuil de pauvreté, soit 977 euros, le montant de cette allocation étant de 787 euros pour une personne seule et de 1 222 euros pour un couple. S’il est vrai que ce montant a été revalorisé de 25 % durant le quinquennat de Nicolas Sarkozy, il n’en demeure pas moins très bas.
La proposition de loi visant à autoriser le cumul de l’allocation de solidarité aux personnes âgées avec des revenus professionnels, déposée en 2012, a été adoptée par le Sénat le 31 janvier 2013. Malheureusement, le 25 avril dernier, à l’Assemblée nationale, cette proposition de loi portée par Isabelle Le Callennec a fait l’objet d’un renvoi en commission.
J’ai suivi les débats à l’Assemblée nationale, et les raisons de ce renvoi en commission ne sont pas très claires. Il s’agit pourtant d’une mesure d’équité. Aujourd’hui, les retraités du public comme du privé peuvent cumuler un revenu d’activité avec leur retraite, ce qui est interdit aux titulaires de l’ASPA. C’est d’autant plus injuste que, si un titulaire de l’ASPA perçoit par exemple100 euros en réalisant quelques menus travaux, l’État non seulement prélève des cotisations sur cette somme, mais déduit également celle-ci du montant de l’allocation !
Par cet amendement, mes chers collègues, c’est donc une mesure de bon sens, d’équité et de solidarité que je vous demande de soutenir.
Comme l’a rappelé Mme Debré, cet amendement reprend une proposition de loi adoptée par le Sénat le 31 janvier dernier visant à autoriser le cumul de l’allocation de solidarité aux personnes âgées avec des revenus professionnels.
Comme l’avait indiqué le Gouvernement au moment de l’examen de ce texte, ces mesures relèvent du domaine réglementaire. La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement, mais il nous semble important de connaître l’avis du Gouvernement.
Je ne conteste pas le bien-fondé de la démarche que vous engagez. Il paraît nécessaire de mettre en place un dispositif permettant aux bénéficiaires de l’ASPA de cumuler cette allocation avec l’éventuel revenu tiré d’une activité, une possibilité qui est déjà ouverte aujourd’hui aux bénéficiaires de l’allocation aux adultes handicapés, l’AAH, ou à ceux du RSA.
Toutefois, comme cela avait été dit lors de la présentation de votre proposition de loi, il s’agit d’une démarche de type réglementaire. C’est la raison pour laquelle ce texte n’a pas été adopté par l’Assemblée nationale.
Mes services ont donc élaboré un projet de décret qui va être transmis dans les prochains jours au Conseil d’État. Nous n’avons par conséquent rien abandonné sur cette question.
Je le répète, il s’agit d’une démarche réglementaire et non législative : le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
Vous nous dites qu’il s’agit d’une mesure relevant du domaine réglementaire et j’aimerais comprendre pourquoi.
Il s’agit avant tout d’une mesure de bon sens, votée à la quasi-unanimité du Sénat. Dans ces conditions, j’estime que la représentation nationale doit primer sur le pouvoir réglementaire. Nous verrons bien ce qu’il en est.
Si nous adoptons aujourd’hui cet amendement présenté par Isabelle Debré, directement inspiré de sa proposition de loi, il s’agira d’un signe fort adressé au Gouvernement pour une mise en œuvre très rapide de ce dispositif. Plusieurs mois se sont écoulés depuis le vote de ce texte par la Haute Assemblée, au cours desquels les personnes concernées par ce cumul, souvent très vulnérables, n’ont pu en bénéficier.
À mon sens, cette mesure se justifie pleinement pour quatre grandes raisons.
Il s’agit tout d’abord d’une mesure d’équité. La possibilité de cumuler emploi et retraite ayant été ouverte à l’ensemble de la population, pourquoi la frange la plus vulnérable de cette population, celle disposant des plus faibles revenus, ne pourrait-elle bénéficier d’un tel avantage ? Cela revient à marcher sur la tête ! Il nous faut garder en permanence à l’esprit cette notion d’équité, première des quatre justifications que j’évoquais.
Il s’agit ensuite d’une mesure de solidarité. Vous me pardonnerez de toujours en revenir à mon milieu rural, …
… mais on y trouve souvent des retraités agricoles, avec de faibles revenus, qui ont besoin de rendre service, de faire quelque chose pour leurs voisins ou pour leur village. Or, ces emplois d’aide à la personne, ces quelques heures passées dans un commerce pour éviter que celui-ci ne ferme, aucun actif jeune ne s’en chargera, parce que ces emplois ne sont pas assez rémunérateurs. Les personnes percevant le minimum vieillesse répondront à ces offres et seront ainsi en mesure d’apporter un service, une certaine forme de solidarité à leurs concitoyens.
La troisième raison est d’ordre psychologique. Il faut se mettre à la place de ces personnes qui ont souvent eu une vie difficile, ont pu connaître des malheurs et n’ont pu faire ce qu’il fallait pour bénéficier d’une retraite suffisante. Le minimum vieillesse dont bénéficient ces personnes ressortit à la fois à une démarche de solidarité nationale et à une démarche d’assistance. Et justement, nombre de personnes qui profitent de cet assistanat, dont on parle beaucoup ces derniers temps, le subissent aussi parfois, en éprouvant quelque honte à en bénéficier. En leur offrant la possibilité de disposer d’un complément de revenus – dans les plafonds indiqués par Isabelle Debré –, ce dispositif leur apporterait une certaine légitimité, leur permettrait de relever la tête et de retrouver leur fierté, en leur donnant le sentiment d’être utiles à la société.
La dernière raison – on me reprochera d’en venir encore là – est d’ordre financier. Il faut savoir que certains des travaux auxquels j’ai fait allusion au début de mon propos sont exécutés au noir, afin d’éviter précisément que ce complément de revenu ne soit déduit du minimum vieillesse.
Ce dispositif permettrait ainsi d’officialiser un certain nombre de petites tâches, ce qui n’est pas négligeable, et de générer des cotisations et des ressources supplémentaires au profit des régimes sociaux.
De surcroît, ces revenus complémentaires – il faut multiplier ces faibles montants par des centaines, des milliers, voire des dizaines de milliers de bénéficiaires – vont être réinjectés dans l’économie via la consommation et profiteront aux rentrées de TVA et à tout ce qui s’ensuit. D’un côté comme de l’autre, cela ne peut qu’être bénéfique sur le plan financier.
Ces quatre grandes raisons justifient mon avis tout à fait favorable sur cet amendement, qui marque une nouvelle fois le souhait de notre groupe de voir cette disposition de bon sens et de justice sociale être appliquée le plus rapidement possible.
Le groupe écologiste ayant voté la proposition de loi de Mme Debré, il se prononcera également en faveur de cet amendement.
Il est tout de même invraisemblable qu’une personne disposant d’une retraite moyenne puisse travailler et que celle disposant de la plus petite retraite ne le puisse pas !
J’aimerais que l’on m’explique cela à un moment où l’on entend de plus en plus parler du problème de la paupérisation des seniors ! Ceux qui ont le plus de difficultés, qui ont les plus petites retraites ne peuvent travailler quelques heures, tandis que ceux qui ont une retraite plus importante ont tout loisir de le faire ! Franchement, je n’y comprends rien !
Vous nous dites, madame la ministre, que cette disposition relève du pouvoir réglementaire ? Peut-être, mais sans doute était-il temps de s’y atteler depuis le 31 janvier dernier !
Dans cet hémicycle, nous votons parfois sur des virgules ou des points de détail. Là, il ne s’agit pas d’un détail, il s’agit de permettre à des personnes ayant une petite retraite de travailler quelques heures. Je voterai cet amendement.
Seul le groupe CRC avait voté contre la proposition de loi au motif qu’il valait mieux revaloriser le minimum vieillesse, ce qui n’est ni de notre ressort ni de notre compétence, le Gouvernement seul pouvant revaloriser les minima sociaux.
Mais comment peut-on interdire à des personnes se situant en deçà du seuil de pauvreté de travailler pour améliorer à la marge leurs conditions de vie ? Le droit de travailler est un droit fondamental dans notre pays. Or, à l’heure actuelle, non seulement ces personnes n’ont pas le droit de travailler, mais en plus le produit de leur travail leur est retiré. Voilà quelque chose d’absolument absurde !
Lors de l’examen de cette proposition de loi, Mme Delaunay, ministre déléguée chargée des personnes âgées et de l'autonomie, ne nous a jamais parlé d’un décret et s’en est remise à la sagesse du Sénat sur le texte. Les socialistes, quant à eux, se sont abstenus en parlant d’une « abstention positive ». Aujourd’hui, vous nous parlez de domaine réglementaire, de décret, mais, comme le dit très justement M. Desessard, pourquoi ne pas l’avoir fait plus tôt, si c’était si facile ?
C’est l’honneur du Sénat, l’honneur des parlementaires de prendre des décisions et d’améliorer les conditions de vie de certains de nos concitoyens. J’ajoute que beaucoup de femmes sont concernées par cet amendement.
Près d’un an après l’adoption de cette proposition de loi au Sénat, vous nous dites que votre cabinet réfléchit à cette question… Madame le ministre, ce qui est fait n’est plus à faire. Beaucoup de personnes attendent, je ne vois pas pourquoi nous devrions les faire attendre encore plus pour un éventuel, un hypothétique décret ou règlement. Je demande à tous ici présents de bien vouloir voter cet amendement, très attendu, de bon sens, d’équité et de justice !
Très bien ! et a pplaudissements sur les travées de l'UMP.
Nous resterons fidèles à notre logique, dont Mme Debré a rappelé la cohérence.
Nous n’avions pas voté cette proposition de loi, parce que ce n’est pas, selon nous, en imposant aux bénéficiaires de l’ASPA de travailler toujours plus et plus longtemps que nous réglerons leurs problèmes.
Dans certains pays étrangers que nous avons visités, nous avons pu voir des personnes de soixante-cinq ans ou soixante-dix ans travailler dans les rues. Tel n’est pas le projet de société que nous privilégions. Le cumul allocation-emploi est peut-être un pis-aller, mais il pose aussi d’autres problèmes.
Conformément à cette logique, le groupe communiste, républicain et citoyen défendra, dans la suite du débat, des amendements visant précisément à aligner le niveau de l’ASPA sur le SMIC.
Cette revalorisation constitue, à notre avis, la véritable solution à ce problème, qui méritait d’être posé.
En revanche, nous ne pourrons pas voter cet amendement.
Je n’interviendrai pas sur le fond, Isabelle Debré et Jean-Noël Cardoux ayant défendu avec talent, autorité et conviction cet amendement, que ne rejette pas non plus notre collègue Jean Desessard, ce dont je me réjouis.
En revanche, madame la ministre, je trouve que vous perdez là l’occasion d’adopter une attitude proactive à l’égard de nos débats.
Vous pouvez constater combien nous sommes attentifs à ce texte : nous regardons chaque article, nous essayons de l’améliorer et de le faire évoluer. Sans grand succès, à quelques exceptions près : nous avons réussi à faire adopter un amendement pertinent du groupe CRC et nous venons d’en soutenir un autre du groupe RDSE, avant que votre groupe ne torpille l’article auquel cet amendement se rattachait…
Sur un sujet aussi important que celui des retraites, qui concerne plusieurs générations et sur lequel chaque majorité à venir devra se pencher, vous ne semblez pas avoir très envie d’entendre la voix de l’opposition, y compris sur des thèmes qui ne sont pas essentiels et qui fédèrent à peu près tous les points de vue.
En l’espèce, si j’ai bien compris, vous découvrez la nature réglementaire de cette disposition. Soit, mais que ne l’avez-vous dit lors de l’examen de la proposition de loi au Sénat, …
… puis en commission et en séance à l’Assemblée nationale ! Que ne l’avez-vous encore rappelé lors de l’examen de cet article devant la commission présidée par Annie David ! Il me semble pourtant que suffisamment de parlementaires vous soutiennent et que, en théorie, vous disposez encore d’une majorité pouvant faire valoir cette objection que vous nous présentez aujourd’hui comme un impératif absolu, madame la ministre : c’est réglementaire, n’y touchez pas !
Y a-t-il un risque de sanction du Conseil constitutionnel ? Si le Parlement vote une disposition relevant du pouvoir réglementaire, c’est en théorie possible. Mais qui aurait intérêt à la contester ? Il s’agirait vraiment, comme l’on dit en termes populaires, d’un « mauvais coucheur ».
Vous ne voulez pas de cet amendement que vous soutenez sur le plan des principes, parce que vous ne souhaitez pas que le Parlement apporte une contribution positive à ce texte.
J’en suis désolé, madame la ministre, pour ne pas dire déçu. Comme vous l’avez constaté, nous sommes quelques-uns à être impliqués dans ce débat, à y trouver un réel intérêt. Nous avons le sentiment de participer à la construction d’un édifice mais, lorsqu’on peut y apporter notre pierre, vous la refusez. Vous êtes libre de le faire, mais cela n’encourage pas l’esprit de coopération qui devrait pourtant présider à un tel débat.
Le groupe socialiste partage l’objectif de cet amendement, comme il partageait celui de la proposition de loi de Mme Debré.
Mais, puisque Mme la ministre s’engage à publier un décret sur ce point dans les meilleurs délais, notre groupe aura la même position sur cet amendement que sur le vote de la proposition de loi, à savoir une « abstention positive ».
Je veux abonder dans le sens de M. Domeizel. M. Longuet, qui est intarissable, nous fait passer pour des vilains personnages, alors que nous faisons simplement confiance au pouvoir réglementaire ! Dès lors, l’abstention de la majorité de notre groupe sur cet amendement sera, elle aussi, positive et marquera notre confiance en Mme la ministre.
Je mets aux voix l’amendement n° 2 rectifié.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, ainsi que celui du Gouvernement
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici le résultat du scrutin n° 40 :
Nombre de votants347Nombre de suffrages exprimés203Pour l’adoption183Contre 20Le Sénat a adopté.
Applaudissements sur les travées de l’UMP.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 12.
L’amendement n° 372 rectifié, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin et Archimbaud, M. Placé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 12
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans l’année qui suit la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport concernant l’accès au dispositif de cumul emploi-retraite pour les artistes interprètes en situation de contrat à durée indéterminée.
La parole est à M. Jean Desessard.
Cet amendement a trait à une spécificité propre aux artistes. Mme Génisson a déposé sur le même sujet un amendement plus radical que le nôtre : elle réclame qu’une mesure soit prise, alors que nous nous contentons de demander un rapport ! Mais nous verrons ce qu’il adviendra de cet amendement, si toutefois il est soutenu.
Le cumul emploi-retraite, dont nous avons déjà parlé, a été créé par la loi portant réforme des retraites de 2003. Il a donné aux retraités la possibilité de cumuler leur pension avec le salaire tiré d’un nouvel emploi, la seule condition pour en profiter étant de rompre tout lien avec son ancien employeur. À l’époque, une exception avait naturellement été prévue pour les artistes, dont les activités fluctuantes et intermittentes rendent floues les limites entre travail et retraite, et modestes les droits acquis. En effet, un artiste travaille pour plusieurs employeurs. L’empêcher de travailler avec eux, c’est le condamner à ne plus travailler du tout !
Cependant, la rédaction de l’article a été imprudente : elle englobe tous les artistes interprètes dans le même régime, y compris ceux en CDI, qui ne sont pourtant pas soumis aux mêmes conditions de travail et de retraite que les intermittents. En effet, ces artistes peuvent, l’âge légal venu, liquider leurs droits, les faire valoir sans prévenir leur employeur, et rester sous contrat auprès de lui. Ces personnes peuvent, ainsi, cumuler les deux rémunérations.
Cette situation induit des coûts de masse salariale importants, notamment pour les grands orchestres – ce régime, en effet, concerne principalement les musiciens en CDI –, et limite l’accès à l’emploi pour les jeunes artistes, à qui, on le sait, le marché de l’emploi n’est déjà pas particulièrement favorable et qui connaissent souvent des situations précaires.
Afin de cerner correctement tous les enjeux du problème et d’éclairer utilement l’action du Parlement, le présent amendement vise à demander un rapport permettant d’évaluer le dispositif de cumul emploi-retraite des artistes interprètes en CDI.
Il s’agit d’une demande très précise : le rapport porterait sur une catégorie professionnelle très particulière. La commission souhaite donc entendre l’avis du Gouvernement.
Le dispositif du cumul emploi-retraite pour les artistes interprètes suscite, c’est vrai, des interrogations, voire des difficultés, car il n’a pas été adapté au fil de la législation. Il faut y voir plus clair. En ce sens, un rapport est utile.
Dès lors, le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement.
Nous allons soutenir l’amendement de M. Desessard. Ce n’est pas que nous ayons une passion particulière pour les rapports, mais cet amendement a l’immense mérite, Mme la ministre l’a signalé, de pointer du doigt un des innombrables problèmes que connaît le dispositif de cumul emploi-retraite.
En n’acceptant pas que la situation soit réglée par l’article 12, qui, d’ailleurs, a été rejeté, nous mettrons ainsi le pied dans la porte. C’est une bonne façon, pour l’opposition, de rappeler au Gouvernement qu’une position de principe rigide, celle qui interdit à des retraités du régime général de pouvoir travailler utilement à l’amélioration de leurs retraites entre soixante-deux ans et l’âge de retraite définitive imposé par leur nouveau statut de libéral actif, n’est pas tenable dans le temps. Je suis persuadé que ce rapport ouvrira une brèche dans ce dispositif fermé. Une fois cela fait, chaque profession pourra, comme les artistes interprètes, défendre son droit.
Par ailleurs, ayant présidé, voilà longtemps, l’orchestre philharmonique de Lorraine, je confirme qu’il serait dommage, pour la musique comme pour les mélomanes, de se priver des musiciens qui, titulaires d’un CDI, font des « ménages » dans d’autres activités.
Ce rapport, donc, est le bienvenu, car il refuse le statu quo que nous avons combattu tout au long du débat sur l’article 12.
L’amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 12.
Mme Laurence Cohen applaudit.
I. – Après le mot : « et », la fin du troisième alinéa de l’article L. 161-22 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigée : « les pensions servies par ces régimes sont réduites à due concurrence du dépassement, dans des conditions fixées par décret. »
II. – Après le mot : « et », la fin du troisième alinéa des articles L. 634-6 et L. 643-6 du même code est ainsi rédigée : « la pension servie par ce régime est réduite à due concurrence du dépassement, dans des conditions fixées par décret. » –
Adopté.
L’article L. 5421-4 du code du travail est complété par un 3° ainsi rédigé :
« 3° Aux allocataires bénéficiant d’une retraite attribuée en application des articles L. 161-17-4, L. 351-1-1, L. 351-1-2 et L. 351-1-4 du code de la sécurité sociale et des troisième et septième alinéas du I de l’article 41 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 (n° 98-1194 du 23 décembre 1998). » –
Adopté.
