Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale

Réunion du 6 novembre 2013 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Le 23 octobre dernier, nous avons tenu, à la demande de Pierre-Yves Collombat, une réunion sur l'application de l'article 40 avec le président de la commission des finances, Philippe Marini, et le rapporteur général du budget, François Marc, à laquelle ont assisté nos collègues Esther Benbassa, Pierre-Yves Collombat, Christian Favier, Patrice Gélard, Virginie Klès et René Vandierendonck.

Nous sommes convenus que nous adresserions un courrier au président du Conseil constitutionnel afin qu'il précise la position de son institution sur deux questions :

- est-il légitime d'opposer l'article 40 à un amendement qui tend à procéder à un transfert de charges entre deux collectivités, alors qu'il n'y a pas de création de charges nouvelles, mais juste une nouvelle répartition de celles-ci ?

- comment concilier le respect de l'article 40 avec d'autres exigences constitutionnelles ? Lors de l'examen de la loi pénitentiaire, un amendement qui prévoyait le défraiement d'un interprète pour les détenus étrangers s'était vu opposer l'article 40 alors qu'il était nécessaire pour satisfaire l'exigence du respect des droits de la défense.

Je tiens à cet égard à votre disposition un dossier complet d'exemples précis sur des amendements pour lesquels une difficulté d'application de l'article 40 a été signalée.

Lors de la même réunion, nous nous sommes entendus avec la commission des finances sur deux procédures rappelées dans la note qui vous a été remise.

Chaque sénateur devrait avoir la possibilité de consulter les services de cette commission préalablement au dépôt d'un amendement si sa recevabilité financière ne lui semble pas assurée.

Par ailleurs, tout sénateur devrait pouvoir faire valoir ses arguments auprès du président de la commission des finances s'il le souhaite, pour peu que les délais le permettent, sur les amendements frappés d'irrecevabilité ou susceptibles de l'être.

L'application de ces principes au sein de notre commission pourrait nous amener à distinguer deux cas.

Au stade de l'établissement du texte de la commission, il me serait possible de solliciter l'avis du président de la commission des finances, à la demande expresse d'un d'entre vous, s'il y avait un doute sur la recevabilité d'un amendement afin d'éviter que l'irrecevabilité soit ultérieurement soulevée en séance publique. Une telle consultation serait facultative et l'avis rendu serait seulement indicatif.

Pour les amendements extérieurs frappés d'irrecevabilité ou susceptibles de l'être par le président de la commission des finances, l'auteur pourrait obtenir, lorsque les délais le permettent, que les raisons lui en soient expliquées et que soit examinée la possibilité d'une rédaction compatible avec l'article 40.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Monsieur le président, je vous donne acte de la fidélité de votre compte rendu. Mais le problème demeure car les conclusions que nous avons tirées ne règlent pas grand-chose...

Mes interrogations sur l'application de l'article 40 n'ont rien d'un combat personnel, il s'agit d'un problème de fond. À l'origine, cet article n'était censé que régler les rapports entre le Parlement et le Gouvernement. Il s'impose aujourd'hui à la répartition des compétences entre les collectivités. Conçu pour éviter les déficits, il est devenu le moteur de la chasse aux charges : ce glissement de finalité constitue un abus de pouvoir contre le Parlement.

J'ajoute que les procédures proposées ne vont pas plus loin qu'un droit de demander une autorisation au président de la commission des finances...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Non, le droit d'amendement des parlementaires reste entier sous la contrainte de l'article 40.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

La condition « si les délais le permettent » annule toutes les avancées : notre rythme de travail nous permettra rarement de nous entretenir préalablement avec la commission des finances.

J'ai une question : l'avis du président de cette commission sera-t-il seulement consultatif ? Qui décidera ? Il est important que ce soit le président de la commission compétente au fond car ainsi nous pourrons en débattre ensemble.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Ce qui est compliqué concernant l'article 40, c'est la question des collectivités locales. La plupart des amendements pour lesquels l'application de l'article 40 est contestée concernent les finances des collectivités locales.

Il faut reconnaître que les interprétations sont assez stables dans le temps et qu'il existe des manières de présenter des amendements afin de contourner l'irrecevabilité.

Depuis que la commission élabore un texte qui est ensuite débattu en séance, la question s'est posée d'une manière un peu nouvelle. Je vous renvoie au Règlement du Sénat : une commission peut saisir le président de la commission des finances, mais ce n'est pas une obligation, c'est un pouvoir propre du président de la commission qui n'a d'aillleurs pas à solliciter l'avis préalable de l'auteur de l'amendement. Il m'est arrivé, lorsque j'étais président de la commission des lois, de dire qu'un amendement était contraire à l'article 40 de la Constitution après avoir consulté mon homologue des finances, afin d'éviter que le texte de la commission ne comporte des dispositions contraires à l'article 40. Il s'agissait de cas évidents, il n'y a donc pas eu de contestation.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Lipietz

Si un amendement est frappé de l'article 40, un groupe peut-il contester devant le Conseil constitutionnel lors d'un recours contre le texte adopté le fait qu'un amendement n'ait pas été examiné ? Qui juge de la pertinence de l'interprétation du président de la commission des finances ?

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

La note me laisse un peu sur ma faim. Je pensais que cette rencontre était organisée en raison d'une divergence entre notre commission et la commission des finances sur l'interprétation de l'article 40 de la Constitution. Cela ne ressort pas dans la note, qui a cependant le mérite de clarifier les bonnes pratiques. Le problème de fond de l'interprétation n'est pas abordé. Je souhaiterais disposer du dossier qui recense les cas litigieux pour me forger une opinion. Nous pourrions alors en reparler, si nous constatons des situations dans lesquelles il existe vraiment des divergences d'appréciation entre nos deux commissions.

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

Je suis d'accord avec Mme Tasca. Sur cette base, je m'interroge sur la deuxième partie du premier point de la note. J'ai le souvenir qu'un de mes amendements n'a même pas été intégré dans la liasse de la commission après avoir été déclaré contraire à l'article 40. Est-ce donc une nouveauté ce qui est proposé ?

