Ma question s'adresse également à M. le ministre chargé de la santé et de la protection sociale et porte sur la stratégie du Gouvernement concernant la protection des travailleurs exposés couramment à des éthers de glycol dont la toxicité sur la santé humaine est établie.
Comme l'a révélé récemment le premier procès mettant en cause l'utilisation de ces substances chimiques en milieu professionnel, les victimes de l'exposition à ces substances sont, certes, des salariés parents ayant donné naissance à des enfants mal formés ou atteints dans leur capacité reproductive, mais également, et plus directement, la progéniture de ces derniers, faisant apparaître à cet égard le caractère structurant des questions de santé au travail sur la santé publique.
Je n'ose penser, notamment après le drame sanitaire de l'amiante et le scandale des fibres minérales utilisées en remplacement, que les pouvoirs publics puissent continuer de traiter avec légèreté le dossier des éthers de glycol.
L'argument tiré des connaissances imparfaites sur les risques liés à l'utilisation de cette famille de solvants n'est pas recevable. Dans l'affaire de la vache folle, fort heureusement, les pouvoirs publics n'ont pas attendu la preuve absolue pour agir. Comment, dès lors, expliquer que le principe de précaution ne s'applique pas au monde de l'entreprise et du travail, si ce n'est parce que, dans ce domaine, les intérêts économiques, le souci de la rentabilité industrielle et financière l'emportent trop souvent sur l'humain et les enjeux de santé publique ?
Voilà maintenant plus de vingt ans que les premières alertes ont été lancées à l'étranger. La reprotoxicité des éthers de la série E - il s'agit des dérivés de l'éthylène glycol - a été mise en évidence. Certains éthers de la série P seraient également particulièrement dangereux pour l'homme.
Les résultats de diverses études, dont celle de M. Cicolella, ont confirmé les risques particulièrement élevés pour les consommateurs et les travailleurs en cas d'utilisation desdites substances.
A l'échelon européen, si aucune de ces molécules n'est classée comme reprotoxique de catégorie 1, c'est-à-dire comme ayant des effets avérés chez l'homme, neuf molécules sont classées en catégorie 2 en raison des effets reprotoxiques chez l'animal.
Découlent de cette classification des interdictions d'incorporation dans les produits à destination du grand public, des restrictions d'usage, que la France a anticipées et étendues aux produits cosmétiques, produits de santé et produits à usage vétérinaire.
S'ils sont prohibés pour le consommateur, les mêmes éthers de glycol restent pourtant autorisés au travail, alors que - vous le savez - l'exposition dans ce cadre est, par nature, beaucoup plus importante.
S'impose donc, aujourd'hui, une politique de prévention « , qui est fondée sur le principe de substitution des éthers toxiques par un agent moins dangereux, sous réserve que ce soit techniquement possible, et non plus une politique de prévention primaire, où les risques sont recherchés et supprimés à la source.
Quel est le résultat de cette incohérence en termes de santé publique ? En toute légalité, de trop nombreux salariés restent exposés à ces produits extrêmement dangereux, sans le savoir précisément, dans des secteurs d'activité comme ceux de l'industrie aéronautique, des composants électroniques, de la peinture ou du bâtiment.
Les dispositions prévues spécifiquement en direction des seules femmes enceintes, qui ne peuvent être exposées à ce type de produit, à condition que leur grossesse soit connue, sont également insuffisantes. En effet, comme le dénonce à juste titre le collectif « éthers de glycols », le risque existe autant pour les femmes que pour les hommes et la toxicité pour l'embryon est réelle dès la conception.
Dans ces conditions, vous comprendrez, madame la ministre, que je vous demande de me faire connaître les mesures que le Gouvernement entend prendre pour véritablement responsabiliser les entreprises et pour faire évoluer la réglementation concernant les éthers de glycol en milieu professionnel, en l'occurrence en interdisant l'utilisation et la commercialisation des substances reprotoxiques.
Ma demande est légitimée, je dois le dire, par l'évolution des connaissances scientifiques en ce domaine. En effet, il n'aura échappé à personne que l'une de deux études épidémiologiques lancées en 2001, qui évalue les conséquences sur la fertilité masculine, conclut à l'existence, « d'une association entre l'exposition professionnelle aux produits contenant des éthers de glycol et une atteinte à la qualité du sperme ».