Intervention de Marisol Touraine

Réunion du 12 novembre 2013 à 15h00
Financement de la sécurité sociale pour 2014 — Discussion d'un projet de loi

Marisol Touraine, ministre :

… puisque nous allons débattre de l’avenir de notre protection sociale et du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Je veux indiquer le choix opéré par le Gouvernement depuis un an, celui de maintenir un haut niveau de protection sociale pour nos concitoyens. Nous affirmons résolument ce choix, y compris dans la situation économique et financière difficile que nous connaissons. Cela ne signifie pas que des réformes de fond ne soient pas nécessaires ; au contraire, ce sont elles que le Gouvernement engage.

Alors que des voix s’élèvent appelant à la remise en question de notre modèle social, il paraît nécessaire d’affirmer avec force, à cette tribune, la volonté du Gouvernement de maintenir et de renforcer les droits sociaux. En effet, renoncer à notre modèle social reviendrait à renvoyer chacune et chacun à sa responsabilité individuelle, autrement dit permettre à ceux qui en ont les moyens de s’assurer individuellement et abandonner les autres. Ce choix n’est pas celui du Gouvernement ; il ne s’y résout pas et ne le fera pas.

C’est la raison pour laquelle nous avons dès notre arrivée aux responsabilités pris des mesures importantes afin de redresser les comptes sociaux, condition nécessaire pour le maintien de politiques sociales fortes.

Grâce au travail engagé dès l’été 2012, le déficit du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse, le FSV, a progressivement baissé. Établi à 21 milliards d’euros lors de notre arrivée au Gouvernement, il sera de 16 milliards d’euros pour l’année 2013. En outre, l’objectif que nous fixons pour 2014 est ambitieux : ramener le déficit à hauteur de 12, 8 milliards d’euros.

Ces résultats, nous les obtenons dans le cadre d’une maîtrise des dépenses assumée. Elle s’est traduite pour l’année 2013 par des dépenses d’assurance maladie inférieures à l’objectif national de dépenses d’assurance maladie, l’ONDAM, et ce malgré un contexte sanitaire difficile. Vous le savez, la pandémie grippale que nous avons connue a été parmi les plus rudes des dernières années, représentant un surcoût important pour les finances publiques.

Pourtant, notre politique de maîtrise des dépenses d’assurance maladie ne s’accompagne d’aucun déremboursement. C’est l’un des choix que nous faisons.

C’est dans ce même esprit de maîtrise des comptes, d’affirmation de politiques structurelles et de volonté de ne pas faire porter aux assurés la charge des économies à engager que nous abordons ce nouveau projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Face aux inquiétudes de nos concitoyens, nous voulons renforcer les piliers de la protection sociale. Grâce à des politiques de fond, à des politiques structurelles, il s’agit d’affirmer des priorités et d’afficher les objectifs auxquels nous devons nous tenir.

Le présent texte tire à l’évidence les conséquences de la réforme garantissant l’avenir et la justice de notre système de retraites. Le débat étant encore frais à nos esprits, je ne reviens pas sur les grandes orientations de cette loi. Je ne doute pas que l’Assemblée nationale nous permettra d’avancer sur la voie de l’adoption de cette réforme décisive pour les années à venir. Évidemment, nous trouvons dans les comptes sociaux la traduction concrète des choix opérés par le Gouvernement en la matière.

Par ailleurs, le projet de loi de financement de la sécurité sociale concrétise nos orientations et notre action en direction des familles, Dominique Bertinotti y reviendra dans un instant.

Nous assumons notre volonté d’adapter notre politique familiale aux évolutions de la société. C’est ainsi que nous proposons la modulation de certaines prestations tout en affirmant qu’une politique familiale ne peut aujourd’hui se limiter à l’appréciation du niveau des prestations versées aux familles. Une politique familiale réside aussi dans la possibilité donnée aux familles de mieux concilier la vie professionnelle et la vie familiale. C’est ainsi que, d’ici à 2017, 275 000 places d’accueil pour les enfants de moins de trois ans seront créées. Il s’agit d’un engagement fort et d’un choix structurant pour nos politiques.

Dans le cadre de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, nous marquons également un soutien net en faveur des personnes âgées et handicapées. Michèle Delaunay puis Marie-Arlette Carlotti auront l’occasion d’y revenir ultérieurement.

L’ONDAM médico-social évoluera de 3 %. Concrètement, 130 millions d’euros de crédits supplémentaires seront consacrés à la médicalisation des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, les EHPAD.