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Monsieur le Président, je souhaiterais que vous posiez en Conférence des Présidents la question d'une réflexion et d'une éventuelle modification de la rédaction du Règlement du Sénat. Il en va de notre droit d'amendement !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Pour répondre à Madame Lipietz, je vous indique que tout auteur d'un recours devant le Conseil Constitutionnel est libre d'invoquer les arguments qu'il souhaite, donc celui que vous avez évoqué.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Un parlementaire ne peut pas faire un recours à titre personnel !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Je faisais référence au recours qui est ouvert à soixante parlementaires. S'ils souhaitent exposer dans leur saisine que l'article 40 a été invoqué à tort, ils le peuvent.

Concernant les observations de Madame Tasca, je vous précise que le document préparé par les services de la commission va vous être distribué pendant la séance, ce matin.

Enfin, pour faire suite à la proposition de Monsieur Collombat, je serais plus assuré pour intervenir en Conférence des Présidents si une proposition de résolution tendant à modifier le Règlement était rédigée par certains d'entre vous. La commission des lois pourrait même l'inscrire à son ordre du jour, puis proposer son inscription à l'ordre du jour du Sénat. Il faudrait pour cela parvenir à un accord sur la rédaction.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Vous aurez alors une décision du Conseil constitutionnel !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Il a également été acté que, pour les amendements présentés en commission comme en séance, chacun peut avoir une expertise préalable de la commission des finances sur la recevabilité de l'amendement dont il est l'auteur.

Concernant les amendements présentés au stade de la commission, le président de la commission saisie au fond peut déclarer l'irrecevabilité au titre de l'article 40, sans débat. Je précise que j'utilise cette faculté avec beaucoup de parcimonie. Cette position du président de la commission ne préjuge en rien de la décision de la commission des finances.

Dès lors qu'un amendement de séance est jugé irrecevable ou susceptible de l'être, son auteur pourrait exposer ses arguments auprès du président de la commission des finances, afin d'obtenir des explications de la part de celle-ci. Cette possibilité est difficile à réaliser quand le délai-limite de dépôt des amendements est fixé très peu de temps avant la réunion d'examen, mais ce cas est relativement rare.

En conclusion, nous avons donc cette note qui engage la commission des finances sur un certain nombre de points, et un courrier adressé au Conseil constitutionnel pour deux cas d'interprétation. Il est enfin possible de faire une proposition de résolution afin de modifier les conditions d'application de l'article 40 dans le Règlement du Sénat. Le cas échéant, je m'engage à l'inscrire dès que possible à l'ordre du jour de la commission.

La commission examine le rapport et le texte qu'elle propose pour la proposition de loi n° 355 (2011-2012), présentée par M. Jean-Pierre Leleux et plusieurs de ses collègues, visant à introduire une formation pratique aux gestes de premiers secours dans la préparation du permis de conduire.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Mes chers collègues, je serai un peu longue pour présenter mon rapport, car j'ai souhaité reprendre tous les griefs qui avaient été exposés contre une proposition de loi semblable, précédemment déposée devant l'Assemblée nationale.

La baisse continue du nombre de blessés et de tués dans les accidents de la circulation résulte de plusieurs initiatives prises depuis les années 1970. Une mesure n'a pourtant jamais été prise, même si le comité interministériel de la sécurité routière l'a recommandé dès 1974 : l'apprentissage des gestes de premiers secours par les conducteurs. Les automobilistes, témoins d'un accident de la circulation, ont en effet un rôle essentiel car les premières minutes sont vitales.

En l'état actuel du droit, la connaissance des gestes de premiers secours n'est ni enseignée ni sanctionnée lors de l'examen du permis de conduire, même professionnel. Face à ce constat, la présente proposition de loi vise à instaurer une troisième épreuve au permis de conduire, sanctionnant une formation aux « notions élémentaires de premiers secours » définie par le texte comme étant l'apprentissage de cinq gestes fondamentaux.

Cette proposition de loi se justifie pleinement mais les modalités pratiques posent des difficultés : je vais vous proposer de modifier le dispositif proposé, tout en en conservant l'esprit.

Cette proposition de loi se justifie, d'une part, en raison du rôle essentiel des automobilistes ; d'autre part, parce qu'aujourd'hui, le niveau de formation aux gestes de premiers secours est encore insuffisant.

Lors d'un accident de la route, la survie des blessés les plus gravement atteints est liée à leur prise en charge précoce par les services de secours. L'Organisation mondiale de la santé remarque ainsi que « même les systèmes de secours les plus sophistiqués et les mieux équipés ne peuvent pas grand-chose si les témoins sont incapables d'analyser le degré de gravité de la situation, n'appellent pas à l'aide et ne pratiquent pas les soins de base avant que les services de secours n'arrivent sur place ».

Plus de 50 % des victimes de la route succombent en effet dans les premières minutes suivant l'accident. Les services de secours interviennent en France en moyenne en moins de dix minutes pour les accidents de la circulation ; en milieu rural, les délais d'intervention sont souvent plus longs. La rapidité de la prise en charge des victimes dépend donc beaucoup de la réaction des témoins.

Le lien entre témoins de l'accident et services de secours est donc essentiel. Or, l'état de panique que peut engendrer la survenance d'un accident conduit certains témoins à oublier les gestes essentiels consistant à alerter les secours ou à protéger le lieu de l'accident. Cette carence a des effets directs sur la survie des blessés ; elle crée aussi un sentiment d'impuissance et de frustration chez les témoins.

En France, le niveau de formation aux premiers secours est faible ; il n'y a par ailleurs aucune exigence d'une attestation de premiers secours préalablement au passage du permis de conduire. Il existe bien une attestation de sécurité routière à présenter avant le passage du permis de conduire ; mais elle pose plus de difficultés qu'elle n'en résout : les connaissances dispensées sont souvent lointaines, car elles remontent au collège, et la présentation de cette attestation entraîne parfois des situations difficiles pour les candidats qui ne la retrouvent pas.

Il n'existe qu'un dispositif général obligatoire de formation aux gestes de premiers secours : celui qui est organisé au bénéfice des élèves du premier et du second degré par la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique et la loi du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile. Ces dispositions imposent de former les élèves à l'attestation de prévention et Secours civique de niveau 1 (PSC1). Cependant, seuls 20% des élèves de troisième sont formés chaque année. C'est insuffisant.

