Intervention de Benoît Hamon

Réunion du 7 novembre 2013 à 15h00
Économie sociale et solidaire — Article 11, amendement 3

Benoît Hamon, ministre délégué :

Plusieurs amendements déposés par MM. Retailleau et César, notamment, tendent à faire courir le droit d’information à compter de la cessation d’activité.

Je rappelle que, en cas de cessation d’activité, des droits d’information naissent d’ores et déjà de l’article L. 1234-7 du code du travail ; ils vont de un à six mois avant la cessation, bien au-delà, donc, du délai de deux mois prévu par les amendements, lequel ne présente donc pas véritablement d’intérêt.

Nous, nous voulons que le droit d’information préalable précède la cessation. De la même manière, il doit précéder la phase de recherche de repreneur, afin d’éviter que, le dos au mur, l’on se tourne vers les salariés en dernier recours.

La philosophie du Gouvernement, que je croyais avoir amplement et suffisamment détaillée, est claire : il faut pouvoir saisir l’occasion que représente une offre de reprise par les salariés, que celle-ci soit la seule sur la table ou en concurrence avec d’autres. Cette offre doit être considérée comme une offre à part entière, une offre ordinaire de reprise de l’activité.

Le Gouvernement sera donc défavorable à tous les amendements dont l’objet revient – M. le rapporteur a raison – à supprimer le droit d’information préalable des salariés, qui peuvent vouloir reprendre leur entreprise.

L’amendement n° 3 rectifié bis fait partie de ceux-là, et recueille, à ce titre, un avis défavorable.

L’amendement n° 98, tout comme un autre amendement également déposé par M. Le Cam, traite du droit prioritaire, ou droit de préférence. C’est un sujet sérieux.

Ce droit, je le signale, existe déjà. On peut être prioritaire au moment de racheter l’appartement dont on est locataire. Des formes de droit prioritaire, ou de droit de préemption, existent aussi dans certains cas de cession de terres agricoles, ou de parcelles de forêt, par exemple. J’indique que son exercice est souvent lié à la notion d’intérêt général.

Pour appliquer un droit de préférence à l’offre de reprise des salariés, il faudrait, d’abord, déterminer des critères, ce qui conduirait probablement à judiciariser la transmission d’entreprise de manière considérable. Le juge serait amené à se saisir de questions qui, d’habitude, font l’objet d’un contrat entre parties prenantes, sans passer par la justice.

En outre, accorder, à offres égales, un droit prioritaire à des salariés pose des difficultés sur ce que l’on entend par « offres égales ».

Nous avons donc estimé que ce droit prioritaire, en plus des obstacles potentiels liés au droit de propriété et à la liberté de commerce, garantis par la Constitution – ce n’est pas mince ! –, entraînerait une forme de judiciarisation de la transmission d’entreprise, qui serait assez éloignée de notre objectif d’allier les salariés et le chef d’entreprise au moment de la transmission, lorsque la reprise s’avère difficile. C’est pourquoi je suggérerai aux auteurs de l’amendement n° 98 de bien vouloir le retirer. À défaut, le Gouvernement émettra un avis défavorable.

Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 117, qui tend à supprimer le droit d’information pour les salariés.

Même avis sur l’amendement n° 119 rectifié ter, sur lequel j’ai eu l’occasion de m’exprimer.

L’amendement n° 110 rectifié quater tend à permettre l’information du salarié avant la cessation d’activité. Je le répète, il y a une différence entre la cession et la cessation d’activité.

Je ne prétends absolument pas être le meilleur connaisseur de la transmission d’entreprise mais, à mon sens, quand une entreprise cherche un repreneur, ce sont ses concurrents qui sont les plus intéressés. Ils peuvent avoir intérêt à affaiblir l’entreprise, à la voir cesser son activité, ou bien à la reprendre. Ce sont eux, une fois qu’ils se sont fait connaître comme repreneurs potentiels, qui ont le plus d’intérêt à faire savoir que le chef d’entreprise cherchait à vendre, pour faire perdre de la valeur à l’entreprise cédée.