L’amendement n° 373, présenté par Mme Génisson, est ainsi libellé :
Après l’article 12 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le 1° de l’article L. 161-22 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :
« 1°) Activités entraînant affiliation au régime général de la sécurité sociale en application du 15°) de l’article L. 311-3, sauf pour les salariés qui exercent dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée de droit commun et de l’article L. 382-1 ainsi que les activités exercées par les artistes interprètes rattachés au régime mentionné au premier alinéa de l’article L. 622-5, sauf si celles-ci sont exercées par les salariés dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée de droit commun ; »
Cet amendement n’est pas soutenu.
Chapitre III
Améliorer les droits à retraite des femmes, des jeunes actifs et des assurés à carrière heurtée
L’amendement n° 172, présenté par Mmes Cohen, Gonthier-Maurin et Cukierman, M. Watrin, Mmes David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Avant l’article 13
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code du travail est ainsi modifié :
1° La section unique du chapitre III du titre IV du livre Ier du code du travail est complétée par un article L. 1143-… ainsi rédigé :
« Art. L. 1143-… – À compter du 1er janvier 2016, les entreprises qui n’appliquent pas le principe à travail de valeur égale, salaire égal encourent une pénalité mensuelle égale à 1 % de la masse salariale jusqu’à la résorption complète des inégalités, selon des modalités définies par décret.
2° Le second alinéa de l’article L. 2241-7 est ainsi rédigé :
« Les branches professionnelles doivent, à l’occasion du réexamen quinquennal des classifications, analyser les critères d’évaluation retenus dans la définition des différents postes de travail afin de repérer et de corriger ceux d’entre eux susceptibles d’induire des discriminations entre les hommes et les femmes et de prendre en compte l’ensemble des compétences mises en œuvre. Lorsqu’un écart moyen de rémunération entre les hommes et les femmes est constaté, les branches professionnelles doivent faire de sa réduction une priorité et l’avoir supprimé au 1er janvier 2016. »
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Nous l’avons souligné tout au long du débat, les inégalités de pension entre les hommes et les femmes reflètent, en les amplifiant, les inégalités professionnelles et salariales dont les femmes sont victimes.
Ainsi, les écarts de salaires entre les femmes et les hommes restent élevés, alors même que les femmes ont massivement investi le monde du travail.
Par ailleurs, nous le savons, les femmes sont davantage touchées par le temps partiel – elles représentent 82 % des salariés qui n’exercent pas à temps plein – et sont surreprésentées dans des métiers socialement et financièrement dévalorisés, dans lesquels leurs qualifications, non reconnues, sont sous-rémunérées.
Ces écarts de salaire, dont près de 6 % relèvent de la discrimination pure, jouent d’autant plus que le salaire est individualisé et composé de primes. Par conséquent, ils sont encore plus élevés entre les femmes et les hommes qui sont cadres.
Ces écarts persistent, donc, et leur résorption stagne depuis le milieu des années quatre-vingt-dix. Aussi, malgré l’adoption de six textes relatifs à l’égalité professionnelle depuis 1972, le principe « à travail de valeur égale, salaire égal » ne s’applique toujours pas.
Un rapport d’information, établi en février 2012 par la délégation aux droits des femmes du Sénat à l’occasion de l’examen de la proposition de loi de Claire-Lise Campion et du groupe socialiste, avait constaté que les outils censés inciter à la prise de conscience des acteurs du monde économique – le rapport de situation comparée et l’obligation pour chaque branche d’engager une négociation collective sur l’égalité professionnelle – peinaient toujours à atteindre leur objectif, faute de volonté politique et d’une réelle sanction obligeant à la négociation.
Ainsi, en juillet 2009, dans un rapport préparatoire à la concertation avec les partenaires sociaux sur l’égalité professionnelle, Brigitte Grésy, inspectrice à l’Inspection générale des affaires sociales, l’IGAS, écrivait : « la sanction est devenue, aux dires de très nombreux interlocuteurs, un élément incontournable du dispositif ».
Forts de ce constat, nous pensons que, au bout de trente ans, il est grand temps d’enclencher la vitesse supérieure et de passer de l’incitation à l’application, pour rendre enfin effectif le principe « à travail de valeur égale, salaire égal ». C’est pourquoi nous proposons, par cet amendement, que les entreprises qui n’auraient pas appliqué ce principe d’ici au 1er janvier 2016 encourent une pénalité mensuelle égale à 1 % de leur masse salariale.
Je rappelle que la loi du 23 mars 2006 relative à l’égalité salariale entre les femmes et les hommes avait fixé au 31 décembre 2010 la date butoir pour la suppression des écarts de rémunération entre les femmes et les hommes.
On sait ce qu’il est advenu de cet engagement, rayé d’un trait de plume quatre ans plus tard, lors de la réforme des retraites du gouvernement Fillon…
Il est donc extrêmement important d’adopter des mesures beaucoup plus incitatives. Passons à l’acte !
Cet amendement vise à instituer une pénalité mensuelle de 1 % de la masse salariale pour les entreprises qui n’appliquent pas le principe « à travail égal, salaire égal ».
Or une telle disposition, qui concerne l’égalité professionnelle, ne relève pas d’un texte sur les retraites. Elle aurait plutôt sa place dans le projet de loi pour l’égalité entre les femmes et les hommes, que le Sénat a déjà adopté en première lecture et que l’Assemblée nationale examinera prochainement. Il s’agit là, me semble-t-il, d’un sujet sur lequel des évolutions seront encore possibles en deuxième lecture.
En attendant, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement, certes intéressant, mais dépourvu de lien avec l’objet du présent projet de loi.
Le Gouvernement partage l’avis de la commission.
Si nous souscrivons évidemment aux préoccupations et objectifs des auteurs de cet amendement, il nous paraît important d’analyser les dispositifs qui seraient les mieux à même d’orienter les entreprises vers l’égalité salariale.
Le débat est ouvert. Une pénalité a été introduite voilà quelques années ; les conditions de sa mise en œuvre ont été durcies dans le projet de loi relatif pour l’égalité entre les femmes et les hommes. Mais, et Mme le rapporteur vient de le souligner, les conditions de travail ou de rémunération ne relèvent pas du présent projet de loi, qui prévoit en revanche des dispositions pour compenser les inégalités ou, à tout le moins, pour éviter qu’elles ne s’accentuent lorsque les femmes partent en retraite.
Le groupe UMP suivra le Gouvernement sur cet amendement.
Loin de nous l’idée que la préoccupation exprimée par notre collègue Laurence Cohen serait sans importance ! Simplement, depuis le début de ce débat, nous avons l’intime conviction que les régimes de retraite ne seront pas en mesure de compenser toutes les injustices, difficultés ou singularités de la vie professionnelle. Il faut, selon nous, s’attaquer à tous ces problèmes dans des textes spécifiques et, par exemple, dans un projet de loi sur l’égalité entre les hommes et les femmes pour ce qui est du principe « à travail égal, salaire égal ».
On nous annonce un rendez-vous législatif ; nous en acceptons l’augure. Nous souhaitons un texte beaucoup plus complet, beaucoup plus vaste. Le sujet ne peut pas être traité au détour d’un simple amendement. La préoccupation de nos collègues est légitime, mais l’amendement n’a pas sa place dans le présent projet de loi.
J’entends les arguments de Mme la rapporteur et de Mme la ministre.
Comme nous l’avons souligné depuis le début du débat, les retraites découlent directement de la situation professionnelle ; c’est d’ailleurs vrai pour les femmes comme pour les hommes. Et nous avons pleinement conscience que les inégalités professionnelles dont les femmes sont victimes, inégalités qui perdurent malgré l’adoption de textes législatifs en la matière, sont à l’origine de la faiblesse de leurs retraites.
Pour notre part, nous avons œuvré, comme d’autres, au sein de la Haute Assemblée, afin que le projet de loi pour l’égalité entre les femmes et les hommes permette de franchir une étape. Mais nous pensons qu’il faut enclencher la vitesse supérieure, car cela fait tout de même des années que nous luttons pour faire avancer l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes !
Il nous semble important de réaffirmer ces principes. C’est l’objet de nos amendements. Voilà pourquoi nous les maintenons.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 173, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Avant l’article 13
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le second alinéa de l’article L. 2242-5 du code du travail est supprimé.
La parole est à M. Dominique Watrin.
L’article L. 2242-5 du code du travail, modifié par la loi du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites, dispose : « L’employeur engage chaque année une négociation sur les objectifs d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans l’entreprise, ainsi que sur les mesures permettant de les atteindre. »
Selon une étude de l’Observatoire des inégalités parue au mois de janvier dernier, le salaire mensuel net moyen pour un équivalent temps plein est de 2 263 euros pour les hommes, contre 1 817 euros seulement pour les femmes. Les hommes perçoivent donc, en moyenne, un salaire supérieur de 25 % en équivalent temps plein à celui des femmes, soit, pour parler en monnaie sonnante et trébuchante, un écart moyen de 446 euros. C’est une somme colossale qui manque tous les mois, mais qui manque aussi lorsqu’il s’agit de déterminer le salaire annuel moyen pour calculer la pension de retraite !
S’il y a pléthore de textes législatifs en faveur de l’égalité salariale, force est cependant de constater que les choses évoluent beaucoup trop lentement. Aucune mesure, pas même parmi celles qui ont été adoptées au titre de l’égalité salariale, ne nous semble de nature à garantir aux femmes des rémunérations et des pensions égales à celles des hommes.
Il faut donc nous rendre à l’évidence : de telles inégalités perdureront tant que le législateur ne prendra pas les mesures financières contraignantes nécessaires.
Nous proposons donc de moduler les cotisations sociales afin de contraindre les employeurs à privilégier la rémunération du travail et à garantir l’égalité salariale entre les hommes et les femmes, alors que, dans la situation actuelle, une part toujours plus importante des richesses vont au capital, au détriment des salariés, et plus particulièrement des salariées.
En attendant une telle mesure, il nous paraît important que la négociation entre salariés et employeurs sur la question, cruciale, de l’égalité de rémunération entre les femmes et les hommes puisse avoir lieu tous les ans. Compte tenu des écarts, c’est bien chaque année, et non une fois tous les trois ans, qu’il faut en débattre.
Ce qui est prévu actuellement ne nous paraît pas conforme à l’intérêt des femmes. Nous souhaitons donc la suppression du second alinéa de l’article L. 2242-5 du code du travail.
Cet amendement a le même objet, certes avec des modalités différentes, que l’amendement n° 172 ; il s’agit, là encore, de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.
L’amendement ne présente pas de lien direct avec l’objet du présent projet de loi, qui porte sur les retraites.
L’avis de la commission est donc défavorable.
Tout de même ! Chaque année perdue dans la négociation pour avancer vers l’égalité entre les hommes et les femmes est une année perdue pour les femmes et une année de plus pour l’injustice !
La Haute Assemblée pourrait, nous semble-t-il, prendre un engagement symbolique à cet égard, même si la mesure que nous proposons n’a peut-être pas toute sa place dans le présent projet de loi.
L'amendement n'est pas adopté.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 174 est présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 337 rectifié bis est présenté par M. Desessard, Mme Archimbaud, M. Placé et les membres du groupe écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Avant l’article 13
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 3221-2 du code du travail, il est inséré un article L. 3221-2-... ainsi rédigé :
« Art. L. 3221-2-.. . – Toutes les entreprises qui ne respectent pas l’égalité salariale doivent être pénalisées selon l’écart de salaire constaté entre les hommes et les femmes. Cette sanction se caractérise par une majoration de la cotisation définie à l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale et doit être appliquée en suivant des paliers ainsi établis :
« - Si les femmes, salariées de l’entreprise, touchent 5 % de moins que les hommes, la cotisation retraite de l’employeur est majorée de 0, 2 % ;
« - Si les femmes, salariées de l’entreprise, touchent entre 5 % et 10 % de moins que les hommes, la cotisation retraite de l’employeur est majorée de 1 % ;
« - Si les femmes, salariées de l’entreprise, touchent entre 10 % et 15 % de moins que les hommes, la cotisation retraite de l’employeur est majorée de 2 % ;
« - Si les femmes, salariées de l’entreprise, touchent entre 15 % et 20 % de moins que les hommes, la cotisation retraite de l’employeur est majorée de 3 % ;
« - Si les femmes, salariées de l’entreprise, touchent au-delà de 20 % de moins que les hommes, la cotisation retraite de l’employeur est majorée de 4 %. »
La parole est à Mme Isabelle Pasquet, pour présenter l’amendement n° 174.
Cet amendement répond au principe d’une plus grande justice sociale contribuant à la pérennité de notre système de retraites par répartition à solidarité intergénérationnelle. Il contribue, dans le même temps, à favoriser l’égalité entre les hommes et les femmes par des mesures financières incitatives.
Nous proposons que les employeurs soient poussés à respecter l’égalité de rémunération entre les femmes et les hommes par le biais de sanctions financières. À défaut, les pensions des femmes resteront inférieures à celles des hommes.
Il faut favoriser l’accès des femmes à une retraite leur permettant de subvenir à leurs besoins une fois l’activité professionnelle terminée.
En ce sens, il existe des mécanismes de compensation visant à atténuer les inégalités contre lesquelles on ne peut plus lutter, car elles sont le fait des générations passées.
L’article 13 du projet de loi s’inscrit dans une telle logique. Mais il n’est proposé qu’un rapport sur la refonte des majorations de pension pour enfants.
Certes, la démarche est la bonne. Mais pourquoi se limiter à un rapport ? Prenons dès aujourd’hui des mesures d’application immédiate.
Dans l’intérêt des générations futures et des actifs qui sont loin d’accéder à la retraite, nous devons lutter contre les inégalités face à l’emploi, afin de faire disparaître les inégalités face à la retraite. Nul besoin d’attendre un rapport pour agir sur ce volet !
Nous proposons donc, par cet amendement, que toutes les entreprises ne respectant pas l’égalité salariale soient pénalisées en fonction de l’écart salarial constaté entre les hommes et les femmes. La sanction prendrait la forme d’une majoration de la cotisation définie à l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale.
Le dispositif que nous prônons permet à la fois de favoriser l’égalité salariale entre les femmes et les hommes et de financer les retraites ; il est donc doublement vertueux. C’est pourquoi nous vous proposons d’adopter cet amendement.
La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° 337 rectifié bis.
Les inégalités salariales touchent de plein fouet les femmes dans notre pays. Selon l’INSEE, en 2010, les salaires féminins valaient, en moyenne, 76 % des salaires masculins, et l’écart est de plus en plus important à mesure que le salaire augmente. Si l’on prend en compte les 1 % de salariés les mieux rémunérés, les femmes perçoivent au mieux un salaire équivalent à 64 % de celui des hommes.
Une telle inégalité se répercute pleinement sur le niveau de la retraite perçue. Comme je l’ai rappelé lors de la discussion générale, il y a là une véritable discrimination pour toutes les assurées.
En effet, la retraite moyenne perçue par les femmes s’élève à 72 % de celle qui est versée aux hommes. Si l’on se penche sur les retraites complémentaires, les chiffres sont encore plus alarmants : selon l’Association pour le régime de retraite complémentaire des salariés, l’ARRCO, la pension moyenne des femmes représente 58 % de celle des hommes ; selon l’Association générale des institutions de retraite des cadres, l’AGIRC, le taux est de 40 % seulement.
Au-delà des quelques dispositions du projet de loi dédiées aux femmes et aux carrières heurtées, il nous faut dès maintenant prendre des mesures encore plus fortes pour lutter contre les inégalités salariales dans l’entreprise. Certes, des dispositions ont été adoptées sur les retraites ; mais tout dépend des salaires. Il faut donc agir en amont.
Nous nous associons pleinement à la démarche de nos collègues du groupe CRC, qui ont déposé un amendement identique au nôtre.
Pour nous, un système de pénalités progressives, fondées sur les écarts de salaires, est susceptible d’encourager les employeurs à tout mettre en œuvre pour l’égalité entre les hommes et les femmes. Le levier de la cotisation retraite payée par l’employeur est particulièrement adapté pour cette mesure. Il s’agit, ici aussi, de lutter contre les écarts de pension.
Il est temps de passer d’une logique déclarative à une véritable action dissuasive. Frappons là où cela fait le plus mal : au portefeuille !
Ces deux amendements identiques visent à moduler les cotisations retraite de l’employeur en fonction de l’importance des écarts salariaux constatés entre les femmes et les hommes. Ils sont tout à fait intéressants, mais je ne vois pas comment ils peuvent s’intégrer dans un projet de loi portant réforme des retraites…
J’émets donc un avis défavorable sur ces deux amendements identiques, qui pourraient en revanche être repris dans le texte sur l’égalité professionnelle.
Je mets aux voix les amendements identiques n° 174 et 337 rectifié bis.
Les amendements ne sont pas adoptés.
L'amendement n° 179, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Avant l’article 13
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 30 juin 2014, un rapport détaillant les mesures envisagées pour parvenir à la résorption définitive, à l’horizon 2018, des inégalités professionnelles et salariales entre femmes et hommes.
La parole est à M. Dominique Watrin.
Le constat est connu : les femmes, qui ont été victimes d’inégalités salariales tout au long de leur vie professionnelle, voient ces inégalités perdurer au moment du départ en retraite.
Ce constat, nous l’avions déjà dressé lors de la dernière réforme des retraites, en 2010. Voilà malheureusement des années qu’il est établi.
Pourtant, force est de constater que la situation n’a pas changé, ni en ce qui concerne la résorption des inégalités salariales ni pour ce qui est du mécanisme de compensation de ces inégalités. Pire, la répercussion des inégalités salariales sur les retraites s’est même accrue avec les dernières réformes.
Nous souhaitons donc une nouvelle fois, avec cet amendement, œuvrer dans le sens d’une éradication définitive de ces inégalités professionnelles et salariales entre hommes et femmes. Il s’agit non pas de traiter la conséquence de ces inégalités, mais bien de s’attaquer à la racine du mal.
Il résulte en effet des différentes études qui ont été réalisées que les femmes sont davantage confrontées à des phénomènes de carrières dites « incomplètes » que les hommes. Une fois l’âge légal de départ à la retraite arrivé pour ces femmes, ces trous de carrière se paient durement !
Ce phénomène peut s’analyser comme de la discrimination, d’où l’intérêt du rapport qui est demandé pour que le Gouvernement prenne enfin des mesures afin de résorber les difficultés, en s’attaquant à leurs racines.