Lors de la Journée défense et citoyenneté, la question des gestes de premiers secours est abordée mais la durée consacrée, environ une heure, est également insuffisante.

Dans le cadre du permis de conduire, aucune connaissance des gestes de secourisme n'est exigée, même pour les permis de conduire professionnels. Il existe bien un référentiel, à destination des enseignants à la conduite : ce « cahier des charges » impose aux enseignants d'apprendre aux candidats un certain nombre de comportements et de réflexes à avoir en cas d'accident de la circulation. Mais aucune question n'est posée à l'examen théorique ou pratique.

Pour les permis de conduire poids lourds et de transport de personnes, des connaissances théoriques sont dispensées en matière de conduite à tenir en cas d'accident, pendant la formation initiale et professionnelle, mais toujours sans sanction.

Dans certains cas cependant, des obligations en matière de formation aux premiers secours sont parfois imposées : pour les conducteurs de taxi par exemple, un arrêté du 3 mars 2009 impose de fournir, lors de l'inscription à l'examen du certificat de capacité professionnelle de conducteur de taxi, l'attestation d'obtention de l'unité d'enseignement « prévention et secours civiques de niveau 1 », qui doit avoir été délivrée au moins depuis deux années.

Face à ce constat, de nombreuses initiatives parlementaires ont tenté de conforter l'état du droit existant.

La loi du 12 juin 2003 renforçant la lutte contre la violence routière a ainsi créé une obligation de sensibilisation des candidats aux permis de conduire à la formation aux premiers secours. Toutefois, en l'absence de décret d'application, cette obligation est restée lettre morte.

Plusieurs propositions de loi ont été déposées afin d'imposer une formation pratique aux gestes de premiers secours lors du passage du permis de conduire. Certaines, comme celle que notre collègue, le président Jean-Pierre Sueur a déposée le 2 août 2007, ont eu pour objet d'intégrer une formation obligatoire aux premiers secours dans l'examen du permis de conduire de transport de personnes. D'autres propositions de loi ont eu pour objet d'instaurer cette obligation de formation pratique dans les épreuves du permis de conduire B.

La dernière en date a été déposée à l'Assemblée nationale par M. Bernard Gérard et plusieurs de ses collègues, le 23 août 2012. Elle a toutefois été rejetée le 11 octobre 2012.

J'observe pourtant que dans de nombreux pays européens, une formation en matière de secourisme est un préalable obligatoire à l'obtention du permis de conduire. Cependant, ces formations ne sont jamais sanctionnées par un contrôle de connaissance intervenant à l'occasion du passage du permis de conduire. Il est simplement imposé aux candidats au permis de conduire de suivre une formation aux premiers secours, d'une durée variable. En Allemagne ou en Autriche par exemple, cette durée de formation est de six ou sept heures.

La proposition de loi qui vous est soumise est composée d'un article unique. Elle ne vise pas à créer une formation pratique aux gestes de premiers secours dans le cadre de la préparation au permis de conduire, mais une troisième épreuve au permis de conduire, sanctionnant la connaissance des gestes de premiers secours, qui s'ajoutera à l'épreuve pratique et à l'épreuve théorique actuelles.

Le contenu de cette épreuve est précisé : il s'agit de sanctionner la connaissance de cinq gestes, soit, alerter les secours, baliser les lieux de l'accident, ventiler la victime, c'est-à-dire procéder à la respiration artificielle, comprimer, c'est-à-dire appuyer sur une plaie ouverte afin de stopper une hémorragie et enfin, sauvegarder la vie des blessés.

En l'état, cette proposition de loi pose plusieurs difficultés pratiques. En premier lieu, la création de ce dispositif entraîne nécessairement un surcoût, même faible, qui pèsera in fine sur les candidats au permis de conduire. Il semble, en effet, difficile d'imposer une charge aux enseignants d'auto-écoles sans que ceux-ci ne répercutent ce coût sur la formation dispensée. Si les candidats se forment auprès d'associations agréées, la formation leur sera également facturée. Or, le coût de la formation au permis de conduire est évalué en France à près de 1500 euros, ce qui reste très élevé.

En second lieu, si la formation ne s'effectue pas au sein de l'auto-école, mais par le biais d'une association de secourisme, un nombre important de moniteurs de secourisme sera nécessaire pour former les candidats aux permis de conduire. Or, au regard des 900 000 candidats annuels au permis de conduire, imposer une formation supplémentaire entraînerait un allongement très important des délais pour pouvoir passer le permis de conduire, et saturerait les associations et les structures capables de délivrer cette formation. La tendance actuelle est déjà celle d'un allongement des délais pour passer le permis de conduire : de 86 jours d'attente en moyenne en 2012, le délai est d'environ 90 à 95 jours pour l'année 2013. Or le permis conditionne souvent l'accès à un emploi.

Enfin, le contenu de la formation aux premiers secours proposée pose en lui-même des difficultés. Les « cinq gestes qui sauvent » ont pu faire consensus au moment du lancement de ce programme dans les années 1970 mais ce n'est plus le cas aujourd'hui : ventiler, c'est à dire pratiquer la respiration artificielle sur les blessés, est contesté lorsque l'arrêt cardiaque est consécutif à un accident de la route. Les personnes entendues, pompiers, SAMU, etc. par votre rapporteur ont été unanimes sur ce sujet.

J'observe enfin que les pays qui ont instauré une obligation de formation aux premiers secours n'imposent pas un examen spécifique.

Votre rapporteur estime donc que les connaissances acquises ne peuvent pas être sanctionnées par le passage d'une épreuve, au même titre que l'épreuve théorique ou pratique. Plus simplement, il pourrait être imposé aux auto-écoles d'apprendre aux candidats des comportements simples, à observer en cas d'accident de la circulation. Nombre de conducteurs méconnaissent des règles a priori élémentaires : seules 55 % des personnes interrogées lors d'une enquête de la Croix Rouge, menée en 2013, indiquent que leur premier geste serait d'avertir les secours. En ce qui concerne la protection des lieux de l'accident, 50 % des personnes interrogées ne savent pas correctement placer un triangle de signalisation.