De même, nous mettrons en œuvre nos engagements au titre du plan Alzheimer, en poursuivant sa déclinaison.

Avec Michèle Delaunay, nous porterons dans les prochains mois un projet de loi d’orientation et de programmation pour adapter notre société au vieillissement de la population. L’un des grands enjeux de ce texte est de retarder le plus possible la perte d’autonomie et de permettre aux personnes âgées perdant progressivement leur autonomie d’être mieux accompagnées et mieux intégrées.

Les premières mesures de cette loi seront applicables dès le 1er janvier 2015. Sans attendre, 100 millions d’euros issus de la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie, la CASA, permettront, dès 2014, de soutenir la politique en faveur des personnes âgées. Je sais que cette évolution et cet engagement du Gouvernement ont été suivis avec attention par la commission des affaires sociales et, à n’en pas douter, par l’ensemble de la Haute Assemblée.

Poursuivre l’effort sur le secteur médico-social, c’est aussi renforcer le soutien aux personnes en situation de handicap. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale nous permettra de financer la première annuité du plan autisme. En outre, plus de 150 millions d’euros seront consacrés à la création de places dans les établissements et les services pour personnes handicapées.

Enfin, le projet de loi de financement de la sécurité sociale constitue la première étape, décisive, de la mise en œuvre de la stratégie nationale de santé, dont le principal objectif est la réduction des inégalités en matière de santé.

C’est dans le cadre de cette approche globale que nous avons construit l’ONDAM pour 2014. Cet objectif national des dépenses d’assurance maladie progressera en 2014 de 2, 4 %, ce qui représente un effort exigeant pour la politique que nous menons. Plus de 2, 4 milliards d’euros d’économies seront ainsi opérés, auxquels s’ajoutera l’impact des dépenses non réalisées en 2013. Tous les secteurs de l’offre de santé, sans exception, participeront à la maîtrise de la dépense.

Toutefois, comme l’an dernier, aucun déremboursement, aucune franchise nouvelle ni aucun transfert vers les organismes complémentaires n’interviendront. Il s’agit d’une volonté de notre part et d’une priorité que nous affichons.

L’assurance maladie, je veux le dire ici avec force, doit rester le pilier fondamental de la prise en charge des dépenses de santé. Depuis 2004, nous assistons à un effritement de cette prise en charge, avec un report sur les organismes complémentaires. J’ai donc pris l’engagement d’enrayer cette tendance et, dès l’année prochaine, un bilan annuel sur la part des dépenses prises en charge par l’assurance maladie sera remis au Parlement.

Dès maintenant, avec ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014, nous posons les premiers jalons de la stratégie nationale de santé. Ce texte tend d’abord à prolonger et à amplifier le combat pour l’accès aux soins et pour l’égalité de cet accès.

À cet égard, il est nécessaire de franchir une nouvelle étape dans la généralisation de la complémentaire santé. La priorité est, avant tout, de simplifier les procédures pour lutter contre le non-recours à l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé, l’ACS. Par ailleurs, l’accès à la couverture maladie universelle complémentaire, la CMU-C, sera facilité pour les étudiants en situation de précarité ou d’isolement familial. Le texte prévoit également le renouvellement automatique du droit à l’ACS pour les bénéficiaires de l’allocation de solidarité aux personnes âgées, l’ASPA.

Cette mesure, ainsi que l’accès facilité au dispositif de couverture maladie universelle pour certains étudiants et la mise en place d’un appel d’offres national pour arrêter, dès l’année prochaine, les contrats vers lesquels seront orientées les personnes éligibles à l’ACS sont autant de dispositions visant à lutter contre le non-recours à ce droit. C’est une avancée importante et, je veux le souligner, cohérente avec les propositions formulées par Mme Archimbaud, que je tiens à saluer ici, dans le rapport qu’elle a remis au Gouvernement.

Avec ce projet de loi, nous ouvrons un autre grand chantier, celui qui concerne l’amélioration des contrats proposés aux bénéficiaires de l’ACS. Nous voulons favoriser le recours à des contrats dits « responsables et solidaires », en permettant une meilleure identification des critères correspondants à ce label. L’Assemblée nationale a souhaité soutenir cette démarche en prévoyant une différenciation plus forte, en termes de taxation, entre les contrats responsables et ceux qui ne le sont pas. Il s’agit là, me semble-t-il, d’une initiative positive.

Par ailleurs, nous avons à tirer les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel en matière de protection complémentaire collective de branche : les branches pourront donc recommander des organismes dans le cadre de contrats offrant un haut niveau de solidarité, qui feront l’objet d’incitations par le biais du forfait social.