Je pense que l’ambition que traduit ce projet de loi n’est pas suffisante et qu’il faut aller plus loin. Nous souhaitons donc la remise d’un rapport qui permette de dégager un certain nombre de propositions.
Le sujet soulevé au travers de tous ces amendements portant articles additionnels avant l’article 13 est important, mais il relève davantage du projet de loi pour l’égalité entre les femmes et les hommes.
La commission émet donc un avis défavorable.
La question ici posée, celle des mesures envisagées dans le cadre de la politique de résorption des inégalités professionnelles, est d’une telle importance que l’on n’imagine pas qu’elle puisse se réduire à la remise d’un simple rapport. Il faut, selon nous, rester sur le terrain de la retraite et être conscient que les retraites ne peuvent pas, à elles seules, compenser toutes les difficultés, les injustices, les erreurs ou les singularités de la vie professionnelle de l’ensemble de nos compatriotes actifs.
Je remarque que, dès qu’il est question des inégalités entre femmes et hommes, soit on nous répond que nos amendements n’ont pas leur place dans ce projet de loi, soit que les rapports que nous demandons ne sont pas suffisants, quand on ne nous oppose pas l’article 40 ! J’aimerais donc savoir ce que nous pouvons faire en tant que législateurs !
L'amendement n'est pas adopté.
Dans les six mois suivant la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l’évolution des droits familiaux afin de mieux compenser les effets de l’arrivée d’enfants au foyer sur la carrière et les pensions des femmes.
L’article 13, bien qu’abordant une question essentielle pour les femmes, à savoir les évolutions futures à apporter aux avantages familiaux de retraite, se limite en réalité à la remise par le Gouvernement d’un rapport.
Pas plus que vous, madame la ministre, nous ne saurions accepter que les droits familiaux, censés compenser les écarts de salaires puis de pensions, soient, dans leur grande partie, captés par les hommes et donc détournés de leur objectif. Ces avantages étant proportionnels aux salaires et les salaires des hommes étant supérieurs à ceux des femmes, l’architecture même de ces droits conduit à une injustice à laquelle il faut remédier. Nous voterons donc cet article.
Toutefois, je regrette que, sans attendre la remise de ce rapport, vous ayez déjà acté la taxation des majorations de pensions de 10 %.
Tout cela donne l’impression que vous êtes plus prompte à instaurer de nouveaux prélèvements sur les personnes physiques qu’à trouver des solutions justes et tenables en droit, permettant de combler les écarts de pensions dont les femmes sont victimes.
Je voudrais dire également à notre collègue Laurence Rossignol, rapporteur de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, que nous ne souscrivons pas à la recommandation qui figure dans son rapport, tendant à « mutualiser au niveau du couple les conséquences, en matière de retraite, des interruptions de travail subies par l’un des parents ».
En effet, si les parents font le choix, rationnel d’un point de vue économique, de réduire l’activité de la femme, c’est sans doute en raison d’un résidu machiste de notre société, mais surtout parce que les employeurs continuent, en violation totale de la loi et de nos principes constitutionnels, à sous-payer les femmes.
L’homme et la femme dans le couple sont en réalité moins décisionnaires que tributaires d’une situation injuste.
Tout cela nous conduit à penser que la réduction des inégalités de pensions se fera, pour l’essentiel, moins au travers des droits familiaux et conjugaux que grâce à l’émergence d’une société où, enfin, l’égalité de rémunération entre les femmes et les hommes sera totale. C’était le sens des amendements que nous avons précédemment proposés.
Exiger une solidarité dans le couple n’a aucun sens dans un régime qui repose sur la solidarité plus large qu’est la sécurité sociale. Nous contestons donc l’analyse selon laquelle le membre du couple qui aurait eu la chance de partir à taux plein serait redevable à l’égard de l’autre.
Celles et ceux qui sont redevables à l’égard des femmes, ce sont les décideurs politiques qui ne prennent pas les mesures qui s’imposent. Pourtant, nous avons proposé d’organiser, pour les salariés travaillant à temps partiel, un mécanisme de surcotisation patronale qui permettrait de financer des droits nouveaux, conformément aux objectifs de 1945.
Nous avons proposé de supprimer les exonérations de cotisations sociales aux entreprises qui ne respecteraient pas l’égalité salariale et de moduler le taux des cotisations sociales. Là encore, les ressources dégagées devraient permettre de financer des droits nouveaux.
Qui plus est, dire de l’un de membres du couple qu’il est redevable à l’égard de l’autre conduit à se demander comment s’organise la compensation. Imaginez-vous que l’homme puisse transférer des droits à la retraite à la femme ?
Les droits acquis au sein de la sécurité sociale – par principe – n’appartiennent pas aux salariés. Ils ne composent pas leur patrimoine personnel ; ils ne peuvent ni les transférer, ni les donner, ni les léguer.
Si nous comprenons votre volonté, nous n’acceptons pas que la question fondamentale de l’égalité des pensions, qui est en réalité celle de l’égalité des droits, soit réduite, par une forme de nivellement par le bas, à une responsabilité interne au groupe. Cette question de l’égalité des droits est plus large : elle englobe la responsabilité sociale des entreprises, comme celle des pouvoirs publics en matière de service public de l’accueil des jeunes enfants.
Madame la ministre, monsieur le président, mes chers collègues, comme vient de le souligner ma collègue Isabelle Pasquet, le projet de loi renvoie la question des droits familiaux, particulièrement sensible pour les retraites des femmes, à un rapport.
Ce rapport devra être remis au Parlement dans les six mois suivant la promulgation de ce qui sera alors la loi.
La délégation aux droits des femmes du Sénat a souhaité souligner d’emblée dans ses recommandations que la priorité devait s’attacher à la constitution de droits propres par les femmes. Je partage totalement cette analyse, comme d’ailleurs l’ensemble de mes collègues qui étaient présentes lorsque cette question a été débattue. En effet, c’est à ce prix seulement que la retraite des femmes sera à un niveau compatible avec les objectifs d’égalité entre les femmes et les hommes inscrits dans ce projet de loi.
Ces droits propres devront s’appuyer sur une réelle et significative avancée en matière de rémunération, de déconstruction des stéréotypes de genre dans l’accès à l’emploi, de recul du temps partiel subi. Ces droits s’appuieront également sur une organisation du travail qui sera fondée non plus fondée sur un modèle masculin, mais sur une revalorisation des classifications des métiers féminins, sur une nouvelle articulation entre temps de travail et tâches domestiques et entre emploi et maternité.
Il faut donc également que les femmes n’aient plus besoin d’interrompre leur activité, comme elles ont tendance à le faire à la suite des maternités pour élever leurs enfants, car c’est sur elles que repose majoritairement cette responsabilité. On sait en effet qu’elles sont nombreuses à être poussées à interrompre leur activité, pour des raisons qui tiennent à l’insuffisance et au coût des solutions d’accueil de la petite enfance.
Dans ses conclusions, le comité interministériel aux droits des femmes et à l’égalité entre les femmes et les hommes du 30 novembre 2012 relevait que « l’impossibilité de disposer d’un mode de garde adapté à leurs besoins pénalise principalement les femmes ».
En effet, environ 40 % des bénéficiaires du « complément de libre choix d’activité », soit près de 210 000 femmes, ont décidé de se retirer du marché du travail, alors qu’elles auraient préféré y rester, et pour 40 % d’entre elles, soit 84 000, l’absence de solution de garde en a été la raison principale.
Cette réalité traduit l’inégale assignation des tâches au sein du couple.
La question des retraites des femmes nous renvoie donc à un sujet de société beaucoup plus vaste. Ce rapport nous éclairera sur un aspect du problème, ce qui ne peut qu’aider à la réflexion et donc favoriser des progrès ultérieurs grâce à des mesures que nous ne manquerons pas d’adopter, du moins je l’espère.
L'amendement n° 286, présenté par MM. Longuet et Cardoux, Mmes Boog, Bruguière, Bouchart, Cayeux, Debré et Deroche, M. Dériot, Mme Giudicelli, MM. Gilles et Husson, Mme Hummel, MM. Fontaine, de Raincourt, Laménie et Milon, Mme Kammermann, M. Pinton, Mme Procaccia, M. Savary et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Noël Cardoux.
Gérard Longuet disait, à propos de l’amendement n° 372 rectifié, que nous n’étions pas fanatiques des rapports, ce qui est tout à fait exact. Mais l'amendement de notre collègue Jean Desessard, outre la vertu propre aux propositions d’origine parlementaire, avait l’avantage de viser un point bien précis concernant la retraite des artistes interprètes.
Ici, le Gouvernement nous propose un énième rapport, en l’occurrence sur les droits familiaux. Depuis quelque temps, dès que se pose un problème, on nous propose, ici, une haute autorité, là, un conseil scientifique, là encore, des rapports… Quelle curieuse manière de gouverner !
Voilà donc un rapport supplémentaire sur un sujet qui, malgré tout, a fait l’objet de nombreuses modifications. Je n’irai pas jusqu’à dire que c’est pour se donner bonne conscience, néanmoins, je m’interroge…
En effet, à voir toutes les attaques qui ont été orchestrées depuis un an et demi contre le droit de la famille, entraînant la réduction d’un certain nombre d’avantages familiaux, on s’interroge sur l’opportunité d’établir un rapport a posteriori. Peut-être aurait-il été préférable de le faire a priori.
J’énumérerai simplement, sans que la liste soit exhaustive, les principales initiatives prises en ce sens et que nous dénonçons : la baisse du plafond du quotient familial, qui passe à 2 000 euros, et bientôt à 1 500 euros ; la diminution programmée de la PAJE, la prestation d'accueil du jeune enfant, dans le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale ; la suppression de la réduction d’impôts pour frais de scolarité ; la fiscalisation du bonus pour trois enfants, qui figure dans ce projet de réforme.
À partir de ces quatre points particuliers – mais je pense que d’autres exemples, même généraux, peuvent être trouvés – nous nous interrogeons sur l’opportunité d’un énième rapport d’origine gouvernementale. Nous aurions préféré, je le répète, qu’un tel rapport ait été établi en amont, afin d’éviter que ne soient sensiblement réduits les avantages accordés aux familles.
Voilà pourquoi nous proposons cet amendement de suppression de l’article 13.
L’amendement vise à supprimer l’article 13, dont je rappelle qu’il prévoit la remise par le Gouvernement d’un rapport sur la réforme des avantages familiaux de retraite.
La commission pour l’avenir des retraites, présidée par Mme Moreau, a estimé qu’il y avait nécessité d’une remise à plat de l’ensemble de ces avantages, et ce dans le sens d’une simplification et d’une convergence. Mme Moreau elle-même, que la commission des affaires sociales a reçue en juillet, nous a clairement exposé les inégalités qui résultaient de la situation actuelle.
Le Gouvernement a, de son côté, indiqué son intention de plafonner progressivement la majoration pour enfant et de la transformer en une majoration forfaitaire, mais je laisse Mme la ministre s’exprimer sur ce point.
La commission Moreau a souligné la nécessité d’investigations plus approfondies pour mettre en œuvre cette réforme. Le présent article 13 répond à cette préoccupation, raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement de suppression.
La commission Moreau s’est posé la question de savoir comment faire évoluer les droits familiaux pour qu’ils bénéficient davantage aux femmes, aux mères de famille. À ce stade, aucun consensus ne se dégage et aucune orientation claire ne se dessine. Des travaux complémentaires sont donc nécessaires. Mesdames, messieurs les sénateurs, nous en avons besoin.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
Cela ne surprendra personne, je soutiens avec conviction cet amendement de suppression présenté par mon collègue Jean-Noël Cardoux, non pas que le thème du futur rapport soit négligeable ou accessoire, mais parce que la façon de procéder du Gouvernement n’est ni satisfaisante ni à la hauteur de l’ambition.
Depuis le début de ces débats, nous défendons ensemble – certes, avec des points de vue différents – le maintien d’un régime de retraite par répartition. Le produit de cette retraite peut être distribué comme il l’est aujourd’hui ou, comme nous le pensons, grâce à un système de points. En tout état de cause, c’est une évidence, ce système est fondé sur l’arrivée de nouvelles générations qui cotisent, soutiennent les générations qui ont cessé de travailler et leur apportent leur appui.
Au cœur du régime de retraite se trouve donc d’abord et avant tout le renouvellement des générations.
À notre connaissance, le renouvellement des générations le plus simple et le plus naturel passe par une politique familiale soutenue qui repose sur le couple hétérosexuel, dont on sait qu’il a plus de facilité à concevoir des enfants, en tout cas à les éduquer, et dont la stabilité– mais le législateur n’est pas là pour codifier l’amour – est assurément un facteur de sécurité pour tous, les conjoints – l’homme comme la femme – et, surtout, les enfants.
Nous ne portons aucun jugement sur les difficultés de la vie ; quiconque, détenant ou croyant détenir la sagesse absolue en la matière, serait bien mal placé pour donner des leçons. Une certitude demeure : sans démographie positive, aucun régime de retraite fiable et équilibré ne sera possible.
Or le rapport Moreau ne prend absolument pas en considération cette réalité démographique. Les attaques contre la famille qui ont été lancées méconnaissent ce qui a toujours été la politique démographique de notre pays, dont l’objet est de mettre tous les couples en situation d’égalité, c’est-à-dire qu’ils aient des enfants ou bien qu’ils n’en aient pas.
Je sais que le choix d’avoir des enfants n’est pas facile, qu’il n’est pas toujours volontaire, que tous ceux qui en veulent n’en ont pas, que tous ceux qui en ont n’en veulent pas nécessairement à tel ou tel moment. Il y a une part d’incertain sur lequel le législateur serait bien en peine de légiférer.
Néanmoins, il existe un principe de fond qui explique d’ailleurs les dispositions évoquées par Jean-Noël Cardoux. J’en évoquerai trois.
Premièrement, je pense à la majoration. Certes, puisqu’elle est en proportion de la retraite, elle profite à celui qui a la retraite la plus importante. Cependant, comme je plaide pour un couple stable et que le code civil rappelle l’obligation de solidarité entre les membres du couple, cet avantage se trouve partagé.
Deuxièmement, le législateur a reconnu une majoration, de mémoire, de l’ordre de huit trimestres par enfant. Dans l’immense majorité des cas, ces droits sont ouverts aux femmes. Le rapport de la commission des affaires sociales indique que celles-ci valident en moyenne vingt-trois trimestres, ce qui représente à peu près trois enfants. Or la natalité moyenne française est aujourd'hui inférieure, ce qui veut dire que ces trois enfants, nous ne les avons plus aujourd’hui.
Troisièmement, le législateur a introduit l’AVPF, l’assurance vieillesse des parents au foyer, qui constitue un élément de solidarité, de stabilité, et même de générosité intergénérationnelle, si vous me permettez cette formule.
Tout cela forme une politique d’ensemble qui va bien au-delà des préconisations du rapport Moreau. En matière de retraite par répartition, nous ne pouvons pas nous contenter d’adopter une position défensive sur les dispositions prises depuis 1945 : il faut une vision globale de la famille. C’est à ce titre que nous récusons ce rapport et que nous demandons un débat d’ensemble sur la politique familiale et sur la politique démographique, seules à même de soutenir l’équilibre durable d’un régime de retraite.
Très bien ! sur les travées de l'UMP.
Nous voterons contre cet amendement de suppression de l’article 13.
Je ne reprendrai pas les préconisations que j’ai évoquées lors de la discussion générale et qui s’appuient sur le rapport que j’ai rédigé au nom de la délégation aux droits des femmes.
J’aurais pu, à l’instar de certains de mes collègues, regretter que cet article prévoie un rapport de plus.
Pour ma part, j’aurais préféré que, dès l’examen de ce projet de loi, nous soyons en mesure de régler la question des inégalités…
… et des distorsions que les droits familiaux introduisent dans les retraites et dont sont en particulier victimes les femmes.
Cependant, dans la mesure où le Gouvernement a retenu la méthode de la discussion, de la concertation et de l’élaboration de solutions partagées et que c’est bien cette méthode qu’il met en œuvre, je trouve cet article excellent. Il ne s’agit pas de renvoyer de manière dilatoire à un énième rapport : le Gouvernement remettra, dans les six mois suivant la promulgation de cette loi, un rapport au Parlement. Nous aurons alors l’occasion de débattre à la fois des propositions du Gouvernement et des nôtres.
C’est une bonne mesure, et c’est pourquoi il me semble utile de voter cet article.
Monsieur Longuet, vous plaidez pour un couple stable. Malheureusement, je crains que cela ne suffise pas à organiser la société et les familles !
Les couples ne sont plus aussi stables qu’ils l’étaient et nous devons adapter la législation à cette situation nouvelle.
Mais je me tourne maintenant vers mes collègues du groupe CRC, qui vouent une confiance sans faille à la solidarité ouvrière, familiale et conjugale, qui serait la covictime d’une politique salariale désastreuse du patronat. Hélas ! cette solidarité ouvrière, familiale et conjugale s’exerce parfois au détriment des femmes !
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 354, présenté par M. Vanlerenberghe, Mme Dini, MM. Roche et Amoudry, Mme Jouanno, M. Marseille et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Compléter cet article par les mots suivants :
et harmoniser les dispositifs applicables en la matière entre les régimes
La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe.
Je rejoins les conclusions de Gérard Longuet : il faudrait un grand débat sur la politique familiale.
L’objet de cet amendement est beaucoup plus prosaïque et bien modeste. Il s’agit de prévoir que le rapport sur l'évolution des droits familiaux, qu’en vertu de cet article le Gouvernement remettra au Parlement dans les six mois suivant la promulgation de la présente loi, contiendra des propositions sur les modalités d'harmonisation des avantages entre les régimes. Il s'agit toujours pour nous de viser la convergence entre régime général et régimes du secteur public. Nous avons comme horizon d’aboutir à une retraite universelle par points.
En l’occurrence, rien ne justifie que les droits familiaux continuent de différer selon les régimes. L’harmonisation à laquelle il faut procéder doit être faite par le haut. Ainsi, elle profitera à la fois aux salariés du privé et à ceux du public.
J’illustrerai mon propos de quelques exemples.
Le régime de la majoration de pension pour enfants, applicable aux assurés du régime général, pourra être aligné sur le régime bénéficiant aux fonctionnaires, qui est plus favorable.
D’une part, il est aujourd’hui prévu que la majoration est supprimée à compter du 1er janvier 2011 dans le régime général, alors qu’aucune clause d’extinction n’est prévue pour les fonctionnaires. C’est injuste.
D’autre part, la majoration dans le régime général ne s’élève qu’à 10 % pour les parents ayant eu trois enfants et plus, alors que, pour les fonctionnaires, elle est revalorisée par tranche de 5 % par enfant à partir du quatrième enfant. Il faudrait reprendre ce dispositif au profit des assurés du régime général.