La possibilité pour les salariés de reprendre leur entreprise a donc un intérêt : valoriser l’entreprise aux yeux des concurrents. Sur un marché donné, une entreprise peut très bien n’avoir qu’un concurrent. Cela arrive même dans des bassins d’emplois assez vastes, à l’échelle, parfois, d’un département. Cet unique concurrent peut être intéressé par la reprise de cette entreprise comme par sa fermeture, qui lui permettrait récupérer ses clients. En revanche, s’il sait que les salariés de cette entreprise peuvent formuler une offre, il a en face de lui un rival. Cela contribue à valoriser l’entreprise, et permet probablement au cédant de vendre à un meilleur prix, à son concurrent ou à ses salariés.

Cet argument permet de sortir d’une vision trop anxiogène de la transmission, même si ce moment est toujours angoissant pour le chef d’entreprise, qui a peur de mettre la clé sous la porte sans réussir à vendre, et pour les salariés, qui ont peur de rester sur le carreau.

J’en viens à l’amendement n° 265 rectifié bis. M. Mézard souligne que la notion d’« intention de céder » est juridiquement floue, et qu’il convient de sécuriser le dispositif, afin que l’interprétation de la loi ne soit pas trop malaisée.

De ce point de vue, la rédaction proposée est intéressante. Elle encadre le moment du déclenchement du droit d’information, qui se fera « au plus tard deux mois avant la cession ». Cette rédaction laisse le chef d’entreprise libre de le déclencher plus tôt. Il fera comme bon lui semble.

Avec cette formulation, on tourne le dos à l’idée selon laquelle le droit d’information ne serait déclenché qu’en l’absence de repreneur ou au moment de la cessation d’activité. Le droit d’information, donc, court à compter du moment où le chef d’entreprise veut céder et s’engage dans une procédure de recherche de repreneur, qui peuvent être aussi les salariés.

C’est la raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement, dont l’adoption permettra de donner plus de clarté, et donc de force, à ce nouveau droit.

Nous nous en remettons à la sagesse du Sénat sur le sous-amendement n° 316 de la commission des lois.

Le Gouvernement demande le retrait de l’amendement n° 90. À défaut, il émettra un avis défavorable.

Il est défavorable à l’amendement n° 111 rectifié quater.

Le Gouvernement émet en revanche un avis favorable sur l’amendement n° 37.

Il s’en remet à la sagesse du Sénat sur l’amendement n° 38 rectifié déposé par M. Anziani au nom de la commission des lois, sous réserve de l’adoption du sous-amendement n° 284, qui supprime le renvoi à un décret.

Il est également favorable à l’amendement n° 39 rectifié.

L’amendement n° 109, identique à l’amendement n° 173, conditionne le recours du salarié à la preuve qu’il a perdu une chance réelle d’acheter l’entreprise. Cette disposition reviendrait à supprimer tout recours en nullité intenté par le salarié du fait de la difficulté à prouver cette perte de chance. À chaque fois, la charge de la preuve repose sur le salarié !

Je trouve, personnellement, que l’on a déjà beaucoup encadré ce droit d’information. §Objectivement, je crois que l’on peut dire que tout le monde est pris au sérieux, et mis devant ses responsabilités. Les salariés aussi, tout simplement parce qu’ils vont peut-être reprendre l’entreprise. Cela ne se fait pas du jour au lendemain, en formulant une offre qui n’a pas été bien préparée. D’où l’importance des mesures d’accompagnement permises, notamment, par l’article 11 A du présent projet de loi, qui vient d’être adopté. La formation sur la transmission d’entreprise, portant sur les conditions dans lesquelles la reprise est possible, pourra ainsi être dispensée quelques années avant que la question ne se pose.

Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces deux amendements.

Le Gouvernement demande aux auteurs de l’amendement n° 160 de bien vouloir le retirer. Il tend à prévoir la possibilité pour les salariés souhaitant faire une offre d’achat de se faire assister par une personne de leur choix, laquelle pourrait avoir accès aux informations sur la santé économique et financière de l’entreprise, normalement détenues par le chef d’entreprise. Pour le Gouvernement, cette disposition, si elle était adoptée, créerait une rupture d’égalité, en accordant de facto aux salariés, à travers leur représentant, la priorité dans l’accès à des informations confidentielles. Cela nous semble rompre l’équilibre de la mesure. Si cet amendement n’était pas retiré, le Gouvernement émettrait un avis défavorable.