Ces gestes apparemment anodins que sont l'alerte, la protection des blessés et du lieu d'accident sont pourtant bien des gestes de premiers secours à part entière. Apprendre aux candidats les règles essentielles en ce qui concerne l'alerte, la protection des véhicules pour éviter le sur-accident, et, le cas échéant, leur expliquer les gestes très simples pouvant être effectués et ceux ne devant pas l'être (déplacer sans précaution un blessé, etc.) permettrait d'augmenter fortement les chances de survie des blessés. De telles mesures n'impliqueraient pas l'apprentissage de gestes très techniques et n'imposeraient ni formation théorique lourde, ni examen spécifique.

Dès lors, je vous propose de reformuler l'article unique de cette proposition de loi afin de créer non une épreuve, mais une obligation de vérification par les examinateurs que les candidats au permis de conduire maîtrisent des gestes très simples que sont alerter les secours, baliser et sécuriser la zone et le cas échéant, procéder aux gestes de secours les plus simples, dans le cadre des épreuves actuelles du permis de conduire.

Une telle solution présente l'avantage de ne pas entraîner de surcoût pour les élèves comme pour les enseignants à la conduite. La formation à ces notions s'effectuerait dans le cadre des cours théoriques, et serait sanctionnée à l'examen par un nombre défini de questions, portant spécifiquement sur les gestes à effectuer. La direction générale de la sécurité routière est en train de mettre à jour une modification des diapositives : on pourrait donc très bien introduire des questions portant sur les gestes de secours. De même, lors de l'examen pratique, une mise en situation pourrait être incluse, sans entraîner une modification profonde du déroulement de l'examen.

Les moniteurs d'auto-écoles pourraient se former à ces questions dans le cadre de la formation professionnelle continue. Le caractère relativement simple des notions devant être expliquées aux candidats ne devrait pas nécessiter une formation très complexe ou trop onéreuse. Lors du renouvellement de l'agrément préfectoral permettant l'exploitation d'un établissement d'enseignement de la conduite de véhicules à moteur, qui a lieu tous les cinq ans, il pourrait être ainsi exigé qu'un des enseignants à la conduite de l'auto-école ait suivi une formation lui permettant de dispenser ces informations spécifiques.

Enfin, je voudrais répondre dès à présent à l'objection essentielle qui ne manquera pas d'être formulée, selon laquelle cette proposition de loi est de la compétence du pouvoir réglementaire. Ce motif a conduit au rejet de la proposition de loi présentée par notre collègue Bernard Gérard à l'Assemblée nationale.

La définition des épreuves du permis de conduire est en effet du domaine du pouvoir réglementaire : c'est même un arrêté qui fixe le contenu des épreuves.

Toutefois, le Conseil constitutionnel admet depuis sa décision du 30 juillet 1982 « Blocage des prix et des revenus » que la loi peut empiéter sur le domaine du règlement, sans être inconstitutionnelle. Cette situation est toutefois considérée comme étant une malfaçon. Mais il arrive pourtant que le législateur le fasse en toute connaissance de cause, en raison du caractère très politique ou très symbolique de la disposition.

Ainsi, par exemple, la durée d'assurance requise pour pouvoir bénéficier d'une pension à taux plein est en principe de la compétence du règlement. Elle a été fixée par un décret du 27 août 1993 relatif aux pensions de retraite à taux plein, mais dans le cadre du projet de loi garantissant l'avenir et la justice du système de retraites, que le Sénat a examiné ces derniers jours, le Gouvernement a fait le choix de définir cette durée à l'article 2 de la loi. Ce choix se justifie par la portée de cette disposition et par la nécessité d'un débat sur la question.

Sans présenter une telle portée, le principe général de formation aux notions élémentaires de premiers secours à l'occasion du permis de conduire pourrait être intégré dans la partie législative du code de la route, compétence étant laissée au pouvoir réglementaire pour définir le contenu de cette obligation.

Dans d'autres domaines, ayant trait eux-aussi à la sécurité des personnes, la loi est intervenue pour faire respecter une obligation essentielle de sécurité : l'obligation d'équiper les logements d'un détecteur de fumées, les obligations en matière de sécurisation des piscines privées par exemple.

Il y a donc plusieurs précédents, et la présente proposition de loi s'inscrit dans la même logique : imposer une obligation dans la loi, afin de sauver des vies.

J'estime donc qu'il est nécessaire de simplifier le cadre proposé, mais je pense qu'il est indispensable de le maintenir dans la loi, au regard aussi de la carence manifeste du pouvoir réglementaire sur cette question.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

J'ai la plus grande sympathie à l'égard des auteurs de cette proposition de loi. Mais je pense que le véhicule retenu est inapproprié pour plusieurs raisons.

Tout d'abord, les dispositions de cette proposition de loi relèvent du domaine réglementaire et non de celui de la loi. Je suis très attaché au respect des articles 34 et 37 de la Constitution.

Ensuite, d'autres moyens auraient pu être utilisés pour débattre de cette question : par exemple, les questions orales avec débat ou les questions cribles thématiques auraient permis d'interroger le Gouvernement.

Enfin, il me semble qu'il ne revient pas aux auto-écoles de poursuivre cette mission. C'est aux écoles en général de sensibiliser, dès le plus jeune âge, les enfants aux premiers secours. En outre, je me méfie des actes inconsidérés que peuvent prodiguer certaines personnes qui auraient reçu des simulacres de formation.

Je crains que cette proposition de loi soit uniquement motivée par le lobby des auto-écoles.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

Certains directeurs d'auto-écoles m'ont confié qu'une telle proposition de loi leur permettrait d'augmenter leur charge obligatoire d'enseignement et, par conséquent, le coût demandé aux familles.

Je ne voterai pas contre cette proposition de loi, car on ne peut pas s'opposer à toute volonté d'améliorer la formation aux premiers secours, mais je m'abstiendrai.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

Ce texte est bien intentionné, mais s'il ne fait que reprendre des dispositions trop peu appliquées, pourquoi serait-il, lui, davantage mis en oeuvre que les règles actuelles ? Ensuite, je crois que l'apprentissage du secourisme pourrait parfaitement s'inscrire dans le temps périscolaire : son organisation n'est pas du domaine législatif, mais on peut toujours encourager à aller dans ce sens...