Une telle harmonisation se ferait aussi au profit des assurés du public. Ainsi en serait-il avec l’alignement du régime de la bonification de durée d’assurance pour enfants applicable aux fonctionnaires sur les dispositions plus favorables dont bénéficient les assurés du régime général.
En vertu des dispositions actuelles du code des pensions civiles et militaires, la bonification n’est plus accordée pour les enfants nés ou adoptés à partir du 1er janvier 2004. Le dispositif est donc mis en extinction, alors que tel n’est pas le cas dans le régime général. C’est totalement injustifié.
De plus, une condition d’arrêt travail est exigée des fonctionnaires et non des ressortissants du régime général. Encore une fois, il s’agit d’une iniquité.
Par conséquent, en matière de droits familiaux aussi, l’harmonisation est une urgence !
Vous proposez, mon cher collègue, que le rapport sur l’évolution des avantages familiaux de retraite examine les modalités d’harmonisation de ces avantages entre les régimes. Tel est bien l’objectif de ce rapport, qui, comme nous l’avons rappelé, fait suite à la recommandation de la commission Moreau de remettre à plat ces avantages dans le sens d’une simplification et d’une convergence.
Cet ajout est donc inutile. C’est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
L’article 13 ne prévoit pas tout à fait cela, même si la commission et le Gouvernement confirment que tel est bien l’objectif de ce rapport.
Le sujet est suffisamment complexe pour que cette recherche d’harmonisation figure en toutes lettres dans le projet de loi. Ce n’est pas le cas, sauf si j’ai mal lu !
Sourires.
Je trouve cet amendement à ce point excellent et pertinent que je souhaiterais qu’il soit complété…
… par les mots suivants : « et en évaluer leurs impacts démographiques ».
Les régimes de retraite et de droits familiaux ont des conséquences. Si tel n’est pas le cas, mieux vaut les abandonner.
La revalorisation de la majoration de 10 %, à partir du quatrième enfant, applicable dans la fonction publique, secteur qui m’est familier – c’est mon métier d’origine –, a-t-elle des conséquences pratiques ? Si oui, il faut savoir lesquelles et en tenir compte. Sinon, économisons !
L’intention qui sous-tend ma démarche, c’est de mesurer l’impact démographique des mesures. En matière de droits familiaux, on peut – mes collègues du groupe CRC l’ont évoqué – rechercher l’égalité entre les sexes, entre les professions, entre les carrières. Je n’en disconviens pas. Pour ma part, je veux attirer l’attention de notre assemblée sur le devoir démographique et sur l’impact des différents systèmes. Si certains d’entre eux se révèlent coûteux et inutiles, supprimons-les. Si d’autres se révèlent pertinents, confortons-les.
Cependant, cela ne satisfera pas le besoin que nous avons, dans ce pays, d’une véritable réflexion sur la politique de la famille, toutes générations confondues.
Il s’agit notamment de déterminer ce que l’on entend par « égalité familiale » : veut-on une égalité entre familles de même taille, à l’intérieur de chaque catégorie, ou bien une redistribution entre toutes les familles, indépendamment de la taille de chaque fratrie ?
Le rapport issu des bonnes intentions de Mme Moreau ne sera pas suffisant pour épuiser le sujet. Néanmoins, puisque rapport sur l’évolution des droits familiaux il y a, faisons en sorte que le document comporte une dimension démographique, dimension dont vous semblez aujourd’hui méconnaître l’importance, alors que la démographie constitue la clef du succès de la répartition.
Monsieur Vanlerenberghe, que pensez-vous de la suggestion de M. Longuet ?
Je ne suis pas hostile à l’ajout relatif à l’évaluation des impacts démographiques, d’autant que les politiques familiales ont bien pour objectif de favoriser la famille et d’encourager la démographie.
Nous essayons, à travers le système des retraites non seulement de rendre l’hommage qui lui est dû à ce noble objectif, mais aussi, plus concrètement, de compenser la perte éventuelle de trimestres. Les droits familiaux sont pris en compte dans le régime général et les régimes publics, mais de façon inégale, voire inéquitable. C’est une bonne mesure que de vouloir harmoniser ces régimes et d’en mesurer les impacts démographiques.
Je suis donc saisi d’un amendement n° 354 rectifié, présenté par M. Vanlerenberghe, Mme Dini, MM. Roche et Amoudry, Mme Jouanno, M. Marseille et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, et ainsi libellé :
Compléter cet article par les mots suivants :
, harmoniser les dispositifs applicables en la matière entre les différents régimes et en évaluer leurs impacts démographiques
Je le mets aux voix.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 287, présenté par MM. Longuet et Cardoux, Mmes Boog, Bruguière, Bouchart, Cayeux, Debré et Deroche, M. Dériot, Mme Giudicelli, MM. Gilles et Husson, Mme Hummel, MM. Fontaine, de Raincourt, Laménie et Milon, Mme Kammermann, M. Pinton, Mme Procaccia, M. Savary et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter cet article par les mots :
tout en tenant compte du nécessaire maintien dans l’emploi des femmes
La parole est à Mme Isabelle Debré.
Afin de définir les modalités de mise en œuvre de la réforme législative et réglementaire des droits familiaux, le présent article prévoit que le Gouvernement remettra un rapport au Parlement.
Il est notamment envisagé que ce rapport prescrive des orientations de plus long terme s’agissant de la validation de trimestres au titre des avantages familiaux, prenant en compte non seulement l’évolution de la société et de l’activité féminine, et permettant de mieux compenser les interruptions de carrière directement liées aux jeunes enfants, mais aussi l’impact sur les rémunérations – et partant sur les pensions – induit par l’éducation des enfants.
Néanmoins, il faut éviter de prendre des mesures qui inciteraient les femmes à de longues interruptions d’activité, voire à un retrait pur et simple du marché du travail. Il convient au contraire de favoriser leur maintien dans l’emploi.
Aujourd’hui, la moitié des cotisantes sont couvertes par l’assurance vieillesse des parents au foyer, l’AVPF. En 2010, 48 % des femmes – contre 5 % des hommes – qui sont parties à la retraite en ont bénéficié et ont validé en moyenne trente trimestres d’AVPF au cours de leur carrière.
Dans le même temps, il faut éviter de prendre des mesures qui pourraient conduire à une baisse de la natalité, un des points forts de la France, et d’appliquer pour le futur un dispositif censé répondre à la problématique des générations passées.
Cet amendement vise à préciser que le rapport sur l’évolution des droits familiaux de retraite tient compte du nécessaire maintien dans l’emploi des femmes.
Cette question est effectivement très importante. Nous partageons bien évidemment cet objectif.
Néanmoins, le rapport y pourvoit déjà. Il est précisé en effet que seront étudiées « les conséquences de l’arrivée d’enfants au foyer sur la carrière professionnelle des femmes ». Il ne semble pas utile de surcharger la rédaction de l’article.
L’avis de la commission est donc défavorable.
L’avis du Gouvernement est également défavorable.
Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.
L'amendement n° 175, présenté par Mmes Cohen, Gonthier-Maurin et Cukierman, M. Watrin, Mmes David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Ce rapport évalue également, les coûts pour les comptes sociaux et les avantages pour les assurés de la suppression des I, II, IV, VII et VIII l’article 5 de la loi n° 2003-775 du 21 aout 2003 portant réforme des retraites.
La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Cet amendement tend à préciser que le rapport évalue également les coûts pour les comptes sociaux et les avantages pour les assurés de la suppression des mécanismes introduits à l’occasion des réformes précédentes, l’indexation des pensions sur les prix, en lieu et place de l’indexation sur les salaires.
Ce mécanisme a conduit à une dégradation importante des pensions, sans pour autant que ces mesures d’austérité permettent de renouer avec l’équilibre des comptes. Ce sont donc d’autres pistes de financement qu’il faut trouver, comme nous le proposons avec la modulation des cotisations sociales ou la taxation des revenus financiers.
Le retour à l’indexation des pensions sur les salaires aurait un effet significatif sur les pensions, notamment les plus modestes. Car la désindexation sur les salaires, inventée par la droite et jamais remise en cause depuis, c’est bien une mesure d’économie réalisée sur le dos des retraités !
Selon une étude de la Caisse nationale d’assurance vieillesse, la CNAV, rendue en septembre 2011, les prix, en trente ans, ont été multipliés par 2, 6 et les salaires par 3, 4. Indexer les pensions sur les salaires, c’est renforcer les pensions et le pouvoir d’achat des retraités. Ils pourront ainsi consommer et participer à la sortie de la France du cycle récessionniste que nous connaissons. Je n’en prendrai pour preuve qu’un seul chiffre : indexer les salaires représenterait une progression des retraites de l’ordre de 16 %.
Par cet amendement, Mme Pasquet souhaite étendre le périmètre du rapport pour qu’il évalue également les conséquences de l’article 5 de la loi du 21 août 2003 fixant les règles d’évolution de la durée d’assurance.
Ce n’est pas l’objet du rapport, dont le but est de préparer la réforme des avantages familiaux de retraite.
L’avis de la commission est donc défavorable.
L’avis du Gouvernement est également défavorable.
L'amendement n'est pas adopté.
L'article 13 est adopté.
La première phrase de l’article L. 173-2-0-2 du code de la sécurité sociale est complétée par les mots : « ; lorsque les deux parents sont de même sexe, il est fait application des seules règles d’un des régimes, en application d’une règle de priorité entre régimes définie par décret en Conseil d’État ». –
Adopté.
Dans l’année suivant la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport étudiant les possibilités de faire évoluer les règles relatives aux pensions de réversion dans le sens d’une meilleure prise en compte du niveau de vie des conjoints survivants et d’une harmonisation entre les régimes.
L'amendement n° 182, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après les mots :
des conjoints survivants
insérer les mots :
, de la suppression des conditions d’âges
La parole est à M. Dominique Watrin.
Sur l’initiative du rapporteur de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, les députés ont adopté un amendement prévoyant la remise par le Gouvernement d’un rapport relatif aux pensions de réversion. C’est l’objet de l’article 13 bis.
Nous souscrivons à la volonté de M. Issindou, même si la formulation retenue dans l’article 13 bis suscite une légère inquiétude de notre part : il est proposé de faire évoluer « les règles relatives aux pensions de réversion dans le sens d’une meilleure prise en compte du niveau de vie des conjoints survivants ».
En lieu et place de cette rédaction, nous aurions préféré que le rapport porte sur les conditions dans lesquelles doivent évoluer les règles pour améliorer le niveau de vie des conjoints survivants ou pour mieux prendre en compte leurs besoins. Des éclaircissements de votre part, madame la ministre, nous seraient précieux.
C’est d’ailleurs dans cette optique que nous avons souhaité préciser le contenu de ce rapport en demandant que celui-ci comporte également une évaluation du coût et des effets pour les assurés et les comptes sociaux de la suppression des conditions d’âges, qui sont, on le sait, pénalisantes.
Ces conditions, réintroduites par Nicolas Sarkozy dans la loi du 17 décembre 2008, ont modifié les règles en vigueur de telle sorte que, désormais, l’âge minimum requis pour bénéficier de la réversion varie en fonction de la date de décès de l’assuré. Si ce décès est survenu avant le 1er janvier 2009, le conjoint ou l’ex-conjoint peut prétendre à la réversion à partir de cinquante et un ans ; pour un décès survenant à partir de 2009, l’âge d’ouverture du droit à la pension de réversion est fixé à cinquante-cinq ans.
Ces modifications portant sur les mesures d’âges liées à la loi de 2008, ont suscité un fort mécontentement, puisqu’elles ont, de fait, réduit le montant des pensions d’une partie de nos concitoyennes et concitoyens.
Permettre à toutes celles et tous ceux qui survivent à leur conjoint de bénéficier d’une pension de réversion, sans conditions d’âges, constituerait indiscutablement une mesure de renforcement du pouvoir d’achat, attendu par nos concitoyens.
L’article 13 bis prévoit la remise au Parlement d’un rapport du Gouvernement sur les possibilités de faire évoluer les règles relatives aux pensions de réversion, dans le sens d’une meilleure prise en compte du niveau de vie des conjoints survivants et d’une harmonisation entre régimes.
L’amendement prévoit, lui, d’élargir le champ d’analyse du rapport à la possibilité de supprimer les conditions d’âges.
Cette précision ne semble pas forcément inutile, mais l’étude des modalités d’une harmonisation entre régimes a déjà vocation à traiter de la question des conditions d’âges.
Je m’en remets donc à la sagesse du Sénat.
Le Gouvernement émet également un avis de sagesse.
En effet, l’objet du rapport demandé par l’Assemblée nationale est de faire le point sur la situation des veufs ou veuves. Il peut d’ores et déjà contenir des réflexions sur la question de l’harmonisation des conditions d’âges entre régimes ou celle de la suppression de ces conditions.
L'amendement est adopté.
L'amendement n° 290, présenté par MM. Longuet et Cardoux, Mmes Boog, Bruguière, Bouchart, Cayeux, Debré et Deroche, M. Dériot, Mme Giudicelli, MM. Gilles et Husson, Mme Hummel, MM. Fontaine, de Raincourt, Laménie et Milon, Mme Kammermann, M. Pinton, Mme Procaccia, M. Savary et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter cet article par les mots :
après concertation préalable des organisations syndicales de salariés et d’employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel
La parole est à M. Jean-Noël Cardoux.
L’objet de cet amendement est simple. Nous avons déjà dit notre position sur ce rapport. Néanmoins, puisque rapport il y a, autant qu’il aille au fond du problème.
Ainsi, dans le cadre du dialogue social, auquel nous sommes très favorables, nous souhaitons que ce rapport remis au Parlement dans l’année qui suivra le vote de la loi fasse l’objet d’une concertation préalable entre les représentants syndicaux, à la fois du patronat et des ouvriers, pour recueillir leur avis sur ces éléments concernant les réversions de retraite.
Les auteurs de cet amendement demandent au Gouvernement de consulter les organisations syndicales avant d’élaborer son rapport sur l’évolution des règles relatives aux pensions de réversion. Permettez-moi de sourire un peu, car, autant que je me souvienne, la méthode utilisée en 2010 n’avait pas beaucoup permis la concertation des organisations syndicales…
En effet, pendant que nous débattions, les organisations syndicales étaient dans la rue.
La précision demandée ne me semble absolument pas utile, dans la mesure où le Gouvernement privilégie déjà le dialogue social et la consultation, ce qui ne signifie pas forcément qu’il négocie sur tous les sujets.
L’avis de la commission est donc défavorable.
Le Gouvernement émet également un avis défavorable.
Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.
L'article 13 bis est adopté.
Mes chers collègues, nous allons interrompre quelques instants nos travaux.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à dix-sept heures trente, est reprise à dix-sept heures trente-cinq.
L'amendement n° 181 rectifié, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 13 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement avant le 31 décembre 2014 un rapport étudiant les modalités d’extension du bénéfice de la pension de réversion aux couples liés par un pacte civil de solidarité et les possibilités d’une réforme des conditions d’attribution et de partage de ces pensions.
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Le nombre de pactes civils de solidarité signés chaque année ne cesse de croître. En 2009, nous avons compté 175 000 PACS pour 250 000 mariages. C’est donc un mode de vie en couple largement plébiscité par nos concitoyennes et nos concitoyens. Il convient de tenir compte de ce phénomène de société et d’ouvrir le droit à réversion aux couples ayant signé un PACS.
Dans son sixième rapport, adopté le 17 décembre 2008 et intitulé Retraites : droits familiaux et conjugaux, le Conseil d’orientation des retraites soulignait que, le droit à réversion étant réservé aux époux, un tiers des membres des jeunes générations pourraient en être exclus, et préconisait l’extension du droit à réversion aux partenaires vivant sous le régime du PACS, avec une condition de durée minimale.
La Mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, la MECSS, avait déjà préconisé, dans son rapport du 22 mai 2007, l’ouverture du droit à réversion aux personnes ayant conclu un PACS depuis au moins cinq ans. En février 2009, le Médiateur de la République a rendu un avis public favorable à l’ouverture de ce droit.
Par ailleurs, dans un arrêt du 1er avril 2008, la Cour de justice des Communautés européennes a considéré que le refus de versement d’une pension de réversion au partenaire survivant d’un couple ayant signé un PACS constituait une discrimination fondée sur l’orientation sexuelle prohibée par la directive du Conseil du 27 novembre 2000 sur l’égalité de traitement.
L’ensemble de ces éléments devrait nous pousser à voter l’extension du bénéfice de la pension de réversion aux couples liés par un PACS. Les dispositions de l’article 40 de la Constitution nous interdisant de proposer une telle mesure par voie d’amendement, nous demandons au Gouvernement de remettre au Parlement, avant le 31 décembre 2014, un rapport étudiant les modalités de cette extension et les possibilités d’une réforme des conditions d’attribution et de partage des pensions.
Les auteurs de cet amendement réclament un rapport sur l’extension du bénéfice de la pension de réversion aux couples liés par un PACS. Cette question pourra tout à fait être étudiée dans le cadre du rapport prévu par l’article 13 bis.
La commission émet donc un avis défavorable.
Le Gouvernement émet également un avis défavorable.
L'amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 13 bis.
L'amendement n° 384 rectifié, présenté par Mme Laborde et MM. Collin et Fortassin, est ainsi libellé :
Après l'article 13 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article 272 du code civil, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. ... - Lorsqu’un des époux n’a pas exercé d’activité professionnelle, qu’il l’a interrompue ou qu’il l’a réduite pour l’éducation des enfants ou pour favoriser la carrière de son conjoint, le juge lui attribue une part des pensions de retraite de l’autre époux. Cette part est calculée au prorata des années de mariage. Elle est versée à compter de la liquidation de la pension de l'époux débiteur. Elle est payée directement par les organismes débiteurs de pensions de retraites entre les mains de l’époux créancier. Son versement prend fin au décès de l’époux débiteur. »
La parole est à Mme Françoise Laborde.
Au sens du droit européen, les droits à pension constituent des biens. Ils devraient donc faire partie du patrimoine des époux et être partagés en cas de divorce, en particulier si l’un des deux époux – la mère, très souvent – a mis sa vie professionnelle entre parenthèses pour s’occuper de l’éducation des enfants ou favoriser la carrière de son conjoint.
La loi prévoit bien que, lors d’un divorce, le juge peut mettre une prestation compensatoire à la charge de l’un des époux afin de compenser la différence de situation entre les époux. Mais cette prestation ne peut, sauf rares exceptions, que prendre la forme d’un capital.
Nous proposons donc, dans un souci d’équité, que le juge puisse attribuer une part des pensions de retraite à l’époux qui a mis sa carrière professionnelle entre parenthèses. Cette part serait versée jusqu’au décès de l’époux débiteur, après quoi les droits à réversion prendraient le relais.