M. le rapporteur a émis un avis favorable sur l’amendement n° 162. Le Gouvernement, quant à lui, est plus réservé. Après en avoir discuté en réunion interministérielle, nous avons conclu que cette mesure, qui prévoit la possibilité pour les salariés qui souhaitent faire une offre d’achat de se faire assister par les services des chambres consulaires, n’est pas indispensable. Le Gouvernement demande donc aux auteurs de bien vouloir retirer cet amendement, qui paraît déjà satisfait. Notre avis diffère donc de celui émis par M. le rapporteur.

Le Gouvernement suggère le retrait de l’amendement n° 40. En effet, la demande de référence à une « lettre recommandée avec avis de réception » est déjà satisfaite par l’expression « tout moyen », qui figure à l’alinéa 10.

J’émets un avis favorable sur l’amendement n° 41, sous réserve de l’adoption du sous-amendement n° 303, déposé par M. le rapporteur.

L’amendement n° 101 concerne – cela vaut également pour l’amendement n°°95 – ce qu’il est convenu d’appeler la proposition de loi « sites rentables » ou « économie réelle » ou encore « Florange ». Le projet de loi relatif à l’économie sociale et solidaire n’est pas le bon véhicule législatif pour adopter de telles mesures. Je demande donc le retrait de ces deux amendements.

L’amendement n° 92, qui porte également sur le droit de préférence, appelle les mêmes observations que les amendements ayant un objet similaire.

Je m’attarderai un peu plus sur l’amendement n° 112 rectifié quater et sur l’étude BPCE L’Observatoire. Les propos de M. le sénateur André Reichardt sont tout à fait exacts. Mais je n’ai jamais prétendu que l’auteur de l’étude approuvait ma solution ; j’ai juste indiqué que son diagnostic était bon. Manque de chance, M. Tourdjman, lui-même salarié d’une banque de l’économie sociale, la BPCE, que dirige M. Pérol, s’est prononcé contre la mesure que nous proposons lors d’un meeting organisé par le MEDEF à Lyon, adressant même un « carton jaune » au Gouvernement. Ses opinions sont parfaitement respectables. Toutefois, à nos yeux, l’essentiel, ce n’est pas son avis ; c’est le diagnostic sur lequel il se fonde. Et ce diagnostic, nous le partageons. Pour le reste, nos désaccords relèvent tout simplement d’une divergence d’approche politique. En conséquence, l’avis est défavorable.

Le Gouvernement émet un avis favorable sur l’amendement n° 42 et un avis défavorable sur l’amendement n° 113 rectifié quater, qui concerne la cessation d’activité.

L’amendement n° 43 serait satisfait par l’adoption de l’amendement n° 265 rectifié bis modifié par le sous-amendement n° 316. Nous en suggérons donc le retrait.

L’amendement n° 44 n’aurait probablement plus d’objet non plus en cas d’adoption de l’amendement n° 265 rectifié bis. De surcroît, nous avons décidé de ne pas prévoir explicitement le délai de deux mois pour les entreprises de plus de cinquante salariés dès lors que le délai préfix de consultation du comité d’entreprise prévu dans l’accord national interprofessionnel, l’ANI, signé entre les partenaires sociaux, s’appliquera. Ce délai suspend déjà la cession et il ne nous semblait pas raisonnable d’ajouter un délai au délai. Nous proposons donc le retrait de cet amendement.

L’amendement n° 114 rectifié quater prévoit également le droit à l’information lors de la cessation d’activité. Avis défavorable.

L’amendement n° 66 nous semble combler une lacune qui subsistait dans la rédaction initiale du Gouvernement. Avis favorable.

L’avis est également favorable sur l’amendement n° 45, déposé par la commission des lois.

Enfin, je me suis déjà exprimé sur l’amendement n° 95, dont je demande le retrait. À défaut, l’avis serait défavorable.

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