Intervention de Pierre-Yves Collombat

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 6 novembre 2013 : 1ère réunion
Réforme de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Pierre-Yves CollombatPierre-Yves Collombat, rapporteur :

Parallèlement, les procès débouchent sur des peines très lourdes, ce qui constitue une forte incitation au plaider-coupable. Dès lors, 95 % des procès pénaux suivent cette procédure, ce qui évite l'aléa des jurys populaires.

Ce système auquel emprunte la CRPC était donc apparu très différent, sinon contraire aux principes de notre procès pénal. Dès lors, la proposition de loi que j'ai l'honneur de rapporter a précisément pour objet de restreindre de manière très importante l'utilisation de la CRPC.

Cependant, grâce aux auditions, j'ai découvert que les praticiens du droit sont favorables à cette procédure, y compris certains de ceux qui étaient vent debout contre elle à ses débuts. Pourquoi ? La principale raison me semble d'ordre pratique : la CRPC a été cantonnée à un champ d'application bien circonscrit, celui de délits mineurs, simples à qualifier et où les faits désignent les auteurs, un contentieux de masse sans problème de culpabilité - l'exemple typique étant l'alcool au volant. Sur ce champ bien déterminé, les caractéristiques de la CRPC apparaissent conformes à notre conception du procès équitable.

J'en ai pris acte, et me suis alors trouvé face à un dilemme : ou bien j'acceptais la proposition de loi telle quelle, mais elle impose des conditions si drastiques - en particulier l'obligation pour le procureur d'être présent lors de l'homologation - que la CRPC disparaît de nos tribunaux. Faute d'un dispositif de substitution, c'est alors tout un pan de ce contentieux de masse qu'il faudrait reprendre en procédure classique. Ou bien je chercherais à améliorer ce texte et, à travers lui, la CRPC en entendant ce que m'en avaient dit les praticiens : c'est ce que j'ai choisi de faire, avec l'accord de M. Mézard.

Premier aménagement à la CRPC, je vous proposerai que le juge, lors de l'homologation de la procédure, puisse diminuer la peine d'un tiers : cette souplesse rétablira sa marge d'appréciation, donc renforcera l'intérêt qu'il pourra y trouver, sans altérer l'équilibre de la procédure puisque le juge ne pourra pas proposer d'augmenter la peine et puisque, s'il estime qu'elle est farfelue, il pourra toujours, comme aujourd'hui, refuser d'homologuer.

Second aménagement, pour garantir le consentement libre et éclairé du prévenu, je vous proposerai de supprimer toute trace de « pression » qui peut exister sur lui dans la procédure actuelle pour qu'il accepte la CRPC. Le prévenu reçoit aujourd'hui deux convocations en même temps : l'une pour rencontrer le procureur en vue d'une CRPC, l'autre pour passer devant le tribunal en audience correctionnelle ordinaire. Je vous proposerai en conséquence que la convocation devienne caduque si le prévenu n'accepte pas les termes de la CRPC ou si le juge refuse l'homologation mais pas si le prévenu ne s'est pas rendu à l'entretien avec le procureur de la République. Par ailleurs, je vous proposerai de supprimer la possibilité de mettre en oeuvre une CRPC à la suite d'un défèrement, cette procédure étant insatisfaisante du fait que les prévenus n'ont guère le temps d'y organiser leur défense - ce qui explique que bien des tribunaux y ont déjà renoncé.

Enfin, pour mieux prendre en compte la victime, je vous proposerai qu'elle puisse faire parvenir ses observations au procureur dans la première phase de la procédure, c'est-à-dire avant que celui-ci ne propose une peine au prévenu. Il me semble effectivement que la victime peut porter à la connaissance du procureur certains éléments d'appréciation, au-delà de ceux de l'enquête de police.

Voilà pour les principales modifications que je vous proposerai sur la CRPC. Je me suis éloigné du texte initial, tout comme de mon idée première de la CRPC : c'est l'un des charmes de la fonction de rapporteur !

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