Cet amendement vise à instaurer un partage des droits à pension entre conjoints en cas de divorce. J’ai proposé à la commission, qui l’a accepté, de demander l’avis du Gouvernement.
Madame Laborde, je vous propose de retirer votre amendement ; à défaut, mon avis serait défavorable. En effet, la question peut tout à fait être étudiée dans le cadre du rapport sur les pensions de réversion prévu par l’article 13 bis.
En outre, la préoccupation que vous exprimez, et que je comprends parfaitement, est déjà prise en compte, au moins en partie, par le juge, qui peut demander une estimation de la future retraite des époux au moment du divorce. Il est vrai que cette estimation est par définition aléatoire, surtout si les époux sont relativement jeunes.
Il me semble que vous avez d’ores et déjà en partie satisfaction. En tout état de cause, les points que vous soulevez pourront être examinés dans le cadre du rapport prévu par l’article 13 bis.
Non, monsieur le président. Je prends acte du fait que nous reparlerons de ce sujet lors de la remise du rapport prévu par l’article 13 bis. Puisqu’il existe un certain nombre de situations familiales différentes, j’accepte que la question soit examinée dans sa globalité.
Je retire donc l’amendement, monsieur le président.
L’article L. 351-2 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° La première phrase du premier alinéa est complétée par les mots : « au titre de l’année civile au cours de laquelle ces périodes d’assurance ont été acquises, déterminé par décret » ;
1° bis Après la même phrase, est insérée une phrase ainsi rédigée :
« Par dérogation à ce minimum, un décret détermine les modalités d’affectation des cotisations d’assurance vieillesse et des droits afférents entre deux années civiles successives lorsqu’un assuré ne justifie pas, au cours de chacune des années civiles considérées, de quatre trimestres d’assurance vieillesse dans l’ensemble des régimes de retraite légalement obligatoires. » ;
2° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Un décret détermine le plafond mensuel de cotisations retenues pour le décompte des périodes d’assurance mentionnées au premier alinéa. » ;
3° §(nouveau) Au second alinéa, la référence: « à l’alinéa précédent » est remplacée par la référence: « au premier alinéa ».
Le groupe CRC s’abstiendra sur cet article, qui représente certes une avancée certaine, mais dont la portée est immédiatement pondérée ou limitée par une mesure restrictive.
En effet, en première intention, cet article assouplit les règles concernant la validation du nombre de trimestres de cotisations. En l’état actuel du droit, les trimestres d’activité professionnelle ne sont retenus dans la détermination des droits à retraite que si les périodes d’activité ont donné lieu au versement d’un minimum de cotisations, fixé aujourd’hui à 200 heures de SMIC.
Ce seuil est effectivement complexe à atteindre et bon nombre de travailleurs n’y parviennent d’ailleurs pas. C’est notamment le cas des salariés à temps partiel, de celles et ceux qui occupent les emplois les moins rémunérateurs ou qui ne travaillent pas en continu.
Désormais, avec cet article, le seuil est abaissé à 150 trimestres, ce qui rendra mécaniquement plus facile l’acquisition des droits.
Toutefois, nous contestons la mesure qui figure au deuxième alinéa de cet article, c’est-à-dire le principe de la fixation par décret du plafond mensuel de cotisations retenu pour le décompte des périodes d’assurance.
Cette disposition aura pour effet d’exclure les cotisations sur les revenus supérieurs à 1, 5 SMIC, au motif qu’au-delà les salariés seraient fortement rémunérés. Nous contestons cette analyse, la valeur de 1, 5 SMIC correspondant à environ 1 600 euros, c’est-à-dire le salaire moyen. À nos yeux, être un salarié ordinaire ne fait pas de soi un salarié surrémunéré. Ils sont d’ailleurs nombreux à nous dire chaque jour combien il leur est difficile de boucler leurs fins de mois.
Qui plus est, l’introduction de ce plafond constituerait une entrave importante pour les salariés polypensionnés ainsi que pour les intermittents du spectacle qui, malgré les propos rassurants que vous avez tenus à l’Assemblée nationale, madame la ministre, nous confirment que l’application de cette mesure serait lourde de conséquences pour eux.
Pour toutes ces raisons, nous nous abstiendrons sur l’article 14.
Dans le droit fil de ce que vient de dire ma collègue Isabelle Pasquet, je voudrais à mon tour souligner que, bien qu’étant positif, cet article demeurera d’une portée assez limitée dans les faits, l’étude d’impact étant à cet égard particulièrement éclairante.
De surcroît, comme vient de le dire Mme Pasquet, nous sommes opposés au plafonnement à 1, 5 SMIC : il a pour effet de sanctionner certaines catégories de salariés qui ne sont pas nécessairement les mieux rémunérés, comme les intermittents du spectacle ou les saisonniers.
En outre, le 11 septembre dernier, la direction juridique de la CNAV, la Caisse nationale d’assurance vieillesse, a, dans une note technique concernant ce projet de loi, précisé que l’application de cette mesure serait particulièrement complexe. Selon ses rédacteurs, « le plafonnement à 1, 5 SMIC nécessite en effet de reconnaître les périodes réelles d’activité, au moins le mois et le salaire mensuel correspondant », ce qui n’est pas nécessairement le cas aujourd’hui.
Aussi, madame la ministre, pourriez-vous nous indiquer les règles qui seront prévues pour rendre applicable cette disposition sans qu’elle entraîne de conséquences financières pour les assurés ?
Je vous remercie par avance de votre réponse.
L'article 14 est adopté.
L'amendement n° 183 rectifié, présenté par Mmes Cohen, Gonthier-Maurin et Cukierman, M. Watrin, Mmes David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 14
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La première phrase de l’article L. 241-3-1 du code de la sécurité sociale est ainsi modifiée :
1° Après le mot : « partiel », sont insérés les mots : « d’une durée inférieure à 24 heures hebdomadaires » ;
2° La seconde occurrence des mots : « peut être » est remplacée par le mot : « est ».
La parole est à Mme Laurence Cohen.
La loi dite « de sécurisation de l’emploi » a instauré une durée minimale de travail de 24 heures pour les temps partiels.
L’instauration d’un seuil horaire hebdomadaire minimal était louable, puisqu’il s’agissait de lutter contre la précarité des salariés. En effet, auparavant, la loi n’instaurait aucun seuil de durée minimale de temps de travail, mais seulement une durée maximale.
En adoptant une telle mesure, l’idée était de lutter contre les temps partiels courts subis, lesquels touchent particulièrement les femmes. Nous l’avons déjà dit, mais je le rappelle : 80 % des emplois à temps partiels sont occupés par des femmes, et deux tiers des femmes ont une activité à temps partiel, la plupart du temps subie.
Par cet amendement qui, s’il est voté, aura un impact certain en termes de cotisations de retraite, ce sont bien les femmes que nous souhaitons protéger.
Le problème, c’est que ce principe de temps de travail minimal est affirmé pour être immédiatement contredit. Il est en effet assorti de nombreuses dérogations qui rendent son application limitée et ses effets quasi inexistants.
Plusieurs dérogations sont ainsi prévues : des conventions ou des accords de branches peuvent y déroger ; l’emploi étudiant, le travail temporaire d’insertion, la demande écrite et motivée du salarié pour contraintes personnelles, ou le cumul d’activités atteignant 24 heures au total, avec toutes les possibilités de pression que cela laisse entrevoir.
Prenant acte de l’absence d’efficacité de ce dispositif, nous proposons de modifier l’article L. 241-3-1 du code de la sécurité sociale afin de tenir compte de tous les cas de temps partiel inférieurs à 24 heures.
Aux termes de notre amendement, « en cas d’emploi exercé à temps partiel » – et nous insérons ici la précision « d’une durée inférieure à 24 heures » –, « l’assiette des cotisations destinées à financer l’assurance vieillesse est obligatoirement maintenue à la hauteur du salaire correspondant à son activité exercée à temps plein. ». Il s’agirait ainsi non plus d’une possibilité, mais bien d’une obligation. La cotisation patronale vieillesse pour les emplois inférieurs à 24 heures serait alors équivalente à celle du SMIC.
Une telle disposition aurait le double avantage d’assurer aux femmes, particulièrement touchées par ces emplois précaires subis, un droit à la retraite effectif et de dissuader les employeurs de recourir au temps partiel via des mesures financières le rendant moins avantageux fiscalement.
Nous vous demandons donc de nous aider à réparer une injustice en votant cet amendement.
Cet amendement vise à revenir sur les règles posées en matière de temps partiel.
Comme vous le savez, les partenaires sociaux ont débattu de cette question dans le cadre des négociations préalables à la conclusion de l’accord national interprofessionnel du 11 janvier et leur position a été fidèlement retranscrite dans la loi relative à la sécurisation de l’emploi du mois de juin.
Comme il ne me semble pas nécessaire de rouvrir ici ce débat, l’avis est défavorable.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 185 rectifié, présenté par Mmes Cohen, Gonthier-Maurin et Cukierman, M. Watrin, Mmes David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 14
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La section 3 du chapitre 2 du titre 4 du livre 2 du code de la sécurité sociale est complétée par un article L. 242-10-… ainsi rédigé :
« Art. L. 242 -10 -.. . – Les entreprises d’au moins vingt salariés et dont le nombre de salariés à temps partiel est au moins égal à 20 % du nombre total de salariés de l’entreprise sont soumises à une majoration de 10 % des cotisations dues par l’employeur au titre des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales pour l’ensemble de leurs salariés à temps partiel. »
La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Par cet amendement, nous proposons de majorer de 10 % les cotisations sociales patronales des entreprises de plus de vingt salariés comptant dans leurs effectifs au moins 20 % de salariés à temps partiel. Nous entendons ainsi lutter contre le recours au temps partiel subi et inciter à l’accroissement de la durée d’activité.
La baisse du coût du travail via les exonérations de cotisations sociales patronales, qui a été le fil conducteur des politiques libérales de l’emploi, fait largement débat aujourd’hui. Son efficacité quantitative en matière de création d’emploi reste à chiffrer et à démontrer, tandis que son influence négative sur la qualité de l’emploi et l’effet de « trappe à bas salaires » sont, eux, avérés.
Une telle politique a un coût pour le budget de l’État et implique un manque à gagner pour la protection sociale qui se chiffre à plus de 30 milliards d’euros !
Il faut également noter que, parmi les salariés à temps partiel, 82 % sont des femmes. Or si, entre soixante et soixante-quatre ans, toutes les femmes n’ont pas liquidé leurs droits à pension, c’est parce que certaines attendent l’âge de soixante-cinq ans, bientôt soixante-sept ans, pour compenser les effets d’une carrière incomplète et accéder au bénéfice du taux plein pour le calcul de leur pension. C’est le cas de près de trois femmes sur dix dans la génération de 1938, contre un homme sur vingt.
Cet amendement tend à prévoir de majorer de 10 % certaines cotisations sociales patronales dans les entreprises qui emploient plus de 20 % de salariés à temps partiel.
Pour les mêmes raisons que celles que j’ai invoquées contre l’amendement précédent, il ne me semble pas utile de rouvrir le débat sur le temps partiel dans ce texte sur les retraites.
L’avis de la commission est donc défavorable.
L'amendement n'est pas adopté.
I. – À la fin de la seconde phrase des articles L. 351-1-1 et L. 634-3-2 et de la seconde phrase du II des articles L. 643-3 et L. 723-10-1 du code de la sécurité sociale, les mots : « une partie des périodes de service national peut être réputée avoir donné lieu au versement de cotisations » sont remplacés par les mots : « peuvent être réputées avoir donné lieu au versement de cotisations certaines périodes d’assurance validées en application de l’article L. 351-3 ou de dispositions légales ou réglementaires ayant le même objet, applicables à des régimes obligatoires de base d’assurance vieillesse, selon les conditions propres à chacun de ces régimes ».
II. – L’article L. 732-18-1 du code rural et de la pêche maritime est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Il indique notamment les modalités selon lesquelles peuvent être réputées avoir donné lieu au versement de cotisations une partie des périodes de service national et certaines périodes d’assurance validées en application de l’article L. 351-3 du code de la sécurité sociale ou de dispositions légales ou réglementaires ayant le même objet, applicables à des régimes obligatoires de base d’assurance vieillesse selon les conditions propres à chacun de ces régimes. »
Le groupe CRC votera cet article 15 dans la mesure où il permet la prise en compte de l’ensemble de tous les trimestres de maternité.
Incontestablement, cette disposition contribue au rééquilibrage des droits au profit des femmes qui relèvent du dispositif de retraite anticipée pour carrière longue. Cette faculté existait déjà, mais dans des proportions limitées, ce qui conduisait d’ailleurs à une certaine forme d’inégalité entre les femmes et les hommes, ces derniers pouvant bénéficier au final d’un plus grand nombre de trimestres réputés cotisés que les femmes.
Cette mesure s’inscrit clairement dans l’esprit de la recommandation de la délégation aux droits des femmes, à savoir renforcer les avantages liés à la maternité pour compenser réellement les conséquences de cette dernière.
Toutefois, nous regrettons qu’elle n’ait vocation à s’appliquer qu’aux assurés qui relèvent du dispositif de retraite anticipé pour carrière longue, c’est-à-dire aux seuls assurés qui ont commencé leur activité professionnelle à seize ans et qui réunissent la durée de cotisation requise pour le taux plein. Ce dernier critère est sans doute le plus complexe à satisfaire, excluant de fait plusieurs milliers de bénéficiaires potentiels.
Nous soutenons par exemple l’idée que le nombre de trimestres requis pour bénéficier de ce dispositif ne soit pas celui qui est en vigueur au jour de la demande des droits, mais celui qui est en vigueur au jour où le salarié a acquis son premier trimestre de cotisation. Cela aurait pour effet d’étendre le nombre de bénéficiaires, mais également, et nous y sommes attachés, comme vous le savez, de faire un geste fort à l’égard des assurés concernés en leur disant, en quelque sorte, que la nation respecte le pacte de confiance qui les a liés à elle au début de leur carrière.
Malgré ces réserves, nous voterons cet article, tout en espérant des évolutions ultérieures.
L'amendement n° 291, présenté par MM. Longuet et Cardoux, Mmes Boog, Bruguière, Bouchart, Cayeux, Debré et Deroche, M. Dériot, Mme Giudicelli, MM. Gilles et Husson, Mme Hummel, MM. Fontaine, de Raincourt, Laménie et Milon, Mme Kammermann, M. Pinton, Mme Procaccia, M. Savary et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Noël Cardoux.
Cet amendement a pour objet de supprimer l’article 15. En effet, les précédentes réformes des retraites de 2003 et de 2010 ont déjà prévu des dispositions en faveur des carrières longues. Celles-ci ont donc déjà produit des effets qu’il convient de ne pas remettre en cause.
Cependant, en juillet 2012, pour faire suite aux promesses de campagne de l’actuel Président de la République, un décret a été pris qui, en élargissant les possibilités de départ en retraite anticipé, a dénaturé l’objectif initial. Je rappelle qu’il s’agissait de contrebalancer les mesures d’âge légal en faveur des personnes ayant commencé à travailler avant dix-huit ans.
Le Gouvernement a donc choisi de compenser l’augmentation mécanique des charges résultant du décret de juillet 2012 par une augmentation des cotisations des actifs et des employeurs. Si cette compensation n’était pas intervenue, nul doute que le déficit aurait été aggravé, déséquilibrant encore plus le système des retraites.
Nous étions opposés à ce décret de juillet 2012 et nous restons opposés à une augmentation continuelle des cotisations, ainsi que nous l’avons souligné à plusieurs reprises depuis le début de ce débat.
Puisque nous refusons toute réforme systémique, nous sommes sans cesse contraints de financer des promesses par des augmentations de cotisations, ce qui nous entraîne sur une pente dangereuse et manquant beaucoup de vertu !
Monsieur Cardoux, vous proposez de supprimer l’article 15 qui, je le rappelle, permet de prendre en compte deux trimestres de chômage supplémentaires et tous les trimestres de maternité dans le cadre du dispositif de retraite anticipée pour carrière longue. Il n’est évidemment pas question de remettre en cause cette mesure d’équité.
La commission est donc défavorable à votre amendement, monsieur Cardoux.
L’avis du Gouvernement est défavorable, pour les mêmes raisons.
Je souhaite défendre l’amendement qu’a présenté notre collègue Jean-Noël Cardoux.
Madame Demontès, vous nous expliquez que ce dispositif constitue une avancée. Oui, incontestablement, si l’on considère que le fait de dépenser de l’argent sans mettre en face des contreparties en termes de recettes est un progrès. Je m’étonne même que vous ne soyez pas allée plus loin !
Comme votre rapport l’établit très clairement, nous avons un système qui suscite virtuellement un solde négatif dont on sait qu’il atteindra, en 2019, 180 millions d’euros. Certes, au regard des déficits de la France, l’enjeu n’est pas considérable.
Voilà cependant exactement le type de mesure qui ouvre un droit et qui va, à juste titre, susciter des espoirs d’extension continue. En effet, vous le rappelez dans votre rapport, si l’âge moyen d’entrée dans la vie active est de vingt-trois ans en 2020, alors que le décret du 2 juillet 2012 retient, lui, l’âge de vingt ans, il est à peu près inévitable que le débat sera rouvert chaque année en vue de l’extension de ce dispositif de vingt ans à vingt-trois ans.
Lorsque nous avons introduit ce mécanisme, en 2003, il s’agissait de rendre hommage à la génération des trente glorieuses, à ceux qui avaient souvent commencé à travailler dès l’âge de quinze ans et qui donc étaient entrés très tôt dans la vie active.
Relever aujourd’hui le seuil à vingt ans n’a pas tout à fait le même sens : on peut considérer que les personnes ayant commencé à travailler avant cet âge ont pu bénéficier d’études supérieures, certes courtes, mais durant lesquelles elles ont eu l’occasion de se former - et à l’issue desquelles elles ont pu accéder à des responsabilités professionnelles supérieures -, à moins qu’elles n’aient fait le choix de retarder leur entrée dans la vie professionnelle.
L’effort que nous avions fait en 2003 pour ceux qui avaient travaillé longtemps et qui risquaient de se trouver privés, en dépit de leurs années de cotisations, du droit à la retraite, ce qui était le cas antérieurement, représentait un véritable progrès social. Nous avions jugé légitime de consentir un effort financier substantiel.