Debut de section - PermalienPhoto de René Vandierendonck

J'ai bien connu des militants bénévoles qui ont été à la base de ce mouvement pour l'éducation à la protection civile et à la sécurité routière. Les parlementaires du Nord ont du reste toujours soutenu les propositions de loi qui voulaient aller plus loin - et qui ont toutes échoué, pour les raisons que le ministère de l'intérieur ne manquera pas de nous opposer aujourd'hui. On nous dira que le référentiel d'évaluation des auto-écoles sera modifié, que les vidéos d'enseignement seront complétées, qu'on montrera ici ou là quelques gestes de secourisme... en un mot, rien qui soit à la hauteur de l'enjeu ! Je ne crois pas que l'argument juridique du domaine de la loi suffise, nous avons besoin d'avancer : il faut former les collégiens au secourisme, avec une sanction éventuelle lors du brevet des collèges, et prévoir un examen des connaissances lors du permis de conduire ; je voterai cette proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Vial

Je crois cependant que si la matière est réglementaire et que des mesures existent mais qu'elles ne sont pas appliquées, il faut commencer par les appliquer : nous nous plaignons suffisamment de trop légiférer déjà, gardons-nous de vouloir le faire en plus dans le domaine du règlement ! J'ai eu l'occasion d'assister à des stages de secourisme : j'y ai entendu des jeunes gens dire que ces stages ont changé leur perception de la conduite, ce n'est pas le moindre des résultats. L'enjeu est essentiel, mais ce qu'il faut commencer par faire, c'est mieux utiliser les outils dont nous disposons.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Je pense précisément l'inverse. Je connais le sujet depuis longtemps. Nous n'aurions pas à en débattre aujourd'hui si l'administration avait pris, conformément à la loi du 12 juin 2003, le décret en Conseil d'Etat pour une formation aux premiers secours dans le cadre du permis de conduire. Mais nous nous heurtons, depuis dix ans, à la mauvaise volonté de la bureaucratie, qui a pourtant compétence liée en la matière : son inaction est un déni de la volonté du législateur !

On nous oppose que le créneau serait mal choisi : faudrait-il faire une énième commission sur le sujet - pour l'enterrer, comme le disait déjà Georges Clemenceau ? La formation aux premiers secours pourrait sauver 250 vies par an : les Français le comprennent bien, qui soutiennent à 98 % le principe d'une telle formation au passage du permis de conduire - et ils accepteront le surcoût de 25 euros, dérisoire face à la vie humaine et bien moindre, soit dit en passant, que le coût des stages pour récupérer des points sur son permis...

Le respect du domaine réglementaire empêcherait le législateur de vouloir sauver des vies humaines ? Je ne le crois pas, car le législateur a précisément pour fonction de s'occuper de l'essentiel : nous y sommes assurément, qu'y a-t-il de plus essentiel que la vie humaine ?

La formation aux premiers secours et à la sécurité civile incomberait à l'école ? Les instructions ont été prises de longue date, mais l'Éducation nationale ne fait rien ou presque, faute d'enseignants pour s'en charger. A ce compte, on risque d'attendre bien longtemps pour que la situation change...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Peut-être le texte va-t-il trop loin, en prévoyant que la formation comporte la « ventilation », le cas échéant, des personnes accidentées - mais il faut alors en débattre et, en tout état de cause, le Parlement doit se prononcer : nous ferons oeuvre utile au service de la sécurité de nos concitoyens.

Debut de section - PermalienPhoto de Félix Desplan

Ce texte relève du bon sens, mais il faut prendre les plus grandes précautions en matière de premiers secours, car les accidents ne se ressemblent pas et dans certains cas, il ne faut surtout pas manipuler les blessés. C'est pourquoi je crois nécessaire de limiter strictement le champ d'intervention de la formation aux premiers secours : alerter, baliser, ventiler, pourquoi pas, mais l'expression « sauvegarder la vie du blessé » ne va pas sans poser de problème. Ce texte devra donc être précisé.

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

Jean-René Lecerf et René Vandierendonck l'ont dit, la formation à la sécurité civile dépasse largement la question du permis de conduire. Les lycées sont censés former les jeunes, ils ne le font pas ; des initiatives existent, elles sont toutes intéressantes - je pense par exemple à ce que fait le SDIS de mon département. Je crois que nous devons développer la culture de la sécurité civile dans tous les domaines : nous économiserons des vies humaines, mais également des ressources financières - dans bien des cas, l'intervention des pompiers, qui a un coût, pourrait être évitée si nos concitoyens étaient mieux formés à quelques gestes simples de premier secours.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Je voterai ce texte tel qu'amendé par notre rapporteur. Je connais le sujet pour avoir déposé moi aussi une proposition de loi il y a quelques années, après un drame qui était survenu dans mon département : un jeune cycliste renversé par un bus était mort après que le chauffeur du bus avait déplacé son véhicule pour dégager l'accidenté - et la justice délibère encore aujourd'hui pour savoir la cause précise du décès. On s'est aperçu après-coup que le chauffeur n'avait reçu aucune formation aux premiers secours, ce qui heurte le bon sens. On avait opposé à ma proposition de loi son caractère réglementaire. J'ai posé par la suite plusieurs questions écrites et orales - où l'on m'a fait cette réponse absurde que la formation des chauffeurs, qui relève de l'échelon européen, comptait déjà seize modules indispensables et qu'on ne pourrait en ajouter un sur le secourisme sans en enlever un autre... comme si les premiers secours n'étaient pas une priorité en cas d'accident ! Je mesure donc bien le décalage qu'il y a entre les drames, l'urgence devant l'absurde qui coûte des vies humaines, et la lourdeur, la réticence de l'administration à changer certaines règles. C'est bien pourquoi nous devons débattre en séance publique sur ce texte : il est nécessaire et urgent d'avancer!

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Des questions orales ne suffiront effectivement pas, puisque l'obligation posée par la loi du 12 juin 2003 est restée sans suite...

La partie législative du code de la route ne concerne que les sanctions, notre dispositif ne le déséquilibrera donc pas. Cette disposition présente en outre l'avantage d'inclure l'obligation de formation pour tous les professionnels de la route, puisqu'ils doivent passer au préalable le permis B.

