Intervention de Dominique Watrin

Réunion du 4 novembre 2013 à 15h00
Avenir et justice du système de retraites — Article 16

Photo de Dominique WatrinDominique Watrin :

Alors que de plus en plus de jeunes peinent à entrer sur le marché du travail et accumulent emplois précaires, études et périodes de chômage non indemnisé, cet article se limite à permettre aux jeunes, ou plutôt, devrais-je dire, aux jeunes dont les moyens financiers le leur permettront, le rachat dans des conditions strictement encadrées d’une partie de leurs années d’études.

Ainsi, si cet article devait être adopté, le rachat devrait être effectué dans un délai de dix ans suivant la fin des études, mais l’aide ne pourrait porter que sur quatre trimestres, au maximum.

Madame la ministre, vous mettez en avant le fait que le rachat se ferait à un tarif « préférentiel » plus favorable aux assurés les plus modestes, puisqu’il serait proportionnel aux revenus. Permettez-moi de dire que le fait d’inclure une forme de progressivité dans le tarif demandé ne constitue pas en soi une mesure de justice sociale. En effet, à l’inverse de notre système de protection sociale, où chacun cotise en fonction de ses ressources et perçoit en fonction de ses besoins, le mécanisme qui nous est proposé ici repose sur les seules facultés contributives des jeunes, c’est-à-dire leurs revenus.

Or les jeunes les plus modestes ont souvent dû, pour financer leurs études supérieures, souscrire des emprunts qui « plombent » considérablement leur pouvoir d’achat dans la durée. L’écart de pouvoir d’achat entre les plus modestes et les plus riches est, en réalité, bien supérieur à ce que l’on pourrait croire et, cela nous préoccupe, rares seront les jeunes qui pourront in fine bénéficier de cette mesure.

Dans une lettre qu’ils vous ont adressée en octobre dernier, l’Union nationale des étudiants de France, l’UNEF, et l’Union nationale lycéenne, l’UNL, rappelaient que le montant médian de l’épargne, à quarante-cinq ans, atteint difficilement 10 000 euros : pas de quoi financer en réalité le rachat des années d’études, voire d’en valider simplement une année ! Une étude d’impact semble avoir évalué à un niveau très bas le nombre potentiel de bénéficiaires de votre dispositif, madame la ministre, et cette situation n’est pas satisfaisante.

Par ailleurs, la mesure que vous proposez est beaucoup trop partielle, puisque ne pourraient être acquis au tarif préférentiel que quatre trimestres, soit bien peu par rapport à la durée réelle des études.

Cela étant dit, une question se pose de toute évidence, celle de la prise en compte des années d’études. Il s’agit d’une question majeure posée par les étudiants et par les jeunes eux-mêmes, indissociable selon nous de l’allongement de la durée de cotisation.

Depuis des années, le groupe CRC propose de créer, en faveur des jeunes et des étudiants, une « allocation d’autonomie jeunesse » leur permettant de gagner en autonomie. Dans le même temps, grâce à des mesures de financement ambitieuses, comme la taxation des revenus financiers, il serait possible de créer une véritable sécurisation des parcours professionnels, permettant d’acquérir les trimestres de cotisations de dix-huit ans jusqu’à soixante ans, que l’assuré concerné suive des études ou une formation, occupe un emploi ou en soit involontairement privé.

Ce projet de sécurité sociale professionnelle est au cœur de notre réflexion et de nos propositions. Nous ne disposerons évidemment pas du temps nécessaire pour développer ici notre argumentation.

Au nom de notre groupe, je tiens à déclarer que cet article 16 est trop éloigné de ces propositions et, surtout, des besoins et des attentes des jeunes et des étudiants. Nous ne validerons donc pas le principe du rachat des années d’études, auquel nous nous opposons depuis sa création, en 2003. En effet, ce système est en soi injuste et le restera, car il ne concerne qu’une minorité, ceux qui ont les moyens de racheter leurs années d’études. Il faut le rappeler, malgré le tarif préférentiel, ce dispositif ne restera accessible qu’à une minorité de jeunes.

Avec d’autres, car nous ne sommes pas isolés sur ce point, nous pensons qu’il est possible de valider ces années d’études, comme cela se fait pour le service militaire, le chômage ou la formation professionnelle.

Pour l’ensemble de ces raisons, nous voterons contre l’article 16.

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