Aujourd’hui, vous déplacez le curseur. Entre nous, c’est une conséquence de l’ambiguïté des positions adoptées par le parti socialiste, à la veille de l’élection présidentielle de 2012, sur le retour ou non à la retraite à soixante ans. Je ne vous imposerai pas, madame le ministre, un rappel du débat de la semaine dernière, où j’avais eu plaisir à citer vos textes contradictoires sur le sujet. Je dirai simplement que, avec ce décret de juillet 2012, vous répondiez à une demande politique liée à la contradiction existant entre vos diverses prises de position pendant la campagne pour l’élection présidentielle, ce qui vous permet d’exciper d’un retour à la retraite à soixante ans.
En réalité, accorder ce droit à des personnes ayant commencé à travailler avant vingt ans n’a pas le même sens que le prévoir au bénéfice de ceux qui étaient entrés dans la vie active avant l’âge de seize ans ou de dix-sept ans. Désormais, il s’agira de jeunes adultes qui auront pu recevoir une formation professionnelle ; vous leur accordez un avantage, dont je comprends bien l’attrait et que personne ne contestera, mais qui porte en germe une déstabilisation du système.
C’est la raison pour laquelle, faute d’une réflexion d’ensemble sur les régimes de retraite, nous récusons cette disposition de circonstance, cette mesure de facilité destinée à produire un effet médiatique et non à répondre à un problème de fond, tout en créant une dépense virtuellement lourde pour l’équilibre global du système de retraites par répartition.
L’amendement n’est pas adopté.
L’article 15 est adopté.
I. –
Supprimé
II. – Les articles L. 351-14-1, L. 634-2-2, L. 643-2 et L. 723-10-3 du code de la sécurité sociale sont ainsi modifiés :
1° Au début du premier alinéa, est ajoutée la mention : « I. – » ;
1° bis (nouveau) Au 1°, les mots : « et n’ayant pas donné lieu à affiliation à un régime d’assurance vieillesse » sont supprimés ;
2° Il est ajouté un II ainsi rédigé :
« II. – Par dérogation aux conditions prévues au I, le montant du versement de cotisations prévu pour la prise en compte des périodes mentionnées au 1° du même I peut être abaissé par décret pour les périodes de formation initiale, dans des conditions et limites tenant notamment au délai de présentation de la demande, fixé à dix ans suivant la fin des études, et au nombre de trimestres éligibles à ce montant spécifique. »
II bis (nouveau) – L’article L. 351-14-1 du même code est complété par des III et IV ainsi rédigés :
« III. – Par dérogation aux conditions prévues au I, le montant du versement de cotisations prévu pour la prise en compte des années civiles mentionnées au 2° du même I, comprises entre le 1er janvier 1975 et le 31 décembre 1990 et au cours desquelles l’assuré a exercé une activité d’assistant maternel peut être abaissé par décret, dans des conditions et limites tenant notamment au nombre de trimestres éligibles à ce montant spécifique.
« IV. – Par dérogation aux conditions prévues au I, le montant du versement de cotisations prévu pour la prise en compte des années civiles mentionnées au 2° du même I au cours desquelles l’assuré était en situation d’apprentissage, au sens de l’article L. 6211-1 du code du travail, dans le cadre d’un contrat conclu entre le 1er juillet 1972 et le 31 décembre 2013 peut être abaissé, dans des conditions et limites tenant notamment au nombre de trimestres éligibles à ce montant spécifique, fixées par décret. »
III. – L’article L. 9 bis du code des pensions civiles et militaires de retraite est ainsi modifié :
1° Après le cinquième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation aux conditions prévues au cinquième alinéa, le montant du versement de cotisations prévu au même alinéa peut être abaissé par décret pour les périodes de formation initiale, dans des conditions et limites tenant notamment au délai de présentation de la demande, fixé à dix ans suivant la fin des études, et au nombre de trimestres éligibles à ce montant spécifique. » ;
2°
IV. – L’article L. 732-27-1 du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :
1°
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation aux conditions prévues au premier alinéa, le montant du versement de cotisations prévu au même alinéa peut être abaissé par décret pour les périodes de formation initiale, dans des conditions et limites tenant notamment au délai de présentation de la demande, fixé à dix ans suivant la fin des études, et au nombre de trimestres éligibles à ce montant spécifique. »
V
Alors que de plus en plus de jeunes peinent à entrer sur le marché du travail et accumulent emplois précaires, études et périodes de chômage non indemnisé, cet article se limite à permettre aux jeunes, ou plutôt, devrais-je dire, aux jeunes dont les moyens financiers le leur permettront, le rachat dans des conditions strictement encadrées d’une partie de leurs années d’études.
Ainsi, si cet article devait être adopté, le rachat devrait être effectué dans un délai de dix ans suivant la fin des études, mais l’aide ne pourrait porter que sur quatre trimestres, au maximum.
Madame la ministre, vous mettez en avant le fait que le rachat se ferait à un tarif « préférentiel » plus favorable aux assurés les plus modestes, puisqu’il serait proportionnel aux revenus. Permettez-moi de dire que le fait d’inclure une forme de progressivité dans le tarif demandé ne constitue pas en soi une mesure de justice sociale. En effet, à l’inverse de notre système de protection sociale, où chacun cotise en fonction de ses ressources et perçoit en fonction de ses besoins, le mécanisme qui nous est proposé ici repose sur les seules facultés contributives des jeunes, c’est-à-dire leurs revenus.
Or les jeunes les plus modestes ont souvent dû, pour financer leurs études supérieures, souscrire des emprunts qui « plombent » considérablement leur pouvoir d’achat dans la durée. L’écart de pouvoir d’achat entre les plus modestes et les plus riches est, en réalité, bien supérieur à ce que l’on pourrait croire et, cela nous préoccupe, rares seront les jeunes qui pourront in fine bénéficier de cette mesure.
Dans une lettre qu’ils vous ont adressée en octobre dernier, l’Union nationale des étudiants de France, l’UNEF, et l’Union nationale lycéenne, l’UNL, rappelaient que le montant médian de l’épargne, à quarante-cinq ans, atteint difficilement 10 000 euros : pas de quoi financer en réalité le rachat des années d’études, voire d’en valider simplement une année ! Une étude d’impact semble avoir évalué à un niveau très bas le nombre potentiel de bénéficiaires de votre dispositif, madame la ministre, et cette situation n’est pas satisfaisante.
Par ailleurs, la mesure que vous proposez est beaucoup trop partielle, puisque ne pourraient être acquis au tarif préférentiel que quatre trimestres, soit bien peu par rapport à la durée réelle des études.
Cela étant dit, une question se pose de toute évidence, celle de la prise en compte des années d’études. Il s’agit d’une question majeure posée par les étudiants et par les jeunes eux-mêmes, indissociable selon nous de l’allongement de la durée de cotisation.
Depuis des années, le groupe CRC propose de créer, en faveur des jeunes et des étudiants, une « allocation d’autonomie jeunesse » leur permettant de gagner en autonomie. Dans le même temps, grâce à des mesures de financement ambitieuses, comme la taxation des revenus financiers, il serait possible de créer une véritable sécurisation des parcours professionnels, permettant d’acquérir les trimestres de cotisations de dix-huit ans jusqu’à soixante ans, que l’assuré concerné suive des études ou une formation, occupe un emploi ou en soit involontairement privé.
Ce projet de sécurité sociale professionnelle est au cœur de notre réflexion et de nos propositions. Nous ne disposerons évidemment pas du temps nécessaire pour développer ici notre argumentation.
Au nom de notre groupe, je tiens à déclarer que cet article 16 est trop éloigné de ces propositions et, surtout, des besoins et des attentes des jeunes et des étudiants. Nous ne validerons donc pas le principe du rachat des années d’études, auquel nous nous opposons depuis sa création, en 2003. En effet, ce système est en soi injuste et le restera, car il ne concerne qu’une minorité, ceux qui ont les moyens de racheter leurs années d’études. Il faut le rappeler, malgré le tarif préférentiel, ce dispositif ne restera accessible qu’à une minorité de jeunes.
Avec d’autres, car nous ne sommes pas isolés sur ce point, nous pensons qu’il est possible de valider ces années d’études, comme cela se fait pour le service militaire, le chômage ou la formation professionnelle.
Pour l’ensemble de ces raisons, nous voterons contre l’article 16.
Les libéraux en tous genres ne cessent de dire qu’ils souhaitent réduire les déficits publics et sociaux. Cette réforme, parce qu’elle repose essentiellement sur des mesures financées par les salariés, contribue à cette réduction ; c’est un fait que nous dénonçons.
Cet article, bien que généreux en apparence, participe partiellement de la même démarche. En effet, plutôt que de permettre aux jeunes et aux étudiants d’acquérir gratuitement des trimestres de cotisations, grâce à des mécanismes redistributifs, par exemple, vous leur proposez de les racheter. Une somme de 5 000 euros ou de 7 000 euros, pour des jeunes à peine sortis des études, est loin d’être négligeable, avouez-le. D’ailleurs, le nombre de bénéficiaires escomptés demeure plus que limité, preuve, s’il en était besoin, de l’injustice du dispositif.
En outre, cet article participe à la réduction de la dette sociale en la transférant des comptes sociaux vers les assurés eux-mêmes, c’est-à-dire, en l’espèce, vers les étudiants. Cet article est une privatisation de la dette, un transfert vers les individus. Scandaleuse lorsqu’elle est publique, la dette serait donc vertueuse lorsqu’elle est privée et qu’elle permet aux établissements bancaires de réaliser de juteux bénéfices sur le compte de celles et ceux qui sont l’avenir de notre pays !
L’endettement des jeunes et des étudiants est déjà important et tend à progresser de manière continue. Selon la Fédération des associations générales étudiantes, la FAGE, 8 % de nos étudiants ont dû contracter un prêt étudiant pour assumer leur formation. Certes, nous n’en sommes pas au niveau américain ; pour autant, l’accroissement de la dette étudiante est si régulier en France qu’il en devient inquiétant.
Dès lors, on a du mal à percevoir comment les jeunes pourraient tout à la fois rembourser leurs crédits, commencer à s’installer dans la vie et racheter des années d’études, à moins de pouvoir compter sur les ressources des parents. Endettement d’un côté, soutien parental de l’autre : nous sommes loin, très loin du concept d’autonomie de la jeunesse que nous avions défendu ensemble, loin des principes d’égalité, de solidarité et de justice qui régissent notre système de protection sociale.
Pour toutes ces raisons, je le confirme, le groupe CRC votera contre cet article.
L’amendement n° 420, présenté par Mme Demontès, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 18
Après la référence :
L. 351-14-1,
insérer la référence :
L. 351-17,
II. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - À l’article L. 382-29-1 du code de la sécurité sociale, après la référence : « au 1° », est insérée la référence : « du I ».
La parole est à Mme la rapporteur.
L’amendement est adopté.
La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote sur l’article.
Cet article 16 est absolument passionnant, car il démontre, madame le ministre, combien vous êtes passée à côté d’une réforme de fond de nos régimes de retraite et combien est nécessaire une réflexion d’ensemble, notamment sur ce que pourrait être un autre système de retraite ; c’est même un devoir absolu.
À propos de l’équilibre du régime de retraite par répartition, j’ai évoqué la démographie, sans doute un peu longuement, mais il faut aussi prendre en compte la population active.
L’allongement de la durée des études est une réalité. Dans votre rapport, madame Demontès, vous évoquez le report de l’entrée dans la vie active. On peut espérer que ce report soit lié à une qualification supérieure ; c’est statistiquement le cas et l’immense majorité des jeunes Français, garçons et filles, entrent plus tard sur le marché du travail avec – dans la plupart des cas, heureusement ! – un niveau de qualification supérieur.
La conséquence pratique de ce report, on la mesure : avec une entrée dans la vie active à vingt-trois ans et un âge de la retraite à soixante-deux ans, les conditions de durée de cotisation pour percevoir une retraite à taux plein ne seront pas réunies.
Un problème de fond se pose donc, je dirais même un problème de société. Vous avez fait adopter un amendement tendant à la remise d’un rapport sur la prise en compte de l’égalité sociale dans l’octroi d’avantages familiaux aux retraités – soit ! Nous pourrions imaginer que vous demandiez un rapport sur le sujet qui nous occupe. D’ailleurs, pourquoi demandez-vous des rapports d’article en article, sinon parce que vous n’avez pas mené de réflexion globale ? Vous ouvrez ainsi, on ne vous le reprochera pas, toute une série de pistes de réflexion.
En ce qui concerne le rachat des années d’études, nous avions présenté, lors de l’examen du texte par la commission, un amendement qui a été déclaré irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution – je le comprends. Cet amendement tendait à étaler sur vingt ans les possibilités de rachat.
En effet, contrairement au groupe communiste, nous ne sommes pas favorables à la validation des trimestres d’études supérieures.
Nous bénéficions, en France, d’un système généreux qui fait que, pour l’essentiel, les études supérieures, courtes ou longues, sont gratuites, même si l’on voit se développer des formes d’études supérieures privées payantes, sur des initiatives nombreuses et variées, et même si nous constatons que les enseignements supérieurs gratuits sont plus coûteux qu’ils ne l’ont jamais été. C’est une évolution dont nous prenons acte, même si nous restons sur ce point très en deçà des autres pays de l’OCDE.
Mais il y a tout de même un moment où il faut que chacun, en tant qu’individu, prenne sa part de responsabilité.
On ne peut pas demander à la collectivité, donc, pour l’essentiel, au contribuable, de prendre en charge les études supérieures et demander au même contribuable de payer tout ou partie de la validation des trimestres qui ne sont représentatifs ni d’une activité ni d’une production, mais qui sont des investissements pour l’avenir.
C’est la raison pour laquelle nous récusions l’idée de validation. En revanche, nous avions imaginé d’étaler des possibilités de rachat sur vingt ans. En effet, si les premières années de la vie sont, comme nous le souhaitons, des années de démarrage dans l’existence, consacrées à créer son foyer, à construire son couple, sa famille, des années où l’on supporte des charges plus nombreuses, on peut espérer que le bénéfice d’études supérieures permette, à partir d’un certain âge, de dégager une marge et de restituer à la collectivité ce que cette dernière vous a apporté, en rachetant des trimestres. C’est, d’ailleurs, une restitution très « gagnante » pour le cotisant, puisque le projet de loi que vous nous présentez, madame le ministre, permet non seulement le rachat, sur dix ans seulement, mais, de plus, subventionne ce rachat.
On aurait pu imaginer un compromis, qui aurait consisté à autoriser d’étaler le rachat sur vingt ans mais sans subventionner le rachat sur les dix dernières années, car il vient un moment où l’ancien étudiant diplômé, qui a accédé à des responsabilités, est en mesure de racheter ses années d’études sans avoir besoin du soutien de la collectivité. Ce rachat aurait été déductible des impôts.
Nous aurions pu trouver une formule, disons, de conciliation. Cette formule, nous n’avons pas pu la mettre sur pied, ne serait-ce que parce que la procédure que vous avez retenue, la procédure accélérée, ne permet pas d’approfondir des sujets qui, reconnaissons-le, doivent être travaillés en commission et travaillés en séance.
Madame le ministre, nous ne soutiendrons pas votre article 16, non pas parce que le problème ne se pose pas, mais parce que vous le réglez mal !
L'article 16 n’est pas adopté.
Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Le chapitre Ier du titre V du livre III est complété par une section 11 ainsi rédigée :
« Section 11
« Validation des stages en entreprise
« Art. L. 351 -17. – Les étudiants peuvent demander la prise en compte, par le régime général de sécurité sociale, des périodes de stages prévus à l’article L. 612-8 du code de l’éducation et éligibles à la gratification prévue à l’article L. 612-11 du même code, sous réserve du versement de cotisations et dans la limite de deux trimestres.
« Un décret précise les modalités et conditions d’application du présent article et notamment :
« 1° Le délai de présentation de la demande, dans la limite de deux ans ;
« 2° Le mode de calcul des cotisations et les modalités d’échelonnement de leur versement.
« Le nombre de trimestres ayant fait l’objet d’un versement de cotisations en application du présent article est déduit du nombre de trimestres éligibles au rachat prévu au II de l’article L. 351-14-1. » ;
2° À l’article L. 173-7, après la référence : « L. 351-14-1, », est insérée la référence : « L. 351-17, ».
L'amendement n° 193, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéas 5, 8 et 9
Remplacer le mot :
cotisations
par le mot :
contributions
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Cet amendement, qui, j’en conviens, a tout d’un amendement rédactionnel, revêt, en réalité, une grande importance pour notre groupe.
Nous plaidons, vous le savez, pour un meilleur encadrement des stages et un renforcement significatif des droits des stagiaires, y compris en ce qui concerne la retraite.
À l’image de ce que proposent le collectif « La retraite, une affaire de jeunes » ou le collectif « Génération précaire », nous soutenons l’idée que toutes les périodes de stages donnent lieu à gratification et que les employeurs soient obligatoirement tenus de cotiser.
À côté de cette cotisation sociale renforcée par rapport au droit existant, nous souhaitons que les jeunes accueillis dans les entreprises soient également appelés à cotiser, de manière symbolique, puisque les montants des gratifications sont dérisoires.
Les jeunes sont, d’ailleurs, demandeurs d’une telle mesure, ce qui témoigne de leur attachement à notre système de protection sociale, lequel repose sur l’idée que les employeurs tout comme ceux qui travaillent, participent au financement de notre système de protection sociale.
Nous n’en sommes pas encore là, et nous le déplorons. Ce mécanisme serait, en effet, bien plus créateur de droits que celui qui est mis en place dans cet article, lequel introduit, d’ailleurs, une certaine forme de confusion puisqu’il subordonne la prise en compte par le régime général des périodes de stages à la condition que ces stages aient donné lieu au versement de gratifications, ainsi qu’au versement de « cotisations ».
La référence qui est faite ici à la notion de « cotisations » nous semble abusive. Les taux des cotisations sociales sont connus dans la loi, de même que leur assiette. Dès lors, il n’y a pas besoin qu’un décret vienne définir le barème de cotisations ni les modalités de leur versement.
Qui plus est, la notion de « cotisations » sous-entend qu’elles sont acquittées par les employeurs comme par les salariés, et qu’elles sont assises sur les salaires.
Ce n’est évidemment pas le cas ici, puisqu’un seul acteur semble devoir s’acquitter de cotisations, sans que l’on sache s’il s’agit du stagiaire ou de l’employeur.
Il nous semble important que la loi soit la plus précise possible. Traditionnellement, les cotisations sociales sont présentées comme étant l’ensemble des charges, forfaitaires ou proportionnelles au salaire, supportées par l’employeur et par le salarié et servant à financer les divers dispositifs et organismes publics chargés de la protection sociale.
On voit bien que cette définition est inopérante ici. Aussi, afin d’éviter une confusion qui pourrait être utile à celles et ceux qui veulent changer radicalement notre système de financement de la protection sociale, nous vous proposons de substituer le terme de « cotisations », indûment utilisé, par celui de « contributions », qui nous paraît plus conforme à la nature du prélèvement visé par cet alinéa.