Les établissements scolaires doivent effectivement, depuis 2004, dispenser une formation aux premiers secours mais ils ne le font pas suffisamment, faute de formateurs pour les enseignants et faute de disponibilité des enseignants : 20% seulement des collégiens recevraient une formation. Le temps périscolaire est-il propice à une telle formation ? N'oublions pas qu'il concerne essentiellement l'école primaire : c'est un peu loin du permis de conduire - à Paris par exemple, on le passe à 28 ans en moyenne...

Il est certain que les gestes mal effectués peuvent parfois handicaper davantage : c'est pourquoi, plutôt que de parler des « cinq gestes qui sauvent », je crois préférable de se focaliser sur l'alerte - nature de l'accident, qui prévenir ? - et sur la sécurisation de la victime. En tout état de cause, notre objectif est bien de sauver des vies humaines.

L'amendement unique est adopté.

L'ensemble de la proposition de loi est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

La commission examine enfin le rapport et le texte qu'elle propose pour la proposition de loi n° 13 (2013-2014), présentée par M. Jacques Mézard et plusieurs de ses collègues, portant réforme de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Nous examinons le rapport de M. Pierre-Yves Collombat sur la proposition de loi présentée par M. Jacques Mézard et plusieurs de ses collègues, portant réforme de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC).

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

La comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC), créée en 2004, a été révisée à plusieurs reprises. Je dois avouer qu'à l'occasion de ce texte, j'ai eu quelques états d'âme, tant les griefs que je tenais souvent des principes, de la théorie, ont été mis à mal par ce que m'en ont dit les praticiens, qui se sont avérés bien plus attachés à cette procédure - même lorsqu'ils l'avaient critiquée en 2004 - que je ne me l'étais figuré.

La CRPC a donc été fortement critiquée par des magistrats, des avocats et des parlementaires - dont j'étais - parce qu'elle heurtait frontalement notre conception du procès équitable. De fait, elle apparaissait d'emblée comme une importation de la common law anglo-saxonne : la négociation sur la culpabilité et sur la peine s'opposait au primat que nous accordons à la présomption d'innocence et à la sanction comme fonction régalienne. Aux États-Unis, le juge, même au pénal, est une sorte d'arbitre tout au long du procès, lequel donne lieu à un marchandage y compris de la part du ministère public ; la fonction du juge, c'est d'abord de constater l'accord ou le désaccord entre les parties et le ministère public - qui doivent s'entendre sur la peine, laquelle est calculée selon une classification des plus strictes...

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Parallèlement, les procès débouchent sur des peines très lourdes, ce qui constitue une forte incitation au plaider-coupable. Dès lors, 95 % des procès pénaux suivent cette procédure, ce qui évite l'aléa des jurys populaires.

Ce système auquel emprunte la CRPC était donc apparu très différent, sinon contraire aux principes de notre procès pénal. Dès lors, la proposition de loi que j'ai l'honneur de rapporter a précisément pour objet de restreindre de manière très importante l'utilisation de la CRPC.

Cependant, grâce aux auditions, j'ai découvert que les praticiens du droit sont favorables à cette procédure, y compris certains de ceux qui étaient vent debout contre elle à ses débuts. Pourquoi ? La principale raison me semble d'ordre pratique : la CRPC a été cantonnée à un champ d'application bien circonscrit, celui de délits mineurs, simples à qualifier et où les faits désignent les auteurs, un contentieux de masse sans problème de culpabilité - l'exemple typique étant l'alcool au volant. Sur ce champ bien déterminé, les caractéristiques de la CRPC apparaissent conformes à notre conception du procès équitable.

J'en ai pris acte, et me suis alors trouvé face à un dilemme : ou bien j'acceptais la proposition de loi telle quelle, mais elle impose des conditions si drastiques - en particulier l'obligation pour le procureur d'être présent lors de l'homologation - que la CRPC disparaît de nos tribunaux. Faute d'un dispositif de substitution, c'est alors tout un pan de ce contentieux de masse qu'il faudrait reprendre en procédure classique. Ou bien je chercherais à améliorer ce texte et, à travers lui, la CRPC en entendant ce que m'en avaient dit les praticiens : c'est ce que j'ai choisi de faire, avec l'accord de M. Mézard.

Premier aménagement à la CRPC, je vous proposerai que le juge, lors de l'homologation de la procédure, puisse diminuer la peine d'un tiers : cette souplesse rétablira sa marge d'appréciation, donc renforcera l'intérêt qu'il pourra y trouver, sans altérer l'équilibre de la procédure puisque le juge ne pourra pas proposer d'augmenter la peine et puisque, s'il estime qu'elle est farfelue, il pourra toujours, comme aujourd'hui, refuser d'homologuer.

Second aménagement, pour garantir le consentement libre et éclairé du prévenu, je vous proposerai de supprimer toute trace de « pression » qui peut exister sur lui dans la procédure actuelle pour qu'il accepte la CRPC. Le prévenu reçoit aujourd'hui deux convocations en même temps : l'une pour rencontrer le procureur en vue d'une CRPC, l'autre pour passer devant le tribunal en audience correctionnelle ordinaire. Je vous proposerai en conséquence que la convocation devienne caduque si le prévenu n'accepte pas les termes de la CRPC ou si le juge refuse l'homologation mais pas si le prévenu ne s'est pas rendu à l'entretien avec le procureur de la République. Par ailleurs, je vous proposerai de supprimer la possibilité de mettre en oeuvre une CRPC à la suite d'un défèrement, cette procédure étant insatisfaisante du fait que les prévenus n'ont guère le temps d'y organiser leur défense - ce qui explique que bien des tribunaux y ont déjà renoncé.

Enfin, pour mieux prendre en compte la victime, je vous proposerai qu'elle puisse faire parvenir ses observations au procureur dans la première phase de la procédure, c'est-à-dire avant que celui-ci ne propose une peine au prévenu. Il me semble effectivement que la victime peut porter à la connaissance du procureur certains éléments d'appréciation, au-delà de ceux de l'enquête de police.

