Cet article 16 est absolument passionnant, car il démontre, madame le ministre, combien vous êtes passée à côté d’une réforme de fond de nos régimes de retraite et combien est nécessaire une réflexion d’ensemble, notamment sur ce que pourrait être un autre système de retraite ; c’est même un devoir absolu.
À propos de l’équilibre du régime de retraite par répartition, j’ai évoqué la démographie, sans doute un peu longuement, mais il faut aussi prendre en compte la population active.
L’allongement de la durée des études est une réalité. Dans votre rapport, madame Demontès, vous évoquez le report de l’entrée dans la vie active. On peut espérer que ce report soit lié à une qualification supérieure ; c’est statistiquement le cas et l’immense majorité des jeunes Français, garçons et filles, entrent plus tard sur le marché du travail avec – dans la plupart des cas, heureusement ! – un niveau de qualification supérieur.
La conséquence pratique de ce report, on la mesure : avec une entrée dans la vie active à vingt-trois ans et un âge de la retraite à soixante-deux ans, les conditions de durée de cotisation pour percevoir une retraite à taux plein ne seront pas réunies.
Un problème de fond se pose donc, je dirais même un problème de société. Vous avez fait adopter un amendement tendant à la remise d’un rapport sur la prise en compte de l’égalité sociale dans l’octroi d’avantages familiaux aux retraités – soit ! Nous pourrions imaginer que vous demandiez un rapport sur le sujet qui nous occupe. D’ailleurs, pourquoi demandez-vous des rapports d’article en article, sinon parce que vous n’avez pas mené de réflexion globale ? Vous ouvrez ainsi, on ne vous le reprochera pas, toute une série de pistes de réflexion.
En ce qui concerne le rachat des années d’études, nous avions présenté, lors de l’examen du texte par la commission, un amendement qui a été déclaré irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution – je le comprends. Cet amendement tendait à étaler sur vingt ans les possibilités de rachat.
En effet, contrairement au groupe communiste, nous ne sommes pas favorables à la validation des trimestres d’études supérieures.
Nous bénéficions, en France, d’un système généreux qui fait que, pour l’essentiel, les études supérieures, courtes ou longues, sont gratuites, même si l’on voit se développer des formes d’études supérieures privées payantes, sur des initiatives nombreuses et variées, et même si nous constatons que les enseignements supérieurs gratuits sont plus coûteux qu’ils ne l’ont jamais été. C’est une évolution dont nous prenons acte, même si nous restons sur ce point très en deçà des autres pays de l’OCDE.
Mais il y a tout de même un moment où il faut que chacun, en tant qu’individu, prenne sa part de responsabilité.
On ne peut pas demander à la collectivité, donc, pour l’essentiel, au contribuable, de prendre en charge les études supérieures et demander au même contribuable de payer tout ou partie de la validation des trimestres qui ne sont représentatifs ni d’une activité ni d’une production, mais qui sont des investissements pour l’avenir.
C’est la raison pour laquelle nous récusions l’idée de validation. En revanche, nous avions imaginé d’étaler des possibilités de rachat sur vingt ans. En effet, si les premières années de la vie sont, comme nous le souhaitons, des années de démarrage dans l’existence, consacrées à créer son foyer, à construire son couple, sa famille, des années où l’on supporte des charges plus nombreuses, on peut espérer que le bénéfice d’études supérieures permette, à partir d’un certain âge, de dégager une marge et de restituer à la collectivité ce que cette dernière vous a apporté, en rachetant des trimestres. C’est, d’ailleurs, une restitution très « gagnante » pour le cotisant, puisque le projet de loi que vous nous présentez, madame le ministre, permet non seulement le rachat, sur dix ans seulement, mais, de plus, subventionne ce rachat.
On aurait pu imaginer un compromis, qui aurait consisté à autoriser d’étaler le rachat sur vingt ans mais sans subventionner le rachat sur les dix dernières années, car il vient un moment où l’ancien étudiant diplômé, qui a accédé à des responsabilités, est en mesure de racheter ses années d’études sans avoir besoin du soutien de la collectivité. Ce rachat aurait été déductible des impôts.
Nous aurions pu trouver une formule, disons, de conciliation. Cette formule, nous n’avons pas pu la mettre sur pied, ne serait-ce que parce que la procédure que vous avez retenue, la procédure accélérée, ne permet pas d’approfondir des sujets qui, reconnaissons-le, doivent être travaillés en commission et travaillés en séance.
Madame le ministre, nous ne soutiendrons pas votre article 16, non pas parce que le problème ne se pose pas, mais parce que vous le réglez mal !