Les auteurs de l’amendement estiment que le terme de « contributions » est juridiquement plus adapté que celui de « cotisations » quand on évoque les gratifications des stagiaires.
J’ai une interrogation sur cette proposition. En effet, la gratification peut être comprise comme une somme versée au travailleur en contrepartie ou à l’occasion du travail. Le terme de « contributions » n’implique pas de contrepartie directe pour la personne qui l’acquitte, contrairement aux cotisations sociales.
Je souhaite, pour mieux comprendre, entendre l’avis du Gouvernement.
Madame la rapporteur, vous avez raison de le souligner, la question ne va pas de soi sur le plan juridique.
Je le dis d’emblée, je vais émettre, au nom du Gouvernement, un avis favorable sur cet amendement n° 193. Je veux maintenant bien poser le cadre dans lequel nous nous situons pour dissiper toute ambiguïté.
Je suis favorable au terme de « contributions » – je l’ai moi-même utilisé à plusieurs reprises –, parce qu’il me semble éviter toute ambiguïté sur la nature de l’activité du stagiaire.
Le stage n’est pas une activité comme une autre. Il n’y a pas lieu de banaliser l’activité de stagiaire, il ne s’agit pas de n’importe quel contrat de travail. C’est la raison pour laquelle je suis favorable au terme de « contributions ».
Dans le même temps, si nous parlons de « contributions », il doit être bien clair que ces contributions ouvrent des droits, et des droits à retraite.
Comme l’a souligné Mme la rapporteur, en droit pur, pour que des droits puissent correspondre à des versements financiers, il faut que ces versements soient des cotisations. Je tiens à le préciser devant votre assemblée pour ne pas laisser de doute sur le sujet. Nous ouvrons des droits aux stagiaires, et des droits à retraite, mais le versement qui correspond relève, en quelque sorte, d’une catégorie nouvelle, puisqu’il n’y a pas d’activité salariée dans le cadre d’un stage.
Sous le bénéfice de ces explications, j’émets, je le répète, un avis favorable sur cet amendement.
Néanmoins, ni vos explications ni les deux précédentes ne dissipent mes interrogations.
Je comprends bien la position du groupe CRC, qui récuse le terme de « cotisations » parce que le stagiaire ne reçoit pas un salaire et que, de plus, ces « cotisations » seraient payées uniquement par l’étudiant. J’ai, pour ma part, déposé un amendement dont l’objet est de proposer un paiement à parité par l’étudiant et par l’employeur.
Si j’ai bien suivi les explications de Mme la ministre, pour elle, il s’agit d’une contribution parce que ce n’est pas une cotisation, mais cette contribution a valeur de cotisation...
Je vais voter cet amendement, d’autant plus que Mme la ministre nous y incite, ainsi que Mme la rapporteur, qui suivra la position de Mme la ministre. Pour autant, je ne sais pas si nous avons raison de faire ce choix. En effet, la cotisation, même si elle est acquittée par un étudiant ou par un stagiaire, a aussi son sens. Le statut est différent.
Pour moi, retenir le mot « contributions » va compliquer les choses. N’aurait-il pas été plus simple de lui préférer le mot « cotisations » en tant que tel, avec un statut différent ?
Cela étant, tout le monde semble d’accord. Du moins aurai-je exprimé mes interrogations, à défaut d’avoir beaucoup fait avancer le schmilblick, monsieur le président !
Nouveaux sourires.
Je voudrais savoir si cette évolution sera à charge égale pour le maître de stage et le stagiaire. La question mérite d’être posée, compte tenu de la difficulté déjà constatée pour trouver des stages.
M. Desessard a déposé un amendement visant à demander une répartition entre le maître de stage et le stagiaire. Je reprendrai donc mon observation au moment de la discussion de cette proposition.
Les précisions fournies par Mme la ministre vont tout à fait dans le sens de l’amendement que j’ai défendu.
Je peux être critique, mais l’esprit critique, c’est aussi savoir dire ce que l’on trouve positif !
Une nouvelle fois, je regrette que ce texte soit examiné en procédure accélérée. On voit bien qu’il y a là une matière qui mériterait d’être approfondie. L’amendement du groupe CRC, qui vise à distinguer contributions et cotisations, n’est pas dénué de légitimité.
La cotisation fait référence au salarié de plein exercice, pratiquant une activité dans le cadre du code du travail. Il y a une situation intermédiaire, mais qui relève toujours du code du travail, celle des apprentis et stagiaires de la formation professionnelle. Et puis, nous avons des stagiaires, des étudiants, qui se situent en dehors de la formation professionnelle et auxquels l’article 16 bis donne la possibilité de valider deux trimestres au maximum. Dans quelle situation sont-ils effectivement ?
Nous le savons tous, pour le vivre dans nos familles, pour le vivre auprès de nos administrés, le début de la vie professionnelle est aujourd’hui pour un jeune une marche incertaine, le CDI devenant une sorte de Graal que l’on atteint au bout de plusieurs années après avoir enchaîné des stages, puis des CDD.
Madame le ministre, ce sujet méritait tout de même que l’on entre un petit peu dans le détail.
Veut-on faire en sorte que ces stagiaires soient des salariés qui commencent dans un cadre précaire, certes, mais qui leur permet de mettre le pied à l’étrier ? Ou bien allons-nous entretenir l’idée, comme vous le suggérez, que ce sont des actifs d’une nature sui generis qui ne se rapprochent en rien des salariés ?
Madame le ministre, il est de notre intérêt bien compris d’amener ces jeunes vers un statut de salarié, même au tout début du salariat et du régime qui sera plus tard celui du contrat de travail. La question est d’autant plus pertinente qu’un stage n’est intéressant que s’il y a production. Si le stage se passe à la cafétéria ou devant la photocopieuse, il n’a simplement aucun intérêt !
Or la réalité du contrat de travail, c’est d’être exécuté sous l’autorité d’un employeur, qui fixe des obligations et des objectifs en contrepartie desquels il verse une rémunération.
Le stagiaire, tel que nous en avons l’expérience, est dans une situation de subordination vis-à-vis de son employeur ; il doit exécuter une mission. On lui pardonne naturellement de ne pas avoir totalement la compétence requise, de ne pas avoir la maîtrise du poste ou le savoir-faire du professionnel, mais l’objectif est que le stagiaire soit intégré dans le processus de production. Sinon, cela n’a aucun intérêt et le « stage », qui ne mérite alors pas son nom, n’aura pas dépassé les rubriques « découverte », « visite » ou « tourisme industriel » !
Non, les stages dont je parle sont des préalables à l’embauche en CDD. Ils sont souvent pour l’employeur une façon de connaître les étudiants auxquels il proposera un contrat de travail une fois le diplôme obtenu et, parfois, avant même que le diplôme soit obtenu, ce qui n’est, hélas, pas la meilleure solution, car il est préférable d’avoir son diplôme en poche pour s’engager ainsi dans un contrat.
Votre réponse entretient l’ambiguïté sur le statut du stagiaire, madame le ministre. S’il y avait une navette, nous aurions encore le temps d’approfondir la réflexion, mais il n’y en aura pas ! Dans ces conditions, nous préférons nous abstenir sur cet amendement.
J’ajoute que, compte tenu de l’allongement de la durée des études, il semble difficile de limiter la prise en compte des stages étudiants à deux trimestres. On crève vite ce plafond si l’on fait deux mois de stage par an.
Les propos de Mme Goulet étaient très pertinents, comme d’habitude…
J’ai reçu la semaine dernière des étudiants ayant besoin d’effectuer un stage pour valider leur année scolaire. Faute d’en trouver un, ils vont devoir redoubler. Au sein de leur promotion, plus de 30 % des étudiants ne parviennent pas à obtenir un stage.
Si l’on complique encore les choses, si l’on impose de nouvelles contraintes aux employeurs, j’ai peur que l’on aboutisse à l’effet inverse de celui qui est recherché et que l’on mette en péril les études de jeunes qui peinent déjà aujourd’hui à trouver des stages.
C’est pourquoi je m’abstiendrai sur cet amendement. Je souhaiterais, madame le ministre, que vous examiniez de près ce problème, très inquiétant pour les étudiants qui ne pourront pas valider leur année scolaire, faute d’avoir effectué le stage obligatoire.
L'amendement est adopté.
L’amendement n° 192, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Après les mots :
de cotisations
insérer les mots :
versées par les entreprises d’accueil
La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Nous considérons que la rédaction de l’alinéa 5 de l’article 16 bis est peu claire et mérite d’être précisée.
Cet alinéa tend à prévoir que la prise en compte des périodes de stage dans le calcul des annuités validées au titre du régime de l’assurance vieillesse soit conditionnée, notamment, au versement de cotisations. Pour autant, un doute demeure : est-ce à l’employeur ou au stagiaire de s’acquitter de ces cotisations ?
Dans la mesure où le code de la sécurité sociale dispose déjà que les gratifications sont soumises à cotisations de la part de l’employeur, on peut raisonnablement imaginer qu’il en aille de même ici. Il aurait donc sans doute été souhaitable de préciser que les cotisations sociales en question – désormais dénommées « contributions » – sont celles visées à l’article L. 242-4-1 du code de la sécurité sociale.
L’article 16 bis prévoit qu’aucune cotisation ou contribution de sécurité sociale n’est due par l’entreprise d’accueil ou le stagiaire lorsque les sommes versées par l’employeur – en l’occurrence, la gratification – restent inférieures ou égales à 12, 5 % du plafond horaire de la sécurité sociale : devons-nous en conclure, madame la ministre, que seuls seront pris en compte les stages donnant lieu à une gratification supérieure au montant minimum ?
Tel qu’il est rédigé, cet article ne permet pas de savoir qui devra s’acquitter de ces cotisations. Afin de lever tout doute, nous proposons, par le biais de notre amendement, de préciser qu’elles seront dues par l’entreprise d’accueil.
Cet amendement tend à prévoir l’obligation, pour la structure d’accueil des stagiaires, de verser des cotisations en vue de valider les périodes de stage au titre de la retraite.
Le Gouvernement a souligné, à titre indicatif – sans doute Mme la ministre nous le confirmera-t-elle –, que le montant des cotisations à acquitter pour les stagiaires pourrait représenter 12, 50 euros par mois pendant deux ans ou 25 euros par mois pendant un an.
Ce montant est modeste, même si nous savons que les gratifications des stagiaires ne sont pas élevées. En tout état de cause, il ne me paraît pas nécessaire, à ce stade, de prévoir une cotisation patronale spécifique.
L’avis est donc défavorable.
Mme la rapporteur vient de le rappeler, cette contribution est à la charge du stagiaire, et non de l’entreprise. Il y a donc un désaccord entre nous sur ce point, madame Pasquet, mais pas d’ambiguïté.
Le versement de cette contribution de 12, 50 euros par mois pendant deux ans ou de 25 euros par mois pendant un an sera une possibilité laissée à l’étudiant, quel que soit le niveau de rémunération de son stage. Cependant, si la gratification qu’il reçoit est supérieure au niveau minimal, c’est-à-dire 436 euros par mois, l’employeur verse d’ores et déjà une cotisation pour la part au-delà de ce seuil.
M. Jean Desessard opine.
Il appartiendra donc au jeune, s’il reçoit une gratification supérieure à 436 euros, de vérifier si les cotisations versées, à la fois par lui-même et par son employeur, lui permettent d’acquérir des droits, auquel cas il n’aura pas besoin d’acquitter une contribution de son côté.
S’il bénéficie d’une rémunération de 500 euros, par exemple, il est bien évident que ce n’est pas la cotisation versée au titre des 64 euros au-delà du minimum qui lui permettra d’acquérir des droits.
En revanche, s’il reçoit une gratification de 1 000 euros, il est possible que la cotisation soit suffisante pour acquérir des droits et qu’il n’ait donc pas besoin d’acquitter une contribution volontaire.
En conclusion, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
Je partage l’avis de Mme la rapporteur et de Mme la ministre : la faculté ouverte aux étudiants de verser une contribution ne doit pas être mise à la charge de l’entreprise.
Il s’agit d’un dispositif tout à fait particulier, sur lequel je me suis posé au départ les mêmes questions que M. Desessard, mais j’estime que la contribution éventuelle doit être versée par l’étudiant. Nous voterons donc contre cet amendement.
Tient-on à ce que les étudiants qui font un stage puissent bénéficier de droits supplémentaires au titre de la retraite ?
Pour le moment, cette question ne concerne que les stages, mais elle pourra aussi, à terme, concerner la formation.
Comme le disait M. Longuet, il existe des stages d’observation et des stages qui font participer le jeune au fonctionnement de la structure d’accueil. J’ajouterai qu’il y a aussi des stages abusifs, qui font office de premier boulot permettant de prendre contact avec l’entreprise : il s’agit en quelque sorte – dans les cas favorables – d’une pré-embauche.
Le statut du stage n’est donc pas défini, pas plus que celui de l’étudiant. On veut faire preuve de générosité en inscrivant dans la loi des droits pour les étudiants stagiaires, mais tout cela est très compliqué : si les employeurs sont trop sollicités, il sera encore plus difficile qu’aujourd’hui de trouver des stages, alors qu’il est nécessaire d’en effectuer pour obtenir le diplôme.
Pour ma part, je ne comprends pas que l’on n’inscrive pas le stage dans le droit commun. C’est le sens de l’amendement que je présenterai tout à l’heure et qui prévoit le versement d’une cotisation, moindre que pour un salarié mais partagée entre l’employeur et le stagiaire. Quitte à ce que l’on définisse un statut de l’étudiant-stagiaire qui s’appliquerait de la fin d’études à la pré-embauche, ce serait tout de même plus simple que d’instaurer, comme il est proposé, la possibilité d’une « contribution » qui sera acquittée ou pas par le seul étudiant en fonction du montant de la gratification dont il bénéficie…
Pourquoi ne pas s’en tenir au droit commun, ou du moins s’en approcher le plus possible ? Cet amendement du groupe CRC vise à faire supporter l’intégralité de la contribution à l’employeur, d’autres veulent qu’il ne paie rien du tout : dans les deux cas, ce n’est pas le droit commun. Je m’abstiendrai, préférant la solution présentée au travers de l’amendement que je vais défendre.
Votre position est assurément cohérente, monsieur Desessard, mais celle du Gouvernement l’est aussi.
Je refuse toute banalisation des stages. Or inscrire ceux-ci dans le droit commun impliquerait d’accepter que l’on puisse « travailler » pour 436 euros par mois.
Je laisse de côté l’argument, qui me paraît recevable, selon lequel une cotisation supplémentaire dissuaderait les entreprises de prendre des stagiaires, alors même qu’un nombre croissant d’étudiants doivent effectuer des stages pour valider leur cursus. Nous sommes d’ores et déjà confrontés à des difficultés de cet ordre, en particulier dans le secteur médicosocial : nous devons être très attentifs à ne pas les aggraver en mettant une cotisation supplémentaire à la charge des entreprises.
Par ailleurs, certains étudiants font des stages pour se préparer à la vie professionnelle, sans que ce soit pour eux une obligation. S’ils n’en trouvent pas, cela n’aura pas de conséquences sur la validation de leur cursus.
J’insiste sur le fait que si l’on applique les mêmes règles pour les stages que pour les contrats de travail, cela aboutira à créer un nouveau type de contrat de travail, le « contrat stagiaire », permettant à une entreprise de rémunérer un collaborateur 436 euros par mois.
Madame la ministre, je comprends tout à fait votre argumentation, mais vous oubliez une catégorie de stagiaires : ceux qui ont besoin d’effectuer des stages pour payer leurs études. L’enseignement supérieur est aujourd’hui loin d’être gratuit ! De nombreux jeunes sont obligés de travailler ou de faire des stages pour financer leurs études. Cet aspect des choses doit aussi être pris en compte.
La demande de stages ne peut que croître à l’avenir, de nombreux cursus requérant de plus en plus l’acquisition d’une expérience pratique au sein des entreprises, y compris à un âge précoce. Il importe donc vraiment de ne pas réduire l’offre de stages en prenant des mesures trop contraignantes pour les entreprises.
Je remercie Mme la ministre de ses explications très claires sur la philosophie qui sous-tend le dispositif : la gratification accordée au stagiaire ne doit pas être considérée comme un salaire.
J’aimerais profiter de cette occasion pour évoquer une situation déplaisante à laquelle j’ai été confrontée à plusieurs reprises : le besoin de stages est tellement criant que certains parents proposent de payer eux-mêmes la gratification afin d’épargner toute charge à l’entreprise !
De telles pratiques sont contra legem, mais dès lors qu’effectuer des stages est nécessaire pour valider un cursus, il convient de favoriser le développement de l’offre en rassurant les entreprises.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 410, présenté par Mme Demontès, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Après les mots :
versement de cotisations
insérer les mots :
audit régime
La parole est à Mme la rapporteur.
L'amendement est adopté.
L'amendement n° 347 rectifié, présenté par M. Desessard, Mme Archimbaud, M. Placé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 5
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Les cotisations sont alors partagées entre l'étudiant et les organismes d'accueil des stages concernés.
II. – Alinéa 8
Après le mot :
cotisations
insérer les mots :
, leur mode de répartition entre l'étudiant et les organismes d'accueil,
La parole est à M. Jean Desessard.
Entre la non-prise en charge par l’employeur et la prise en charge complète par ce dernier de la contribution de 12, 50 euros mensuels, je propose une solution de moyen terme. Je vous remercie, madame la ministre, d’avoir souligné que la gratification d’un stage n’est pas un salaire. Cela étant, ne faudrait-il pas se référer à la règle de droit commun, qui veut que les cotisations soient partagées entre l’employeur et le salarié ? C’est dans cet esprit que mon amendement vise à prévoir que le décret précisera, parmi les modalités et conditions d’application de l’article 16 bis, le mode de répartition des contributions entre l’étudiant et l’organisme d’accueil.
Mme Goulet rencontre des parents qui vont jusqu’à payer l’entreprise pour que leur enfant puisse y effectuer un stage ; mais certains ne le peuvent pas ! On me dira que 12, 50 euros, c’est presque rien, mais il faut rapporter ce montant aux 436 euros de la gratification. Comme disait l’autre, presque rien, c’est quand même déjà quelque chose !
L’amendement présenté par M. Desessard est légèrement différent de l’amendement n° 192, puisqu’il tend à prévoir un partage de la contribution entre l’employeur et le stagiaire.
Néanmoins, pour les raisons que j’ai évoquées précédemment, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
Dans le prolongement du débat que nous venons d’avoir, je donne un avis défavorable à cet amendement.
Cet intéressant débat soulève de nombreuses questions.