Voilà pour les principales modifications que je vous proposerai sur la CRPC. Je me suis éloigné du texte initial, tout comme de mon idée première de la CRPC : c'est l'un des charmes de la fonction de rapporteur !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Merci d'avoir fait ainsi preuve de ductilité et de souplesse - nous ne doutions pas que vous en possédiez !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Ce texte m'a d'abord rajeuni, car j'y ai trouvé les mêmes arguments que ceux utilisés en 2004 contre la CRPC... c'est-à-dire avant même que le Conseil constitutionnel ne valide cette nouvelle procédure, qui est donc conforme à nos libertés publiques. Je me suis également étonné qu'avant de vouloir supprimer une procédure, on ne l'évalue pas ; notre rapporteur l'a fait, même rapidement, et il démontre l'utilité de l'exercice : les praticiens, même ceux qui étaient contre, considèrent la CRPC comme utile, en particulier pour évacuer le contentieux de masse où la culpabilité souffre d'autant moins de contestation qu'elle est d'emblée reconnue par le prévenu - je crois du reste que la reconnaissance de culpabilité et la présomption d'innocence ne représentent pas des notions contradictoires.

J'examinerai de plus près vos amendements, nous devons être très prudents sur ces matières. La prise en compte des victimes est une bonne chose, par exemple, mais gardons-nous de trop compliquer la procédure, car les complexités que nous introduisons peuvent devenir des sources de nullités - et d'enrichissements pour certains - au détriment de la justice.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

La CRPC représente 13% du contentieux au pénal et porte uniquement sur des affaires simples, c'est bien pourquoi elle a trouvé sa place...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Même imparfaite, elle reste préférable à la sanction administrative...

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

Je salue la sagesse de mes collègues Mézard et Collombat, qui nous proposent une évolution souhaitable de la CRPC : nous voterons cette proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

J'étais au départ méfiant contre ce « plaider coupable » à la française qui tordait nos principes du procès équitable, mais j'ai constaté, comme notre rapporteur, que cette procédure s'est avérée utile à l'usage. Je voterai ce texte, en félicitant notre rapporteur pour ses apports décisifs.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Je le voterai également. Je trouve particulièrement bienvenu de renforcer les pouvoirs du juge, nous allons en reparler dans un autre cadre, plus large, mais aussi de faire une plus grande place aux victimes, en donnant ainsi une suite pratique et très rapide au travail de nos collègues Christophe Béchu et Philippe Kaltenbach sur ce sujet.

Nous passons à l'examen des articles.

Article 1er

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Cet article revient sur la réforme de 2011 qui a étendu la CRPC à tous les délits. Il en exclut également les cas de récidive légale. Cela empêcherait quasiment tout recours à la CRPC. Aussi, par l'amendement n° 3, je vous propose de supprimer cet article.

L'amendement n° 3 est adopté, l'article 1er est supprimé.

Article additionnel après l'article 1er

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Avec l'amendement n° 6, je vous propose que la CRPC ne puisse pas être mise en oeuvre à la suite d'un défèrement, car cette procédure de « CRPC défèrement » exerce une sorte de pression sur le prévenu - à tel point que bien des tribunaux y ont renoncé.

L'amendement n° 6 est adopté, il devient article additionnel

Article 2

L'amendement rédactionnel n° 4 est adopté.

L'article 2, ainsi modifié, est adopté.

Article 3

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Avec l'amendement n° 5, je vous propose que le juge, lors de l'homologation, puisse diminuer du tiers le quantum de la peine : cet aménagement redonne de l'intérêt au travail du juge, sans remettre en cause l'accord passé par le procureur, et il n'enlève rien à la possibilité pour le juge de ne pas homologuer, s'il estime l'accord insatisfaisant.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Je reste sceptique. Que se passera-t-il dans les cas, - qui ne sont pas d'école -, où le juge ne s'entend pas avec le procureur ? Le juge pourrait abaisser la peine, mais pas la renforcer : que devra-t-il faire s'il trouve que cette peine n'est pas assez sévère ?

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Il n'homologuera pas. La possibilité de diminuer la peine enrichira la phase d'homologation : le juge pourra faire autre chose que simplement enregistrer l'accord, ou le refuser en bloc. La CRPC d'ailleurs fonctionne déjà grâce à une entente tacite entre le parquet et le siège.

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

Je suis également réservé, car les mésententes entre le siège et le parquet risquent de trouver là une brèche pour compliquer la procédure.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Je le suis également, car cette diminution de peine par le juge remet en cause l'esprit même de la CRPC, tel qu'il peut être vécu par le prévenu. Dans cette procédure, le procureur vérifie la culpabilité et il s'accorde sur une peine avec le prévenu : en principe, le condamné adhère à cette sanction ; dès lors, pourquoi le juge pourrait-il revenir sur cet accord ? Cela me semble affaiblir la portée de la décision et le contrat que la CRPC constitue entre le condamné et la justice. Cette souplesse valoriserait la fonction du juge ? Je crois que la possibilité de refuser l'homologation valorise déjà bien son rôle.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Exactement. Je crois que cette souplesse donne plus de place au juge, sans remettre en cause le travail du procureur ; en cas de conflit entre le siège et le parquet, il me semble que cette souplesse éloigne le refus d'homologation : c'est parce qu'il aura une marge d'appréciation que le juge choisira plus facilement d'homologuer, plutôt que refuser en bloc. Quant aux praticiens, je crois savoir qu'ils en sont plutôt d'accord : l'idée, en tout cas, ne révolte pas la Chancellerie...

Debut de section - PermalienPhoto de René Garrec

Je suis gêné par ce pouvoir d'appréciation du juge qui ne pourrait que diminuer la peine. Le juge, avec le refus d'homologation, peut déjà faire recommencer le débat, mais là, vous lui donnez un nouveau pouvoir d'appréciation, qui altère l'esprit de la CRPC et qui me paraît compliquer les relations du procureur de la République avec le prévenu.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

L'article 3 de ce texte est par ailleurs très mal rédigé... C'est une raison pour voter votre amendement, même s'il ne me satisfait pas... Je vais m'abstenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Lipietz

Sait-on combien de CRPC ne sont pas homologuées et dans quelle proportion les refus ouvrent sur des peines plus sévères ou moins sévères que celles prévues initialement ? Il me semble qu'en décidant d'homologuer ou pas, le juge participe de la politique pénale : ce rôle me paraît satisfaisant - et plus clair, en tout cas, que ce nouveau pouvoir d'appréciation...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Si nous n'adoptons pas cet amendement, l'article 3 sera inchangé. Je vous propose, en conséquence, de voter cet amendement par parties, en séparant la dernière phrase.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

En réponse à Mme Lipietz, je voudrais préciser que l'homologation est refusée dans environ 15 % des cas.