Enfin, des avancées significatives sont prévues en matière d’accès à l’optique pour l’ensemble des bénéficiaires de l’ACS.

La prochaine étape pour lever les barrières financières entravant l’accès aux soins relève d’une ambition plus grande encore : nous généraliserons le tiers payant pour l’ensemble des soins de ville avant 2017, cette mesure étant ouverte, dès 2014, aux bénéficiaires de l’ACS. Je ne doute pas que nous aurons l’occasion d’aborder cette question au cours de nos débats.

Au-delà de la réduction des inégalités en matière d’accès aux soins de santé, nous engageons, avec ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, la refondation de notre organisation des soins. Il s’agit là du deuxième pilier de la stratégie nationale de santé.

Ce que j’ai appelé la « révolution du premier recours » en référence à la formule employée par les Canadiens – eux parlent de « virage ambulatoire » – en sera la pierre angulaire. Nous prolongerons donc d’une année les expérimentations des nouveaux modes de rémunération, tout en étendant ce dispositif à 150 nouvelles équipes. Les centres de santé ont suscité de nombreux débats, tant à l’Assemblée nationale qu’au sein de la commission des affaires sociales du Sénat. Ils seront pleinement concernés par le développement des nouveaux modes de rémunération.

En parallèle, le texte tend à initier la réforme du financement des hôpitaux, en prenant mieux en compte la situation des établissements isolés. Une dégressivité tarifaire sera également mise en place de manière ponctuelle pour réguler les effets parfois inflationnistes de la tarification à l’activité. Autre nouveauté, nous expérimenterons le financement au parcours pour la prise en charge de l’insuffisance rénale chronique et le traitement du cancer par radiothérapie.

Enfin, pour parvenir à un pilotage financier plus adapté aux réalités de terrain, les agences régionales de santé seront autorisées à procéder à des transferts entre enveloppes – c’est ce qu’on appelle la fongibilité, un terme que seules les personnes travaillant au quotidien sur ces questions peuvent comprendre – dans le cadre qui aura été fixé par le Parlement.

La stratégie nationale de santé investit aussi largement le champ de la santé publique. C’est ainsi que, dans le cadre de ce texte, deux objectifs majeurs sont fixés : la lutte contre le tabagisme et l’accès à la contraception.

S’agissant du premier objectif, il ne fait aucun doute que la situation la plus préoccupante est celle des jeunes fumeurs. Je propose donc de mettre en place une aide au sevrage tabagique pour les jeunes adultes, avec une prise en charge renforcée des substituts nicotiniques. Cela signifie très concrètement un triplement de cette prise en charge.

S’agissant du second objectif, nous prolongeons les mesures prises l’année dernière, qui ont déjà permis d’améliorer l’accès à la contraception des jeunes femmes, en particulier des mineures. Nous poursuivons dans cette voie en instaurant le tiers payant pour les actes associés à la prescription de contraception pour les mineures.

Enfin, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale vise à renforcer l’efficience de notre politique du médicament.

Une politique du médicament efficace, c’est une politique qui refuse la course en avant pour soutenir le « bon usage » des produits de santé, d’abord en luttant contre leur surconsommation, ensuite en permettant leur utilisation correcte. Dans ce cadre, je souhaite que nous expérimentions la dispensation à l’unité par les pharmacies d’officine, en commençant, par exemple, par certains antibiotiques. Par la suite, la mise en place d’un répertoire des médicaments biosimilaires devra permettre le développement du recours à ces médicaments, dans un cadre sécurisé qui n’existe pas aujourd’hui.

Une politique du médicament efficace, c’est aussi une politique qui favorise la diffusion de l’innovation. Nous avons eu l’occasion de discuter récemment de ce sujet lors du débat organisé par M. Gilbert Barbier et son groupe. Nous constatons que certaines procédures sont trop longues. Il convient donc de réduire leur délai pour permettre une prise de décision rapide, dans un contexte sécurisé. C’est le sens des engagements que le Gouvernement a pris dans le cadre du Conseil stratégique des industries de santé, qui trouvent une traduction concrète dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Mesdames, messieurs les sénateurs, nous maintenons avec ce texte le cap fixé depuis le début du quinquennat, celui du redressement de nos comptes et d’une transformation en profondeur de notre modèle social. Cette constance dans nos choix est aussi une condition nécessaire pour rétablir la confiance des Français dans le pacte social et retrouver le sens du progrès.

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