Nous serions tentés de suivre notre collègue Desessard, qui propose de s’aligner sur le droit commun. Toutefois, il convient de tenir compte du fait que la gratification n’est pas un salaire, comme l’a rappelé Mme la ministre. De plus, nous savons que certains jeunes se plaignent des conditions dans lesquelles se déroule leur stage. On leur demande beaucoup, et ils ont parfois l’impression d’accomplir la tâche d’un salarié : les faire entrer dans le droit commun serait commettre une injustice.
Pour toutes ces raisons, nous nous abstiendrons sur cet amendement.
Notre groupe votera contre cet amendement.
C’est à bon droit, monsieur Desessard, que vous faites référence aux « organismes d’accueil » des stagiaires. En effet, les entreprises ne sont pas seules concernées : des associations, par exemple, peuvent également faire appel à des stagiaires. En tout état de cause, si l’on alourdit les contraintes imposées à ces organismes d’accueil, il deviendra encore plus difficile pour les étudiants de trouver des stages, ce qui peut remettre en cause tout leur cursus universitaire.
Cet amendement de notre collègue Desessard nous fait toucher du doigt l’erreur que nous avons peut-être commise en remplaçant le mot « cotisations » par le mot « contributions ». J’ai moi-même voté en faveur de cette substitution, mais, avec le recul, je me dis qu’il s’agit bien de cotisations.
Le salarié cotise, l’employeur contribue. Le changement de terminologie me semble modifier quelque peu l’esprit du dispositif. Il faudra peut-être revoir la rédaction proposée pour l’article L. 351-17 du code de la sécurité sociale afin de lever toute ambiguïté. Ainsi, qui est concerné par le « délai de présentation de la demande » ? Celui qui cotise ou celui qui contribue ? Le stagiaire ou l’organisme qui l’a accueilli ?
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 411, présenté par Mme Demontès, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Remplacer les mots :
dans la limite de deux ans
par les mots :
qui ne peut être supérieur à deux ans
La parole est à Mme la rapporteur.
L'amendement est adopté.
L'amendement n° 196, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 9
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
« …° Définit le recours abusif aux stages mentionnés à la section 4 du chapitre II du titre Ier du livre VI de la troisième partie du code de l’éducation. » ;
La parole est à M. Dominique Watrin.
Le décret prévu à l’article 16 bis précisera les modalités de prise en compte des années de stage au titre du régime général de la sécurité sociale et le mode de calcul des cotisations et d’échelonnement des versements.
Nous demandons qu’il définisse également la notion de recours abusif aux stages, en s’appuyant sur la définition actuellement en vigueur en matière de travail illégal. Tel est le sens de notre amendement, qui vise à encadrer la pratique des stages.
La notion de recours abusif est en effet déjà définie par la jurisprudence. Elle renvoie à des faits considérés comme des abus : par exemple, celui de recourir à des stagiaires pour occuper des postes de travail ordinaires et pérennes. C’est une réalité : dans certaines entreprises, des postes de travail sont occupés en permanence par des stagiaires, qui touchent des rémunérations minimales. Les stages se substituent alors à de véritables emplois.
Autre constat, certaines entreprises ont recours à un nombre de stagiaires extrêmement important par rapport à l’effectif salarié. Ce n’est plus tolérable ! Il faut s’assurer que le ratio entre le nombre de stagiaires et l’effectif salarié reste acceptable, en instaurant une norme précise pour éviter les abus et les détournements.
Il conviendrait aussi de limiter le recours à des stagiaires sur une durée excessive, pour une mission qui justifierait la création d’un poste de travail et le recrutement d’un salarié de droit commun.
Par ailleurs, ne pas offrir de gratification à un stagiaire pose problème. Le seuil de rémunération minimal est extrêmement bas, et son respect n’est obligatoire qu’à partir de deux mois de stage. Pourquoi ne pas prévoir que le décret élève le niveau des exigences requises, afin de lutter contre le recours abusif aux stages ?
Je précise d’emblée que beaucoup d’entreprises jouent le jeu ; nous le reconnaissons volontiers, nous demandons simplement que le Gouvernement se saisisse de ces questions et, surtout, se donne les moyens de sanctionner les abus. Il ne nous semble pas que cet amendement impose des contraintes excessives aux entreprises.
Cet amendement tend à prévoir que le décret d’application comporte une définition de la notion de « recours abusif aux stages ».
Si ce sujet est important, il relève du droit du travail, et non d’un texte relatif aux retraites. La commission sollicite donc le retrait de l’amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
Je tiens à préciser qu’une proposition de loi portant sur l’encadrement des stages devrait être examinée prochainement à l’Assemblée nationale, avant d’être débattue au Sénat.
Dès lors, le Gouvernement sollicite le retrait de cet amendement. À défaut, il émettra un avis défavorable.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 417, présenté par Mme Demontès, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Alinéa 10
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme la rapporteur.
L'amendement est adopté.
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 198, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… - L’article L. 242-4-1 du code de la sécurité sociale est abrogé.
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Comme nous venons de le rappeler, à la suite des évolutions législatives intervenues, seuls les stages soumis à gratification, c’est-à-dire d’une durée de deux mois au moins, donnent lieu, pour les employeurs, au versement de cotisations, mais à la condition que les stagiaires perçoivent de l’entreprise d’accueil une rémunération supérieure au montant de la gratification légale, qui n’excède pas 500 euros.
Ainsi, les stages les plus précaires coûtent moins cher aux employeurs, et ces derniers sont incités par la loi à sous-rémunérer leurs stagiaires puisque, s’il leur venait à l’idée d’être plus généreux que leurs homologues qui s’en tiennent à la gratification légale, ils seraient alors soumis au versement de cotisations. On reproduit, avec les stagiaires, les erreurs commises depuis des années en termes d’exonérations de cotisations sociales !
En réalité, en voulant sécuriser les stagiaires et encadrer leurs droits, nous avons fait l’inverse. Nous avons cédé au chantage permanent aux termes duquel toute législation protectrice aurait pour effet de dissuader les employeurs d’accueillir et de former un jeune. Ainsi, notre droit incite les employeurs à maintenir les jeunes stagiaires dans une situation de très grande précarité.
De même que nous proposons d’inverser la logique de fonctionnement du système de protection sociale, de telle sorte que les cotisations soient modulées en fonction de la politique salariale de l’entreprise, nous demandons que toutes les périodes de stage ouvrent le bénéfice d’une gratification, dont l’intégralité du montant donne lieu au versement de la part patronale des cotisations sociales, et non pas uniquement l’éventuelle fraction excédentaire par rapport au montant minimal de la gratification.
L'amendement n° 199, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… - L’article L. 242-4-1 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation au premier alinéa, les entreprises dont le nombre de stagiaires accueillis est supérieur à un taux arrêté par décret sont soumises pour chacune d’entre elles et pour la totalité de la gratification versée, à la part patronale de cotisations sociales. »
La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Au travers de cet amendement, nous demandons que, par dérogation à l’article L. 242-4-1 du code de la sécurité sociale, les entreprises soient soumises au versement de la part patronale de cotisations sociales pour chacun des stagiaires et pour la totalité de la gratification versée, dès lors que le rapport entre le nombre de stagiaires accueillis et l’effectif salarié excède un ratio défini par décret, qui pourrait être de 5 %.
En effet, de nombreuses entreprises continuent de recourir à des stagiaires de manière massive et, parfois, abusive, alors que les missions confiées aux jeunes ainsi « recrutés » devraient logiquement relever d’un emploi de plein droit.
En 2006, on estimait à environ 800 000 le nombre de stagiaires en France ; il est passé à 1, 2 million en 2008. Encore est-il sans doute sous-estimé, car il ne prend en compte que les stagiaires provenant des universités. Or nous savons tous que les écoles de commerce ou d’ingénieurs sont elles aussi des réservoirs de stagiaires. La réalité est donc sans doute bien pire qu’on ne le pense.
Enfin, nous ne disposons d’aucune enquête précisant le niveau moyen d’indemnisation des stagiaires ou la durée moyenne des stages, ce que nous déplorons.
Les secteurs qui recourent le plus à des stagiaires sont la banque, les cabinets d’avocats, la communication, la presse, le milieu associatif, l’immobilier, le luxe. En gros, les secteurs les plus concernés sont ceux qui proposent des rémunérations très attractives, comme la banque, ou des métiers très séduisants aux yeux des jeunes, comme l’industrie culturelle ou le luxe. Bien sûr, la crise aggrave ce phénomène, mais elle sert trop souvent d’excuse à ceux qui recourent massivement aux stagiaires.
Ainsi, le dispositif que nous proposons d’instaurer permettrait de supprimer ou, du moins, de limiter cet effet d’aubaine qui, je le rappelle, pèse sur les comptes sociaux, notamment sur le budget de la Caisse nationale d’assurance vieillesse.
rapporteur. L’amendement n° 198 vise à supprimer la possibilité, pour l’employeur, de ne pas payer de cotisations sociales sur la gratification minimale prévue par la loi pour les stagiaires.
L’amendement n° 199, qui est en quelque sorte un amendement de repli par rapport au précédent, tend à soumettre aux cotisations sociales patronales l’intégralité des gratifications des stagiaires si l’entreprise recourt de manière excessive aux stages.
Pour les raisons que j’ai déjà invoquées, je demande le retrait de ces amendements. À défaut, l’avis de la commission sera défavorable.
Nous voterons contre ces amendements.
Je rappelle que l’éducation nationale demande d’une façon de plus en plus pressante aux entreprises d’accueillir des collégiens de troisième et des lycéens, afin de leur permettre de se confronter au monde du travail. Les employeurs se substituent ainsi, en quelque sorte, à l’éducation nationale.
Dans leur grande majorité, les entreprises jouent le jeu, mais je sais d’expérience qu’il n’est pas toujours facile, pour elles, d’accueillir des stagiaires, car les encadrer requiert beaucoup de temps, de pédagogie et de patience.
Siégeant, par ailleurs, au conseil d’administration d’un collège, je suis bien souvent obligé d’intervenir auprès des employeurs locaux pour qu’ils acceptent de prendre des stagiaires : même si cela peut parfois perturber le fonctionnement de l’entreprise, il y va de l’avenir de notre pays et de notre jeunesse. Les entreprises se font un peu tirer l’oreille, mais finissent par accepter. Du reste, j’ai parfois des retours extrêmement positifs sur tel ou tel stagiaire.
Toutefois, si l’on impose aux employeurs de verser des cotisations au titre de la modeste gratification de reconnaissance qu’ils acceptent de donner aux stagiaires, beaucoup cesseront immédiatement d’accueillir des jeunes. L’éducation nationale se trouvera alors confrontée à une pénurie de stages en entreprise.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 197, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… - L’article L. 612-9 du code de l’éducation est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Aucune formation de l’enseignement supérieur ne peut prévoir de durée du ou des stages supérieure à la durée de formation délivrée par l’établissement évaluée en semaines. »
La parole est à M. Dominique Watrin.
Certains diplômes universitaires d’insertion professionnelle préparés au sein des universités ou de certains organismes de formation privés donnent lieu à la conclusion de conventions de stage non assorties d’un réel support de formation.
Ainsi, l’étudiant qui souhaite préparer un tel diplôme s’acquitte de frais d’inscription universitaire simplement pour pouvoir s’adosser à un établissement d’enseignement supérieur lui permettant d’obtenir une convention de stage, sans le faire bénéficier d’aucune formation.
Par cet amendement, nous souhaitons interdire le conventionnement de stages dès lors que la durée prévue du ou des stages serait supérieure à la durée totale de la formation délivrée par l’université ou l’organisme de formation.
Une telle mesure permettrait également de lutter contre le développement de certaines formations privées qui, à grand renfort de communication, vantent les mérites de leurs enseignements et font payer des droits d’inscription très élevés, mais ne dispensent, en réalité, que quelques mois de formation, avant d’envoyer les étudiants effectuer des stages en entreprise durant l’essentiel de l’année.
Ainsi, l’adoption de notre amendement aurait deux conséquences : d’une part, elle obligerait les formations d’enseignement supérieur à se focaliser sur le contenu de leurs enseignements plutôt que de se débarrasser à bon compte de leurs étudiants en arguant de la nécessité d’acquérir une expérience professionnelle pour s’insérer sur le marché professionnel ; d’autre part, elle ramènerait le stage à ce qu’il doit être, à savoir un complément, un prolongement de la formation, et non une sorte de sous-contrat de travail, sous-payé et sous-encadré.
Notre collègue Dominique Watrin pose le problème des abus auxquels peut donner lieu la préparation à certains diplômes, en particulier à ce que j’appellerai des diplômes « maison », par opposition aux diplômes nationaux.
Pour les raisons que j’ai évoquées tout à l'heure en m’exprimant sur l’amendement n° 198, la commission sollicite le retrait de l’amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
Cela étant, je pense que la proposition de loi dont Mme la ministre a annoncé l’examen avant la fin de l’année permettra de remédier à ce type d’abus, liés au recours à des stages aussi longs, voire plus longs, que la période de formation.
Il s’agit là d’un véritable problème, mais on ne peut le régler dans le cadre de l’examen d’un texte portant sur les retraites.
L'amendement n'est pas adopté.
Notre débat de cet après-midi montre que nos collègues députés ont bien fait d’introduire l’article 16 bis dans le projet de loi.
Cela étant, cet article ne règle pas tout. À cet égard, j’ai pris bonne note du fait qu’une proposition de loi portant sur l’encadrement des stages serait prochainement soumise à notre examen. Les membres de la commission des affaires sociales sont toutes et tous très attentifs à ce sujet d’une grande importance.
En ce qui concerne la discussion que nous avons eue sur la substitution du terme « contributions » au terme « cotisations », je suis assez partagée.
Si les cotisations sont assises sur les salaires, certaines contributions le sont sur d'autres revenus. On peut considérer que les gratifications versées aux stagiaires sont des revenus, et non pas des salaires.
Néanmoins, alors que les cotisations ouvrent des droits, les contributions alimentent plutôt des caisses de solidarité, dont les prestations ne profitent pas nécessairement aux contributeurs.
Les différents points de vue exprimés au cours du débat peuvent donc se défendre. La distinction entre cotisations et contributions est un peu complexe, mais je pense que nous pourrons affiner l’analyse lors de la discussion de la proposition de loi annoncée par Mme la ministre. Il est heureux que celle-ci intervienne prochainement, car les stagiaires attendent une clarification de leur situation.
La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote sur l’article.
Je voterai cet article, mais on peut s'interroger sur la philosophie qui le sous-tend.
Il s'agit de prendre en compte les stages pour la retraite, par le biais de la mise en place d'une contribution de 12, 5 euros par mois à la charge du stagiaire. Cependant, certains parents paieront à la place de leur enfant, afin qu’il acquière plus tôt des droits, tandis que d’autres n’auront pas cette possibilité.
On le voit, si le dispositif de cet article est intéressant, il soulève autant de questions qu’il n’apporte de réponses et laisse un goût d'inachevé. Mais peut-être la proposition de loi annoncée par Mme la ministre permettra-t-elle de le compléter.
Nous n’avons pas adopté, au présent article, les amendements qui prévoyaient de faire participer l'entreprise ou l'organisme d'accueil au paiement de la contribution. Il reste que ce terme ne nous convient pas, en raison du manque de clarté qu’il induit. Comme Gérard Longuet l'a dit tout à l'heure, nous estimons que ce sujet important de la possibilité, pour des étudiants, d'acquérir des droits à la retraite aurait mérité un autre débat, notamment une deuxième lecture. Nous voterons contre cet article.
La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe, pour explication de vote.
Nous sommes globalement favorables à cette disposition, car l'allongement de la durée des études justifie pleinement la prise en compte des périodes de stage pour la retraite, fût-ce dans la mesure, relativement modeste, de deux trimestres. Cela répond au moins partiellement à un besoin souligné notamment par les organisations étudiantes, sans amorcer, me semble-t-il, une dérive catastrophique pour l'équilibre de notre système des retraites.
Pour ma part, j'ai bénéficié d'une telle prise en compte des stages effectués au cours de mes études d'ingénieur. Ces stages obligatoires de quelques mois étaient rémunérés et donnaient lieu à cotisations.
En dépit des imperfections de cet article, nous le voterons.
Le groupe socialiste votera l’article 16 bis, même si, au cinquième alinéa, on a remplacé le mot « cotisations » par le mot « contributions », alors qu’il s'agit de cotisations…
L'intervention de mon collègue Jean-Marie Vanlerenberghe m'incite à rappeler qu’il existe des écoles professionnelles, telles que l'ENA ou l’École nationale des impôts, dont les étudiants sont salariés et cotisent pour leur retraite. Le sujet mériterait d'être approfondi…
L'article 16 bis est adopté.
L'amendement n° 341 rectifié bis, présenté par M. Desessard, Mme Archimbaud, M. Placé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l'article 16 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après le mot : « stagiaires », la fin de l’article L. 612-13 du code de l’éducation est ainsi rédigée : « inscrit les conventions de stage au sein du registre unique du personnel dans les conditions mentionnées à l’article L. 1221-13 du code du travail. »
II. – Après le mot : « salariés », la fin du premier alinéa de l’article L. 1221-13 du code du travail est ainsi rédigée : « Il inclut également les conventions de stage dans les conditions prévues à l’article L. 612-13 du code de l’éducation. »
La parole est à M. Jean Desessard.
Cet amendement vise à faire figurer les conventions de stage dans le registre unique du personnel. Cela permettrait, grâce aux données ainsi collectées, de lutter plus efficacement contre le travail dissimulé.
Monsieur Cardoux, je parle ici non pas des collégiens, des élèves de troisième qui effectuent des stages dans les entreprises, …
… mais d'étudiants de troisième, de quatrième ou de cinquième année, prêts à entrer dans la vie active. Trop souvent, on leur suggère de faire un stage de longue durée avant de prétendre à un véritable emploi. À une autre époque, un jeune diplômé était considéré comme apte à occuper un poste.
Repousser ainsi l'entrée dans la vie professionnelle est insupportable. J’ai bien compris qu’une proposition de loi nous sera bientôt soumise, qui traitera de ce sujet : j’y serai très attentif.
En tout cas, le fait que certaines entreprises recourent à des stagiaires pour occuper des postes qui, dans d’autres, sont confiés à des salariés constitue une distorsion de concurrence. Pour instaurer la transparence, nous demandons l’inscription des conventions de stage au registre unique du personnel.
Les dispositions présentées relèvent non pas d'un texte relatif aux retraites, mais du droit du travail. Cet amendement constitue donc un cavalier. L'avis de la commission est défavorable.
L'amendement n'est pas adopté.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt-cinq, est reprise à vingt-et-une heures trente-cinq, sous la présidence de M. Didier Guillaume.