Vous m'avez interrogé sur le quantum des peines. L'expérience montre qu'elles sont moins sévères en CRPC qu'à l'occasion d'un procès.

L'amendement que je vous propose vise à supprimer ce qui est encore parfois contesté dans la CRPC en rendant au juge une certaine marge de manoeuvre. Je m'en remets toutefois à la sagesse de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Mes chers collègues, je vous propose que nous procédions à un vote par parties sur l'amendement en nous prononçant d'abord sur l'ensemble du dispositif, à l'exception de la dernière phrase, puis sur celle-ci.

S'étant prononcée en faveur de la première partie de l'amendement mais contre sa dernière phrase, la commission adopte l'amendement n° 5 ainsi modifié.

Article additionnel après l'article 3

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Kaltenbach

L'amendement n° 1 que je vous propose, comme celui, identique, de Christophe Béchu, vise à traduire, une semaine après la présentation du rapport que nous avons conduit ensemble, l'une des trente-et-une propositions que nous avions formulées. Il s'agit de mieux garantir la présence de la victime au cours d'une CRPC.

En effet, les procédures rapides de jugement présentent un inconvénient : elles écartent la victime du procès pénal. Celle-ci, lors d'une CRPC, est seulement présente lors du jugement d'homologation, alors que l'essentiel se sera déroulé avant. Ceux que nous avons entendus lors de nos auditions ont estimé que ce n'était pas suffisant.

Je vous propose par conséquent de reconnaître à la victime le droit d'être entendue à sa demande par le procureur de la République. Ce dernier resterait toutefois libre de procéder à cette audition en présence ou non de l'auteur des faits. En outre, la victime ne participerait bien entendu pas à la négociation entre le parquet et le prévenu.

Il me semble que cet amendement constituerait une amélioration notable de la situation des victimes. Il leur est plus favorable que celui du rapporteur qui se limite à leur reconnaître le droit de formuler des observations auprès du procureur, ce qu'elles peuvent d'ores et déjà faire.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Mon objectif n'est pas de répondre aux demandes des associations de victimes, mais que la CRPC soit équitable pour tout le monde et qu'elle rende la justice.

Toutefois, force est de constater qu'un problème existe. Il faut que la victime soit entendue dès le début de la procédure, ne serait-ce que pour permettre au procureur d'avoir une idée précise des faits reprochés et du type de peines appropriées. Par exemple, en cas d'appels téléphoniques malveillants, la victime pourrait dire au procureur si ces appels continuent ou non depuis que l'auteur a été identifié.

Les procureurs travaillent souvent sur la seule base de procès-verbaux de police qui ne mentionnent pas la victime, cette dernière ne pouvant s'exprimer en tant que telle. La possibilité pour la victime de s'exprimer permettrait ainsi une meilleure appréciation des faits.

Dans la formulation de l'amendement de nos collègues, on passe à une logique caractérisée par l'omniprésence de la victime alors que le juge n'est pas présent pendant la première phase. Au tribunal, c'est autre chose : le juge peut jouer son rôle de médiation. Bien que les objectifs soient identiques, je préfèrerais que la commission adopte mon amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Pour résumer, nous sommes face à une alternative :

- d'une part, les amendements de nos collègues M. Philippe Kaltenbach et M. Christophe Béchu permettent à la victime d'être entendue à sa demande par le procureur avant que ce dernier ne prononce la peine encourue ;

- d'autre part, l'amendement du rapporteur autoriserait la victime à adresser ses observations au procureur.

Les amendements vont dans le même sens mais les modalités sont différentes. Le rapporteur craint que la proposition de nos collègues entraîne de fait un pseudo-procès, ce que ceux-ci réfutent. Si les amendements de MM. Kaltenbach et Béchu sont adoptés, celui de notre rapporteur tombe.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

Disposant de la délégation de vote de M. Béchu, je voterai en son nom en faveur de son amendement. Pour ma part, je voterai pour celui du rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

Dans le cadre de la procédure de CRPC actuelle, la victime peut-elle écrire au procureur ?

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

Je suis favorable à l'amendement du rapporteur. En amont, il y a une procédure d'enquête conduite par le parquet au cours de laquelle le procureur peut s'entretenir avec la victime. Il ne faut pas aboutir à une dénaturation du dispositif de la CRPC.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Lipietz

Je suis également favorable à l'amendement de notre rapporteur. Les victimes peuvent déjà intervenir, au cours de la procédure pénale, par la remise d'observations, comme, par exemple, lors de la modification de l'exécution de la peine.

En cas de classement sans suite, les victimes ne sont pas entendues alors qu'elles peuvent mal vivre cette situation. Il est important de permettre aux victimes de s'exprimer tout en ne leur donnant pas une place ne correspondant pas à notre tradition pénale. L'amendement de notre rapporteur me paraît plus conforme à celle-ci.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Ce qui me gêne dans les amendements de MM. Kaltenbach et Béchu, c'est l'impression que la victime puisse se prononcer sur le quantum de la peine. L'objet de la CRPC est une reconnaissance de la culpabilité. Je préfère la formule du rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Dans les amendements de nos collègues, la victime est entendue mais le procureur reste maître du choix de la peine.

L'amendement n° 1 n'est pas adopté.

L'amendement n° 6 est adopté. En conséquence, l'amendement n° 2 devient sans objet.

Article 4

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

L'amendement n° 7 propose de limiter la validité de la convocation au tribunal correctionnel aux seuls cas dans lesquels la personne, convoquée devant le procureur pour recevoir une proposition de peine, ne s'est pas présentée.

Dans ce cas en effet, la double convocation évite de devoir rechercher à nouveau la personne pour l'informer qu'elle fera l'objet de poursuites devant le tribunal correctionnel, selon les procédures traditionnelles. Elle évite également un jugement par défaut dans le cas où la personne ne peut être contactée.

Par ailleurs, conformément à la réserve d'interprétation du Conseil constitutionnel, il faut prévoir un délai suffisant -dix jours minimum- entre la date de comparution devant le procureur de la république et celle de l'éventuelle audience devant le tribunal correctionnel afin de permettre à l'intéressé de préparer sa défense.

L'amendement n° 7 est adopté.

La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :