Séance en hémicycle du 12 novembre 2013 à 15h00

Résumé de la séance

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La séance

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La séance est ouverte à quinze heures.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

M. le président. Mesdames, monsieur les ministres, mes chers collègues, il m’est particulièrement agréable de saluer, en votre nom, la présence dans notre tribune d’honneur d’une délégation du Sénat du royaume du Cambodge, conduite par M. Chea Cheth, président de la commission des finances.

Mmes et MM. les sénateurs ainsi que Mmes et M. les ministres se lèvent.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Au sein de cette délégation, je veux aussi saluer la présence de M. Yang Sem, président de la commission des droits de l’homme de cette assemblée.

Cette délégation vient, durant trois jours, dans le cadre du programme annuel de coopération conclu entre nos deux assemblées, étudier la déontologie parlementaire et notamment le travail de notre comité de déontologie, présidé par notre collègue Catherine Tasca. Elle rencontrera également notre collègue questeur, Alain Anziani.

Elle est accueillie par Vincent Eblé, président du groupe d’amitié France-Cambodge.

Nous formons tous le vœu que cette visite soit profitable à l’ensemble de la délégation et nous lui souhaitons la plus cordiale bienvenue. §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de financement de la sécurité sociale pour 2014 (projet n°117, rapport n° 126, avis n° 127).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Monsieur le président, mesdames, monsieur les ministres, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les rapporteurs, monsieur le rapporteur pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai le sentiment de ne pas vous quitter.

Sourires.

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre

… qui n’est pas sans lien avec notre discussion d’aujourd’hui…

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre

… puisque nous allons débattre de l’avenir de notre protection sociale et du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Je veux indiquer le choix opéré par le Gouvernement depuis un an, celui de maintenir un haut niveau de protection sociale pour nos concitoyens. Nous affirmons résolument ce choix, y compris dans la situation économique et financière difficile que nous connaissons. Cela ne signifie pas que des réformes de fond ne soient pas nécessaires ; au contraire, ce sont elles que le Gouvernement engage.

Alors que des voix s’élèvent appelant à la remise en question de notre modèle social, il paraît nécessaire d’affirmer avec force, à cette tribune, la volonté du Gouvernement de maintenir et de renforcer les droits sociaux. En effet, renoncer à notre modèle social reviendrait à renvoyer chacune et chacun à sa responsabilité individuelle, autrement dit permettre à ceux qui en ont les moyens de s’assurer individuellement et abandonner les autres. Ce choix n’est pas celui du Gouvernement ; il ne s’y résout pas et ne le fera pas.

C’est la raison pour laquelle nous avons dès notre arrivée aux responsabilités pris des mesures importantes afin de redresser les comptes sociaux, condition nécessaire pour le maintien de politiques sociales fortes.

Grâce au travail engagé dès l’été 2012, le déficit du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse, le FSV, a progressivement baissé. Établi à 21 milliards d’euros lors de notre arrivée au Gouvernement, il sera de 16 milliards d’euros pour l’année 2013. En outre, l’objectif que nous fixons pour 2014 est ambitieux : ramener le déficit à hauteur de 12, 8 milliards d’euros.

Ces résultats, nous les obtenons dans le cadre d’une maîtrise des dépenses assumée. Elle s’est traduite pour l’année 2013 par des dépenses d’assurance maladie inférieures à l’objectif national de dépenses d’assurance maladie, l’ONDAM, et ce malgré un contexte sanitaire difficile. Vous le savez, la pandémie grippale que nous avons connue a été parmi les plus rudes des dernières années, représentant un surcoût important pour les finances publiques.

Pourtant, notre politique de maîtrise des dépenses d’assurance maladie ne s’accompagne d’aucun déremboursement. C’est l’un des choix que nous faisons.

C’est dans ce même esprit de maîtrise des comptes, d’affirmation de politiques structurelles et de volonté de ne pas faire porter aux assurés la charge des économies à engager que nous abordons ce nouveau projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Face aux inquiétudes de nos concitoyens, nous voulons renforcer les piliers de la protection sociale. Grâce à des politiques de fond, à des politiques structurelles, il s’agit d’affirmer des priorités et d’afficher les objectifs auxquels nous devons nous tenir.

Le présent texte tire à l’évidence les conséquences de la réforme garantissant l’avenir et la justice de notre système de retraites. Le débat étant encore frais à nos esprits, je ne reviens pas sur les grandes orientations de cette loi. Je ne doute pas que l’Assemblée nationale nous permettra d’avancer sur la voie de l’adoption de cette réforme décisive pour les années à venir. Évidemment, nous trouvons dans les comptes sociaux la traduction concrète des choix opérés par le Gouvernement en la matière.

Par ailleurs, le projet de loi de financement de la sécurité sociale concrétise nos orientations et notre action en direction des familles, Dominique Bertinotti y reviendra dans un instant.

Nous assumons notre volonté d’adapter notre politique familiale aux évolutions de la société. C’est ainsi que nous proposons la modulation de certaines prestations tout en affirmant qu’une politique familiale ne peut aujourd’hui se limiter à l’appréciation du niveau des prestations versées aux familles. Une politique familiale réside aussi dans la possibilité donnée aux familles de mieux concilier la vie professionnelle et la vie familiale. C’est ainsi que, d’ici à 2017, 275 000 places d’accueil pour les enfants de moins de trois ans seront créées. Il s’agit d’un engagement fort et d’un choix structurant pour nos politiques.

Dans le cadre de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, nous marquons également un soutien net en faveur des personnes âgées et handicapées. Michèle Delaunay puis Marie-Arlette Carlotti auront l’occasion d’y revenir ultérieurement.

L’ONDAM médico-social évoluera de 3 %. Concrètement, 130 millions d’euros de crédits supplémentaires seront consacrés à la médicalisation des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, les EHPAD.

De même, nous mettrons en œuvre nos engagements au titre du plan Alzheimer, en poursuivant sa déclinaison.

Avec Michèle Delaunay, nous porterons dans les prochains mois un projet de loi d’orientation et de programmation pour adapter notre société au vieillissement de la population. L’un des grands enjeux de ce texte est de retarder le plus possible la perte d’autonomie et de permettre aux personnes âgées perdant progressivement leur autonomie d’être mieux accompagnées et mieux intégrées.

Les premières mesures de cette loi seront applicables dès le 1er janvier 2015. Sans attendre, 100 millions d’euros issus de la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie, la CASA, permettront, dès 2014, de soutenir la politique en faveur des personnes âgées. Je sais que cette évolution et cet engagement du Gouvernement ont été suivis avec attention par la commission des affaires sociales et, à n’en pas douter, par l’ensemble de la Haute Assemblée.

Poursuivre l’effort sur le secteur médico-social, c’est aussi renforcer le soutien aux personnes en situation de handicap. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale nous permettra de financer la première annuité du plan autisme. En outre, plus de 150 millions d’euros seront consacrés à la création de places dans les établissements et les services pour personnes handicapées.

Enfin, le projet de loi de financement de la sécurité sociale constitue la première étape, décisive, de la mise en œuvre de la stratégie nationale de santé, dont le principal objectif est la réduction des inégalités en matière de santé.

C’est dans le cadre de cette approche globale que nous avons construit l’ONDAM pour 2014. Cet objectif national des dépenses d’assurance maladie progressera en 2014 de 2, 4 %, ce qui représente un effort exigeant pour la politique que nous menons. Plus de 2, 4 milliards d’euros d’économies seront ainsi opérés, auxquels s’ajoutera l’impact des dépenses non réalisées en 2013. Tous les secteurs de l’offre de santé, sans exception, participeront à la maîtrise de la dépense.

Toutefois, comme l’an dernier, aucun déremboursement, aucune franchise nouvelle ni aucun transfert vers les organismes complémentaires n’interviendront. Il s’agit d’une volonté de notre part et d’une priorité que nous affichons.

L’assurance maladie, je veux le dire ici avec force, doit rester le pilier fondamental de la prise en charge des dépenses de santé. Depuis 2004, nous assistons à un effritement de cette prise en charge, avec un report sur les organismes complémentaires. J’ai donc pris l’engagement d’enrayer cette tendance et, dès l’année prochaine, un bilan annuel sur la part des dépenses prises en charge par l’assurance maladie sera remis au Parlement.

Dès maintenant, avec ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014, nous posons les premiers jalons de la stratégie nationale de santé. Ce texte tend d’abord à prolonger et à amplifier le combat pour l’accès aux soins et pour l’égalité de cet accès.

À cet égard, il est nécessaire de franchir une nouvelle étape dans la généralisation de la complémentaire santé. La priorité est, avant tout, de simplifier les procédures pour lutter contre le non-recours à l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé, l’ACS. Par ailleurs, l’accès à la couverture maladie universelle complémentaire, la CMU-C, sera facilité pour les étudiants en situation de précarité ou d’isolement familial. Le texte prévoit également le renouvellement automatique du droit à l’ACS pour les bénéficiaires de l’allocation de solidarité aux personnes âgées, l’ASPA.

Cette mesure, ainsi que l’accès facilité au dispositif de couverture maladie universelle pour certains étudiants et la mise en place d’un appel d’offres national pour arrêter, dès l’année prochaine, les contrats vers lesquels seront orientées les personnes éligibles à l’ACS sont autant de dispositions visant à lutter contre le non-recours à ce droit. C’est une avancée importante et, je veux le souligner, cohérente avec les propositions formulées par Mme Archimbaud, que je tiens à saluer ici, dans le rapport qu’elle a remis au Gouvernement.

Avec ce projet de loi, nous ouvrons un autre grand chantier, celui qui concerne l’amélioration des contrats proposés aux bénéficiaires de l’ACS. Nous voulons favoriser le recours à des contrats dits « responsables et solidaires », en permettant une meilleure identification des critères correspondants à ce label. L’Assemblée nationale a souhaité soutenir cette démarche en prévoyant une différenciation plus forte, en termes de taxation, entre les contrats responsables et ceux qui ne le sont pas. Il s’agit là, me semble-t-il, d’une initiative positive.

Par ailleurs, nous avons à tirer les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel en matière de protection complémentaire collective de branche : les branches pourront donc recommander des organismes dans le cadre de contrats offrant un haut niveau de solidarité, qui feront l’objet d’incitations par le biais du forfait social.

Enfin, des avancées significatives sont prévues en matière d’accès à l’optique pour l’ensemble des bénéficiaires de l’ACS.

La prochaine étape pour lever les barrières financières entravant l’accès aux soins relève d’une ambition plus grande encore : nous généraliserons le tiers payant pour l’ensemble des soins de ville avant 2017, cette mesure étant ouverte, dès 2014, aux bénéficiaires de l’ACS. Je ne doute pas que nous aurons l’occasion d’aborder cette question au cours de nos débats.

Au-delà de la réduction des inégalités en matière d’accès aux soins de santé, nous engageons, avec ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, la refondation de notre organisation des soins. Il s’agit là du deuxième pilier de la stratégie nationale de santé.

Ce que j’ai appelé la « révolution du premier recours » en référence à la formule employée par les Canadiens – eux parlent de « virage ambulatoire » – en sera la pierre angulaire. Nous prolongerons donc d’une année les expérimentations des nouveaux modes de rémunération, tout en étendant ce dispositif à 150 nouvelles équipes. Les centres de santé ont suscité de nombreux débats, tant à l’Assemblée nationale qu’au sein de la commission des affaires sociales du Sénat. Ils seront pleinement concernés par le développement des nouveaux modes de rémunération.

En parallèle, le texte tend à initier la réforme du financement des hôpitaux, en prenant mieux en compte la situation des établissements isolés. Une dégressivité tarifaire sera également mise en place de manière ponctuelle pour réguler les effets parfois inflationnistes de la tarification à l’activité. Autre nouveauté, nous expérimenterons le financement au parcours pour la prise en charge de l’insuffisance rénale chronique et le traitement du cancer par radiothérapie.

Enfin, pour parvenir à un pilotage financier plus adapté aux réalités de terrain, les agences régionales de santé seront autorisées à procéder à des transferts entre enveloppes – c’est ce qu’on appelle la fongibilité, un terme que seules les personnes travaillant au quotidien sur ces questions peuvent comprendre – dans le cadre qui aura été fixé par le Parlement.

La stratégie nationale de santé investit aussi largement le champ de la santé publique. C’est ainsi que, dans le cadre de ce texte, deux objectifs majeurs sont fixés : la lutte contre le tabagisme et l’accès à la contraception.

S’agissant du premier objectif, il ne fait aucun doute que la situation la plus préoccupante est celle des jeunes fumeurs. Je propose donc de mettre en place une aide au sevrage tabagique pour les jeunes adultes, avec une prise en charge renforcée des substituts nicotiniques. Cela signifie très concrètement un triplement de cette prise en charge.

S’agissant du second objectif, nous prolongeons les mesures prises l’année dernière, qui ont déjà permis d’améliorer l’accès à la contraception des jeunes femmes, en particulier des mineures. Nous poursuivons dans cette voie en instaurant le tiers payant pour les actes associés à la prescription de contraception pour les mineures.

Enfin, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale vise à renforcer l’efficience de notre politique du médicament.

Une politique du médicament efficace, c’est une politique qui refuse la course en avant pour soutenir le « bon usage » des produits de santé, d’abord en luttant contre leur surconsommation, ensuite en permettant leur utilisation correcte. Dans ce cadre, je souhaite que nous expérimentions la dispensation à l’unité par les pharmacies d’officine, en commençant, par exemple, par certains antibiotiques. Par la suite, la mise en place d’un répertoire des médicaments biosimilaires devra permettre le développement du recours à ces médicaments, dans un cadre sécurisé qui n’existe pas aujourd’hui.

Une politique du médicament efficace, c’est aussi une politique qui favorise la diffusion de l’innovation. Nous avons eu l’occasion de discuter récemment de ce sujet lors du débat organisé par M. Gilbert Barbier et son groupe. Nous constatons que certaines procédures sont trop longues. Il convient donc de réduire leur délai pour permettre une prise de décision rapide, dans un contexte sécurisé. C’est le sens des engagements que le Gouvernement a pris dans le cadre du Conseil stratégique des industries de santé, qui trouvent une traduction concrète dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Mesdames, messieurs les sénateurs, nous maintenons avec ce texte le cap fixé depuis le début du quinquennat, celui du redressement de nos comptes et d’une transformation en profondeur de notre modèle social. Cette constance dans nos choix est aussi une condition nécessaire pour rétablir la confiance des Français dans le pacte social et retrouver le sens du progrès.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

La parole est à M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais en quelques mots compléter l’intervention que Mme la ministre des affaires sociales et de la santé vient de faire. J’essaierai dans ce cadre de mettre l’accent sur quelques aspects budgétaires et fiscaux qui sont complémentaires des questions évoquées à l’instant, ce qui me permettra, je l’espère, d’apporter toute information utile à votre assemblée concernant le contenu de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Le premier point sur lequel je voudrais insister est la démarche de redressement des comptes publics que nous mettons en œuvre depuis maintenant plus de dix-huit mois. Non seulement cette démarche nous engage devant le pays et devant les institutions de l’Union européenne, puisque nous avons des objectifs à remplir en la matière au titre du pacte de stabilité et de croissance, mais elle est essentielle au regard de la préservation de nos services publics, de leur montée en gamme et de la consolidation du modèle social français.

En effet, si nous ne parvenons pas à faire en sorte que, sur chaque sujet, la bonne dépense publique chasse la mauvaise, nous serons en difficulté pour maintenir la qualité de notre système de protection sociale et de nos services publics. Or, parce que ce patrimoine est celui de tous ceux qui n’en ont pas, il nous faut le préserver avec une très grande vigilance.

Ce redressement des comptes publics commence à donner des résultats. Il m’arrive d’entendre que l’existence d’un décalage entre les objectifs de déficits nominaux que nous nous sommes assignés et ceux qui sont réellement constatés en fin d’année est le signe d’un dérapage dans ce domaine. Non, les déficits sont bien en diminution et, pour être extrêmement précis, je voudrais vous donner la séquence des déficits constatés depuis 2012. Celle-ci montre bien que la trajectoire est tenue et les objectifs respectés, même si, pour des raisons tenant à l’absence de croissance, le redressement de nos comptes est moins rapide que nous aurions pu le souhaiter.

Lorsque nous sommes arrivés en situation de responsabilité, le déficit nominal représentait 5, 3 % du produit intérieur brut, ou PIB, pour l’année 2011. En 2012, après que des mesures ont été prises en loi de finances rectificative, il atteignait 4, 8 % du PIB.

Certes, il aurait dû atteindre le niveau de 4, 5 % du PIB, mais nous avons dû, en fin de gestion de l’exercice 2012, absorber la dette de Dexia, la banque étant confrontée à de sérieuses difficultés. Nous avons également dû contribuer au rétablissement du budget de l’Union européenne, à la suite d’une décision prise par le précédent gouvernement en novembre 2010, en lien avec d’autres gouvernements européens, et contingentant les crédits de paiement alloués à l’Union européenne pour lui permettre d’atteindre ses objectifs budgétaires.

Ce sont là les deux principales raisons qui expliquent le décalage entre le déficit constaté de 4, 8 % et l’objectif de 4, 5 %. Ainsi, vous pouvez le constater, la plus grande partie de ce décalage est imputable à des décisions prises avant notre arrivée au pouvoir, décisions que nous avons dû éponger en prenant des dispositions en loi de finances rectificatives pour des montants significatifs.

En 2013, le déficit nominal atteindra 4, 1 % du PIB et, en 2014, 3, 6 %. Nous serons donc passés, en quelques années, d’un taux de 5, 3 % à un taux de 3, 6 %, quand la moyenne des déficits nominaux enregistrés au cours du précédent quinquennat dépassait 5 % du PIB. Cela confirme bien que le déficit nominal diminue et que les efforts auxquels les Français sont appelés commencent à porter leurs fruits.

Les comptes sociaux n’échappent pas à cette tendance. Ainsi, je voudrais rappeler, à la suite de Mme la ministre, quelle est la séquence des chiffres dans ce domaine. L’année précédant notre arrivée au pouvoir, les comptes sociaux ont enregistré un déficit de 20, 8 milliards d’euros. Si nous n’avions pas pris de dispositions en 2012, le déficit aurait été supérieur à 21 milliards d’euros. En réalité, il a atteint 17, 5 milliards d’euros en 2012. En 2013, il sera de 16, 2 milliards d’euros et, si nous tenons nos objectifs en 2014, le budget que nous vous présentons permettra d’afficher un déficit de 12, 8 milliards d’euros.

En l’espace de dix-huit mois, au travers des efforts que nous aurons accomplis et de la volonté de maîtrise des comptes publics et des comptes sociaux dont nous aurons témoigné, nous aurons réduit le déficit du régime général et du fonds de solidarité vieillesse de 8 milliards d’euros. Si cette tendance se maintient, le déficit sera de 4 milliards d’euros à la fin du quinquennat, ce qui signifie que nous aurons, en l’espace de quatre ans et demi, divisé par cinq le déficit des comptes sociaux.

Je rappelle ces chiffres, car il arrive que, dans l’espace public, le vacarme ou le tohu-bohu médiatique aidant, on ait le sentiment que les difficultés de l’économie empêchent la maîtrise des comptes sociaux. Il n’en est rien, aussi bien pour les déficits nominaux que pour l’évolution des déficits du régime général et du fonds de solidarité vieillesse.

Comme Marisol Touraine l’a rappelé à l’instant, cette maîtrise des comptes n’est pas le but de notre stratégie ; elle n’est qu’un moyen. En effet, si nous voulons maîtriser les comptes sociaux et si nous nous attachons au respect de cette trajectoire des finances publiques, c’est parce que nous savons que, sans cela, le modèle social français se trouvera remis en cause dans ses équilibres, son identité, sa structure même. Nous devons prendre des dispositions au niveau de la gestion de ce modèle pour en assurer la pérennité.

Je veux d'ailleurs faire écho à un certain nombre de documents de la Cour des comptes, dont les commissions permanentes de l’Assemblée nationale et du Sénat évoquent très souvent le contenu. La Cour des comptes prévoyait, sur la période 2011-2018, une augmentation de 70 milliards d'euros du déficit de la Caisse nationale d’assurance vieillesse, la CNAV, et du fonds de solidarité vieillesse, le FSV, et une augmentation de 72 milliards d'euros du déficit des branches maladie et famille. En réalité, compte tenu de l’effort de maîtrise que nous réalisons, le déficit total de ces branches s’établira à 82 milliards d'euros au lieu de 142 milliards d’euros, ce qui signifie que nous évitons une dégradation de l’ordre de 60 milliards d'euros des comptes sociaux et, par conséquent, de la dette sociale. Ces chiffres permettent de bien mesurer l’effort que nous réalisons pour tenir rigoureusement le budget et maîtriser la dépense sociale.

Je voudrais insister également – ce sera mon dernier point pour ce qui concerne les aspects budgétaires et comptables – sur le fait que nos efforts de maîtrise des déficits, et notamment du déficit de la branche vieillesse, nous permettront, grâce au dispositif de reprise de la dette par la Caisse d’amortissement de la dette sociale, la CADES, mis en place en 2010, avec un niveau annuel de 10 milliards d'euros et un plafond de 62 milliards d'euros sur la période 2012-2018, de reprendre une partie de la dette des branches famille et maladie en 2014, pour un montant de 4 milliards d'euros. Nous pourrons ainsi contenir la dette des comptes sociaux sans prendre de mesure générale de prélèvement.

Voilà ce que je voulais vous dire au sujet de l’évolution des déficits et de la maîtrise des dépenses et des comptes.

J’en viens aux mesures de prélèvement inscrites dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014, qui sont destinées, d'une part, à assurer le rééquilibrage de comptes qui nous ont été laissés dans une situation de déficit préoccupante, et, d'autre part, à financer de nouvelles orientations politiques répondant à un objectif de justice. Je prendrai des exemples précis en vous expliquant les raisons de nos décisions.

S'agissant des retraites, l’augmentation de la cotisation et la fiscalisation des majorations de pension permettront le rééquilibrage de notre régime, ce qui est la garantie de sa pérennité. Nous avons également la volonté – les articles 9 et 10 du projet de loi en témoignent – de financer les engagements pris pour le régime des indépendants, mais aussi le régime agricole, à travers la mise en sommeil d’un certain nombre de pratiques d’optimisation dans les exploitations agricoles. Là encore, nous poursuivons un objectif de solidarité et de justice.

S'agissant de la branche famille, les mesures relatives au quotient familial doivent dégager un milliard d'euros d’économies. Ces mesures de quotient seront financées essentiellement par les 13 % de familles françaises dont la capacité contributive est la plus importante. Elles permettront de diminuer le déficit de la branche famille, qui atteignait 2, 5 milliards d'euros lorsque nous sommes arrivés au pouvoir, mais également de financer des politiques nouvelles. Ces politiques nouvelles, dont le financement proviendra aussi des 200 millions d'euros d’économies prévues par le budget 2014, qui devraient monter en puissance pour atteindre 800 millions d'euros à l’horizon 2017, sont notamment la création de 270 000 places d’accueil pour les jeunes enfants et l’augmentation du complément familial et de l’allocation de soutien familial, dans le cadre du plan pauvreté pour les familles les plus en difficulté.

La fiscalisation de la contribution des entreprises aux contrats collectifs de complémentaire santé traduit la volonté du Gouvernement de généraliser ces contrats collectifs, conformément aux termes de l’accord national interprofessionnel. C’est donc une mesure de justice. De la même manière, nous avons décidé d’augmenter le plafond de la couverture maladie universelle, la CMU, afin de permettre à 750 000 familles d’avoir accès à ce service auquel elles n’avaient pas accès jusqu’à présent.

Je voudrais enfin dire quelques mots d’une mesure qui a fait débat au cours des dernières semaines, et dont on ne comprendrait pas que je la passe sous silence, à savoir la simplification et l’harmonisation des prélèvements sociaux sur les produits d’épargne. Contrairement à ce qui a pu être dit, parfois sans que la rigueur ait été convoquée, cette mesure n’est pas une taxe nouvelle. Les prélèvements sociaux sur les produits d’épargne s’établissaient déjà à 15, 5 %. Il n’a donc pas été décidé de créer de nouveaux prélèvements sociaux sur les produits d’épargne.

Une grande partie des produits d’épargne était déjà soumise à des prélèvements sociaux de 15, 5 % à la sortie des fonds : je pense notamment aux plans épargne logement, les PEL, ouverts à partir de 2011 ou ayant une durée de vie de plus de dix ans, et aux produits d’assurance vie pour les versements intervenus après 1997. Le système en vigueur était confus et prévoyait, du fait de la superposition de dispositifs hérités de l’histoire, des niveaux de taxation différents pour des produits de même nature.

Il est faux de dire qu’une taxe nouvelle de 15, 5 % applicable aux produits d’épargne au moment de la sortie des fonds a été décidée par le Gouvernement. Le taux des prélèvements sociaux sur les produits d’épargne, comme d'ailleurs sur d’autres plus-values, était déjà de 15, 5 %. Il a été décidé non pas de créer ce prélèvement mais, par souci d’harmonisation, d’appliquer les prélèvements existants à l’ensemble des produits d’épargne identiques.

Il n’a pas non plus été décidé d’augmenter le taux des prélèvements sociaux.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué

Ce taux a été augmenté de façon très significative par nos prédécesseurs.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué

Dans le tumulte des débats parlementaires à l’Assemblée nationale, qui ont eu un certain retentissement médiatique, on a oublié de préciser que le taux des prélèvements sociaux sur les produits d’épargne était passé de 10 % à 15, 5 % entre 2009 et 2012, ce qui représente un prélèvement de 6 milliards d'euros en trois ans sur les épargnants, quel que soit le niveau de leur épargne. Je le répète, nous n’avons pas proposé d’augmenter le taux de prélèvement sur l’épargne ; nous avons simplement souhaité que tous les produits de même catégorie se voient appliquer les mêmes prélèvements sociaux à la sortie.

Cela a suscité des interrogations. Nous avons donc décidé, parce que nous sommes soucieux de favoriser l’apaisement et d’initier la concertation, d’exclure du dispositif tous les produits d’épargne à l’exception de l’assurance vie.

Si nous avons traité différemment l’assurance vie, c’est pour des raisons qui tiennent à la spécificité de ce produit, mais aussi et surtout parce que nous avons l’intention, à la faveur du projet de loi de financement de la sécurité sociale et du prochain projet de loi de finances rectificative, de présenter un dispositif global de réforme de l’assurance vie destiné à faire en sorte qu’une partie des avoirs actuellement placés sur ces contrats soit orientée vers le financement du logement et des entreprises. Nous agissons dans l’intérêt du monde de l’entreprise et de la politique du logement.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué

Nous agissons également en accord avec le monde de l’assurance, que nous avons consulté pour nous assurer que la réforme produise tous ses effets et permette la relance de l’activité économique et de la croissance.

Avant de conclure, je voudrais insister sur un dernier point : l’importance des économies de dépenses inscrites dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, pour un montant de 4, 5 milliards d'euros. Celles-ci concernent d'abord l’ONDAM. Les efforts que nous réalisons pour maîtriser la dépense depuis notre arrivée aux responsabilités portent leurs fruits, puisque, en 2012, l’objectif fixé par la précédente majorité a été dépassé d’un milliard d'euros. Lors de la dernière commission des comptes de la sécurité sociale, nous avons constaté, Marisol Touraine et moi-même, que l’objectif devrait être dépassé d’au moins 600 millions d'euros en 2013. Cela nous permettra de maintenir la progression de l’ONDAM à 2, 4 %, contre 4 % en moyenne au cours des dix dernières années. Nous économiserons ainsi à peu près 3 milliards d'euros sur les dépenses d’assurance maladie en 2014, sans remettre en cause les remboursements ni la qualité des prestations.

À ces 3 milliards d'euros d’économies sur les dépenses d’assurance maladie s’ajoutent 800 millions d'euros d’économies résultant du report de l’indexation des retraites au mois d’octobre, et 500 millions d'euros d’économies résultant de la modernisation des caisses de sécurité sociale, notamment des politiques de dématérialisation et de numérisation. Nous entendons poursuivre cet effort d’économies en matière de dépenses, parce que c’est une manière d’éviter que la mauvaise dépense publique ne chasse la bonne, ce qui permettra de ne pas solliciter davantage les prélèvements obligatoires au cours des prochaines années pour équilibrer nos comptes.

Voilà ce que je voulais vous dire au sujet de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014. Je forme le vœu que, dans cette assemblée, dont chaque membre étudie ces questions avec beaucoup de compétence et de méticulosité, nous puissions avoir un débat riche…

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Jouanno

Vous n’écoutez jamais ce que dit le Sénat !

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre délégué

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. … qui permette d’aller au bout des interrogations, de conforter les politiques publiques et de renforcer nos politiques de solidarité, pour faire en sorte que le modèle social français monte en gamme et se trouve consolidé dans les années à venir.

Applaudissements

Debut de section - Permalien
Michèle Delaunay

Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mesdames, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 est marqué par la volonté de tenir les engagements du Gouvernement pour accompagner le renforcement du secteur de l’âge, mais aussi du handicap, dans une année marquée par une pression sans précédent sur les comptes sociaux.

Nous avons dû faire des choix. Ces choix sont tournés vers la consolidation des politiques engagées, qui ne peuvent être fragilisées. Avec un taux de progression de 3 %, contre 2, 4 % pour l’ONDAM général, l’ONDAM médico-social continue de progresser plus fortement que les autres enveloppes – soins de ville et hôpital –, mais contribue toutefois à l’effort d’économies demandé à tous dans la mesure où les besoins sont encore très dynamiques.

Un effort est également réalisé pour maintenir un niveau de dépenses suffisant en opérant un prélèvement sur les réserves de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, la CNSA, qui sont mises à contribution afin de construire l’objectif général de dépenses, à hauteur de 70 millions d’euros. Au total, le niveau de dépenses autorisé pour le secteur des personnes âgées en 2014 sera de 8, 6 milliards d’euros, l’ONDAM médico-social s’établissant quant à lui à 17, 6 milliards d’euros.

Pour les établissements et les services, cela se traduira par un taux moyen de reconduction des budgets en augmentation de 1 % – 1, 1 % pour la masse salariale et 0, 55 % pour l’impact prix – en 2014. Cela leur permettra notamment de couvrir les effets du glissement vieillesse technicité, le fameux GVT, ou encore de financer des mesures catégorielles. Ce taux de reconduction est fixé de manière à ne pas fragiliser la base financière des établissements et des services, qui repose largement sur la masse salariale.

Ce niveau de dépenses pour les personnes âgées va permettre également de poursuivre notre politique de médicalisation des EHPAD, qui est pour nous une priorité.

Une somme de 140 millions d’euros y sera consacrée, dont 10 millions d’euros pour financer la réouverture attendue du tarif global en EHPAD, lequel constitue un moyen d’améliorer les parcours de santé des résidents, comme le prévoit également – Mme Touraine vient de le rappeler – la stratégie nationale de santé.

Les travaux conduits récemment par l’Inspection générale des affaires sociales, l’IGAS, démontrent les progrès que nous pouvons faire en matière de qualité et d’efficience si nous prenons cette voie. Les conditions et les critères sont en cours de formalisation, car tous les établissements ne seront pas concernés par cette première vague de réouverture.

Enfin, comme le Président de la République s’y était engagé, …

Debut de section - Permalien
Michèle Delaunay, ministre déléguée

… les travaux d’élaboration d’un nouveau plan Alzheimer, élargi aux maladies neurodégénératives, ont débuté.

Debut de section - Permalien
Michèle Delaunay, ministre déléguée

C’est une bonne chose !

Afin d’éviter les effets de rupture, les mesures du plan précédent arrivées à échéance mais qui n’ont pas toutes été déployées pourront continuer à être mises en œuvre. Il est en effet prévu un financement de mesures nouvelles à hauteur de 15 millions d’euros.

Au-delà de cet objectif de continuité, cinquante nouvelles maisons pour l’autonomie et l’intégration des malades Alzheimer, les fameuses MAIA, pourront être autorisées en 2014. Celles-ci contribuent à l’amélioration de la qualité des réponses apportées aux personnes âgées sur nos territoires. Elles permettent une meilleure intégration des réponses et des acteurs de la chaîne du soin et de l’accompagnement, ce que l’on appelle le « travail ensemble ». Or nous le savons, l’interdisciplinarité, quand il s’agit d’intervenir dans un parcours de vie, est indispensable.

Concernant l’investissement nécessaire dans un secteur en évolution constante, caractérisé par des besoins importants de remise à niveau des bâtis, je souhaite également souligner que l’objectif global de dépenses intègre l’affectation de 2 % de la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie, la CASA, au financement du plan d’aide à l’investissement.

Vous le savez, la cause de l’âge est l’un des défis majeurs de ce début du XXIe siècle, après avoir été le progrès majeur du XXe siècle. C’est pour répondre à cet enjeu que nous soumettrons à la discussion et au vote du Parlement un projet de loi d’orientation et de programmation dite d’adaptation de la société au défi de l’avancée en âge. Les premières mesures entreront en vigueur au 1er janvier 2015, comme le Gouvernement s’y est engagé, en autorisant une pleine affectation de la CASA au financement des mesures de ce projet de loi majeur. L’annonce de Jean-Marc Ayrault du 14 octobre dernier nous permet aujourd’hui d’engager un travail de partage et de concertation sur une réforme de société trop longtemps attendue.

Dans ce contexte, l’Assemblée nationale a voté, avec l’accord du Gouvernement, la possibilité d’anticiper le vote effectif de la loi d’orientation et de programmation dès 2014 en mobilisant 100 millions d’euros de crédits issus de la CASA au service de la politique de l’âge. Comme le Premier ministre l’a rappelé, nous inscrirons dans la loi l’ensemble de cette politique que nous défendons depuis notre arrivée au Gouvernement.

Pour ce faire, nous procéderons en deux temps. La concertation sera tout d’abord conduite pour être en cohérence avec les étapes de mise en œuvre, c’est-à-dire qu’elle portera sur le cadre global de la réforme d’adaptation de la société au vieillissement ainsi que sur les mesures venant conforter une politique pour le domicile. Puis, à partir du début d’année prochaine, un travail de concertation sera mené sur les mesures relatives à l’accompagnement en établissement.

Je veux préciser devant vous les trois piliers de la loi que nous vous soumettrons prochainement.

Elle sera tout d’abord fondée sur l’anticipation, ce qui permettra de mettre en place une véritable politique de prévention. En effet, vous le savez, il est possible aujourd’hui de retarder et d’atténuer la perte d’autonomie.

Ensuite, nous mettrons en place un volet « adaptation », parce qu’il s’agit de préparer notre société à tous les défis de la longévité. C’est l’affaire de la société tout entière. Les quinquagénaires d’aujourd’hui auront quatre-vingts ans en 2040 et les mesures que nous prendrons devront leur fournir un cadre pour vivre leur vieillesse dans un logement adapté, dans un cadre de vie sécurisé et accessible, entourés des technologies susceptibles de faciliter leur vie quotidienne, et accompagnés par de vraies solidarités, à la fois locale et familiale. Il importe aussi de dire qu’une telle politique encourage le développement d’une nouvelle filière économique, la silver économie, créatrice d’innovation, d’emplois et de croissance.

Enfin, le troisième pilier, c’est l’accompagnement pour améliorer la vie des personnes âgées et répondre à l’inquiétude des familles face à la dépendance. La perte d’autonomie est un moment souvent très difficile qui peut mettre en grande difficulté la cohésion des familles et qui marque le début d’un processus long fait de plusieurs étapes, qui peuvent être autant de moments de choix, d’incertitudes et d’angoisses.

Ce projet doit répondre à toutes ces questions, à tous ces défis. Dans le même temps, s’agissant de sa mise en œuvre, il est de la responsabilité du Gouvernement de veiller aux capacités actuelles de nos finances publiques, faute de quoi nous ne serions pas crédibles. §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

La parole est à Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée.

Debut de section - Permalien
Dominique Bertinotti

Monsieur le président, mesdames les ministres, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mesdames, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi de financement de la sécurité sociale que vous allez examiner aujourd’hui traduit le choix du Gouvernement d’avoir une politique familiale volontariste, seule à même de promouvoir toutes les familles dans le respect de leur diversité.

Comme nous célébrons cette année les soixante-dix ans de la création du Conseil national de la résistance, il m’est apparu éclairant de citer de brefs extraits des mémoires, rédigées en 1962, de Pierre Laroque, grand artisan de la sécurité sociale : « Pour une politique sociale de la famille, il faut donc aujourd’hui beaucoup d’ambition [...] car elle doit tendre à aider toutes les familles, quelle que soit leur diversité, à remplir le mieux possible, dans tous les domaines, leur rôle social ».

C’est bien dans cet esprit que nous devons débattre aujourd’hui de notre politique familiale. Aussi, nous sommes tous d’accord pour lui donner les moyens de continuer à aider toutes les familles. Nous nous accordons aussi, sans doute à l’unanimité de cet hémicycle, à reconnaître les atouts de notre politique familiale, enviée dans nombre de pays : elle contribue au dynamisme de notre démographie ; elle est généreuse envers la petite enfance ; elle permet aux femmes de concilier vie familiale et vie professionnelle.

Mais s’accorder sur ces atouts ne doit pas nous conduire à l’immobilisme ; au contraire, ce constat doit nous pousser à agir. Quand le déficit de la branche famille s’élève à plus de 2, 6 milliards d’euros, quand la pauvreté touche un enfant sur cinq, quand un enfant issu d’une famille aisée bénéficie davantage de la politique familiale qu’un enfant issu d’une famille pauvre, quand l’offre d’accueil des moins de trois ans varie de un à neuf selon les départements, quand 92 % des enfants issus de familles pauvres sont gardés par leurs parents, nous ne pouvons pas nous laisser gagner par l’immobilisme !

Debut de section - Permalien
Dominique Bertinotti, ministre déléguée

Agir, ce n’est pas remettre en cause les atouts de notre politique familiale. Agir, au contraire, c’est la pérenniser et l’adapter aux nouvelles attentes de nos concitoyens, dans un souci d’efficacité et de justice.

La véritable promotion des familles exige de porter un regard lucide sur la correction des lacunes de notre politique familiale : ne pas laisser le déficit se creuser, le nombre d’enfants pauvres augmenter, les inégalités en termes d’accueil du jeune enfant s’amplifier.

Oui, le Gouvernement a fait le choix d’agir, avec une politique familiale volontariste et des objectifs clairs : garantir la pérennité de la politique familiale ; continuer à aider toutes les familles en préservant le principe d’universalité ; assurer plus de justice en rendant notre politique familiale plus redistributive et en développant les services aux enfants et aux familles ; faire reculer la pauvreté des enfants ; lutter contre les inégalités territoriales ; favoriser l’égalité entre les femmes et les hommes.

Nous avons déjà agi dans plusieurs directions. Nous avons tout d’abord fixé un objectif de création de 275 000 solutions d’accueil pour les enfants âgés de moins de trois ans.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

Effectivement, ce sont les maires qui paient !

Debut de section - Permalien
Dominique Bertinotti, ministre déléguée

Avec la Caisse nationale des allocations familiales, messieurs les sénateurs.

Nous avons également mobilisé un budget sans précédent pour financer cette ambition pour la petite enfance. Je vous rappelle que le montant du fonds national d’action sociale passera de 4, 6 milliards d’euros en 2012 à 6, 6 milliards d’euros en 2017.

Debut de section - Permalien
Dominique Bertinotti, ministre déléguée

Pour la petite enfance, cela représente un budget global de 2013 à 2017 de 16 milliards d’euros, alors que, sur la période de 2009 à 2012, seuls 8 milliards d’euros y étaient consacrés.

Par ailleurs, au travers de la nouvelle convention d’objectifs et de gestion signée entre l’État et la CNAF, nous encourageons la politique de soutien aux parents, rompant ainsi avec la stigmatisation dont ils ont trop longtemps fait l’objet.

Debut de section - Permalien
Dominique Bertinotti, ministre déléguée

C’est pourquoi nous avons multiplié par deux le budget de soutien à la parentalité, lequel passe de 50 millions d’euros à 100 millions d’euros.

Enfin, nous contribuons à la mise en œuvre des nouveaux temps éducatifs, les CAF versant une aide de 54 euros par enfant et par an pour les accueils déclarés.

Pour agir efficacement, et au plus près des attentes de nos concitoyens, nous suivons une méthode nouvelle. Ainsi, des schémas territoriaux permettront de lutter contre les inégalités territoriales en matière d’accès aux services aux familles grâce à un pilotage de la politique plus lisible et des aides mieux ciblées.

Avec le PLFSS pour 2014, nous poursuivons notre action en mettant en place davantage de mécanismes de solidarité en faveur des familles modestes. Comme cela a été rappelé, la revalorisation de 50 % du complément familial concernera 1, 5 million d’enfants, tandis que celle de l’allocation de soutien familial touchera 3 millions de familles monoparentales. Voilà des actions très concrètes pour réduire la pauvreté des enfants, qui se concentre dans les familles monoparentales et les familles nombreuses.

Debut de section - Permalien
Dominique Bertinotti, ministre déléguée

J’ajoute qu’à l’occasion de la discussion du projet de loi pour l’égalité entre les femmes et les hommes au Sénat, j’ai pu reprendre l’idée, évoquée lors de la discussion du PLFSS pour 2013, d’un développement du tiers payant pour les familles modestes qui ont recours à une assistante maternelle. Vous avez d’ailleurs très largement voté cette mesure.

Cette politique de justice et de développement des services aux familles justifie l’abaissement de l’avantage fiscal procuré par le quotient familial. Faut-il rappeler que 88 % des familles ne sont pas concernées par cette mesure et que seules 12 % d’entre elles seront touchées ?

Enfin, je tiens à rassurer toutes celles et tous ceux qui s’interrogent sur le financement de la branche famille : les recettes liées à la baisse de l’avantage fiscal procuré par le quotient familial seront intégralement affectées à la branche famille. La baisse de la cotisation patronale famille sera compensée par le budget de l’État.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 et la réforme de la politique familiale qu’il comporte sont des actes forts en faveur de la promotion des familles, de toutes les familles. En effet, la meilleure façon de valoriser les familles consiste à leur offrir de nouveaux services, de nouveaux repères, à prendre en compte leurs nouveaux besoins et à y répondre, au lieu de se contenter simplement d’une politique de prestations financières.

Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Monsieur le président, mesdames les ministres, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, mes chers collègues, l’examen de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 nous donne aujourd’hui l’occasion de dresser un premier bilan de l’action menée par la nouvelle majorité en matière de finances sociales.

Dix-huit mois se sont en effet écoulés depuis l’élection présidentielle et la nomination d’un nouveau Gouvernement ; dix-huit mois qui nous ont permis de définir, dans le dialogue et la concertation, les contours des réformes structurelles nécessaires au redressement de nos comptes publics ; dix-huit mois qui nous ont permis de rompre avec cinq ans de dérives, en proposant aux Français une gestion responsable de nos comptes sociaux.

Exclamations sur les travées de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Quelle situation avons-nous en effet trouvée en mai 2012 ? Des déficits de 22, 5 milliards d’euros pour le fonds de solidarité vieillesse, le FSV, et l’ensemble des régimes de base obligatoire et de 17, 4 milliards d’euros pour le régime général ! Telle est la vérité !

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Un nouveau dérapage des déficits était annoncé par la commission des comptes de la sécurité sociale au titre de la première moitié de l’année 2012 ! Cette dégradation des comptes, sans atteindre les records établis en 2010, apparaissait suffisamment prononcée pour remettre en question l’existence même de notre système de protection sociale.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Certes, je l’ai déjà rappelé lors de la dernière réunion de la commission des affaires sociales, l’équilibre comptable ne doit pas constituer une fin en soi. En période de crise, notre système de protection sociale doit bien évidemment jouer son rôle « d’amortisseur ».

Cependant, comment pourrait-il le faire, lorsque son niveau de déficit est tel que la soutenabilité des politiques qu’il est censé mettre en œuvre peut être remise en cause ? Comment pourrait-il le faire lorsque le fameux « trou de la sécu » se creuse au point de faire douter nos compatriotes de la crédibilité des droits que la sécurité sociale est censée leur garantir ? Tel est le constat qui a conduit le Gouvernement à placer le redressement de nos comptes sociaux en tête de ses priorités.

Au regard de ce lourd passif hérité de la gestion précédente, dans quelle situation sommes-nous un an et demi plus tard ? Nous ne sommes pas encore sortis de la zone rouge, loin s’en faut, …

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

… mais la tendance affichée nous permet d’espérer un retour vers des soldes plus conformes aux principes d’une bonne gestion des ressources publiques.

D’une part, les efforts réalisés pour inverser la tendance de 2012 ont porté leurs fruits. La suppression des niches fiscales et le relèvement des taxes sur le capital voté dans le cadre de la loi de finances rectificative du 16 août 2012 ont permis de respecter les prévisions fixées par le précédent gouvernement.

D’autre part, les mesures prises dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 nous permettent d’afficher, pour l’année en cours, une nouvelle réduction des déficits sociaux, en dépit d’un contexte économique dégradé.

Mercredi dernier, notre collègue Alain Milon me reprochait – mais peut-être n’était-ce pas un reproche – de déployer beaucoup d’efforts pour convaincre les membres de la commission des affaires sociales des progrès accomplis en matière de déficits. Pourtant, les résultats sont là ! En deux ans, le déficit des régimes obligatoires a été réduit de 5, 5 milliards d’euros.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

Avec 4 milliards d’euros d’impôts en plus !

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Le déficit du régime général a diminué de 3, 9 milliards d’euros. Les efforts demandés à nos compatriotes n’ont donc pas été vains ! L’ajustement est sans doute douloureux, mais il permet d’endiguer la dérive des comptes face à la crise. Il peut provoquer des mécontentements, mais il permet d’améliorer l’équité de notre système de protection sociale. Cette politique sera d’ailleurs poursuivie en 2014.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Plus de 8 milliards d’euros sont en effet attendus des mesures inscrites dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale et dans le projet de loi de finances pour 2014, afin de rapprocher les comptes du régime général de leur niveau d’avant la crise. Des économies de plus de 4 milliards d’euros seront ainsi réalisées – Mmes les ministres et M. le ministre les ont détaillées –, grâce à la mise en œuvre de la réforme des retraites, de la réforme de la politique familiale et de la stratégie nationale de santé.

Nous nous inscrivons donc dans une dynamique positive entretenue par la montée en puissance des réformes qui devraient permettre, à l’horizon de 2017, de tendre vers l’équilibre des comptes sociaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Si tel est le cas, nous aurions, en l’espace d’une législature, divisé le déficit de la sécurité sociale par plus de quatre ! Et nous aurions fait la preuve, si besoin était, qu’une politique de gauche peut faire rimer justice sociale et saine gestion des comptes publics.

Applaudissements

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

S’agissant de la gestion de la dette sociale, j’avais regretté l’absence, l’an dernier, dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013, de dispositions relatives au transfert à la Caisse d’amortissement de la dette sociale, la CADES, des déficits des branches famille et maladie. En effet, en dépit de conditions de marché tout à fait exceptionnelles, il ne me semblait pas de bonne pratique de laisser l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l’ACOSS, gérer en trésorerie des déficits aussi élevés.

L’article 14 de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 réussit à répondre à cette préoccupation en élargissant le dispositif de reprise de dette mis en place par l’article 9 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011.

Cet élargissement, qui ne modifie ni le montant maximal des transferts ni la durée d’amortissement de la dette sociale, permettra de tirer parti du rééquilibrage progressif des comptes de la branche vieillesse résultant des mesures adoptées dans le cadre de la réforme des retraites. Il permettra de reprendre près de 30 milliards d’euros entre 2013 et 2017 et d’éviter d’avoir à recourir à une mesure globale, synonyme d’augmentation du taux de la contribution au remboursement de la dette sociale, la CRDS, ou d’affectation de nouvelles ressources à la CADES.

Telles sont, mes chers collègues, les principales considérations que je souhaitais livrer au Sénat sur les recettes et l’équilibre. Vous l’avez compris, nous respectons, cette année encore, les engagements pris devant nos concitoyens. Nous rendons à notre système de protection sociale les marges de manœuvre financières dont il a besoin. Nous garantissons aux plus vulnérables les moyens d’accéder aux services qui leur sont nécessaires.

La commission a d’ailleurs adopté en ce sens un amendement fixant le taux de la taxe spéciale sur les contrats d’assurance à 3, 5 % pour les contrats réservés aux bénéficiaires de l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé, ou ACS. Ce taux réduit, applicable aux contrats sélectionnés à l’issue de la procédure de mise en concurrence prévue par l’article 45 de ce projet de loi, devrait avoir un double effet : inciter les assureurs à proposer des garanties de qualité à moindre coût et encourager les bénéficiaires de l’ACS à souscrire à ces contrats, diminuant ainsi le taux de non-recours à une complémentaire santé. J’espère, mesdames les ministres, monsieur le ministre, que cette initiative recevra votre assentiment.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

J’en viens maintenant à la partie du projet de loi de financement de la sécurité sociale relative à l’assurance maladie.

Le Premier ministre a annoncé, en février dernier, la mise en place d’une stratégie nationale de santé que vous avez détaillée le 23 septembre, madame la ministre. Sans revenir précisément sur ses différents points, je souhaite surtout saluer la méthode : cette stratégie embrasse, dans son ensemble, notre système de santé et vise à le transformer de manière globale, durable et pérenne pour l’adapter aux changements profonds que nous connaissons tous.

Certains jugeront sans doute que cette stratégie n’a rien de spectaculaire, mais elle représente la seule voie efficace et pertinente. Réorienter notre système vers la prévention, l’accompagnement global des patients, un décloisonnement des prises en charge, une meilleure coopération entre les professionnels, une véritable collaboration entre le sanitaire, le social et le médico-social, ne peut se faire en un jour, au risque de casser tout simplement les outils construits pas à pas au fil des décennies.

La concertation et une mise en œuvre planifiée dans le temps sont les conditions du caractère durable de toute réforme d’ampleur. C’est dans cet esprit que s’inscrit le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014. Il contient de nombreuses mesures, que je regrouperai en quatre axes : mieux organiser les soins primaires, faciliter l’accès aux soins et aux droits, aménager le financement des établissements de santé, améliorer le circuit du médicament.

Mieux organiser les soins primaires représente naturellement une priorité pour notre système de santé. Celle-ci passe par le renforcement de la prise en charge de proximité autour du médecin traitant. Pour cela, nous allons prolonger d’une année l’expérimentation relative aux nouveaux modes de rémunération, mais je souhaite que les partenaires conventionnels démarrent au plus tôt les négociations pour proposer un dispositif pérenne de financement des équipes de soins et de coordination. Il est essentiel de définir clairement des rémunérations qui soient complémentaires du paiement à l’acte.

Ces rémunérations différentes constituent l’un des éléments dans la mise en place de parcours de santé. À cet égard, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 ouvre la voie à deux expérimentations, l’une sur l’insuffisance rénale chronique, ou IRC, l’autre sur le traitement du cancer par radiothérapie externe. L’expérimentation portant sur le traitement de l’IRC me semble particulièrement prometteuse, car la prise en charge de cette pathologie repose nécessairement sur un ensemble varié d’acteurs. L’étude d’impact précise d’ailleurs que le promoteur du projet pourrait être chargé de la répartition des crédits entre les différents partenaires ; il s’agit d’une évolution très intéressante et particulièrement innovante en termes de décloisonnement. Madame la ministre, peut-être pourrez-vous nous apporter quelques précisions sur ce point ?

Par ailleurs, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 met finalement en place les premiers éléments d’un cadre financier pour la télémédecine, ce qui me semble également extrêmement important pour nos territoires.

Madame la ministre, l’Assemblée nationale a inséré une disposition pour conforter les centres de santé, dont la fragilité financière a été reconnue par le récent rapport de l’IGAS, lequel met en avant, dans le même temps, leur grande utilité sociale et sanitaire. Notre commission a souhaité aller plus loin sur ce sujet pour simplifier la gestion des centres et renforcer encore leur place dans le système de santé. Pouvez-vous nous indiquer plus généralement quelles sont les intentions du Gouvernement pour mieux assurer la place des centres de santé dans notre système de prise en charge ?

Faciliter l’accès aux soins et aux droits constitue, à mon sens, le deuxième axe de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale. Parmi les différentes mesures, je n’évoquerai que celles relatives à la couverture complémentaire en santé. Elles sont structurelles : elles visent à aider les bénéficiaires de l’ACS à choisir un contrat dont le rapport qualité-prix aura été validé par les pouvoirs publics et, surtout, à mettre un frein à la surenchère que nous avons constatée dans le remboursement de certains frais. On ne rend service ni aux Français ni au système de soins lui-même en solvabilisant de manière excessive certaines dépenses.

En prévoyant que, pour bénéficier d’un taux réduit de taxe spéciale sur les conventions d’assurance, TSCA, les contrats complémentaires ne devront pas prendre en charge des honoraires et des frais au-delà d’un certain seuil, tout en les obligeant à rembourser le ticket modérateur, nous contribuons positivement à la régulation des dépenses qui restent à la charge de nos concitoyens. Et je ne peux que m’en féliciter !

Par ailleurs, notre commission a souhaité aller plus loin que ce qu’avait proposé l’Assemblée nationale pour faciliter l’accès à la CMU-C et à l’ACS. En nous inspirant du dispositif qui lie le RSA-socle à la CMU-C, nous avons prévu que les allocataires du minimum vieillesse ou les bénéficiaires de l’allocation aux adultes handicapés, l’AAH, sont réputés satisfaire les conditions pour bénéficier de l’ACS. Cette mesure de simplification, tant pour les demandeurs que pour les personnels des caisses, me semble lever un verrou important, alors même que l’ACS connaît un taux de non-recours très élevé.

Madame la ministre, entendez-vous reprendre cette mesure ? Sur un plan plus général, quelles sont vos intentions afin de lutter contre le véritable parcours du combattant que traversent les plus démunis dans l’accès à leurs droits ?

Le troisième thème que je souhaite aborder concerne le financement des établissements de santé. Je serai bref sur ce point. Je ne peux, en effet, que me féliciter en constatant la reprise de deux mesures proposées l’année dernière dans le rapport de la Mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, la MECSS, dont les éminents rapporteurs étaient, rappelons-le, Jacky Le Menn et Alain Milon

Nous avions souligné le fait que les principes mêmes de la tarification à l’activité pouvaient mettre en difficulté certains établissements isolés dont les coûts fixes ne permettent pas de s’aligner sur les coûts moyens calculés à l’échelon national pour l’élaboration des tarifs. Nous avions aussi mis en avant le risque inflationniste de la tarification à l’activité, la T2A. C’est la raison pour laquelle la minoration des tarifs au-delà d’un certain seuil d’activité peut constituer un outil permettant aux finances publiques de bénéficier d’une part des économies d’échelle que certaines prestations génèrent.

Pour autant, la communauté hospitalière montre des signes d’inquiétude quant aux modalités d’application de la mesure proposée dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Pouvez-vous, madame la ministre, nous apporter des précisions sur les activités qui seront concernées par la dégressivité des tarifs ?

Quatrième axe de travail : améliorer le circuit du médicament. Dans ce domaine aussi, le texte contient plusieurs mesures que je ne détaillerai pas : la refonte des taxes pharmaceutiques, la prise en charge des patients traités avec un médicament ayant bénéficié d’une autorisation temporaire d’utilisation, l’expérimentation de la délivrance à l’unité, la diffusion des médicaments biosimilaires.

Je souhaite insister sur la proposition de l’Assemblée nationale d’augmenter le montant des remises sur les génériques au-delà du taux actuel de 17 %. Certes, la situation n’est guère satisfaisante aujourd’hui, puisque plusieurs études constatent un détournement de ce seuil.

Si la mesure proposée à l’Assemblée consiste uniquement à « légaliser » les ristournes qui dépassent le seuil de 17 %, pourquoi pas ? Toutefois, comment être certain que les coopérations commerciales disparaîtront réellement ? Surtout, aucune étude ou évaluation n’a pu être fournie sur l’impact d’un relèvement de seuil qui ne serait accompagné parallèlement d’aucune autre mesure, que ce soit en termes d’approvisionnement et de production industrielle ou de « partage des gains » pour l’assurance maladie.

C’est la raison pour laquelle notre commission a proposé, à ce stade, d’en rester au texte initial du Gouvernement, qui met en place un dispositif de déclaration permettant de diminuer les prix publics des médicaments.

Je saisis l’occasion de ce sujet pour soulever une question que l’on retrouve à plusieurs reprises dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale. Je l’ai dit, nous avons tous été alertés sur les éventuelles conséquences de la fixation d’un plafond de prise en charge par les contrats complémentaires.

Que ce soit pour les médicaments, les lunettes, les prothèses dentaires, les appareils d’audioprothèse, quelle est la répartition optimale des marges entre les différents acteurs de la chaîne de soins ? Quel niveau de transparence doit s’appliquer sur les prix, alors même que la collectivité, sécurité sociale ou couverture complémentaire, en solvabilise une large part ? Le consommateur doit-il savoir à quel prix le chirurgien-dentiste a acheté une prothèse, combien l’opticien a payé les verres, quel est le coût d’achat par le pharmacien du médicament ? Doit-il connaître le prix du dispositif médical mis en place par un professionnel ?

Nous avions déjà eu ce débat, passionné, au sujet des prothèses dentaires. Je crois qu’il se pose aujourd’hui de la même manière et avec la même acuité pour l’optique, voire le médicament.

Il me semble donc, madame la ministre, qu’il serait particulièrement intéressant de lancer une mission sur ce sujet en vue de déterminer comment rétribuer de manière juste l’ensemble des acteurs, du fabricant au revendeur final, à la fois pour favoriser la production dans notre pays et pour ne pas peser trop lourdement sur les finances de nos concitoyens et sur les comptes publics.

La transparence dans la formation des prix et des marges peut constituer, à mon sens, une porte d’entrée intéressante pour éclairer cette question. Cependant, nous voyons bien que nous devrons revenir sur ces sujets.

En conclusion, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 a comme priorité la consolidation de la solidarité nationale, qui constitue la base de notre protection sociale. Redressement durable des comptes, sans pour autant créer d’effet déflationniste, réformes de l’assurance vieillesse et de la politique familiale, stratégie nationale de santé fondée sur la proximité et la prévention, tels sont les éléments déterminants de ce texte que la commission des affaires sociales du Sénat a approuvé et vous demande d’adopter. §

Debut de section - PermalienPhoto de Georges Labazée

Monsieur le président, madame la présidente de la commission, mesdames, monsieur les ministres, mes chers collègues, en tant que rapporteur du volet médico-social du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014, je tiens à saluer la progression des crédits qui seront alloués à ce secteur en 2014.

Avec une hausse de 3 %, l’ONDAM médico-social connaît une progression, certes moins marquée que les années précédentes, mais plus dynamique que celle de l’ONDAM dans son ensemble. Si l’on ajoute à cette enveloppe les ressources propres que mobilisera la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, la CNSA, 18, 8 milliards d’euros seront consacrés l’année prochaine au financement des établissements et services médico-sociaux ; 9, 5 milliards d’euros seront dédiés au secteur des personnes handicapées et 9, 3 milliards d’euros à celui des personnes âgées. L’objectif global de dépenses, l’OGD, sera, en outre, abondé par un prélèvement de 70 millions d’euros effectué sur les réserves de la CNSA.

Ces crédits supplémentaires permettront de renforcer les moyens existants dans les établissements et services médico-sociaux, de remplir les objectifs de créations de places fixés par les différents plans gouvernementaux et de poursuivre la médicalisation des EHPAD.

Sur ce point, il faut noter qu’à la fin de l’année 2012 31 % des établissements, soit 26 % des places, n’étaient pas encore passés à un mode de tarification défini en fonction du GIR moyen pondéré soins. Des efforts substantiels devront donc encore être réalisés dans les années à venir pour achever ce processus.

En 2014, 15 millions d’euros vont être plus spécifiquement consacrés à l’achèvement du plan Alzheimer. Le rapport d’évaluation publié au mois de juin dernier constitue une base de travail solide pour conforter et améliorer les structures créées dans le cadre du plan. Je pense, en particulier, aux maisons pour l’autonomie et l’intégration des malades d’Alzheimer, les fameuses MAIA. Comme s’y est engagé le Président de la République, le plan doit être étendu à l’ensemble des maladies neurodégénératives. Je formule le souhait que la dynamique engagée avec le premier plan puisse être maintenue, voire amplifiée rapidement dans les années à venir.

Au cours des années passées, les rapporteurs pour le secteur médico-social ont fréquemment regretté la sous-consommation de l’OGD personnes âgées, qui a été de 189 millions d’euros en 2012 et devrait encore s’élever à 150 millions d’euros en 2013.

Le directeur de la CNSA, que nous avons rencontré lors des auditions, me l’a assuré, ce problème sera bientôt derrière nous grâce au resserrement du calendrier budgétaire et aux améliorations apportées au suivi des crédits, ainsi qu’à leurs modalités d’allocation pour les créations de places. Ainsi, les annonces de tarifications seront rapidement avancées du mois de juin au mois de mars, ce qui permettra une meilleure gestion. Je veillerai, en tout cas, à ce que les enveloppes sur lesquelles le Parlement se prononce chaque année puissent être effectivement consommées dans des conditions satisfaisantes.

À ce titre, il m’a semblé nécessaire d’améliorer le degré d’information dont dispose la représentation nationale quant au financement des établissements et services médico-sociaux. Le Gouvernement a l’obligation de transmettre au Parlement, chaque année avant le 15 septembre, un rapport sur le financement des établissements de santé qui, lorsqu’il est communiqué dans les temps, constitue un support utile à l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Rien n’existe dans le secteur médico-social, alors même que les règles de financement y sont à la fois hétérogènes et complexes.

Sur mon initiative, la commission a donc adopté un amendement tendant à introduire dans le code de l’action sociale et des familles un article qui constituera le pendant, pour les établissements et services financés par l’ONDAM médico-social, des dispositions du code de la sécurité sociale relatives au rapport annuel sur le financement des établissements de santé.

En début de navette, un seul article du projet de loi était consacré au secteur médico-social. Il s’agit, comme chaque année depuis la loi de financement pour 2011, d’affecter une partie du produit de la contribution de solidarité pour l’autonomie au financement du plan d’aide à l’investissement, le PAI. Pour 2014, ce sont 2 % qui doivent y être consacrés, soit un peu moins de 50 millions d’euros.

Chaque année, les crédits alloués au PAI sont gelés au titre des mesures de régulation de l’ONDAM. Ils sont ensuite abondés en cours d’exercice budgétaire à partir des réserves de la CNSA. Si la meilleure consommation de l’OGD se confirme dans les années à venir, les ressources de la CNSA ne permettront bientôt plus de compenser ces mesures de gel.

Or, grâce au PAI, la CNSA apporte un soutien indispensable pour le financement des investissements réalisés par les structures médico-sociales. En effet, ces crédits sécurisent l’accès à l’emprunt et contribuent à limiter le poids de l’investissement dans les tarifs appliqués par les établissements. Il s’ensuit donc nécessairement un allégement du prix de journée.

En outre, les besoins de modernisation et de remise aux normes, déjà importants, sont appelés à augmenter fortement dans les années à venir en raison du vieillissement du parc. Nous pouvons estimer, en tenant compte des situations différentes selon les départements, qu’il est actuellement obligatoire de rénover environ 40 % du parc des EHPAD ou, pour le dire plus communément, des maisons de retraite. Cela représente des sommes très importantes que les départements ne peuvent assumer à eux seuls.

La commission a donc adopté, sur ma proposition, un amendement visant à mieux identifier et sécuriser les crédits destinés au PAI au sein du budget de la CNSA. Au moins 2 % du produit de la CSA lui sera désormais affecté de façon pérenne au sein d’une nouvelle section dédiée à l’investissement.

L’Assemblée nationale a introduit un article additionnel qui a pour objet de mettre fin à l’expérimentation de la modulation du forfait soins dans les EHPAD en fonction d’indicateurs de qualité et d’efficience.

Dès l’examen du projet de loi de financement pour 2012, qui créait cette expérimentation, notre collègue Ronan Kerdraon avait demandé sa suppression, soulignant les incertitudes qui caractérisent la tarification des EHPAD, et la jugeant par conséquent prématurée.

Au nom de la commission des affaires sociales, je me félicite de cette convergence de vues entre nos deux assemblées, en regrettant cependant les blocages qui continuent d’empêcher toute clarification du système de financement des EHPAD. Je pense en particulier à la tarification à la ressource, prévue par la loi de financement pour 2009, mais qui n’est toujours pas entrée en vigueur, faute de décret. Un tel manque de visibilité est regrettable, d’autant plus qu’un nombre non négligeable d’établissements seront amenés à renouveler leurs conventions tripartites dans les prochaines années.

Une refonte de la tarification des établissements pour personnes handicapées vient d’être engagée dans le cadre de la modernisation de l’action publique, et nous nous en réjouissons, madame la ministre. Il s’agit d’un processus ambitieux qui a vocation à se dérouler sur plusieurs années. Je souhaite vivement qu’il puisse être une source d’inspiration pour réfléchir à des évolutions claires et consensuelles dans le secteur des personnes âgées.

Telles sont, mesdames les ministres, mes chers collègues, les principales observations que je souhaitais formuler sur le volet médico-social de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.

À l’heure où l’effort de redressement de nos comptes sociaux doit être partagé par tous, le soutien à l’autonomie des personnes âgées et handicapées demeure une priorité du Gouvernement. J’en suis heureux. Je le suis d’autant plus que, depuis l’intervention, le 14 octobre dernier, du Premier ministre, dont vous avez confirmé les propos à la tribune, madame la ministre, nous connaissons les contours et le calendrier de la future réforme sur l’adaptation de la société au vieillissement.

Son premier volet, qui doit être adopté d’ici à la fin de l’année prochaine, sera centré sur la prise en charge au domicile. La réforme de l’allocation personnalisée d’autonomie en constituera l’un des points majeurs. Dans un contexte où plus du quart des plans d’aide élaborés pour les bénéficiaires de l’APA à domicile sont aujourd’hui saturés, elle devra permettre de mieux prendre en compte les besoins des personnes les plus dépendantes.

Cette réforme sera également indissociable d’une réflexion sur le financement de l’APA, qui repose aujourd’hui trop largement sur les départements : depuis 2002, date à laquelle la part de l’État et celle des départements étaient égales, donc de 50 % chacune, la part de l’État est passée à 28 % et celle des départements à 72 %.

Je sais que le Gouvernement travaille à soutenir les départements pour le financement des différentes allocations individuelles de solidarité ; nous aurons l’occasion d’en débattre lors de l’examen du projet de loi de finances. Il est indispensable, à ce titre, que des garanties puissent être apportées aux départements quant à un partage équitable du financement de l’APA dans les années à venir.

Le second volet de cette réforme, qui sera mis en œuvre ultérieurement, portera sur la prise en charge en établissement et devra notamment traiter de la grave question du reste à charge acquitté par les résidents. Sur ce point, il me semble essentiel de travailler, sur la base d’un diagnostic étayé des différents coûts que supportent les personnes hébergées en établissement, à la refonte de dispositifs d’aides qui sont aujourd’hui insuffisamment coordonnés et trop peu redistributifs.

Nous le savons, cette réforme ne pourra être réellement ambitieuse qu’à la condition de s’appuyer sur des financements suffisants. Le Premier ministre nous l’a assuré, et vous nous l’avez également confirmé, madame la ministre, le produit de la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie, la CASA, lui sera entièrement consacré à partir de 2015. C’est heureux. Mais j’aurais été davantage satisfait si, comme cela avait été prévu initialement par le Gouvernement, la CASA avait été mise en réserve dès 2013 au sein d’une section dédiée du budget de la CNSA. De cette façon, nous aurions été en mesure de mobiliser, dès le début de l’année 2015, un peu plus de 1 milliard d’euros.

Or la CASA a été entièrement redirigée en 2013 pour alimenter le Fonds de solidarité vieillesse. Cette mesure, qui devait n’être qu’exceptionnelle, sera reconduite en 2014, même si – vous l’avez annoncé –, grâce à un amendement adopté par l’Assemblée nationale, 100 millions d’euros restent affectés à la CNSA. Il me semble qu’il aurait été plus lisible et plus compréhensible pour nos concitoyens que cette contribution, qui pèse sur les retraités, ait eu dès l’origine une vocation clairement assumée.

Je reste cependant optimiste. Depuis plusieurs années, sur l’ensemble des travées de cet hémicycle, nous attendons cette réforme de l’adaptation de la société au vieillissement. Aujourd’hui, nous avons des certitudes. Un cap clair a été fixé. La concertation va être engagée dans les prochains jours. Je souhaite qu’elle puisse aboutir rapidement et que 2014 soit une année porteuse d’un espoir renouvelé pour les personnes en situation de perte d’autonomie, pour leurs proches, ainsi que pour l’ensemble des professionnels qui les accompagnent chaque jour.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Pasquet

Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, en 2013, pour la sixième année consécutive, la branche famille afficherait un niveau élevé de déficit : 2, 8 milliards d’euros. Ce triste record – le dernier remontait à 2010 – s’explique par un ralentissement marqué des recettes, lui-même imputable à la mauvaise conjoncture économique.

Cette dégradation est toutefois moins importante que celle qui était initialement prévue, grâce au milliard d’euros de recettes supplémentaires affecté à la branche par la loi de finances rectificative d’août 2012 et la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013. Ce que j’avais alors qualifié de « bouffée d’oxygène » a mis fin à une fragilisation sans précédent des recettes de la branche opérée sous le précédent quinquennat, dont le transfert, en 2011, de 0, 28 point de CSG vers la CADES, la Caisse d’amortissement de la dette sociale, a été la mesure la plus emblématique.

Je souligne, à ce sujet, que le rendement des trois taxes affectées à la Caisse nationale des allocations familiales, la CNAF, en contrepartie de cette perte de CSG, ne cesse de diminuer d’année en année.

Malgré les efforts entrepris l’année dernière en recettes, le déficit de la branche continuerait de se creuser en 2014, pour atteindre 3, 3 milliards d’euros. Pour éviter ce dérapage, le présent projet de loi de financement prévoit un nouveau transfert de recettes à la branche famille pour un montant de 1 milliard d’euros, qui permettrait de ramener le déficit à 2, 3 milliards d’euros.

Ce milliard d’euros supplémentaire provient de l’affectation à la CNAF du gain financier attendu de la baisse du plafond du quotient familial de 2 000 à 1 500 euros par demi-part, mesure prévue à l’article 3 du projet de loi de finances pour 2014. Environ 1, 3 million de foyers fiscaux seront concernés par cet abaissement du plafond, soit 12 % des ménages avec enfants.

La CNAF se voit également attribuer la compensation de la perte de 0, 15 point de cotisations patronales « famille », soit 1, 16 milliard d’euros, destinée à assurer la neutralité de l’augmentation des cotisations patronales « vieillesse » sur le coût du travail.

La rétrocession à la branche famille des économies escomptées de la réforme du quotient familial et la compensation de la diminution des cotisations patronales famille, pour un montant total d’environ 2, 19 milliards d’euros, reposent sur un schéma de financement pour le moins complexe.

Le dispositif retenu comprend en effet deux étapes : tout d’abord, un transfert de recettes du budget de l’État vers la sécurité sociale, au moyen d’un accroissement de la fraction du produit de la TVA affectée à la CNAM ; ensuite, l’attribution à la CNAF d’un panier de recettes en provenance de la CNAM composé de divers impôts et taxes.

Bien sûr, on ne peut que partager l’objectif du Gouvernement de redressement des comptes de la branche famille. Je considère cependant que les modifications apportées par le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 en matière de recettes remettent profondément en cause son financement solidaire, qui repose historiquement sur les cotisations sociales. L’affectation du produit de l’abaissement du plafond du quotient familial et, surtout, le remplacement d’une part des cotisations patronales « famille » par des impôts et taxes, sont, à mes yeux, révélateurs d’un basculement vers un financement fiscalisé dont les premiers contributeurs sont les ménages.

Je crains par ailleurs que ce nouveau montage financier, outre le fait qu’il complexifie encore un peu plus la structure de financement de la branche, n’offre pas les garanties suffisantes quant à son financement pérenne.

Enfin, il est particulièrement regrettable que la recette supplémentaire occasionnée par la fiscalisation de la majoration de pension pour trois enfants et plus – mesure prévue à l’article 6 du projet de loi de finances – soit affectée au financement de la réforme des retraites plutôt qu’à la branche famille, alors que c’est cette branche qui supporte la charge de cette prestation pour le compte du Fonds de solidarité vieillesse depuis 2009 ! Cette injustice s’ajoute à celle qui consiste à élargir l’assiette de l’impôt sur le revenu des familles, et donc à diminuer leur pouvoir d’achat, déjà largement impacté par les effets de la crise.

Les mesures relatives à la famille inscrites en dépenses sont, quant à elles, la traduction législative des annonces faites par le Premier ministre le 3 juin dernier, à l’occasion de la « rénovation de la politique familiale ». Deux objectifs étaient annoncés : l’amélioration du caractère redistributif du système actuel en ciblant certaines prestations sur les familles qui en ont le plus besoin ; la participation au redressement financier de la branche en lui faisant réaliser des économies.

L’intention est louable, mais ces objectifs remettent en cause le principe, auquel je suis profondément attachée, d’universalité des prestations familiales. En outre, ils s’inscrivent clairement dans une logique d’austérité que je ne peux cautionner.

La première mesure consiste en une majoration du complément familial de 50 % sur cinq ans pour les familles vivant sous le seuil de pauvreté, conformément à l’engagement pris dans le cadre du plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale. Cette majoration, qui devrait bénéficier à 400 000 familles, va de pair avec celle qui est annoncée de l’allocation de soutien familial de 25 % à l’horizon de 2018.

La deuxième mesure est la modulation du montant de l’allocation de base de la prestation d’accueil du jeune enfant, la PAJE, selon le niveau de ressources des familles : ses bénéficiaires, définis comme les plus aisés, verront son montant diminuer de moitié, tandis que ses bénéficiaires les plus modestes continueront de la percevoir à taux plein. Ce sont 10 % des familles éligibles, soit 180 000 d’entre elles, qui percevront désormais l’allocation de base à taux partiel.

La troisième mesure concerne la majoration du complément de libre choix d’activité, le CLCA, qui, on le sait, est favorable aux familles dites « les plus aisées ».

Afin que tous les allocataires, quel que soit le niveau de leurs ressources, perçoivent un montant de CLCA identique, il est proposé de supprimer cette majoration.

La quatrième mesure consiste en un mécanisme de plafonnement des tarifs pratiqués par les microcrèches. Il ressort en effet d’une enquête réalisée par la CNAF en 2012 que certaines de ces structures abusent de la liberté tarifaire dont elles bénéficient. Le dispositif prévu, qui repose sur le complément de mode de garde versé aux familles utilisatrices, conduirait à une limitation des tarifs facturés, donc à une diminution du reste à charge des familles.

Trois autres dispositions relèvent, à mon sens, de la rigueur budgétaire, ni plus ni moins.

Il en est ainsi de la non-revalorisation du montant de l’allocation de base de la PAJE jusqu’à ce que le montant du complément familial, régulièrement revalorisé selon les règles de droit commun, atteigne le même niveau. Le rattrapage entre ces prestations étant prévu pour 2020, cela signifie que le montant de l’allocation de base n’évoluera pas pendant six années consécutives !

À ce gel s’ajoute celui des montants des primes à la naissance et à l’adoption.

L’allocation de logement familiale subira le même sort l’année prochaine, de même que l’allocation de logement sociale et l’aide personnalisée au logement.

Dans le contexte économique et social que nous connaissons, ces mesures vont pénaliser encore un peu plus les familles les plus fragiles. C’est d’autant plus incompréhensible, madame la ministre, que vous admettez vous-même dans l’étude d’impact que l’augmentation des aides au logement est liée à la mauvaise conjoncture économique et à la hausse du chômage. En somme, plus il y a de besoins, plus on contracte les budgets !

Je conclurai sur la nouvelle convention d’objectifs et de gestion qui a été signée entre la CNAF et l’État le 16 juillet dernier, après plus d’un an et demi de négociations longues et difficiles, et sur laquelle j’ai pu m’entretenir avec les représentants syndicaux des salariés des CAF.

Les deux premières orientations stratégiques retenues – le développement des services aux familles et l’amélioration de l’accès aux droits – me semblent pertinentes. Elles s’accompagnent d’ailleurs d’une augmentation significative des crédits du Fonds national d’action sociale sur la période 2013-2017.

En revanche, le troisième axe, qui vise « un choc de production », selon les termes mêmes de la convention, ne résoudra en rien la profonde crise que traversent les CAF depuis deux ans maintenant. Au contraire, il risque de l’aggraver, en raison des économies de gestion qu’il prévoit.

Alors que la convention d’objectifs et de gestion repose sur un renforcement des moyens humains des caisses sur les deux premières années à hauteur de 700 équivalents temps plein, il est acté que les effectifs du réseau devront diminuer de 1 000 équivalents temps plein en cinq ans. Autrement dit, on reprend d’une main ce que l’on donne de l’autre !

En résumé, madame la ministre, je crains que ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 ne soit un pas de plus vers la remise en question de la branche famille, et ce malgré vos déclarations.

L’approche que vous avez de la redistribution pose plusieurs problèmes.

D’abord, plus on soumet les prestations à condition de ressource, plus on s’éloigne de l’universalité, sans compter que les dossiers vont voir leur traitement se complexifier. Cela va à l’encontre du « choc de simplification » réclamé par le Président de la République et c’est contraire aux économies de gestion demandées aux CAF.

Ensuite, on prend aux uns pour donner aux autres, aux classes moyennes pour donner aux plus modestes, …

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Pasquet

voire à personne, dans certains cas ! Il serait plus pertinent, pour combler les inégalités, d’engager une grande réforme de la fiscalité pour rendre l’impôt plus juste et plus progressif qu’il ne l’est aujourd’hui.

Enfin, le budget de la branche famille sert largement la politique de lutte contre la pauvreté. Loin de moi l’idée qu’elle ne doit pas y contribuer, mais ce n’est pas sa vocation première. En outre, recentrer les prestations sur les ménages les plus modestes au détriment des autres risque de renforcer la stigmatisation des plus démunis.

Murmures sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Pasquet

Tout cela pose la question du financement de la branche famille. Si on la détourne de sa vocation première, on est amené à se demander qui la finance et comment. À ce titre, je rappelle que les prestations familiales font partie du salaire socialisé. En conséquence, toute remise en cause des cotisations sociales, tout gel ou toute baisse, équivaut à une baisse des salaires, donc à une perte de pouvoir d’achat.

Mes chers collègues, vous l’aurez compris : ces doutes et ces craintes m’amènent à émettre un avis défavorable sur ce PLFSS. Cet avis est d’ailleurs partagé par une majorité d’organismes sociaux, associations et syndicats.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC . – M. André Dulait applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

Monsieur le président, mesdames les ministres, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, en ce qui concerne la branche vieillesse, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 s’inscrit bien entendu dans le prolongement du projet de loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites en cours d’examen au Parlement. La semaine dernière, à cette même heure, nous étions toujours en train d’en discuter ici même !

Vous le savez, ce projet de loi s’articule autour de trois axes principaux : d’abord, le redressement des comptes des régimes de retraite à court terme et la correction de la trajectoire financière de long terme ; ensuite, la priorité accordée à l’équité, qui exige de mieux prendre en compte les évolutions sociales et la diversité des parcours professionnels dans l’acquisition des droits à la retraite, notamment pour les femmes et les plus jeunes de nos concitoyens ; enfin, le renforcement du droit à l’information des assurés et l’amélioration de la coordination entre les régimes.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 ne comporte pas de mesures de fond ou de dépenses nouvelles concernant la branche vieillesse, mais il traduit l’équilibre financier de la réforme et accompagne les mesures d’équité dont nous avons débattu.

Nos discussions relatives au projet de loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites ayant été longues et nourries, je me limiterai à rappeler en quelques mots la contribution de cette réforme à l’amélioration de la situation financière de l’assurance vieillesse.

L’effort de redressement de notre système de retraites a été engagé dès l’été 2012, avec les mesures de recettes prévues par le décret du 2 juillet 2012 et par la loi de finances rectificative du 16 août 2012. Cette année, ces mesures ont joué sur une année pleine. Conjuguées aux dispositions inscrites dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 et la loi de finances pour 2013, elles ont largement contribué à la réduction des déficits.

Au total, le déficit de l’ensemble de la branche vieillesse et du Fonds de solidarité vieillesse sera réduit de plus d’un tiers entre 2012 et 2013, passant de 10, 2 milliards d’euros à 6, 8 milliards d’euros.

Les mesures de financement contenues dans le projet de loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites prolongent ces efforts.

J’ai déjà eu l’occasion de souligner que ces mesures mettaient à contribution l’ensemble de nos concitoyens – actifs, employeurs et retraités –- sur la base d’efforts modérés et équitablement répartis et dans des conditions d’anticipation raisonnables.

Vous le savez, le ministre chargé du budget le rappelait à l’instant, à court terme, la contribution des actifs et des employeurs se traduira par une hausse progressive de 0, 3 point en quatre ans des cotisations d’assurance vieillesse.

S’agissant des retraités, la date de revalorisation des pensions de retraite sera reportée de six mois, mais cette mesure ne s’appliquera ni à l’allocation de solidarité aux personnes âgées, l’ASPA, ni aux rentes liées aux accidents du travail et maladies professionnelles, dont mon collègue Jean-Pierre Godefroy parlera.

La réforme des retraites prévoit également des économies de gestion des régimes de retraite. À cet égard, les objectifs précis assignés à la Caisse nationale d’assurance vieillesse et à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales feront l’objet des prochaines conventions d’objectifs et de gestion qui seront signées avec l’État.

L’impact total des mesures de financement contenues dans la réforme s’élèvera ainsi à 4, 1 milliards d’euros en 2014. Le déficit de la branche vieillesse de l’ensemble des régimes de base devrait être ramené à 1, 6 milliard d’euros en 2014.

En ce qui concerne le déficit de la branche vieillesse du seul régime général, il devrait atteindre 1, 2 milliard d’euros, contre 3, 7 milliards d’euros s’il n’y avait pas eu de réforme.

Sur la trajectoire du retour à l’équilibre des régimes de base à l’horizon 2020, la résorption du déficit de la branche vieillesse du régime général est envisagée pour 2016.

Je tiens à souligner que la troisième partie du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014, relative aux recettes et à l’équilibre financier, comporte trois articles qui font directement écho au projet de loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites.

Afin de financer les mesures d’équité en faveur des petites pensions agricoles, l’article 9 augmente les recettes de la branche vieillesse du régime des exploitants agricoles par la suppression d’une niche sociale.

L’article 10 crée une cotisation vieillesse déplafonnée au Régime social des indépendants, le RSI, pour permettre une hausse des cotisations dans des termes identiques pour l’ensemble des régimes de base.

L’article 16 prévoit, lui, les conditions dans lesquelles l’État compensera les exonérations de cotisations vieillesse des apprentis, qui pourront désormais valider l’ensemble de leurs trimestres d’apprentissage au titre de la retraite.

Monsieur le président, mesdames les ministres, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 poursuit résolument le redressement des comptes amorcé en 2012. Il répond ainsi à la double exigence de financement et de justice inscrite au cœur de la réforme en cours d’examen.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

Monsieur le président, mesdames les ministres, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, la branche accidents du travail et maladies professionnelles du régime général devrait clore l’année 2013 avec un excédent de 300 millions d’euros, excédent que l’on devrait constater à nouveau en 2014, mais pour moins de 70 millions d’euros.

La situation de la branche est donc fragile, d’autant qu’elle doit rembourser une dette de plus de 2 milliards d’euros actuellement portée par l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l’ACOSS. Cela nous incite à une vigilance particulière sur les moyens dont la branche AT-MP dispose et sur les charges qu’elle supporte.

L’essentiel des charges est lié aux dépenses de réparation des trois types de sinistres que couvre la branche : les accidents du travail, les accidents de trajet et les maladies professionnelles.

On peut noter avec satisfaction que le nombre d’accidents du travail en 2012 a atteint un niveau historiquement bas, avec moins de 950 000 sinistres recensés. Cette baisse est réelle, car elle se traduit par une baisse tant de l’indice de fréquence – 35 accidents pour 1 000 salariés – que de la gravité.

On peut cependant regretter, comme l’année dernière, que les statistiques présentées par la Direction de la sécurité sociale ne couvrent que les salariés du régime général et laissent dans l’ombre la situation des agriculteurs, exploitants et salariés, ainsi que des agents de la fonction publique. Le regroupement des données des régimes de sécurité sociale pour construire des indicateurs de surveillance communs reste lettre morte, faute de financement de la part de l’assurance maladie. Pourriez-vous, madame la ministre, inciter la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés, la CNAM-TS, à boucler le tour de table mis en place par l’Institut de veille sanitaire ?

Les accidents de trajet connaissent une baisse significative en 2012, mais restent supérieurs en nombre à ce qu’ils étaient en 2008. Il me semble qu’une analyse plus détaillée des causes de ces accidents est nécessaire. Les explications actuellement proposées, à savoir l’influence du climat sur l’évolution de la sinistralité, sont peu satisfaisantes, surtout quand on prend en compte le fait que le trajet est un facteur de stress en lien direct avec les risques psychosociaux.

Enfin, le nombre de maladies professionnelles baisse également par rapport au pic atteint en 2011, mais sans retrouver le niveau de 2010. Le nombre de personnes atteintes de maladies professionnelles progresse de 5 % en moyenne chaque année depuis 2007 et une part croissante d’entre elles souffre de polypathologies.

Si l’on prend en compte le fait qu’une partie de la diminution de la sinistralité en 2012 est imputable à la conjoncture économique et à la faible croissance de la masse salariale, la situation du monde du travail au regard des trois risques accident du travail, accident de trajet et maladie professionnelle, paraît fragile. Il faut d’ailleurs noter que la France est toujours au-dessus de la moyenne européenne.

Cela ne doit pas aboutir à minimiser les progrès déjà accomplis, notamment pour la prévention des accidents du travail dans les branches les plus accidentogènes, comme le bâtiment. Toutefois, ce diagnostic doit nous amener à soutenir la volonté commune – j’insiste sur ce point – des partenaires sociaux à rompre avec la logique de simple réparation des dommages, pour nous engager pleinement dans une optique de prévention tendant à faire disparaître les risques ou, au moins, à protéger le mieux possible les salariés.

La signature, prévue à la fin de ce mois, de la nouvelle convention d’objectifs et de gestion de la branche AT-MP pour la période 2014-2017 doit marquer cette réorientation, qui n’est en fait qu’un retour aux principes de la loi du 30 octobre 1946 intégrant à la sécurité sociale le régime fondé en 1898.

Dès lors, les réductions d’effectifs prévues dans les caisses d’assurance retraite et de la santé au travail, les CARSAT, et à l’Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles, l’INRS, créé en 1947, ne peuvent que nous inquiéter. S’il est nécessaire de dégager des marges de productivité, il ne peut être question de réduire les postes affectés aux actions de prévention et à la recherche. Pouvez-vous nous préciser, madame la ministre, quelles sont les intentions du Gouvernement en la matière ?

La faiblesse des marges de manœuvre financières de la branche risque de limiter sa capacité à mettre en œuvre, à budget constant, ses actions de prévention. Or une augmentation des cotisations patronales n’est pas ou n’est plus envisageable à court et moyen terme. En effet, le compte de pénibilité, s’il est adopté par l’Assemblée nationale, créera, parallèlement à la branche AT-MP, un nouveau dispositif, avec un mode de financement très similaire.

Vous avez indiqué, madame la ministre, lors de votre audition à l’Assemblée nationale, que le compte de prévention de la pénibilité impacterait la branche AT-MP. Pourriez-vous nous apporter des précisions à ce sujet ?

La fragilité financière de la branche impose d’expliquer l’augmentation importante de la dotation de la branche au Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante, le FIVA – 435 millions d’euros cette année, contre 115 millions d’euros l’année dernière et 320 millions d’euros en moyenne sur les années précédentes.

Il ne fait aucun doute que le FIVA a besoin des sommes qui lui sont affectées. L’évolution de ses charges, telle qu’elle avait été présentée en 2012, s’est révélée largement sous-estimée, au point que le conseil d’administration du fonds a dû voter en octobre dernier un budget complémentaire d’urgence de 100 millions d’euros, puisés dans son fonds de roulement. Celui-ci atteint désormais moins de la moitié de la réserve prudentielle.

Si les charges du FIVA augmentent, c’est principalement parce que les dossiers des victimes et de leurs ayants droit sont réglés plus rapidement, et c’est là un point positif. Il ne saurait donc être question de réduire la dotation de la branche AT-MP.

Néanmoins, madame la ministre, l’absence totale de dotation de l’État au FIVA en 2014 ne nous paraît pas acceptable. Si elle pouvait, à la rigueur, se justifier l’année dernière, le contexte financier du Fonds a, on l’a vu, complètement changé. Dès lors, l’absence de dotation, qui est contraire au texte constitutif du FIVA, et qui revêt de surcroît une forte dimension symbolique, du fait de la double responsabilité de l’État dans l’affaire de l’amiante, en tant qu’employeur et en tant que régulateur, ne peut être cautionnée. J’estime qu’elle fait courir un risque non négligeable d’insuffisance de la dotation budgétaire globale du FIVA en 2014.

Je me concerterai donc avec le rapporteur de la mission « Santé » et les membres du groupe de suivi du rapport de notre commission sur l’amiante pour envisager un amendement au projet de loi de finances.

S’agissant du fonctionnement du FIVA, un autre problème, d’ordre administratif celui-là, me semble devoir trouver une solution. Le Fonds partage son agent comptable avec l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, l’ONIAM, ce qui limite la capacité de règlement des dossiers. Peut-être, madame la ministre, serait-il opportun d’envisager l’affectation au FIVA d’un équivalent temps plein entier. Les conséquences pratiques d’un tel changement seraient certainement dans l’intérêt des victimes.

Je souhaite également, madame la ministre, vous poser de nouveau la question de l’ouverture d’une nouvelle voie d’accès personnelle à l’allocation de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante, l’ACAATA. Celle-ci serait fondée sur les expositions subies, et non plus seulement sur les pathologies déclarées ou le fait d’avoir été employé dans l’un des établissements présents sur la liste prévue par la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999.

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 prévoyait la remise d’un nouveau rapport sur cette question, rapport qui devait, dans notre esprit, entraîner un engagement du Gouvernement sur ce sujet très sensible pour les salariés exposés à l’amiante et non reconnus à ce jour. Or nous attendons encore ce rapport.

J’en viens maintenant à l’examen des dispositions relatives à la branche AT-MP dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014.

Après passage à l’Assemblée nationale, le PLFSS comporte, outre les dispositions relatives aux contributions et aux objectifs de dépenses, les deux articles 53 et 53 bis, qui présentent un intérêt incontestable.

L’article 53 met le droit positif en conformité avec la jurisprudence constitutionnelle, en permettant aux marins d’obtenir réparation de la faute inexcusable de leur employeur dans les mêmes conditions que les victimes relevant du régime général. Lors de l’examen du PLFSS pour 2012, nous avions déposé un amendement tendant aux mêmes fins, mais limité dans sa rédaction en raison de l’article 40 de la Constitution. Nous ne pouvons donc que nous féliciter que le Gouvernement ait décidé de prendre cette mesure. Ce n’est que justice, le métier de marin étant particulièrement accidentogène.

L’article 53 bis est issu d’un amendement du Gouvernement adopté par l’Assemblée nationale. Il met fin à une iniquité, en supprimant l’obligation pour les non-salariés agricoles d’avoir un taux d’incapacité de 100 % pour pouvoir prétendre à la prestation complémentaire pour recours à tierce personne.

Même si la branche AT-MP est engagée dans une dynamique favorable, je rappelle que trois points suscitent notre inquiétude : le risque de briser dans son élan la démarche de prévention, les voies d’accès à l’ACAATA et, surtout, la nécessité d’une dotation de l’État au FIVA. Dans le rapport que nous avions, Gérard Dériot et moi-même, remis en 2005 au nom de la mission commune d’information sur le drame de l’amiante, présidée par notre collègue Jean-Marie Vanlerenberghe, nous avions estimé que la participation de l’État aurait dû être fixée autour de 30 %.

Si la branche AT-MP, mes chers collègues, est financièrement modeste – 13 milliards d’euros –, elle concerne des millions de travailleurs. Je vous remercie donc de l’attention que vous voudrez bien lui accorder, sachant que la commission des affaires sociales a émis un avis favorable sur le rapport que je viens de vous présenter.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l’UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Monsieur le président, mesdames les ministres, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 représente un pas supplémentaire en direction de l’équilibre des comptes sociaux.

En ce sens, il s’inscrit dans la continuité de la loi de financement pour 2013, ainsi que dans la stratégie globale de redressement des finances publiques mise en œuvre par le Gouvernement.

Cela dit, sur d’autres aspects, ce projet de loi de financement se distingue des textes des années précédentes : il contient peu de mesures de recettes nouvelles et il doit se lire en lien étroit avec d’autres textes participant à la mise en œuvre des réformes structurelles engagées dans le champ social en 2013 ; je pense en particulier à la réforme des retraites et à la réforme de la politique familiale.

Ces deux aspects du texte méritent toute notre attention. Avant d’en dégager le sens, je souhaiterais revenir brièvement sur la situation des comptes sociaux.

Les années 2002-2012 nous ont laissé un héritage particulièrement lourd

Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

C’est en partie grâce à ces mesures que, en dépit d’une croissance nulle en 2012, le déficit de l’ensemble des régimes obligatoires de base et du Fonds de solidarité vieillesse s’est globalement amélioré de 3, 4 milliards d’euros par rapport à 2011. Mais il faut reconnaître qu’il a atteint le montant significatif de 19, 2 milliards d’euros, soit 0, 9 % du produit intérieur brut.

En 2013, le même déficit global, dans le même champ, c’est-à-dire en incluant les régimes obligatoires de base et le FSV, devrait encore se réduire pour atteindre 17 milliards d’euros. Certes, cette amélioration du solde de la sécurité sociale, de l’ordre de 2 milliards d’euros, est moins importante que prévu, puisque la loi de financement pour 2013 prévoyait initialement une baisse du déficit global de près de 4 milliards d’euros.

Cet écart s’explique principalement par le moindre dynamisme des recettes, sous l’effet de la dégradation de la conjoncture. À l’occasion de la présentation du programme de stabilité pour la période 2013-2017, le Gouvernement a d’ailleurs revu, pour 2013, les hypothèses de croissance du PIB – de 0, 8 % à 0, 1 % – et de progression de la masse salariale – de 2, 3 % à 1, 3 %.

C’est sur la base de ces nouvelles hypothèses que la commission des comptes de la sécurité sociale avait annoncé, en juin 2013, un coup d’arrêt dans la réduction des déficits. Mais, finalement, le regain de croissance de 0, 5 % enregistré au deuxième trimestre 2013 a permis de renouer avec le rééquilibrage des comptes.

Dans ce contexte de début de reprise de la croissance, que prévoit le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 ?

Je ne reviendrai pas longuement sur les hypothèses macroéconomiques retenues par le Gouvernement – 0, 9 % de croissance du PIB, 2, 2 % de progression de la masse salariale. Permettez-moi simplement de rappeler que, lors de son audition par la commission des finances le 9 octobre dernier, le président du Haut Conseil des finances publiques a qualifié cette prévision de croissance pour 2014 de « réaliste et crédible ».

Au total, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 prévoit un effort considérable, d’environ 9 milliards d’euros, par rapport à la trajectoire d’évolution tendancielle des régimes de base et du FSV. Le déficit prévisionnel s’établirait ainsi à 13, 2 milliards d’euros.

Cette amélioration concerne surtout le régime général. Pour la première fois depuis la crise de 2008, le déficit du régime général devrait passer sous la barre des 10 milliards d’euros l’année prochaine.

Par rapport à 2013, le déficit de l’ensemble des régimes de base et du FSV serait réduit de 4 milliards d’euros, ce qui correspond à un peu plus de 0, 2 point de PIB.

Comment se décompose l’effort proposé pour 2014 ?

Tout comme en 2013, il concerne à la fois la mobilisation de ressources, à hauteur de 5, 7 milliards d’euros, et des efforts en dépenses, de l’ordre de 3, 2 milliards d’euros. Toutefois, je souhaiterais souligner quelques spécificités du projet de loi de financement de cette année.

Tout d’abord, il contient un nombre très restreint de mesures de recettes nouvelles propres à la sécurité sociale. Je citerai notamment la réforme des modalités d’application des prélèvements sociaux sur les produits de placement, dont le Gouvernement a annoncé qu’il resserrait le périmètre sur les seuls contrats d’assurance vie. D’autres mesures de recettes, concernant les exploitants agricoles, d’une part, et les assurés du Régime social des indépendants, d’autre part, sont des conséquences directes de la réforme des retraites et n’ont qu’un faible impact sur le champ de la sécurité sociale.

Ainsi, le PLFSS pour 2014 ne participe que très faiblement à la hausse des prélèvements obligatoires, ce qui est cohérent avec l’engagement du Gouvernement de poursuivre le redressement des comptes en limitant les hausses de contribution sur les ménages et les entreprises.

Ensuite, les objectifs de dépenses et de recettes du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 traduisent pour une large part des mesures de réformes structurelles engagées plus tôt dans l’année. Ce texte doit donc se lire de façon croisée avec le projet de loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites, le projet de loi de finances pour 2014 et les mesures réglementaires annoncées par le Gouvernement pour analyser l’évolution des ressources des différentes branches.

En ce qui concerne la branche vieillesse, l’amélioration du solde sera ainsi rendue possible par la hausse progressive du taux des cotisations vieillesse, déplafonnées jusqu’en 2017, mesure annoncée dans le cadre de la réforme des retraites.

La branche famille bénéficiera, quant à elle, du rendement d’impôt sur le revenu supplémentaire généré par la révision du quotient familial. Cette mesure participe à la réforme de la politique familiale annoncée par le Gouvernement en juin dernier pour un meilleur ciblage des aides sur les familles défavorisées. Le projet de loi de finances pour 2014 prévoit de reverser ce gain à la Caisse nationale d’assurance maladie, qui le transférera ensuite à la Caisse nationale d’allocations familiales.

Enfin, pour la branche maladie, il est également prévu de reverser à la CNAM le gain de la suppression, inscrite dans le projet de loi de finances, de l’avantage fiscal dont bénéficient les salariés sur la participation de l’employeur aux contrats de complémentaire santé.

Comme pour le rendement de l’abaissement du plafond du quotient familial, le transfert du produit de cette nouvelle recette se fera par le biais d’une hausse de la fraction de TVA affectée à la sécurité sociale. Les 960 millions d’euros que rapportera cette mesure permettront de financer l’élargissement de l’accès à la couverture maladie universelle complémentaire et à l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé, conformément à l’engagement du Gouvernement d’améliorer l’accès aux soins des personnes les plus fragiles.

En ce qui concerne l’effort en dépenses proposé pour l’année prochaine, celui-ci s’élèverait à un peu plus de 3 milliards d’euros. Là encore, la réforme des retraites, en particulier le report de la date de revalorisation des pensions, constituera une contribution importante au rééquilibrage des comptes sociaux.

Toutefois, comme les années précédentes, les économies prévues s’inscrivent pour une large part dans la réalisation de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie, l’ONDAM. Pour respecter le taux d’évolution fixé à 2, 4 %, il sera en effet nécessaire de réaliser 2, 4 milliards d’euros d’économies. Les baisses de tarifs de médicaments et de dispositifs médicaux ainsi que la maîtrise médicalisée des dépenses contribueront principalement à cet effort.

Au-delà de 2014, quelle sera la trajectoire d’évolution des comptes sociaux ?

Les réformes engagées au cours des derniers mois dans les domaines de la politique familiale, de l’assurance vieillesse et de la santé devraient permettre de ramener le déficit du régime général à un niveau relativement proche de l’équilibre en 2017, avec, simplement, un déficit résiduel de 2 milliards d’euros.

En effet, la réforme de la politique familiale représenterait un effort de 1, 7 milliard d’euros en 2017, tandis que l’impact des mesures de redressement prévues par la réforme des retraites atteindrait 8, 1 milliards d’euros en 2020.

Quant à la stratégie nationale de santé, dont le présent projet de loi constitue la première traduction législative, elle devrait conduire à une amélioration à la fois de la qualité et de l’efficience de notre système de soins. L’action au niveau des déterminants des dépenses de santé sera cruciale pour réduire significativement les charges de l’assurance maladie au cours des prochaines années. À cet égard, les objectifs présentés dans la stratégie nationale de santé, concernant l’organisation des soins notamment, constituent, me semble-t-il, une base de travail particulièrement féconde pour refonder en profondeur notre système de santé.

Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale va donc dans le bon sens. Il permet de poursuivre le mouvement de réduction des déficits de notre sécurité sociale et participe ainsi à la pérennisation de notre système de protection sociale. Car rien ne serait pire que de laisser filer les déficits, comme ce fut le cas durant les dix dernières années !

Une telle politique minerait la confiance de nos concitoyens dans notre système de protection sociale et conduirait sans nul doute les générations futures à s’en détourner, pour s’orienter vers des solutions d’assurance individuelle.

Dans le même temps, la contribution de ce projet de loi au rééquilibrage des comptes se fait sans aucune atteinte aux droits actuels des assurés sociaux, contrairement à ce qui s’est systématiquement passé entre 2008 et 2011.

Enfin, comme je l’ai déjà souligné, ce texte ouvre de nouvelles perspectives en matière de stratégie de politique de santé.

C’est pour l’ensemble de ces raisons que la commission des finances a émis un avis favorable à l’adoption du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

La parole est à Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée.

Debut de section - Permalien
Marie-Arlette Carlotti

Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie, tout d’abord, de bien vouloir excuser mon retard, mais j’ai été retenue à l'Assemblée nationale par un impératif. Je tiens à vous remercier, monsieur le président, d’avoir adapté, en conséquence, le déroulement du début de la discussion générale.

Debut de section - Permalien
Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée

Monsieur Daudigny, je regrette de ne pas avoir entendu le début de votre intervention, d’autant que je connais la qualité des travaux de la commission des affaires sociales et, d’une manière générale, de ceux de la Haute Assemblée.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 que nous présentons aujourd’hui poursuit, dans un double objectif, la maîtrise des dépenses dans la justice sociale, dont nous tenons le cap.

Cet effort de redressement est indispensable. Alors que le déficit cumulé de la sécurité sociale entre 2002 et 2012 s’élevait à 160 milliards d’euros, ainsi que vous l’avez rappelé, monsieur le rapporteur pour avis, le déficit a été ramené de 17, 5 milliards d’euros en 2012 à 13 milliards d’euros en 2014.

Dans ce contexte budgétaire extrêmement contraint, le taux de progression de l’ONDAM médico-social consacré à l’accueil des personnes en situation de handicap, soit 3, 1 %, reste supérieur à celui de l’ONDAM général. C’est un marqueur fort que nous avons voulu maintenir.

En effet, nous avons fait du handicap une priorité depuis 2012. Il est très clair que le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale est parfaitement cohérent avec ce choix politique, ce choix de société que nous avons fait.

Certes, des économies sont réalisées, mais elles ne portent jamais, j’y insiste, sur les plus fragiles.

Nous poursuivons le rattrapage de l’offre médico-sociale, en augmentant l’ONDAM médico-social pour les personnes handicapées de plus de 275 millions d’euros par rapport à l’année dernière.

L’objectif général de dépenses dans le champ du handicap augmente même de 3, 45 %, soit 300 millions d’euros par rapport à 2013.

Derrière ces chiffres, ce sont des avancées concrètes pour les personnes en situation de handicap et pour leurs familles qui méritent d’être soulignées.

L’objectif général de dépenses permet déjà de financer 80 000 places pour adultes et plus de 150 000 places pour enfants dans le secteur médico-social.

De plus, 207 millions d’euros supplémentaires seront consacrés à la création de places, soit 57 millions d’euros de plus que l’année dernière. Cela se traduira concrètement par la création de 16 000 nouvelles places d’ici à 2016, avec un rythme de 3 000 à 4 000 places par an, selon, bien entendu, les appels à projets, et ce rythme sera tenu ! Nous maintenons cet objectif et ce cap.

Enfin, 50 millions d’euros seront dédiés à l’aide à l’investissement pour les établissements médico-sociaux.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 atteste également les premières réalisations du troisième plan Autisme.

Vous le savez, nous en avons beaucoup parlé avec vous, notamment au sein de la commission des affaires sociales, un effort financier inédit est consenti pour l’accompagnement des personnes autistes et de leur famille.

En la matière, ce texte consacre 7, 5 millions d’euros au renforcement des centres d’action médico-sociale précoce, ainsi qu’au développement des unités d’enseignement scolaire, dont nous assurons un complément de financement, car celles-ci sont majoritairement financées via une ligne budgétaire du ministère de l’éducation nationale.

Grâce au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014, des enfants autistes pourront être accueillis dès l’année prochaine au sein même d’écoles maternelles ordinaires, avec, à leurs côtés, un maître et une équipe médico-sociale. C’est une avancée importante, sur laquelle j’appelle votre attention, mesdames, messieurs les sénateurs, car il s’agit là du démarrage du troisième plan Autisme, tant attendu et sur lequel nous avons tant travaillé.

Dès cette année, nous avançons également sur le diagnostic et l’orientation précoces, mais aussi, comme je le disais à l’instant, sur l’inclusion des enfants autistes à l’école maternelle grâce aux équipes polyvalentes que nous finançons.

Vous le savez, les prochains projets de loi de financement de la sécurité sociale verront régulièrement une montée en puissance de ce troisième plan.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 donne donc clairement la priorité au handicap. Il est parfaitement cohérent avec les décisions du Comité interministériel du handicap, réuni par le Premier ministre le 25 septembre dernier, pour la première fois depuis sa création… en 2009 !

Ce comité interministériel a notamment décidé d’accompagner la consolidation des places existantes – c’est ce que nous faisons ! –, de créer des places nouvelles – c’est encore ce que nous faisons ! – et de mieux appréhender les besoins en la matière – nous y travaillons.

Oui, monsieur Labazée, la tarification des établissements médico-sociaux sera réformée dans le cadre du Comité interministériel pour la modernisation de l’action publique. Je vous informe de la mise en place d’un groupe de travail, qui s’attellera à la tâche dans les tout prochains jours, en vue de formuler des propositions.

Mesdames, messieurs les sénateurs, la construction d’une société inclusive est aujourd’hui une réalité qui prend corps, accompagnée par l’ensemble du Gouvernement, et au plus haut niveau. Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale en est la preuve.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Nous n’avons pas dit qu’il était parfait ! Nous avons dit qu’il était très bon !

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Barbier

M. Gilbert Barbier. Avant d’aborder cette discussion, je me suis reporté aux débats de l’an dernier sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale et j’ai relu avec intérêt les propos du ministre, M. Cahuzac.

Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Barbier

« Le redressement des finances publiques est, disait-il, une nécessité […] d’abord parce que la France a donné sa parole et qu’un grand pays doit respecter ses engagements, ensuite car notre pays se doit de rétablir sa souveraineté, qui a été au moins en partie aliénée au profit d’institutions financières et d’agences de notation. » Il poursuivait en évoquant le devoir moral vis-à-vis des générations futures.

Or, au moment même où je lisais ces lignes, est tombée la nouvelle de la dégradation de la note de la France par l’une de ces agences. Comment ne pas en déduire que l’effort de redressement de nos finances, en l’espèce des finances sociales, n’a pas été à la hauteur des promesses ?

Je me suis demandé en quoi le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 se différenciait du précédent. À l’évidence, il est de la même trempe : même politique de petits ajustements, même refus des réformes structurelles, même recours à de nouveaux prélèvements sur toutes les catégories de nos concitoyens !

Vous nous parlez de réformes d’ampleur sur toutes les branches et de votre souci – je cite là l’annexe B du projet de loi – de modérer la pression fiscalo-sociale sur les entreprises et les ménages.

Doit-on voir dans le énième épisode du feuilleton des retraites que vous nous avez présenté la semaine dernière une réforme d’ampleur ? La lamentable conclusion de ce débat au Sénat prouve le contraire. Vous refusez une réforme systémique, qui serait pourtant la seule à ouvrir des perspectives durables, vous contentant de réduire temporairement les déficits de cette branche. Sans doute avez-vous évité les cortèges de mécontents, mais on est loin du compte !

Par ailleurs, peut-on parler de modération de la pression fiscale quand vous taxez tour à tour les retraités, en reportant de six mois la revalorisation des retraites ; les actifs, en augmentant les cotisations vieillesse ; les familles, en modulant la prestation d’accueil du jeune enfant, la PAJE, en fonction des revenus et en abaissant le quotient familial ; les épargnants, en augmentant les prélèvements sociaux sur les produits de placement ? Pour ce qui concerne ces prélèvements, nous sommes dans le flou, car nous n’avons toujours pas eu connaissance du fameux amendement que le Gouvernement doit nous présenter en commission…

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Barbier

Si nous avions pu en prendre connaissance avant le début de cette discussion générale, cela aurait peut-être évité certains propos désagréables…

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Barbier

Nous verrons bien ce soir !

Mais, comme si cela ne suffisait pas, le Gouvernement s’acharne sur le monde du travail. Tout le monde y passe : les professions libérales, les exploitants agricoles, les artisans et les commerçants. On voudrait décourager les entrepreneurs que l’on ne s’y prendrait pas autrement !

À l’heure où l’économie française traverse une période difficile, il faudrait, au contraire, encourager les PME et alléger leurs charges, car elles sont essentielles au soutien de la croissance et au maintien des emplois dans notre pays.

Franchement, madame la ministre des affaires sociales, je ne vois rien, dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, qui reflète la volonté d’assumer vos responsabilités que vous affichiez en arrivant au pouvoir.

Augmenter les recettes ne fait pas une politique !

Sans réformes structurelles, sans véritables économies sur les dépenses, comment pourrions-nous maintenir le déficit en dessous de 3 % en 2015 ? Malgré les assurances du Gouvernement, l’engagement paraît d’ores et déjà difficile à tenir ; les premiers résultats de l’année 2013 risquent de démontrer la fragilité des prévisions de l’exécutif.

Hormis de nouvelles recettes, madame la ministre, que proposez-vous ici ?

Cette année, contrairement à l’année dernière, vous prévoyez les modalités d’une reprise par la CADES d’une partie des déficits des branches maladie et famille. Cette disposition contribuera, certes, à alléger la contrainte financière pesant sur l’ACOSS, mais elle n’évitera pas, malheureusement, une nouvelle augmentation du plafond d’avances de l’Agence.

Prenons garde : les taux d’intérêt auxquels se refinancent les organismes publics, aujourd’hui attractifs, ne le seront pas forcément demain, surtout après la dégradation de la note de la France. Personnellement, je pense qu’il aurait été plus réaliste de transférer l’ensemble des déficits de ces deux branches à la CADES, en relevant à due concurrence la CRDS.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Barbier

Monsieur le rapporteur général, je l’ai proposé chaque année, avec M. Vasselle.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacky Le Menn

Peut-être, mais la mesure n’a jamais été votée !

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Barbier

Mais je ne vais pas bouder ce qui peut apparaître comme l’une des rares dispositions positives du présent projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Barbier

Je parle du transfert à la CADES, même partiel, de la dette des branches maladie et famille.

Le Gouvernement propose également un mécanisme dérogatoire pour le financement des activités isolées réalisées au sein d’établissements de santé situés dans des zones à faible densité de population. Cette disposition n’a de sens que si elle s’inscrit dans le cadre d’une véritable refonte de l’offre hospitalière dans les territoires.

L’objectif ne doit pas être de maintenir artificiellement des hôpitaux de petite taille ayant une faible activité, ou des activités qui ne correspondent ni aux besoins de santé de la population ni, surtout, aux exigences de qualité et de sécurité. Au contraire, il faut rechercher une complémentarité entre les établissements existants, ce qui suppose une restructuration plus contrainte ; je pense en particulier aux plateaux techniques, qui sont non seulement dispendieux, mais quelquefois très insuffisants sur le plan de la qualité.

Je constate que cette question est taboue, quoique nous en ayons déjà beaucoup débattu. Pourtant, aujourd’hui, nos concitoyens veulent l’excellence et la spécialisation plutôt que la proximité : ils n’hésitent pas à parcourir quelques kilomètres pour se faire soigner dans les meilleures conditions.

Que dire, ensuite, de la mise en œuvre de tarifs dégressifs dans les établissements de santé en fonction du volume de l’activité de soins ? Que la T2A présente peut-être des défauts, notamment celui d’être inflationniste, c’est une chose ; mais le système proposé par le Gouvernement, complexe, ne prend pas en compte certaines situations. Je pense notamment à l’établissement qui serait seul à pratiquer certains actes sur un territoire donné ou à certains établissements spécialisés dans des domaines où la demande de soins est en forte progression.

Vous reportez une nouvelle fois la facturation individuelle des séjours hospitaliers, au seul motif que certains établissements sont incapables d’adapter leur système d’information. Pourtant, ce dispositif va dans le sens de la transparence et de la rationalisation des finances sociales.

Quant au médicament, autre cible habituelle d’économies, il subit une cure d’amaigrissement de 1 milliard d’euros en dépenses. J’y suis évidemment favorable, ayant souvent dénoncé une consommation excessive à un prix exorbitant. Reste que le Gouvernement prévoit de réaliser la plus grande part des économies, à hauteur de 700 millions d’euros environ, sur les médicaments princeps. Ce choix découragera d’investir dans notre pays les entreprises innovantes, créatrices d’emplois dans la recherche et le développement. Ce secteur a pourtant été récemment reconnu comme un secteur d’avenir !

Les dispositions relatives au médicament m’inspirent deux autres réserves.

S’agissant de la délivrance à l’unité, s’il faut évidemment lutter contre le gaspillage et contre l’automédication, l’expérimentation lancée par le Gouvernement pour la classe des antibiotiques a été décidée sans réelle concertation avec les professionnels concernés, et soulève de nombreuses questions que l’étude d’impact n’aborde pas. En particulier, qu’en est-il de l’information et de la traçabilité, de la responsabilité des pharmaciens, des économies potentielles ou encore des conséquences pour l’activité de l’industrie pharmaceutique ?

Ma dernière réserve porte sur la promotion des médicaments biosimilaires. Contrairement à ce qui existe pour les génériques chimiques, l’autorisation de mise sur le marché de ces médicaments est délivrée sur le fondement d’une similarité des résultats thérapeutiques, et non pas uniquement sur le fondement de la bioéquivalence. Je ne suis donc pas convaincu que la substitution par le pharmacien, prévue à l’article 38 du projet de loi de financement de la sécurité sociale sur le modèle de la procédure en vigueur pour les génériques chimiques, soit très adaptée.

Je pense que cette décision mériterait un peu plus de réflexion. Les médicaments biologiques sont notamment prescrits dans le cadre de pathologies lourdes, par des médecins qui connaissent avec précision le profil de leurs patients, selon un protocole de soins technique et spécifique. La substitution par le pharmacien devrait être encadrée et adaptée aux diverses classes de médicaments biosimilaires. Il est dommageable pour la sécurité du patient de mêler tous les biosimilaires dans le même système ; de grâce, agissons avec prudence, surtout concernant un secteur en pleine évolution !

En conclusion, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 est bien loin de ce que le Gouvernement nous annonçait, madame la ministre. La diminution de la croissance des dépenses – cet oxymore est la manière la plus adaptée de décrire la réalité – devrait non pas porter sur l’objectif de dépenses pour 2013, mais prendre en compte le montant des exécutions prévisibles, inférieur de 500 millions d’euros ; on aurait aimé entendre M. le rapporteur pour avis de la commission des finances présenter ce calcul.

J’ai espoir que le Sénat ne sera pas renvoyé dans ses buts comme lors de l’examen du projet de loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites, et qu’il pourra être entendu sur certains points !

Applaudissements sur quelques travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Aline Archimbaud

Monsieur le président, mesdames les ministres, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, si la France a pu, mieux que d’autres pays, encaisser le choc causé par la crise en 2008 et en 2009, c’est grâce à ses amortisseurs sociaux, qui ont stabilisé un peu la situation et offert une relative protection contre la crise. Il faut s’en souvenir au moment où nous entamons l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014, dans une situation économique et sociale très difficile.

Il faut également en avoir conscience, ce sont les mêmes personnes qui sont les plus exposées à tous les risques - chômage, maladie, accidents du travail - et ce sont encore les mêmes qui, lorsque ces risques se réalisent, sont les moins bien armées pour y faire face.

D’où l’importance de l’engagement, réaffirmé par Mme la ministre des affaires sociales il y a quelques instants, de maintenir le cap de la solidarité nationale et de garder comme premier objectif la lutte contre les inégalités en matière de santé et contre toutes les injustices sociales en général.

Nous soutiendrons nombre d’articles du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014, en particulier ceux qui touchent à l’offre de soins de premier recours, à la promotion des génériques, au recours à l’expérimentation pour tester de nouvelles méthodes et à l’élargissement de l’expérience concernant les nouveaux modes de rémunération.

Seulement, madame la ministre, si nous souscrivons aux objectifs du Gouvernement dans ces domaines, nous pensons qu’il est possible d’aller plus loin, et dès ce projet de loi de financement. Bien sûr, nous attendons le projet de loi de réforme du système de santé, prévu pour 2014, suivant les objectifs de la stratégie nationale de santé présentés en septembre dernier ; mais pourquoi ne pas mettre en œuvre dès à présent des mesures urgentes, attendues par beaucoup et qui sont à notre portée ?

Mme la présidente de la commission des affaires sociales acquiesce.

Debut de section - PermalienPhoto de Aline Archimbaud

Les sénateurs écologistes ont déposé une cinquantaine d’amendements visant à répondre à plusieurs de ces urgences, d’une manière – j’insiste sur ce point – qui est à notre portée. Nous sommes en outre convaincus qu’ils peuvent enclencher une dynamique très positive.

Dans un rapport remis au Premier ministre en septembre dernier, j’ai présenté quarante propositions « pour un choc de solidarité » en matière d’accès aux droits sociaux – aide médicale de l’État, CMU complémentaire, aide à l’acquisition d’une complémentaire santé –, mais aussi en matière d’accès aux soins et à la santé. Ces propositions, mesdames les ministres, sont « libres de droits », selon l’expression consacrée ; elles n’ont pas vocation à rester les conclusions d’un énième rapport, sagement remisé dans un tiroir !

Mes chers collègues, vous pouvez compter sur ma ténacité…

Debut de section - PermalienPhoto de Aline Archimbaud

… pour travailler à leur mise en œuvre, non seulement dans le cadre de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014, de la préparation de la prochaine stratégie nationale de santé et de la mise en œuvre du plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté, mais aussi via diverses mesures réglementaires, tout à fait possibles, ou, plus directement, par décision interne de la Caisse nationale d’assurance maladie.

Du reste, l’application de certaines de ces propositions est déjà engagée, notamment par la CNAM, qui cherche à simplifier certaines démarches de ses usagers. La réflexion se poursuit à propos d’autres propositions, s’agissant notamment des indemnités journalières des travailleurs précaires, sur lesquelles mon attention a été attirée, en avril dernier, par une motion émanant des présidents de six caisses primaires d’assurance maladie de la région Nord – Pas-de-Calais.

D’un côté, la réglementation, ancienne, exige des salariés souhaitant bénéficier d’indemnités journalières en cas d’arrêt de travail ou de congé de maternité de justifier de 200 heures de travail au cours des trois mois civils ou des 90 jours précédant l’arrêt, un aménagement étant prévu en cas d’activité saisonnière ou discontinue.

De l’autre, le marché du travail est frappé par la montée de la précarité : de fait, on assiste à une multiplication des situations de travail à temps très partiel contraint, de contrats à durée déterminée très courts, de cumuls d’emplois, d’alternances entre périodes de chômage et périodes de travail et autres ruptures.

Il en résulte une augmentation des décisions de rejet des demandes d’indemnités journalières. Sans doute, ces situations restent minoritaires en proportion ; mais chaque refus est un déni de droit, car les personnes visées ont cotisé. Sans compter que ces rejets aggravent de façon brutale, parfois dramatique, la situation des personnes concernées.

Il est urgent que la réglementation soit réformée pour tenir compte de la précarisation croissante du marché du travail. Nos collègues de l’Assemblée nationale ont adopté un amendement qui prévoit la remise d’un rapport sur le sujet : ce n’est qu’un début, mais déjà un signal favorable.

Plusieurs autres propositions figurant dans mon rapport ont trait à la simplification de l’accès aux droits. Leur mise en œuvre profiterait non seulement aux bénéficiaires des aides sociales, qui attendent souvent pendant de nombreux mois l’ouverture de leurs droits, mais aussi aux travailleurs sociaux et aux personnels des caisses primaires d’assurance maladie, inutilement surchargés par le contrôle de dossiers fastidieux et complexes.

Pourquoi les bénéficiaires de l’allocation de solidarité aux personnes âgées, l’ASPA, qui remplissent par définition tous les critères d’accès à l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé, l’ACS, doivent-ils remplir un deuxième dossier complexe, et renouveler cette démarche tous les ans ? Comment s’étonner, avec une telle procédure, que plus de 70 % des personnes éligibles à l’ACS n’y aient pas recours ?

Pour remédier à ce problème, les députés écologistes et le rapporteur de l’Assemblée nationale pour la branche santé ont fait adopter un amendement grâce auquel les bénéficiaires de l’ASPA qui auront rempli une première fois le dossier pour l’ACS et qui auront obtenu cette aide la conserveront tant qu’ils bénéficieront de l’ASPA. Cette mesure, que je préconisais, simplifiera la vie de toutes et tous.

Néanmoins, il est possible et nécessaire d’aller plus loin, en instaurant une automaticité réelle entre l’ACS et l’ASPA, et même entre l’ACS et l’allocation aux adultes handicapés, ainsi que, selon le même principe et pour les mêmes raisons, entre le RSA socle et la CMU complémentaire. Ainsi, l’obligation de remplir à chaque fois un nouveau dossier serait supprimée, une obligation chronophage et qui, de surcroît, est à une véritable trappe à non-recours, ce qui a des conséquences sur le recours aux soins, sur l’état de santé général de notre population, et par conséquent aussi sur nos finances publiques, puisque les personnes qui ne sont pas soignées à temps doivent recevoir des soins plus lourds. C’est le sens de trois des amendements qui ont été déposés par les sénateurs de mon groupe.

Mais poussons plus loin : plutôt que de demander aux candidats à la CMU complémentaire ou à l’ACS de justifier de toutes leurs ressources sur douze mois glissants, ce qui peut exiger de produire des pièces très nombreuses, surtout pour ceux qui cumulent plusieurs emplois à temps partiel, il serait préférable de prendre en compte uniquement le revenu fiscal de référence : tel est l’objet d’un autre de nos amendements, auquel M. le rapporteur général a fait référence.

Tout récemment, le Secrétariat général pour la modernisation de l’action publique, le SGMAP, a publié une étude évaluant les gisements d’économies dits « moins de maladie ». Selon cette étude, très sérieuse, il apparaît qu’en diminuant le taux de renoncements aux soins, l’État augmente certes les dépenses relatives aux consultations médicales, mais diminue fortement les coûts liés aux hospitalisations d’urgence et aux traitements lourds de certaines pathologies, qui nous coûtent des sommes colossales.

Dans un scénario prudent, et toujours selon cette étude, le recours à la CMU complémentaire permet une économie de 1 000 euros par an et par foyer, alors que l’utilisation de l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé représente une économie de 300 euros par an et par foyer. Ce n’est qu’un exemple, mais la question posée concerne l’ensemble de nos concitoyens, et pas seulement les plus modestes : l’accès réel à la prévention dans toute la société ne pourrait-il constituer à moyen terme une source importante de réduction des dépenses ? Nous sommes bien au cœur du sujet débattu aujourd'hui.

L’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé souffre d’un déficit de notoriété et d’un manque d’attractivité, cela a été dit à cette tribune, notamment par Mme la ministre. Le taux de non-recours en la matière avoisine ainsi les 70 %. Outre le reste à charge que l’ACS laisse subsister, le risque est élevé de devoir se contenter d’un contrat très souvent doté de garanties insuffisantes, se traduisant par un reste à charge sur les prestations elles-mêmes. Nos concitoyens se perdent dans un maquis d’offres souvent opaques, et pour des prestations très décevantes quand ils doivent y avoir recours.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement a souhaité réfléchir à un encadrement plus strict des contrats d’assurance complémentaire de santé individuels auxquels les bénéficiaires de l’ACS pourraient souscrire. C’est l’objet de l’article 45, dont je salue les objectifs courageux, mais que je ne peux m’empêcher de trouver inquiétant à certains égards, car il risque de favoriser l’émergence d’un oligopole régulé sur le marché de la complémentaire santé. Par ailleurs, il offre peu de visibilité aux parlementaires sur la qualité du panier de soins, question pourtant fondamentale.

Debut de section - PermalienPhoto de Aline Archimbaud

Enfin, il est probable que la mesure, une fois adoptée, sera à l’origine d’un nouveau parcours du combattant pour les bénéficiaires, lesquels, peu informés de la date de renouvellement tacite de leur contrat de complémentaire santé, perdraient le bénéfice de l’aide.

Mes collègues écologistes et moi-même avons donc déposé plusieurs amendements pour éviter de tels écueils.

J’évoquerai plus rapidement les autres mesures proposées par notre groupe sous forme d’amendements. Elles concernent le relèvement du seuil de la CMU complémentaire au niveau de l’AAH et de l’ASPA ; la généralisation du tiers payant intégral pour la médecine de ville, à l’exclusion des dépassements d’honoraires, ou encore la fusion de l’AME et de la CMU. Nous proposerons également la mise en place d’une commission départementale d’accès aux soins et d’autres mesures destinées à encourager l’innovation sociale.

Par ailleurs, notre groupe a déposé plusieurs amendements qui vont dans le sens de la défense de l’hôpital public. Ils prévoient notamment l’abrogation de la convergence tarifaire entre le public et le privé, l’éligibilité des établissements et services sociaux et médico-sociaux aux financements par les missions d’intérêt général, ou encore l’encadrement de l’activité libérale exercée au sein des établissements publics de santé.

Pour ce qui concerne l’industrie du médicament, nous demanderons, relayant les préoccupations déjà évoquées par plusieurs de mes collègues, le déremboursement des médicaments sans plus-value thérapeutique, ces « mee too », qui n’apportent rien en termes de progrès médical, coûtent cher à la sécurité sociale et représentent un moyen, pour certains laboratoires pharmaceutiques, de contourner scandaleusement la législation sur les médicaments génériques.

S’agissant de la branche accidents du travail – maladies professionnelles, je partage les préoccupations et l’indignation de mon collègue Jean-Pierre Godefroy au sujet du désengagement de l’État du FIVA. Cette question fait consensus au sein du comité de suivi sur l’amiante de la commission des affaires sociales. Je défendrai également des amendements dans ce domaine.

Concernant la branche famille, mon collègue Jean Desessard proposera un amendement visant à supprimer l’article 56 de ce texte, qui prévoit d’ajouter un nouveau seuil pour déterminer le niveau de prestation de la PAJE, la prestation d’accueil du jeune enfant. Cet article a été présenté comme un dispositif en faveur des revenus les plus modestes. En réalité, il s’agit simplement d’un levier financier pour réaliser des économies, et les ménages les plus modestes ne seront pas touchés par cette mesure, ni positivement ni négativement. Nous avons donc déposé un amendement pour tenter d’améliorer la situation.

Enfin, nous présenterons un certain nombre d’amendements relatifs aux recettes. Ils visent entre autres à rendre plus juste le système de cotisations pour les retraites agricoles, à supprimer les clauses de désignation, à rendre la CSG progressive, à faire prendre en charge les frais de covoiturage par l’employeur au même titre que les frais de transport en commun, ou encore à taxer les nouvelles immatriculations de voitures diesel.

Certains amendements éveilleront des souvenirs, mes chers collègues, comme celui qui vise à augmenter la taxation des retraites chapeaux, que la majorité sénatoriale avait adopté en décembre 2011.

Debut de section - PermalienPhoto de Aline Archimbaud

Je pense également aux quatre amendements adoptés dans cet hémicycle l’année passée, tendant notamment à permettre la prise en charge cumulative, par l’employeur, d’un abonnement aux transports en commun et d’un abonnement à un service de location de vélos, ou à taxer, modérément, l’huile de palme et l’aspartame.

Debut de section - PermalienPhoto de Aline Archimbaud

Pour conclure, car mon temps de parole s’écoule, …

Debut de section - PermalienPhoto de Aline Archimbaud

… les écologistes souhaitent bien sûr que des solutions soient mises en œuvre pour réduire les déficits des comptes sociaux. Oui, il faut réduire ces déficits qui pèsent sur notre pays et sont dangereux pour l’avenir ! Mais comment ? Par quels moyens ?

Selon nous, il faut d’abord cesser de poser cette question uniquement en termes comptables, en envisageant le court terme. Cela peut donner l’apparence de l’objectivité et l’illusion de la compétence gestionnaire. Mais la vraie solution pour diminuer durablement la dette implique, selon nous, une réforme profonde du système de santé lui-même. Dès ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, il convient de définir quelques priorités : investir réellement dans la prévention, pour toute la société ; réduire les coûts exorbitants des excès de certaines firmes pharmaceutiques et du système qui les finance ; combattre les dépassements d’honoraires excessifs ; essaimer les pratiques innovantes qui font leurs preuves sur le terrain, et faire reculer le non-recours aux droits sociaux, CMU complémentaire, ACS et AME.

Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, il nous faut lutter contre les grandes inégalités d’accès aux soins et à la santé et, plus généralement, contre les renoncements aux soins, qui nous coûtent très cher. Cela concerne toute la société, et non pas uniquement les plus modestes d’entre nous.

Applaudissements sur les travées du groupe écologiste ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste. – Mme la présidente de la commission des affaires sociales applaudit également.

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 proposé par le Gouvernement est, à l’image du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013, bien léger : peu de mesures structurantes et beaucoup de hausses de prélèvements et de taxes. Vous utilisez les mêmes recettes que l’an dernier ! Ce faisant, vous compromettez le redressement de la sécurité sociale entrepris par la majorité précédente.

En effet, malgré la crise économique qui menaçait le financement de la sécurité sociale, le gouvernement précédent avait mené des réformes qui maintenaient le niveau de protection sociale, tout en entamant le redressement des comptes sociaux. Depuis trois ans, l’ONDAM a été scrupuleusement respecté. Quant à la réforme des retraites de 2010, elle permettait d’économiser 30 milliards d’euros d’ici à 2018.

De telles réformes sont attendues par les Français.

Il ressort d’une étude menée par l’IFOP en octobre 2013 que 71 % des Français, soit une large majorité, estiment que l’argent public consacré chaque année au financement de la sécurité sociale est utilisé de manière inefficace. En réalité, cette enquête traduit bien l’ambivalence de nos compatriotes au sujet de leur protection sociale : ils sont à la fois attachés à la pérennité du système et inquiets de la manière dont sont gérés les fonds qu’y consacrent ménages, entreprises et contribuables.

Dans ce contexte, le projet de loi de financement de la sécurité sociale qui nous est présenté aujourd’hui n’est pas à la hauteur des enjeux. Il se résume à de timides économies sur l’ONDAM et de nouveaux prélèvements qui frapperont les retraités, les familles et les entreprises. Bel exemple, alors que le Gouvernement prétend prendre en compte le ras-le-bol fiscal !

En outre, la prévision de croissance retenue pour le financement de la sécurité sociale me semble irréaliste. Non seulement le Gouvernement se fonde sur des hypothèses de croissance plus que hasardeuses, …

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

… mais il les compromet lui-même en alourdissant toujours davantage les prélèvements sur les ménages et les charges des entreprises. Pour 2014, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoit une hausse des prélèvements de plus de 2 milliards d’euros, qui s’ajoutent aux 12 milliards d’euros prévus dans le projet de loi de finances.

Pour tous les Français concernés, il n’y a aucune pause fiscale, pas même un ralentissement, après deux années d’explosion des impôts ! Le Gouvernement fait semblant de se soumettre au principe de réalité et de se rendre compte que la taxation à outrance a ses limites en termes de recettes et d’acceptation sociale, tout en persistant dans le matraquage fiscal.

Comme s’il ne vous suffisait pas d’accabler les créateurs d’emplois, vous touchez aux fondements mêmes de notre politique familiale, en ne cessant d’oppresser fiscalement les familles : pour 280 000 d’entre elles, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale se traduira par une diminution de 92 euros par mois du complément familial, soit un manque à gagner de plus de 1 100 euros par an !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Sans compter que cette mesure s’ajoute à la baisse du plafond du quotient familial et à la fiscalisation des majorations des pensions pour les parents de familles nombreuses.

Un tel acharnement devient insupportable pour les familles. Au lieu de vous attaquer aux déficits abyssaux de l’assurance vieillesse et de l’assurance maladie, vous préférez mener une non-réforme des retraites et vous acharner sur les retraités, les entreprises et les familles. En les assommant ainsi, vous compromettez l’avenir de la France, sans même avoir la garantie de parvenir à engendrer des recettes supplémentaires. Cette politique coûtera cher au pays.

J’en viens aux recettes.

Tout d’abord, sous couvert d’harmonisation et d’équité, vous aviez initialement prévu d’augmenter, à hauteur de 450 millions d’euros pour 2014, les prélèvements sociaux sur les produits de placement tels que l’assurance vie, l’épargne-logement ou les plans d’épargne en actions. Devant le mécontentement des associations d’épargnants, les critiques de l’opposition et, certainement, les doutes de quelques députés socialistes, vous avez dû faire marche arrière.

Quant à l’élargissement de l’assiette des prélèvements sociaux s’appliquant aux exploitants agricoles et au déplafonnement de l’assiette des cotisations d’assurance vieillesse de base des artisans et commerçants affiliés au Régime social des indépendants, ils participent de la même logique : toujours plus de prélèvements !

Ensuite, pour la deuxième année consécutive, vous prévoyez de reverser le produit de la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie, la CASA, au Fonds de solidarité vieillesse, le FSV. Nous considérons qu’il s’agit d’un détournement pur et simple des fonds dédiés à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, la CNSA. Les députés socialistes ont pris conscience du problème, puisqu’ils ont fait adopter un amendement visant à restituer à la CNSA 100 millions d’euros. Mais nous considérons qu’ils ne sont pas allés jusqu’au bout de la démarche et nous proposerons d’affecter à la CNSA l’intégralité des 645 millions d’euros qui lui reviennent, afin de financer des mesures concernant la perte d’autonomie.

Dans le contexte de crise que nous connaissons, ce détournement de plus de 1 milliard d’euros depuis 2013 nous fait douter de la volonté du Gouvernement de mener à bien une réforme de la perte d’autonomie qui soit à la hauteur des enjeux démographiques et financiers liés au vieillissement de la population.

Enfin, après un débat houleux à l’Assemblée nationale, vous avez fait adopter un amendement dont l’objet est d’introduire de façon détournée l’équivalent des « clauses de désignation » auxquelles nous nous étions opposés avec succès. Le Conseil constitutionnel nous a confortés dans nos arguments par deux décisions en date respectivement du 13 juin et du 18 octobre 2013.

Ce nouvel article 12 ter prévoit de taxer les entreprises qui n’iraient pas vers l’organisme recommandé par leur branche en augmentant fortement le montant du forfait social sur les contributions des employeurs, lequel passerait de 8 % à 20 % pour les entreprises de plus de dix salariés, soit une hausse de 250 % !

Nous y reviendrons lors de l’examen des articles, mais sachez d’ores et déjà que, pour nous, cette mesure est une discrimination fiscale qui porte atteinte à la liberté contractuelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

En outre, une telle disposition n’a pas sa place dans ce texte.

Notre collègue Jean-Noël Cardoux y reviendra.

Qui plus est, vous prévoyez dans le projet de loi de finances pour 2014 la suppression de l’exonération fiscale du salarié sur la participation de l’employeur aux contrats collectifs de complémentaire santé.

Le matraquage fiscal, c’est bien pour maintenant !

S’agissant des dépenses, comme je l’ai dit, votre projet manque là encore de mesures structurantes.

En ce qui concerne la branche maladie, vous proposez de modifier les règles de la tarification hospitalière, avec deux mesures : le financement dérogatoire des hôpitaux ayant une faible activité et la dégressivité tarifaire.

Or ces mesures ne s’inscrivent pas dans une réflexion globale sur le système sanitaire français. La tarification hospitalière doit être revue, j’en suis évidemment convaincu. Mais s’attaquer à ce problème en le considérant par le petit bout de la lorgnette, au fil des lois de financement de la sécurité sociale, ne suffit pas à faire une réforme d’ensemble.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Pourquoi ne pas créer une nouvelle tarification des soins qui prendrait en compte la qualité, les honoraires et le parcours intégré ? Nous savons très bien que la tarification à l’acte n’intègre pas l’ensemble des coûts médicaux.

Nous parlons souvent de proximité en matière d’offre de soins, mais personne ne s’intéresse aux délais d’attente, qui sont devenus la première cause d’inégalité d’accès aux soins pour les Français. Pourquoi ne pas rendre publics ces délais et créer un délai opposable qui serait un engagement des établissements de santé ?

À travers ces deux exemples, je veux insister sur le fait qu’il est nécessaire de faire évoluer la tarification afin d’intégrer des enjeux majeurs pour l’avenir du système hospitalier : la qualité et la notion de parcours de soins.

De ce point de vue, la mise en œuvre de tarifs dégressifs de remboursement en fonction du nombre d’actes réalisés est une fausse bonne idée. Elle constitue une nouvelle régulation par les volumes qui risque, dans les faits, de fortement pénaliser les établissements choisis par les patients pour la qualité de leurs médecins et de leurs plateaux techniques. Au final, les patients seront les premières victimes, puisqu’ils verront leurs interventions repoussées, voire déprogrammées, pour éviter que l’établissement ne dépasse son volume d’actes.

Enfin, la solidité juridique du dispositif de dégressivité tarifaire semble contestable. En effet, pour un même acte, chaque hôpital sera contraint d’appliquer des tarifs différents, ce qui semble contraire au principe d’égalité devant la loi.

La MECSS, dans le rapport auquel faisait référence M. le rapporteur général, préconise cette solution, mais dans le cadre de tarifs fixés de manière pluriannuelle, ce que ne prévoit pas ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.

En matière d’offre, il serait nécessaire de faire évoluer les prises en charge hospitalières en développant en particulier les hôtels hospitaliers. Ce dispositif s’inscrit dans la lignée du programme national de gestion des lits d’aval que vous avez annoncé, madame la ministre, en avril dernier. En effet, la question des lits d’aval est un problème récurrent aux urgences. La création d’hébergements non médicalisés en complément de l’hospitalisation conventionnelle pourrait faciliter la libération des lits nécessaires à l’accueil des urgences.

Je pourrais multiplier les développements sur ce point, mais permettez-moi juste de regretter, madame la ministre, qu’une réflexion en matière d’organisation et d’offre hospitalière manque dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

J’en viens aux mesures concernant le médicament.

L’article 39 prévoit d’empêcher des patients sans alternative thérapeutique de bénéficier du système des autorisations temporaires d’utilisation, les ATU. En effet, les patients dont l’indication de traitement n’est pas incluse dans les ATU initiales ne pourront bénéficier de la procédure dérogatoire. Ils ne seront donc pas éligibles au remboursement – et donc à la prescription – d’une molécule innovante pourvue d’une autorisation de mise sur le marché tant que le prix de ce médicament n’aura pas été officialisé.

Or le périmètre d’indication de l’ATU est plus restreint que celui qui a été obtenu lors de l’AMM. Cette mesure sera donc source d’une régression majeure dans l’accès aux traitements les plus innovants pour les patients atteints de pathologies graves. Il est scandaleux de limiter l’accès aux traitements pour tous ces patients.

Toujours concernant les médicaments, vous mettez en œuvre à l’article 38 la promotion des médicaments biologiques similaires en autorisant notamment la « substitution » en initiation de traitement par le pharmacien.

Le rôle du pharmacien d’officine sera complexe, notamment en cas de renouvellement d’ordonnance. Le dossier pharmaceutique ne couvrant pas la moitié des Français, comment le pharmacien pourra-t-il savoir quel traitement un patient a pris ces dernières années et si le biosimilaire qu’il lui donne n’aura pas d’effet secondaire ? Le dispositif est construit autour du concept en vigueur pour le générique, alors qu’un biosimilaire n’est pas un générique.

Pour le reste, je souscris aux propos de notre collègue Gilbert Barbier.

Vous l’aurez compris, nous ne sommes absolument pas convaincus par cette disposition, qui semble avoir été prise dans la précipitation et dont les conséquences n’ont pas été mesurées.

J’en viens à l’article 28, qui prévoit la création d’un collège des financeurs chargé d’évaluer les modèles économiques des coopérations soumises par les professionnels de santé dans le cadre prévu par l’article 51 de la loi HPST.

Notre collègue Catherine Génisson et moi-même avons été chargés par la commission des affaires sociales d’un rapport d’information sur les coopérations entre professionnels de santé. Nos travaux m’ont amené à déposer un amendement visant à proposer une nouvelle rédaction de cet article, amendement identique en tout point à celui qu’a déposé Catherine Génisson.

En effet, il est incontestable que permettre un financement dérogatoire pour les coopérations entre professionnels de santé favorisera leur mise en œuvre. Néanmoins, ajouter au système déjà complexe prévu par la loi une étape supplémentaire risquerait de décourager les professionnels, alors que leur premier objectif est de soigner et qu’ils ne parviennent à se mettre en adéquation avec les obligations administratives nécessaires que grâce à l’appui des agences régionales de santé.

Pour éviter que le collège des financeurs ne devienne un nouveau verrou bloquant les initiatives de terrain, nous proposons d’en faire une force de proposition en créant les modèles médico-économiques que les professionnels pourront reprendre dans l’élaboration de leurs projets.

En conclusion, madame la ministre, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale révèle un manque de vision, comme dans tant d’autres domaines de l’action gouvernementale. Il consiste presque uniquement à assommer de nouveaux prélèvements les retraités, les agriculteurs, les indépendants, les familles, et j’en oublie sans doute.

Il est un chiffon rouge agité devant les Français en cette période de ras-le-bol fiscal, …

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

M. Alain Milon. … alors que la situation peut dégénérer à tout moment. Pour toutes ces raisons, nous ne le voterons pas.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Roche

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les critiques que nous avons émises au sujet de la réforme des retraites sont hélas ! également valables pour le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Certes, les soldes généraux qu’il présente semblent s’améliorer. Sur le fondement de ce constat, chacun a pu apprécier les efforts déployés par notre rapporteur général, Yves Daudigny, pour nous rassurer. J’en profite pour saluer d’emblée l’excellence de son travail, ainsi que de celui des autres rapporteurs.

Mais parlons des déficits.

Malgré vos efforts, monsieur le rapporteur général, vous ne nous avez pas rassurés : si le reflux des déficits est continu, son rythme s’est ralenti.

L’historique est connu : la crise de 2008 s’est répercutée moins de deux ans plus tard sur les comptes de la sécurité sociale, provoquant un dérapage sans précédent, près de 30 milliards d’euros de déficit en 2010 pour l’ensemble des régimes et le Fonds de solidarité vieillesse, le FSV.

Depuis lors, les déficits sociaux se réduisent. Le reflux est donc engagé depuis 2011. L’actuelle majorité affiche sa volonté de poursuivre ce mouvement. Nous ne pouvons que nous en réjouir.

Cependant, alors qu’entre 2010 et 2011, le solde de l’ensemble des régimes et du FSV s’était amélioré de plus de 7 milliards d’euros, entre 2012 et 2013, il ne se redresserait que de 1, 8 milliard d’euros. Le ralentissement est donc net, et c’est ce qui nous inquiète.

Quant au niveau du déficit, chacun dans cet hémicycle le reconnaît, il n’y a pas de quoi pavoiser : il passerait de 19, 2 milliards d’euros en 2012 à 17 milliards d’euros en 2013.

On est, certes, loin des 30 milliards d’euros de 2010, mais loin aussi du niveau de 2008, avant la crise, quand le déficit, déjà inquiétant, s’élevait à 11, 2 milliards d’euros.

Le tableau se noircit encore un peu plus lorsque l’on s’interroge sur les fondamentaux du redressement.

En l’absence de réformes structurelles, la conjoncture y est pour beaucoup. Cependant, les projections proposées nous paraissent à la fois timides et peu crédibles.

L’abandon d’un calendrier précis de retour à l’équilibre est désormais sanctionné. Le déficit demeure le seul horizon de la protection sociale. Il se réduirait à 5, 3 milliards d’euros en 2017.

Et encore ces projections sont-elles fondées sur des hypothèses particulièrement optimistes. C’est en cela que le parallèle avec la réforme des retraites s’impose.

Le Gouvernement mise sur une reprise de la croissance de 0, 9 % en 2014, et de 1, 7 % en 2015. Vous réinventez presque les trente glorieuses !

Par ailleurs, le projet de loi de financement de la sécurité sociale est fondé sur un retour très rapide au rythme de croissance moyen de la masse salariale constaté entre 1998 et 2007, soit 2, 2 % en 2014, puis 3, 5 % en 2015 et 4 % en 2016.

Dernier signe d’inquiétude, et non des moindres, l’annexe B du texte annonce la réouverture de la Caisse d’amortissement de la dette sociale, la CADES.

À la suite de la loi organique du 13 novembre 2010 relative à la gestion de la dette sociale et à la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011, elle ne devait plus être ouverte. On avait alors dérogé, en principe pour la dernière fois, à la règle de non-allongement de la durée d’amortissement de la dette sociale. Alors que les missions de la CADES devaient initialement prendre fin avec le retour à l’équilibre en 2020, cette date avait été reportée à 2025. À ce titre, la Caisse ne devait prendre en charge, après 2011, que les déficits de la branche vieillesse et du FSV jusqu’à 2018, pour un montant plafonné à 62 milliards d’euros.

Aujourd’hui, le Gouvernement s’appuie sur la réforme des retraites pour transférer à la CADES les déficits accumulés et futurs des branches santé et famille.

À l’horizon 2017, en tenant compte des déficits cumulés de ces deux branches en 2012 et 2013, ce sont près de 44 milliards d’euros de déficit qui seraient ainsi transférés, et ce grâce aux économies réalisées par la réforme des retraites, sans avoir à modifier le plafond de dette transférable ni à revenir sur la durée de vie de la Caisse.

Le problème, c’est que nous ne croyons que très partiellement aux vertus, même comptables, de cette réforme des retraites. Nous l’avons déjà abondamment dit, je n’y reviendrai donc pas, mais, en matière de retraites, le compte n’y sera probablement pas !

Dans ces conditions, transférer les dettes des branches familles et santé à la CADES sans, tôt ou tard, modifier ses paramètres de plafond et de calendrier nous semble relativement peu crédible.

Nous craignons fortement que la CADES n’ait pas de beaux jours devant elle. Nous sommes dans la logique intenable du report de nos impérities gestionnaires sur les générations futures.

Venons-en maintenant aux mesures nouvelles de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale. Son impact financier serait de 8, 2 milliards d’euros, dont la moitié en recettes nouvelles.

Taxation des produits de placement, élargissement de l’assiette des revenus agricoles, déplafonnement partiel des cotisations vieillesse des artisans et commerçants, création d’une contribution sur les boissons énergisantes, majoration de la taxe spéciale sur les conventions d’assurance, etc. : visiblement, la pause fiscale n’est pas d’actualité en matière sociale !

Marques d’approbation sur certaines travées de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Roche

Mais la nature même de ces recettes est problématique. Certaines d’entre elles sont purement et simplement détournées de leur objet.

Ainsi, l’article 3 prévoit de prélever 200 millions d’euros sur le Fonds pour l’emploi hospitalier, le FEH, au profit de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, la CNRACL.

Or le FEH finance l’aménagement du temps de travail des agents hospitaliers. Rien à voir avec la retraite ! Il s’agit donc d’un petit hold-up purement comptable au détriment de l’aménagement du temps de travail du personnel hospitalier.

Toujours au chapitre des détournements, plus grave encore pour nous est l’article 15, qui proroge le mécanisme de confiscation de la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie, mécanisme que nous avions déjà combattu en 2012.

Comme son nom l’indique, la CASA, créée l’année dernière, a pour vocation de financer l’autonomie. Ce dispositif, soit dit en passant, est très proche de la proposition de loi tendant à élargir la journée de solidarité, dont je suis l’auteur et que le Sénat a adoptée le 25 octobre 2012.

Or, dès sa naissance, la CASA a été détournée. Elle aurait dû être consacrée à compenser la prise en charge par les départements de l’allocation personnalisée d’autonomie, l’APA, d’autant plus que l’on sait que les conseils généraux ont de plus en plus de mal à y faire face. Au lieu de cela, la compensation des départements pour leur prise en charge de l’APA, qui passe par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, la CNSA, a été amputée d’une fraction de CSG, à due concurrence du produit de la CASA au profit du FSV !

Pour justifier cette situation, on allègue que la réforme de la dépendance est encore à venir, comme si aucun dispositif de prise en charge de la dépendance n’existait auparavant et comme si l’APA était correctement financée !

Dès l’origine, ce système était inacceptable, alors même qu’il ne devait durer qu’une année. Voici que le présent texte le prolonge d’un an. C’est inadmissible !

La seule amélioration vient de ce que l’Assemblée nationale a obtenu que le produit de la CASA affecté à la CNSA ne soit pas amputé de 130 millions d’euros, sur les 645 millions d’euros qu’elle devrait rapporter, mais c’est évidemment très insuffisant. Nous demandons la suppression de ce dispositif, quitte à ce que le FSV soit équilibré différemment, comme le Gouvernement s’y était d’ailleurs engagé l’année dernière.

Au palmarès des recettes problématiques, la taxation des produits de placement refondue par l’article 8 figure en bonne place. On le sait, cet article « nivelle par le haut » la taxation des placements de type PEA, PEL ou contrats d’assurance vie. Il abroge le calcul « au taux historique » pour que tous les placements ouverts depuis 1997 fassent l’objet d’un prélèvement social identique, aujourd’hui maximal, de 15, 5 %.

Il s’agit d’un dispositif par nature rétroactif, qui est donc totalement inéquitable et pose un sérieux problème de sécurité juridique et de confiance légitime.

Heureusement, après l’adoption de l’article 8 par l’Assemblée nationale, le Gouvernement a reculé. Finalement, le périmètre serait réduit aux seuls contrats d’assurance vie multisupports. C’est encore trop : nous souhaitons que la disposition soit purement et simplement abandonnée !

Toujours en matière de recettes, j’en arrive maintenant à ce qui pourrait être la particularité de ce PLFSS : l’importance des recettes de transfert.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoit 3 milliards d’euros de recettes de transfert de l’État par l’affectation à la sécurité sociale d’une fraction supplémentaire de TVA via le PLF. Les recettes nouvelles s’élèvent en fait à 2 milliards d’euros seulement, puisque le dernier milliard contrebalance la baisse de la cotisation au titre de la branche famille décidée en compensation de l’augmentation de la cotisation retraite.

Il s’agira donc de 2 milliards d’euros : l’un, au titre de la soumission à l’impôt sur le revenu de la contribution de l’employeur aux contrats collectifs de complémentaire santé, qui ira à la branche santé ; l’autre, au titre de la baisse du quotient familial, qui ira, lui, à la branche famille.

Ces 2 milliards d’euros représentent tout de même la moitié des recettes nouvelles du présent PLFSS ! C’est considérable. C’est en outre symptomatique d’un mouvement de fond que connaît notre système de protection sociale : celui de la fiscalisation. Le mouvement sera encore accentué l’année prochaine par l’arrivée à maturité de la fiscalisation de la majoration de pension pour enfants prévue par la réforme des retraites, qui bénéficiera à la branche vieillesse.

Que le financement de la protection sociale se fiscalise est, selon nous, à la fois inévitable et, pour partie, souhaitable. Cela se comprend très bien sur le plan des principes. Le risque vieillesse, à l’exception de son socle de solidarité, et les accidents du travail et maladies professionnelles, demeurent assurantiels. Ils doivent donc continuer d’être financés par les cotisations. En revanche, les branches santé et famille sont aujourd’hui universelles. Elles devraient donc principalement être financées par la solidarité, ce qui en outre présenterait l’immense avantage d’alléger le coût du travail.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Roche

Tout cela correspond toutefois à une véritable réforme structurelle, à une remise à plat financière du système, et ce n’est – hélas ! – pas ce qui est proposé aujourd’hui. Certes, la fiscalisation progresse, mais elle est menée à petits pas ; ni assumée ni ordonnée, elle est cachée et incohérente. Nous le regrettons vivement.

Vous l’aurez compris, madame la ministre, mes chers collègues, toutes ces considérations suffisent à elles seules à nous dissuader de voter les recettes du présent PLFSS. Toutefois, s’il nous fallait une raison supplémentaire de les rejeter, nous n’aurions pas à chercher bien loin : l’article 12 ter, introduit à l’Assemblée nationale, nous la servirait sur un plateau !

Voici que revient la clause de désignation !

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Roche

Après la bataille parlementaire qu’elle a suscitée lors de l’examen de l’article 1er de la loi relative à la sécurisation de l’emploi, et après sa censure par le Conseil constitutionnel, le 13 juin dernier, le Gouvernement ne désarme pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Roche

Certes, il ne s’agit aujourd'hui que des régimes de prévoyance ; certes, il n’est plus question que de recommandation. Cependant, de fait, il s’agit bien d’une désignation déguisée. La branche pourra ne recommander qu’un seul opérateur et, dans ce cas, on se doute bien que la plupart des entreprises, surtout les petites, suivront systématiquement la recommandation. Et elles auront bien raison de le faire, puisque, si elles ne le font pas, elles seront fiscalement sanctionnées ! En effet, en cas de choix d’un autre organisme, le forfait social sur les cotisations de prévoyance passera de 8 % à 20 % pour les entreprises de dix salariés et plus et de 0 à 8 % pour les entreprises de moins de dix salariés.

Il y a là une certaine hypocrisie, et nous la condamnons.

Mais je voudrais tout de même dire un mot des dépenses.

En matière de santé, elles nous semblent incontestablement aller dans le bon sens. §Nous ne pouvons que nous réjouir de voir l’ONDAM respecté pour la quatrième année consécutive, alors qu’avant 2010 il ne l’avait été qu’une fois depuis sa création en 1996.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Roche

L’ONDAM fixé cette année est très volontariste, mais, compte tenu de la situation, il faut bien l’être.

Nous devons aussi saluer les mesures d’économies.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Roche

Sur les soins de ville, nous récoltons les dividendes de la loi du 29 décembre 2011 sur la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé, et ne pouvons qu’approuver la maîtrise médicalisée des prescriptions. N’oublions pas, cependant, que la Mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale a jugé en 2012 que 28 % des prescriptions étaient « superflues ».

En matière hospitalière, à la suite du rapport d’Yves Cannac d’avril 2006 pour l’Observatoire de la dépense publique, nous n’avons cessé de répéter que d’importantes économies d’efficience pouvaient être réalisées, notamment des économies d’échelle par la constitution de centrales d’achat. Le Gouvernement semble vouloir s’engager dans cette voie. Nous ne pouvons que nous en féliciter.

Sans vouloir prolonger mon propos, en ce qui concerne la tarification hospitalière, je souscris tout à fait à ce qui a été dit par Alain Milon.

Les priorités identifiées, telles que la coordination des services aux patients au sein des maisons et centres de santé, la mise en place de nouveaux modes de rémunération, l’assouplissement de la tarification à l’activité, ou T2A, la rénovation du circuit du médicament, nous semblent parfaitement correspondre aux besoins les plus urgents du système de santé.

Madame la ministre, je sais que les parcours de santé sont l’une de vos priorités. Maisle tout n’est pas d’identifier des priorités : encore faut-il se doter effectivement des moyens de la mission. Or, tel n’est, hélas, pas le cas du parcours de santé qui, d’un bout à l’autre, souffre de manques criants. Autrement dit, on engage les gens sur une route dont certains tronçons ne sont pas encore créés. Du début à la fin, le parcours de santé est en pointillé. Et nous aurions justement attendu du PLFSS qu’il remplisse les blancs…

Au départ, le trou est béant, c’est celui de la désertification médicale. Vaste problème, que l’on pourrait cependant commencer à résoudre en ayant le courage d’utiliser le conventionnement pour flécher les installations de médecins vers les zones sous-dotées, comme on le fait d’ailleurs pour les infirmières, et comme le préconisait dans son excellent rapport notre collègue Hervé Maurey.

Les trous dans le parcours de santé ne sont pas uniquement spatiaux, ils sont aussi temporels. Comment accepter que, dans les contrats d’astreinte de garde des médecins, qui coûtent 700 millions d’euros par an, ainsi que nous l’a confirmé M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes, demeure la notion de « nuit profonde » qui leur permet de ne pas assurer de permanence entre minuit et six heures du matin ? Cette notion est absolument irrecevable et doit être supprimée. Actuellement, mes chers collègues, il n’y a pas de garde entre minuit et six heures dans la plupart des territoires de France !

La sortie de l’hôpital constitue une autre rupture dans le parcours de soin: Le nombre de lits en soins de suite et de réadaptation est insuffisant. Par conséquent, après un accident de santé, la majorité des patients rentrent chez eux de façon un peu précoce, ce qui entraîne une chute de la qualité des soins, et, s’ils sont âgés, ils doivent aller en EHPAD. Or, après une hospitalisation trop brève, la qualité des soins ne peut être au rendez-vous en EHPAD. En outre, ces établissements sont de moins en moins accessibles au plus grand nombre, notamment du fait du niveau du « reste à charge » qui ne cesse de grimper avec l’incorporation du coût des investissements immobiliers et médicaux au prix de journée.

Nous sommes face à un vrai problème de financement de l’investissement médico-social du fait du désengagement de l’État, via la CNSA, et du désengagement consécutif des collectivités. Pour y remédier, la collégialité des investisseurs doit être restaurée. Je me souviens avec émotion de l’époque où les maisons de retraite étaient financées par des contrats État-région, auxquels s’adjoignaient les départements et souvent les communes. Nous avions ainsi une programmation sur quatre ans et des aides à l’investissement qui étaient tout à fait intéressantes et permettaient de modérer l’élévation des prix de journée.

En ce qui concerne les mesures de dépenses proposées pour les autres branches, je ne reviendrai pas longuement sur la branche vieillesse : vous connaissez notre position. Il est nécessaire de passer d’une réforme paramétrique à une réforme systémique qui institue un système unique, universel et par points.

La situation de la branche famille nous semble aussi quelque peu préoccupante pour le moment, ou plus précisément la politique familiale. Réduction du congé parental, baisse du quotient familial, fiscalisation de la majoration de pension pour enfants, tout porte à croire que la politique familiale est dans le collimateur du Gouvernement.

Certes, nous ne pouvons qu’appuyer la majoration du complément familial pour les familles vivant sous le seuil de pauvreté, ainsi que la revalorisation de 25 % de l’allocation de soutien familial. Certes, la modulation de l’allocation de base de la prestation d’accueil du jeune enfant, la PAJE, peut se justifier, ainsi que la suppression de la majoration du complément de libre choix d’activité. Mais tout cela ne fait pas une politique familiale.

Concernant le médico-social, c’est tout le problème de la compensation de l’APA qui est posé. Je pourrais m’y attarder, mais vous savez tous ce que j’ai à dire sur le sujet. Je ne manquerai cependant pas de saluer l’émergence significative du plan Autisme.

En ce qui concerne la branche accidents du travail-maladies professionnelles, je ne dirai pas mieux que Jean-Pierre Godefroy, pour qui l’absence totale de dotation de l’État au Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante, en 2014, est inacceptable.

Vous l’aurez compris, madame la ministre, mes chers collègues, nous pensons qu’un autre projet de loi de financement de la sécurité sociale était possible, un PLFSS qui ne prenne pas l’eau, car nous sommes tous dans le même bateau, plus précisément dans la même galère !

Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Roche

M. Gérard Roche. Et si nous savons tous où il faut aller, nous divergeons en revanche sur le cap à prendre !

Rires sur les mêmes travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Roche

À l’heure où il est de plus en plus question d’union nationale, nous aurions aimé que vos propositions coordonnent les rameurs, madame la ministre !

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

Mais certains rament plus fort que d’autres !

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Roche

M. Gérard Roche. Peut-être ai-je été un peu long, et je vous prie de m’en excuser, mais j’ai au fond de la gorge le goût amer d’un nouveau rendez-vous manqué !

Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP. – M. Gilbert Barbier applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Génisson

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, notre rapporteur général et notre rapporteur pour avis ont largement commenté les dispositions relatives aux recettes et à l’équilibre financier de notre protection sociale pour 2014, et mis en évidence la détermination du Gouvernement, singulièrement la vôtre, madame la ministre, non seulement à redresser nos comptes sociaux, dans un contexte économique et social contraignant, mais aussi à conforter un financement solidaire indispensable à l’équilibre de notre système social. C’est là une condition obligatoire pour que ce droit premier, l’égalité d’accès à des soins de qualité, reste réalité pour nos concitoyens, quand, aujourd'hui, notre système de santé, certes très performant, se caractérise aussi par d’importantes inégalités sociales et territoriales.

J’axerai mon intervention sur vos propositions pour la branche maladie, madame la ministre, qui s’inscrivent dans les priorités définies dans votre programme de stratégie nationale de santé, prologue à la réforme de santé annoncée pour 2014, réforme que nous attendons avec impatience, étant donné que nous sommes tous d’accord pour affirmer l’importance des réformes structurelles.

L’imagination, l’innovation, la mobilisation des équipes professionnelles doivent être garantes de la qualité de l’offre de soins due à nos concitoyens. L’exigence qualitative est la meilleure des garanties pour une maîtrise acceptée des dépenses de santé.

Organiser les soins autour des patients et en garantir l’égal accès implique que l’amélioration des soins de premier recours soit une priorité, dans un contexte où la progression de l’espérance de vie, mais aussi le développement des maladies chroniques, sont à confronter aux inégalités territoriales au regard notamment de la démographie médicale.

Aussi l’exercice professionnel doit-il être revisité en permettant en particulier les coopérations. L’article 28 permet de les développer dans le secteur libéral, mettant en place un collège des financeurs pour répondre aux questions de modalité de financement, qui sont souvent un obstacle à la concrétisation des initiatives.

Alain Milon et moi-même travaillons à l’élaboration d’un rapport souhaité par la commission des affaires sociales sur les coopérations interprofessionnelles prévues à l’article 61 de la loi HPST. Le sujet concerne aussi bien le secteur hospitalier que le système libéral et pose des problèmes d’application dans ces deux secteurs.

Sa mise en place repose sur une double exigence : l’optimisation de la qualité des soins pour les patients, la meilleure qualité d’exercice pour les professionnels. Nous proposons une réécriture de l’article 28 en ce qui concerne le secteur libéral : nous soutenons la volonté de trouver des solutions au financement de ces coopérations, mais nous souhaitons que les dispositions proposées ne soient pas d’une complexité telle qu’ils en arrivent à être dissuasifs, ainsi que l’a montré mon collègue Alain Milon. .

Ces coopérations professionnelles doivent pouvoir aboutir à des évolutions et des promotions dans les métiers de santé, voire à la définition de nouveaux métiers de santé. Cela supposera sans doute, étant donné les progrès de la médecine, une évolution de l’enseignement, sans oublier que la médecine est avant tout une science humaine.

Je me félicite de l’introduction par l’Assemblée nationale de l’article 27 bis, relatif aux centres de santé, acteurs très présents, notamment, auprès des publics précaires ; nous soutiendrons l’amendement de M. le rapporteur général tendant à en conforter la stabilité.

Les soins de premier recours peuvent être améliorés grâce au développement de la télémédecine, qui fait l’objet de l’article 29. La télémédecine est intéressante dès lors que l’on s’assure de l’existence et de la qualité des récepteurs d’informations.

Madame la ministre, en proposant des expérimentations sur le parcours de soins, vous facilitez la vie médicale des patients.

L’article 34 tend à prévoir des expérimentations concernant le parcours de soins et la prise en charge des personnes atteintes d’insuffisance rénale chronique, ainsi que le traitement du cancer par radiothérapie.

S’agissant de l’insuffisance rénale chronique, il est proposé d’expérimenter des projets pilotes mettant en œuvre de nouvelles modalités de financement destinées à fluidifier et à optimiser le parcours de soins, avec l’objectif de réduire le nombre de nouveaux cas d’insuffisance rénale chronique terminale en préservant la fonction rénale, de limiter le nombre de dialyses en urgence, de mieux prendre en charge les phases d’aggravation et de développer les prises en charge de proximité : dialyse en milieu médicalisé et auto-dialyse à domicile, par exemple.

De nombreux acteurs interviennent dans cette expérimentation concernant l’insuffisance rénale chronique. À ce propos, je voudrais savoir si l’on demande leur consentement aux patients concernés : cela me semble très important, eu égard à la lourdeur des traitements.

Concernant la radiothérapie, l’expérimentation portera dans un premier temps sur les cancers du sein et de la prostate.

Avant d’aborder la problématique des établissements de santé, je souhaite évoquer l’article 31, portant sur les transports sanitaires.

L’expérimentation concerne les transports sanitaires prescrits à l’hôpital, à l’exclusion des transports urgents. Menée à l’échelon des ARS et des organismes locaux de sécurité sociale, elle s’appuiera sur une convention qui donnera lieu à consultation des organismes professionnels sur la base du volontariat. En cas de constatation d’une réduction des dépenses de transports au cours de l’expérimentation, le directeur de l’ARS pourra allouer une dotation d’intéressement à l’établissement de santé concerné. Je présenterai un amendement tendant à étendre ce dispositif aux sociétés de transport, dès lors qu’elles formulent des propositions en matière de mutualisation de moyens ou d’amélioration de leur flotte. Cela rendrait l’expérimentation plus dynamique. Par ailleurs, je proposerai la suppression du dispositif établi en 2013, qui s’est révélé difficilement applicable.

La place des établissements de santé dans l’organisation de notre système de santé est déterminante. « Refonder la tarification hospitalière au service du patient » : tel était le titre du rapport d’information rédigé par nos collègues Jacky Le Menn et Alain Milon au nom de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale et de la commission des affaires sociales et adopté à l’unanimité des membres de la commission des affaires sociales. Vous aviez d’ailleurs repris l’une de ses propositions, madame la ministre, consistant à supprimer la convergence tarifaire entre établissements publics et établissements privés.

Pour 2014, l’article 33 tend à prévoir des modalités dérogatoires de financement pour les établissements qui répondent à des critères d’isolement géographique, sous réserve que les prestations d’hospitalisation assurées par ces établissements et leur situation financière le justifient. Cette mesure permettra de soutenir des activités de soins essentielles pour les populations concernées, tout en respectant les exigences de sécurité.

Par ailleurs, aux termes de l’article 33, au-delà d’un certain taux d’évolution ou volume d’activité d’une prestation d’hospitalisation, le tarif national applicable à la prestation concernée pourra être dégressif pour la part d’activité de l’établissement excédant ce seuil.

Monsieur le rapporteur général, vous avez fait preuve de beaucoup de persuasion pour convaincre du bien-fondé de cette disposition, qui prête à débat. Pourtant, quand nos collègues députés ont autorisé la prise en compte, pour l’application de ce dispositif, du taux d’évolution ou du volume d’activité d’une prestation d’hospitalisation résultant d’une création ou d’un regroupement d’activités, force est de constater que vous-même avez préconisé de manier avec précaution cet outil, dont vous reconnaissez néanmoins la possible utilité. En particulier, vous avez beaucoup insisté sur le fait que la dégressivité ne pouvait être liée en elle-même à la pertinence des soins, qui doit s’analyser dès le premier acte, et non à partir d’un certain seuil.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Génisson

Cette approche est bonne. En effet, la dégressivité doit être maniée avec beaucoup de précautions.

Dans le secteur chirurgical notamment, des référentiels de bonnes pratiques ont permis de définir des seuils d’activité permettant l’exécution des actes. Dès lors, on a concentré l’activité des chirurgiens sur une gamme d’actes en général moins étendue, mais avec une plus grande exigence en termes de qualité de pratique et une incidence financière positive. S’il est vrai que les coûts financiers d’un établissement en mesure d’amortir ceux-ci sur une base plus large peuvent être légèrement inférieurs à la moyenne, il faut rester vigilant sur l’exigence de qualité, ainsi que sur la nécessaire réponse à la demande.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Génisson

L’extension des référentiels de bonnes pratiques effectuée par la Haute Autorité de santé semble une bonne réponse quand, par ailleurs, tant l’assurance maladie que l’ARS peuvent intervenir, respectivement sur l’utilisation inadaptée de cotations d’actes et sur l’exécution inappropriée d’actes, et réorienter l’activité des établissements de santé. En ce qui me concerne, je déposerai un amendement visant à exclure les centres de cancérologie du champ de ce dispositif.

La politique du médicament est l’un des piliers de notre protection sociale. La sécurité des patients doit être au cœur des dispositifs mis en place quand elle doit être assurée au meilleur coût.

Pour les soins de ville, ce double objectif se traduit par l’expérimentation de la délivrance à l’unité des antibiotiques, la définition de règles encadrant la prescription de médicaments bio-similaires et une réforme des modalités de prise en charge des médicaments faisant l’objet d’une autorisation temporaire d’utilisation.

L’évaluation de ces expérimentations est obligatoire eu égard à l’existence d’un certain nombre de problématiques. Je m’attarderai quelques instants sur l’article 40, tendant à encadrer la prescription des génériques.

L’Assemblée nationale a adopté un amendement visant à ce que le pourcentage maximal de ristournes et d’avantages consenti aux pharmaciens au titre de la politique de promotion des génériques soit porté à 50 %, alors qu’il est aujourd’hui de 17 %, taux d’ailleurs souvent largement dépassé.

Monsieur le rapporteur général, nous soutiendrons votre amendement tendant à supprimer cette disposition, ainsi que celui dont l’objet est de reprendre une proposition de la Haute Autorité de santé, qui travaille sur une refonte du service médical rendu, en fusionnant les actuels SMR – service médical rendu – et ASMR – amélioration du service médical rendu – en un indice synthétique unique.

Les pharmaciens jouent un rôle fondamental dans l’éducation sanitaire et la responsabilisation de nos concitoyens. Nous devons avoir un débat de fond et une très large concertation sur la reconnaissance de leur participation active à la mise en œuvre de notre politique de santé publique. Les négociations sur le pourcentage total de ristournes et d’avantages consenti aux pharmaciens sont aujourd’hui bloquées : réglons ce problème, même si faire passer le taux de 17 % à 50 % me semble excessif.

Les complémentaires santé constituent le dernier pilier de la branche maladie dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014.

Depuis 2011, l’assurance maladie prend globalement en charge 75, 5 % des dépenses de santé, avec des écarts très importants s’agissant des affections de longue durée et des dépenses d’hospitalisation, par rapport aux soins courants dispensés en ville.

Couvrant 13, 7 % des dépenses de santé, les complémentaires santé tiennent une place essentielle pour assurer l’égalité d’accès aux soins.

Le texte tend à poursuivre la généralisation de l’accès à une couverture complémentaire de qualité. M. le rapporteur général ayant largement décrit ce dispositif, je n’y reviendrai pas. J’évoquerai néanmoins les dispositions concernant les contrats solidaires et responsables, pour vous donner acte des propositions que vous formulez, madame la ministre, en soulignant qu’il s’agit d’un débat hautement politique, auquel chacun d’entre nous doit pouvoir participer activement.

Je me félicite que nos collègues de l’Assemblée nationale aient repris une proposition de notre collègue Aline Archimbaud figurant dans le rapport qu’elle a remis au Premier ministre, intitulé « L’accès aux soins des plus démunis », en permettant le renouvellement automatique du droit à l’accès à la complémentaire santé pour les bénéficiaires du minimum vieillesse. Nous vous soutiendrons, monsieur le rapporteur général, dans votre volonté d’aller plus loin dans la simplification administrative.

En conclusion, je veux vous assurer, madame la ministre, du soutien constructif de notre groupe. Nous sommes conscients que la poursuite de la réforme structurelle de l’organisation de notre système de santé prolongera nos propositions concernant l’architecture et la gouvernance de notre protection sociale. §

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Watrin

Monsieur le président, madame la ministre, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, il y a un an, je regrettais, depuis cette tribune, que le premier projet de loi de financement de la sécurité sociale d’un gouvernement de gauche ne marque pas de rupture suffisante avec ceux des gouvernements précédents.

Aujourd’hui, avec mes collègues du groupe communiste républicain et citoyen, je voudrais que ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 ne soit pas celui d’un peu plus de désespérance.

Devant l’explosion du chômage et de la précarité, l’accroissement des inégalités salariales, sociales, territoriales et sanitaires, nous avons collectivement une exigence : assurer à toutes et à tous un haut niveau de protection sociale.

Cet objectif ambitieux demeure inatteignable en l’état. Comment pourrait-il en être autrement quand ce PLFSS est écrit à l’encre de l’austérité, sous l’influence du pacte de stabilité et de croissance européen, aux termes duquel les besoins des citoyens en matière de santé et de protection sociale comptent moins que la réduction aveugle des déficits publics et l’abaissement du coût du travail ?

Madame la ministre, l’étude d’impact jointe à votre projet de loi s’inscrit dans cette perspective : il y est rappelé à plusieurs reprises que les mesures proposées n’auront pas pour effet d’augmenter le coût du travail. En intégrant le discours du MEDEF, de la droite et des libéraux sur la nécessité d’accroître la compétitivité des entreprises, vous vous engagez dans une impasse ; cela n’est pas sans avoir d’importantes conséquences économiques, sociales et sanitaires.

La réforme des retraites que vous avez engagée, dans la foulée de celle qui a été mise en œuvre par MM. Woerth et Sarkozy, en est l’exemple le plus frappant. Votre refus d’élargir l’assiette des cotisations sociales des entreprises à leurs revenus financiers vous conduit à allonger la durée de cotisation des salariés, et donc à multiplier les futures décotes, tout en gelant pendant six mois les pensions de retraite de prétendus privilégiés, gagnant plus de 780 euros par mois…

Quant à la hausse de la part patronale des cotisations sociales, elle a été jugée non conforme aux promesses faites par la France devant la Commission européenne. Cette dernière s’est instituée en véritable gardienne du dogme libéral de la baisse du coût du travail, qui fait pourtant tant de mal, on le sait, aux peuples européens.

C’est pourquoi, immédiatement après avoir décidé cette hausse des cotisations versées par les entreprises au titre de l’assurance vieillesse, le Gouvernement annonçait une réduction globale des cotisations patronales. Sans grande surprise, c’est sur la branche famille, véritable variable d’ajustement budgétaire depuis une décennie, que s’est porté votre choix.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Watrin

Les salariés, eux, verront à l’inverse leurs cotisations augmenter, sans autre contrepartie que l’obligation de travailler plus longtemps, s’ils le peuvent !

Si je m’attarde autant sur le projet de loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites, alors même que nous venons d’en discuter, c’est que les mesures proposées par le Gouvernement pèseront lourd dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.

La hausse des cotisations sociales devrait rapporter l’année prochaine 1, 7 milliard d’euros de ressources supplémentaires, soit environ 40 % des 4, 2 milliards d’euros de recettes nouvelles attendus.

Le gel des pensions engendrera quant à lui, en 2014, 800 millions d’euros d’économies, réalisées aux dépens des retraités, soit près de 20 % des mesures d’économies du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Telle n’est pas, madame la ministre, l’idée que nous nous faisons du « redressement dans la justice » que vous nous promettiez. Dans la version que vous nous présentez, le budget de la sécurité sociale pour 2014 s’apparente plus à un exercice comptable qu’à la traduction d’ambitions fortes.

J’en veux pour preuve l’ONDAM, dont la progression est inférieure à celle, déjà insuffisante, qui avait été votée lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013. Avec l’augmentation de 2, 3 % prévue pour l’année prochaine, on peine à voir comment les établissements publics de santé pourront faire face. Sous l’effet de l’inflation, de la hausse de la TVA et de celle de la masse salariale, les dépenses des hôpitaux devraient en effet augmenter naturellement de plus de 3 %.

Si je me réjouis que votre projet de loi de financement de la sécurité sociale n’ait pas, comme l’année dernière, introduit de mécanisme de responsabilisation des patients, c’est-à-dire, en fait, des baisses de remboursements, chères à la droite, je ne peux que regretter votre choix de réduire le champ de la protection sociale aux risques les plus graves, les plus coûteux, en confiant aux organismes complémentaires la mission d’assurer le reste des remboursements.

Le président de la Mutualité française, qui s’est prononcé contre l’adoption du présent texte, l’a d’ailleurs clairement démontré : en dehors de la prise en charge des pathologies les plus lourdes, la sécurité sociale ne rembourse plus, aujourd’hui, que 50 % des dépenses de santé. Certes, le niveau global de remboursement des patients reste stable, mais, en contrepartie, ces derniers voient chaque année augmenter le montant de leurs cotisations à des organismes complémentaires. Je note par ailleurs que le projet de loi de finances pour 2014 prévoit de soumettre à l’impôt sur le revenu les salariés bénéficiant de contrats mutualistes souscrits par les employeurs, alors que ceux-ci se voient attribuer, depuis l’entrée en vigueur de l’accord national interprofessionnel, une exonération de cotisations sociales : ce que vous avez donné aux employeurs il y a quelques mois, vous le reprenez aujourd’hui aux salariés !

En outre, je tiens à exprimer notre perplexité devant les mesures que vous proposez concernant le bénéfice de l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé, l’ACS. L’accès à celle-ci est certes élargi aux personnes âgées disposant de faibles ressources, mais, plutôt que de renforcer la CMU et la CMU-C en modifiant les critères d’attribution de l’ACS, en instaurant une forme de régulation des organismes complémentaires par la concurrence, ne croyez-vous pas qu’il aurait été à la fois plus simple et plus juste de prévoir avant tout, pour ces publics, une réelle prise en charge à 100 % par la sécurité sociale ? Cette réorientation aurait été un acte fort de réaffirmation de la sécurité sociale comme socle intangible de notre système de protection sociale.

Concernant le champ médico-social, force est de constater que les attentes des différents acteurs seront une nouvelle fois déçues.

L’Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux, l’UNIOPSS, souligne elle-même l’insuffisance du taux d’évolution de l’ONDAM médico-social, qui s’élève à 3 %, contre 4 % l’an passé. Concrètement, les établissements médico-sociaux auront du mal à faire face à l’inflation et à l’augmentation de la TVA. Nous craignons que les salariés n’en fassent les frais, en jouant de nouveau le rôle de variable d’ajustement au regard de l’équilibre financier de ces établissements. Or la dévalorisation du travail au sein de ces derniers, comme dans les services médico-sociaux ou d’aide à domicile, se traduit toujours par une baisse de la qualité du service rendu aux usagers.

De plus, nous le savons tous, d’immenses progrès restent à accomplir au titre de la médicalisation des EHPAD ou pour une meilleure prise en charge des malades d’Alzheimer et de leurs familles. Sans moyens suffisants, ces besoins ne seront satisfaits qu’au compte-goutte.

D’une manière générale, je regrette que ce projet de loi de financement de la sécurité sociale n’esquisse pas plus que le précédent un financement pérenne et solidaire, pour une meilleure prise en charge de la perte d’autonomie. Les fruits de la taxe injuste sur les revenus des retraités que vous avez instituée l’année dernière seront une nouvelle fois détournés de leur objet : sur les 700 millions d’euros collectés, près de 600 millions d’euros n’iront pas à l’accompagnement de la perte d’autonomie. Les retraités soumis à la CASA, à qui vous expliquez le sacrifice requis par cette exigence de solidarité, apprécieront !

Madame la ministre, vous venez certes d’annoncer, avec Mme Delaunay, les objectifs prioritaires et le calendrier de mise en œuvre de la future loi dite d’adaptation de la société au vieillissement. Je serais tenté de dire « enfin », tant la responsabilité de la droite est immense, …

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Watrin

… elle qui n’a cessé de reporter aux calendes grecques la mise en œuvre de la promesse d’une grande loi d’accompagnement de la perte d’autonomie faite par Nicolas Sarkozy lui-même. C’est la vérité, monsieur Savary ! Vous n’avez rien fait !

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Watrin

Il n’en reste pas moins que les objectifs affichés semblent plus modestes que prévu. Surtout, aucune traduction budgétaire ne serait possible avant 2015.

Pourtant, nous le constatons tous sur le terrain, il est urgent de revaloriser l’APA et d’augmenter la valeur du point de la convention collective. L’emploi dans le secteur de l’aide à la personne, pour peu qu’il soit qualifié et correctement rémunéré, peut être une chance pour notre pays. Selon l’Association des directeurs au service des personnes âgées, l’AD-PA, ce sont près de 25 000 emplois qui pourraient être créés dans ce domaine. Ce chiffre confirme que la solidarité, c’est aussi du développement territorial.

Quant à la branche famille – dont le déficit est estimé à 3 milliards d’euros pour 2014 –, elle verra cette année encore sa part de financement assurée par l’impôt croître de manière importante. Il s’agit là de la branche la plus fiscalisée de la sécurité sociale. Il faut dire que les revendications historiques du MEDEF sont claires : réduire à néant le financement socialisé de cette branche en le remplaçant par des taxes, des prélèvements et des impôts de toute nature. On comprend la stratégie du MEDEF : pousser toujours plus loin cette logique, pour qu’en définitive le maintien de cette branche dans la sécurité sociale n’ait plus aucun sens au regard de la structure de son financement.

C’est pourquoi nous contestons l’abaissement du plafond du quotient familial prévu à l’article 3 du projet de loi de finances pour 2014, mesure qui répond plus à une logique d’économies qu’à une logique de justice. À nos yeux, la branche famille n’est pas censée, en tant que telle, jouer un rôle redistributif. Le haut niveau de natalité de notre pays est une chance. La politique familiale ne doit distinguer entre les enfants nés en France ni en fonction de leur origine ni selon la richesse de leurs parents. Nous estimons en outre que si une redistribution des revenus doit être opérée, c’est d’une véritable réforme fiscale que nous avons besoin ! Pour notre part, nous serions prêts à accompagner une telle démarche, ambitieuse, pour autant que le Gouvernement soit prêt à la mettre en œuvre… Or aujourd’hui, l’abaissement du quotient familial et la modulation de l’allocation de base de la PAJE selon le niveau de ressources des parents touchent non seulement les familles riches, mais aussi les foyers aux revenus moyens.

De la même manière, nous sommes opposés à la baisse des cotisations patronales au titre de la branche famille. Non seulement cette faveur est injuste au regard des efforts demandés aux salariés, mais elle engendre de l’instabilité pour la branche. Ma collègue Isabelle Pasquet l’a déjà montré.

De plus, les mécanismes choisis complexifient grandement le financement et la gestion de la branche famille, alors même que l’on parle ici de simplification. L’instauration de ces mesures aboutit au gel du montant des composantes de la PAJE et des allocations de logement, qui touchera toutes les familles : je le répète, il ne s’agit pas des seules familles riches !

Faute de temps, je passerai rapidement sur la branche accidents du travail et maladies professionnelles, me bornant à m’associer aux propos de M. Godefroy : l’État n’a pas à se désengager du financement du Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante, étant donné qu’il assume, à cet égard, une double responsabilité.

Madame la ministre, mes chers collègues, vous l’aurez compris, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 souffre à nos yeux d’une réelle insuffisance. La sécurité sociale sera, l’an prochain plus encore que cette année, victime des choix du Gouvernement en matière de financement. Ce n’est pas à la Commission européenne de dicter ses impératifs et de peser en faveur d’une harmonisation par le bas des différents systèmes de protection sociale.

Notre pays doit rester fidèle au programme du Conseil national de la Résistance et à l’œuvre fondatrice d’Ambroise Croizat. Notre système de protection sociale a prouvé, en 2008 et en 2009, qu’il pouvait être un formidable amortisseur de crise.

Toute mesure de restriction des prestations familiales ou d’austérité imposée à l’hôpital, tout retard pris dans la correction des inégalités sociales et territoriales de santé ou dans l’accompagnement de la perte d’autonomie sont des reculs qui nous plongent chaque année un peu plus dans la crise. C’est pourquoi nous aurions souhaité que ce PLFSS donne un nouveau souffle à notre sécurité sociale, et qu’il relève d’une tout autre ambition ! §

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Meunier

Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 visait à répondre à une urgence : endiguer la dérive des déficits mettant en péril notre système de protection sociale et, partant, notre modèle social tout entier.

Depuis, grâce aux efforts de chacun, le déficit a pu être atténué, dans un contexte pourtant difficile, et même très difficile. L’objectif d’atteindre, cette année, un niveau proche de celui que connaissait notre pays avant la crise économique et sociale de 2008 est toujours d’actualité, et c’est tant mieux !

Le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale poursuit, prolonge, renforce cette stratégie de redressement, en l’appuyant sur des réformes structurelles engagées par le Gouvernement en vue de moderniser notre système de protection sociale tout en favorisant la croissance et l’emploi. Il mettra notamment en œuvre la réforme des retraites et celle de la sécurisation de l’emploi, ainsi que la stratégie nationale de santé, que Mme la ministre nous a récemment présentée.

Il s’agit également de traduire les mesures annoncées en juin dernier par le Premier ministre pour assurer la pérennité de la branche famille et rendre notre politique familiale plus juste. C’est sur ce point que je centrerai mon propos.

Mme Bertinotti l’a rappelé au début de nos débats, la politique familiale française est un grand atout pour notre pays. Toutefois, le déficit de la branche famille de la sécurité sociale, creusé – faut-il le rappeler ? – sous la précédente mandature, s’élève à 2, 5 milliards d’euros : cette situation compromet gravement la pérennité des interventions.

Par ailleurs, certains dispositifs sont mal ciblés, mal adaptés aux besoins actuels des familles et ne répondent pas à l’impératif de justice sociale qui doit être le nôtre.

Dès lors, il convient de réagir et de proposer, dès cette année, une réforme de bon sens, garantissant l’avenir de notre système de protection sociale, assurant plus de justice entre les familles et créant de nouveaux dispositifs, adaptés aux réalités d’aujourd’hui et aux besoins des Françaises et des Français.

Commençons par le redressement des comptes sociaux, qui, nous le savons bien, est une impérieuse nécessité.

Pour un effort d’économie de 8, 5 milliards d’euros concernant l’ensemble de la sécurité sociale, la politique familiale contribuera à hauteur de 200 millions d’euros en 2014. En 2017, au terme de la montée en charge des mesures introduites par le présent projet de loi, elle y participera à hauteur de 760 millions d’euros, notamment par la modulation du montant de la PAJE et par la suppression de la majoration du complément de libre choix d’activité, le CLCA ; j’y reviendrai.

Parallèlement, la branche famille recevra des recettes supplémentaires, supérieures à 1 milliard d’euros.

Cet apport de nouvelles ressources provient de l’affectation intégrale à la branche famille du produit de la baisse du plafond de l’avantage fiscal découlant de la présence d’enfants au foyer. En effet, le plafond du quotient familial –mécanisme qui permet aux ménages imposables d’obtenir une réduction d’impôt en fonction de leurs revenus et du nombre d’enfants à charge – sera ramené de 2 000 à 1 500 euros par demi-part.

Soyons précis, car ce sujet le mérite : la perte de l’avantage fiscal n’interviendra qu’à partir de 5 850 euros de revenus mensuels pour un foyer comptant deux enfants. Concrètement, 13 % des foyers fiscaux seront touchés par cette mesure, alors que le quotient familial concerne, lui, près de la moitié des foyers fiscaux, soit 18 millions de personnes. Le quotient familial n’est donc pas supprimé ; c’est l’avantage fiscal en découlant qui est plafonné.

Au-delà des recettes supplémentaires – non négligeables, on en conviendra – qu’apporte cette mesure, il s’agit d’un acte de justice sociale et fiscale. Rappelons-le, un tiers de cette dépense fiscale profite aujourd’hui aux 10 % des Français les plus riches.

Au titre des recettes nouvelles, ajoutons que la baisse de la cotisation patronale à la branche famille prévue par la réforme des retraites sera intégralement compensée à la Caisse nationale des allocations familiales, la CNAF.

Venons-en à présent aux dépenses relatives à la branche famille.

Qu’il s’agisse de mesures d’économies ou de solidarité, le but est toujours d’améliorer concrètement notre système redistributif, en ciblant les familles qui en ont le plus besoin et en augmentant le montant des allocations qui leur sont versées.

Nous y parviendrons d’abord par l’augmentation du complément familial pour les familles nombreuses vivant sous le seuil de pauvreté. Le complément familial qui leur est versé sera ainsi majoré de 50 %, au-delà de l’inflation, à l’horizon 2018. La première revalorisation aura lieu au 1er avril de l’année prochaine et, à terme, 385 000 familles en bénéficieront.

En outre, est prévue une augmentation de 25 % de l’allocation de soutien familial à l’horizon 2018. De nature réglementaire, cette disposition annoncée par le Gouvernement n’est bien sûr pas incluse dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, mais elle est loin d’être négligeable !

J’en viens maintenant à deux mesures présentées comme étant des mesures d’économie, qui visent à recentrer sur les familles modestes des prestations sous conditions de ressources, marquant ainsi notre souci de justice.

Il s’agit tout d’abord du recentrage de la prestation d’accueil du jeune enfant. Le montant de l’allocation de base sera modulé selon le niveau de ressources des familles, pour les enfants nés à partir du 1er avril 2014. Les conditions d’attribution de l’allocation de base de la PAJE ne sont pas modifiées, mais son montant – 184 euros par mois – sera divisé par deux pour les ménages les plus favorisés. Le Haut Conseil de la famille estime que quelque 10 % des bénéficiaires actuels seront concernés.

Il s’agit ensuite de la suppression de la majoration du montant du complément de libre choix d’activité, le CLCA, pour les familles les plus aisées. À l’heure actuelle, en effet, les familles ne remplissant pas les conditions de revenu ouvrant l’accès à l’allocation de base de la PAJE reçoivent tout de même son équivalent par le biais de la majoration du CLCA. Celui-ci sera désormais identique pour toutes les familles.

Cette mesure vient compléter le dispositif que nous avons adopté en septembre dernier, lors de l’examen du projet de loi relatif à l’égalité entre les femmes et les hommes. Rappelons que le congé parental est une possibilité offerte aux deux parents, dont les bénéficiaires sont à 96 % des femmes. S’ensuit pour elles un retrait du marché de l’emploi qui leur est souvent préjudiciable et dont découlent des inégalités professionnelles et salariales.

La modification du CLCA permettra d’accroître le niveau d’emploi des femmes en limitant leur temps de retrait de la sphère professionnelle, de favoriser un meilleur partage des responsabilités au sein du couple et de contribuer au développement de l’offre d’accueil de la petite enfance, sans lequel l’investissement des femmes sur le marché de l’emploi est difficile, voire impossible.

À cet égard, la convention d’objectifs et de gestion de la Caisse nationale d’allocations familiales signée en juillet dernier, qui prévoit notamment le développement des services aux familles et l’amélioration de l’accès de celles-ci aux droits, traduit la volonté du Gouvernement de développer les modes de garde pour les jeunes enfants. Ainsi, près de 275 000 nouvelles solutions d’accueil sont prévues.

Depuis le temps que ce sujet est sur le tapis – ou plutôt sous le tapis, là où l’avait glissé l’ancienne majorité –, nous ne pouvons que nous réjouir de le voir enfin traité !

Réponses nouvelles aux besoins des familles, soutien à la parentalité, solidarités accrues envers les plus fragiles et les plus démunis : ces éléments, madame la ministre, conjugués à l’indispensable redressement des comptes sociaux, nous ont convaincus, mes collègues socialistes et moi-même, que le présent texte est un bon projet de loi de financement de la sécurité sociale ! §

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Tropeano

Monsieur le président, madame la ministre, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, après avoir connu un déficit abyssal mettant en péril l’ensemble de notre système de protection sociale, le financement de la sécurité sociale pour 2014 constitue une nouvelle étape du rétablissement des comptes sociaux de la France, déjà amorcé l’année dernière.

Toutefois, malgré ces premiers résultats, le déficit reste encore trop important. Alors que plus de huit Français sur dix se déclaraient récemment inquiets de la capacité de la France à financer son système de sécurité sociale, il est plus que jamais nécessaire de réaffirmer à quel point celui-ci est un puissant facteur de cohésion sociale. La Cour des comptes l’a rappelé dans son dernier rapport : « préserver la sécurité sociale, revenir rapidement à l’équilibre des comptes sociaux, faire reculer la dette pour ne pas la faire porter par une génération supplémentaire, est une priorité ».

Nous ne pourrons tenir cet engagement qu’en engageant une réforme structurelle de la protection sociale et de son financement. Le 8 février dernier, à Grenoble, lors de la présentation de la stratégie nationale de santé, le Premier ministre déclarait : « Il faut engager sans tarder une réforme de fond, une réforme structurelle de notre système de santé. » Malheureusement, on ne peut que constater que, cette année encore, les mesures structurelles manquent.

En prendre est pourtant aujourd’hui une impérieuse nécessité ! Madame la ministre, le 23 septembre dernier, en présentant la feuille de route de la stratégie nationale de santé, vous avez reconnu que l’on ne pouvait se contenter d’ajustements ponctuels et que la France devait se doter d’une stratégie de santé globale pour les années qui viennent. Nous devons prendre en charge certains risques qui sont aujourd’hui insuffisamment couverts, comme la dépendance. Il nous faut absolument infléchir durablement l’évolution tendancielle des dépenses, en particulier de celles de la branche maladie. À défaut, le déficit chronique de l’assurance maladie remettra en question, à plus ou moins long terme, notre protection sociale. La santé de tous est un bien précieux et il nous appartient d’agir sans attendre pour assurer la pérennité d’un système de santé solidaire et égalitaire.

Madame la ministre, votre projet de loi comporte, certes, de bonnes dispositions. Je pense notamment aux expérimentations portant sur le déploiement de la télémédecine, engagé par la loi HPST. Nous le savons bien, la télémédecine, sans être une solution miracle, peut sans conteste apporter une réponse à l’absence de médecins dans des zones sous-médicalisées. Elle restaure le lien entre patients et soignants et permet de réintroduire une certaine égalité territoriale entre les Français. Un patient victime d’un accident vasculaire cérébral, par exemple, doit pouvoir être pris en charge de la même façon en zone urbaine ou en zone rurale. Dans ce type de situation, la télémédecine peut sauver des vies ! Je regrette toutefois que, quatre ans après le vote de la loi HPST, nous n’en soyons toujours qu’au stade des expérimentations : nous avons pris beaucoup de retard. Pourtant, des expériences ont déjà été menées avec succès sur notre territoire : je pense par exemple au robot d’échographie à distance mis au point il y a plusieurs années par le professeur Arbeille.

Je me félicite également des mesures concernant le renforcement de l’aide au sevrage tabagique. C’est une avancée très positive, mais peut-être aurions-nous pu, là encore, aller plus loin, en envisageant le remboursement intégral, préconisé par la Haute Autorité de santé depuis 2005. Eu égard à son impact économique, une telle mesure serait particulièrement efficace. La consommation de tabac est en effet responsable à hauteur de plus de 10 % de la mortalité prématurée annuelle, et plus de 3 % du budget de l’assurance maladie sert à couvrir les dépenses liées au traitement des trois principales affections de longue durée dont elle favorise l’apparition. Le Royaume-Uni et le Québec ont mis en place cette disposition avec succès.

Nous saluons en outre les nouvelles mesures relatives à la contraception des mineurs. Appliquer le tiers payant aux consultations et aux examens préalables à la prescription de la contraception chez les mineures de plus de 15 ans est une très bonne idée. Nous ne pouvons qu’être favorables à ce dispositif, qui prolonge les efforts de lutte contre la survenue de grossesses non désirées chez les adolescentes.

Parmi les mesures importantes, madame la ministre, figure l’économie de 800 millions d’euros engendrée par le report de la revalorisation des pensions de retraite, que mon groupe, comme beaucoup d’autres ici, avait rejeté lors de l’examen du projet de loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites.

Quant à votre choix de reconduire le mécanisme d’affectation de la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie, la CASA, au Fonds de solidarité vieillesse, nous ne pouvons l’accepter. Nous avons eu un long débat sur ce sujet l’année dernière. Vous vous étiez alors engagée, madame la ministre, à ce que, après 2013, cette contribution finance la future réforme de la dépendance. Son affectation au Fonds de solidarité vieillesse ne devait être qu’exceptionnelle.

Par ailleurs, madame la ministre, vous avez choisi de réintroduire, par voie d’amendement devant l’Assemblée nationale, une disposition de la loi sur la sécurisation de l’emploi que le Conseil constitutionnel avait censurée. Le nouvel article 12 ter donne la possibilité aux partenaires sociaux de recommander un ou plusieurs organismes assureurs par branche professionnelle.

Vous affirmez que les entreprises auront le choix de leur assureur, mais si elles ne choisissent pas l’un de ceux que recommande la branche, leur forfait social sera majoré. Ajoutons que la branche pourra n’en recommander qu’un : dans ces conditions, peut-on réellement parler de liberté ? Lors de l’examen du projet de loi sur la sécurisation de l’emploi, nous avions proposé que les accords ne puissent emporter la recommandation d’un organisme unique.

Enfin, j’évoquerai une question d’actualité, concernant la cigarette électronique. Une majorité de députés européens viennent de refuser de la considérer comme un médicament : quelle est votre position ? Envisagez-vous, au moins, d’accorder un statut pharmaceutique aux cigarettes électroniques contenant de la nicotine ? Cela permettrait d’instaurer une classification unique, et donc une réglementation comparable, pour l’ensemble des produits délivrant de la nicotine en vue de la réduction ou de l’arrêt du tabagisme.

Pour conclure, madame la ministre, le groupe RDSE sera particulièrement attentif au débat qui va s’ouvrir et à la discussion des amendements. Nous souhaitons que les différents groupes politiques du Sénat parviennent à s’entendre pour participer au redressement du financement de la sécurité sociale. §

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Dériot

Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, nous voici réunis pour débattre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014, dans un contexte économique et social qui ne cesse de se dégrader.

Cette lente et inexorable détérioration, qu’accompagnent la course folle du chômage et l’explosion des prélèvements, provoque sur le terrain beaucoup d’inquiétude, d’incompréhension, mais aussi de colère et de désespérance.

Ce contexte nous incite à une grande humilité. Reconnaissons que, au cours de la précédente législature, humilité et sens de la mesure ont trop souvent manqué à l’opposition d’alors.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Dériot

À l’époque, beaucoup niaient la nécessité des réformes et promettaient de trouver des solutions miracles, une fois arrivés au pouvoir. « Le changement », ce devait être « maintenant » : ce slogan n’a même pas deux ans et il a eu le triste destin d’une feuille morte balayée par la bourrasque…

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Dériot

En 2013, la dégradation de la conjoncture et son incidence sur l’évolution des ressources ont donné un coup d’arrêt à l’amélioration de la situation financière de la sécurité sociale. Elles sont bien loin, les promesses entendues hier d’équilibrer les comptes en deux ans : il n’y a malheureusement pas eu de solution miracle ! Les déficits continuent de s’accumuler et pèsent comme une épée de Damoclès sur les générations futures.

Je ne développerai pas davantage l’analyse générale de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, mes amis, au premier rang desquels Alain Milon, l’ayant très bien fait tout à l'heure.

Marques d’approbation sur les travées de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Dériot

Je centrerai mon propos sur la branche accidents du travail et maladies professionnelles, à laquelle je demeure très attentif.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Dériot

Je le disais à l’instant, la situation requiert de l’humilité, mais aussi de l’honnêteté. C’est pourquoi je n’hésiterai pas à faire miennes un certain nombre de remarques du rapporteur de la commission des affaires sociales pour les accidents du travail et les maladies professionnelles, notre collègue Jean-Pierre Godefroy.

Je voudrais d’abord me réjouir du taux historiquement bas d’accidents du travail : trente-cinq accidents du travail avec arrêt pour 1 000 salariés. Il diminue depuis sept ans au rythme annuel de 3, 3 %.

Au-delà de la légitime réparation, l’action de la branche en faveur de la prévention est donc bénéfique et permet de promouvoir dans le tissu économique les pratiques adaptées, en encourageant, par exemple, l’employeur à mieux s’équiper ou à revoir l’organisation du travail.

Cette prise de conscience limite, pour des millions de salariés, d’ouvriers, d’artisans, d’employés et de techniciens, les risques liés à une chute ou à un incident sur un équipement professionnel, à des postures pénibles, à des accidents de trajet. Ces actions de prévention sont essentielles, et c’est l’honneur de l’ensemble des partenaires sociaux de l’avoir bien compris et de s’être largement investis.

Toute réduction des marges de manœuvre financières de la branche viendrait donc compromettre ces actions indispensables de prévention. Or, il est à craindre que ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 ne marque un désengagement coupable de l’État.

En effet, le retour à l’équilibre de la branche est extrêmement fragile. Les efforts engagés ces dernières années pour rétablir la situation et rembourser la dette de 2 milliards d’euros causée par la crise de 2009 pourraient être mis à mal si les excédents prévus ne sont plus au rendez-vous. Sur ce sujet comme sur d’autres, l’action publique gagnerait à être un minimum pérenne.

Or, s’agissant des recettes, j’approuve la sagesse du rapporteur, qui a souligné l’impossibilité d’augmenter aujourd’hui les cotisations patronales, tout en regrettant que cette sagesse ne soit pas partagée au plus haut niveau de l’État !

Au-delà de la conjoncture, les marges de manœuvre de la branche sont menacées, par exemple, par l’absence de dotation de l’État au Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante en 2014.

En 2001, le législateur avait prévu un financement annuel du FIVA, par le biais non seulement d’un transfert de la branche AT-MP, voté chaque année en loi de financement de la sécurité sociale, mais également d’une dotation annuelle de l’État inscrite en loi de finances.

Bien que le financement de l’indemnisation rapide et intégrale des dommages effroyables causés par l’amiante soit pleinement légitime, l’État ne prévoit, pour la deuxième année consécutive, aucune dotation pour ce fonds, alors que la dotation de la branche AT-MP fait plus que tripler.

Je partage pleinement le mécontentement du rapporteur devant le caractère inacceptable de cette décision. Elle est tout à fait choquante au regard de la part de responsabilité de l’État dans le scandale de l’amiante. Je le rappelle, l’État est responsable à la fois au titre de son action régalienne et comme employeur.

En outre, nos inquiétudes sur le devenir de la branche sont renforcées par la mise en place prochaine du compte de prévention de la pénibilité, actuellement examinée par l’Assemblée nationale dans le cadre de la discussion du projet de loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites. Quelle sera son incidence sur le fonctionnement des services de la branche AT-MP dans les caisses d’assurance retraite et de la santé au travail, les CARSAT ? Dans quelle mesure la mise en place du compte de prévention de la pénibilité affectera-t-elle la branche ? Quels pourraient être les contours de l’avenant à la prochaine convention d’objectifs et de gestion liant la branche AT-MP à la tutelle que vous avez, madame la ministre, déjà annoncé ?

Il ne faudrait pas que la création de ce compte de prévention de la pénibilité vienne paralyser la branche AT-MP et l’empêche d’exercer son cœur de métier, à savoir prévenir, réparer et tarifer les risques professionnels. À l’heure où les réformes importantes engagées ces dernières années portent leurs fruits pour simplifier la tarification du risque aux entreprises et améliorer la politique de prévention, la branche AT-MP ne doit pas être abandonnée.

Telles sont les quelques remarques que je voulais faire sur le volet AT-MP du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014. §

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale contraint limite considérablement la portée des quelques mesures positives figurant dans son volet relatif aux dépenses et ne permet pas de relever les défis qui s’imposent à nous en matière de santé.

Ainsi, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 demeure marqué par l’absence de mesures fortes pour favoriser l’accès aux soins, telles que la suppression des franchises médicales ou la réduction de la fiscalité pesant sur les contrats d’assurance complémentaire dits responsables.

Quant aux expérimentations portant sur les nouveaux modes de soins, force est de constater qu’elles ressemblent plus à une nouvelle version du secteur optionnel qu’à la création d’outils innovants rompant avec la tarification à l’activité. Ces expérimentations sont financées par les mutuelles à hauteur de 150 millions d’euros, ce qui se traduira inévitablement par une hausse des tarifs des complémentaires.

Tout cela risque de rendre encore plus difficile l’accès aux soins pour celles et ceux qui sont trop « aisés » pour bénéficier de l’ACS et de la CMU, mais trop pauvres pour souscrire à une mutuelle complémentaire.

Dans ce contexte, les mesures prévues dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale ne peuvent que nous inquiéter, madame la ministre.

Ainsi, l’ONDAM hospitalier est une nouvelle fois en diminution. Il s’agit d’une baisse historique : c’est ce qu’a souligné M. Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget, comme s’il fallait se féliciter que le Gouvernement applique une telle austérité aux hôpitaux ! Comment caractériser autrement un PLFSS qui entérine un nouvel effort de plus de 440 millions d’euros au détriment des hôpitaux ? Ceux-ci doivent déjà faire face aux contraintes économiques accumulées depuis des années, et singulièrement durant cet exercice. Nous pourrions toutes et tous, ici, donner des exemples illustrant mes propos : manque notoire de personnel, y compris dans des services de pédiatrie, contraignant parfois les familles à prendre le relais, manque criant de matériel – dans certains établissements, cela va jusqu’aux compresses ou aux antiseptiques de type alcool à 90 °ou à 70° –, sans parler des nombreux établissements ou services qui ferment, fusionnent ou se restructurent, éloignant toujours un peu plus les professionnels de santé des populations. Cela rend plus que jamais d’actualité la proposition de loi que j’ai déposée, avec le groupe CRC, visant à instaurer un moratoire des fermetures ou des regroupements de services et d’établissements de santé.

Lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013, j’avais salué le fait que, contrairement aux gouvernements de droite, vous ayez pris la décision de ne plus appliquer le gel des missions d’intérêt général et à l’aide à la contractualisation, les MIGAC.

Toutefois, je m’étais immédiatement inquiétée de la campagne de fixation des tarifs qui allait être menée. Les faits me donnent aujourd’hui raison, et croyez bien que je le regrette. En effet, cette campagne 2013 est sans aucun doute la plus dure que les établissements publics de santé aient eu à connaître. Il s’agit d’une baisse jamais vue jusqu’alors et profondément inégalitaire, puisqu’elle a été trois fois plus importante pour les établissements publics que pour les cliniques commerciales, alors même que les prix ne sont toujours pas uniformisés. En effet, faut-il le rappeler, les prix pratiqués dans les hôpitaux comprennent l’ensemble des prestations, alors que les tarifs des établissements privés commerciaux n’incluent pas la rémunération des médecins ni même certains actes, notamment les actes de biologie. Très concrètement, cette baisse tarifaire de 0, 84 % correspond à un effet brut de baisse de ressources d’environ 300 millions d’euros pour le secteur public et para-public.

Si je pense nécessaire, madame la ministre, de réformer la tarification à l’activité afin de parer au danger inflationniste que nous avions pointé dès son instauration, je refuse que cela se fasse au détriment des populations, des territoires et des personnels. La régulation prix-volume telle que vous la menez et la campagne tarifaire dont je viens de parler vous permettent en réalité de poursuivre la convergence tarifaire entre le public et le privé, à laquelle le PLFSS pour 2013 avait pourtant mis fin.

Pour toutes ces raisons, comme l’a souligné Dominique Watrin, nous ne pouvons soutenir les objectifs de recettes et de dépenses affichés dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Je veux le répéter ici, rien n’est écrit d’avance. J’ai entendu certains de nos collègues, lors des questions cribles consacrées aux médicaments, indiquer qu’ils espéraient pouvoir enfin examiner la partie du PLFSS relative aux dépenses. Je les rassure : nous aussi, nous aimerions l’examiner. Mais pour cela, il faudrait changer de cap et prendre en compte de nouveaux financements, afin d’alimenter plus généreusement les recettes. C’est ce que nous avons tenté de faire au travers de nos amendements, en évitant le couperet de l’article 40 de la Constitution.

L’adoption de nos amendements changerait la physionomie de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale et apporterait une bouffée d’oxygène salutaire. J’espère qu’il en sera ainsi, mais j’avoue en douter quelque peu. §

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Kerdraon

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, dans un contexte économique et social particulièrement difficile, le Gouvernement affiche l’ambition d’assurer la pérennité de notre système de protection sociale : je m’en félicite.

Je tiens en particulier à souligner que, pour la deuxième année consécutive, le secteur médico-social est l’une de ses priorités.

En effet, l’ONDAM médico-social connaît de nouveau, dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014, une progression plus soutenue que celle de l’ONDAM dans son ensemble. Il devrait s’établir, pour l’année prochaine, à 17, 6 milliards d’euros. Le secteur est donc préservé.

Le taux de croissance de l’ONDAM médico-social se maintient à un niveau satisfaisant, de l’ordre de 3 %. Ce taux est supérieur de 0, 6 point à celui de l’ONDAM général, qui couvre essentiellement les dépenses de santé et qui est de l’ordre de 2, 4 %.

D’emblée, je veux saluer la mise en œuvre du troisième plan Autisme, qui est tout à votre honneur, madame la ministre, et à celui du Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Kerdraon

Le budget consacré aux personnes âgées s’élèvera à 9, 3 milliards d’euros, contre 8, 39 milliards d’euros l’année dernière. Les personnes handicapées font également l’objet d’une attention particulière, le budget qui leur est dédié passant de 8, 72 milliards d’euros en 2013 à quelque 9, 5 milliards d’euros. À cet égard, je rappelle, mes chers collègues, les dispositions du projet de loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites concernant les personnes handicapées et – j’insiste sur ce point – leurs aidants ou accompagnants.

Si l’on ajoute à cette enveloppe les ressources propres que mobilisera la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, la CNSA, et qui contribuent à former l’objectif global de dépenses, ce sont en tout 18, 8 milliards d’euros qui seront consacrés l’année prochaine au financement des établissements et services médico-sociaux. La hausse atteint 3, 2 %, soit 584 millions d’euros : cela permettra de financer des créations de places, de revaloriser de 1 % les moyens dévolus aux places et aux services existants et de mettre en œuvre les engagements du plan Alzheimer, ainsi que ceux concernant la médicalisation des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, les EHPAD.

Ce sont 15 millions d’euros qui seront destinés à l’achèvement du plan Alzheimer, dont je tiens à souligner l’élargissement du périmètre à l’ensemble des maladies neuro-dégénératives.

Pour 2014, les crédits dévolus à ce secteur permettront tout d’abord de poursuivre un certain nombre de chantiers d’envergure. Ainsi, le plan d’aide à l’investissement engagé pour accompagner la rénovation des établissements sera à nouveau abondé. L’article 47 du projet de loi prévoit de déléguer aux agences régionales de santé la compétence en matière de gestion de ces enveloppes. Il s’agit d’une avancée très positive, qui permettra d’assouplir le fonctionnement du dispositif et de répondre aux attentes les plus fortes de nos territoires.

S’agissant spécifiquement des personnes âgées en perte d’autonomie, je relève les progrès du plan de médicalisation des établissements d’hébergement. Il faudra certainement envisager de dresser un bilan en fin d’année, dans le cadre de la loi de programmation, afin d’ajuster son financement en améliorant son efficacité.

Je dois néanmoins formuler un regret concernant la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie, la CASA. Cette contribution avait été créée par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 afin d’alimenter le budget de la CNSA. Or, pour la seconde année, elle va alimenter le Fonds de solidarité vieillesse, même si nos collègues de l’Assemblée nationale ont adopté un amendement judicieux, tendant à affecter 100 millions d’euros à la CNSA. En 2015, en revanche, elle reviendra intégralement à la CNSA : sans mauvais jeu de mots, c’est un retour à la casa

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Kerdraon

C’est une bonne nouvelle !

Parallèlement, le développement de l’offre dans le cadre du plan Solidarité grand âge se poursuit. Il faut aujourd’hui mettre l’accent sur les structures de répit, avec les places d’hébergement temporaire et d’accueil de jour. Elles sont particulièrement précieuses aux aidants.

À ce stade de mon propos, je tiens à saluer l’annonce du projet de loi d’orientation et de programmation portant sur l’adaptation de notre société au vieillissement. Prévu pour 2014, ce texte viendra concrétiser un engagement fort du Président de la République.

Fondée sur trois rapports remis au Premier ministre le 11 mars dernier par le docteur Aquino, Mme Martine Pinville, députée de la Charente, et M. Luc Broussy, le projet de loi d’orientation et de programmation promis s’appuiera sur trois piliers : l’anticipation, l’adaptation et l’accompagnement, ce que l’on appelle le « AAA+ » ; les agences de notation n’ont rien inventé !

Je veux souligner le choix fait de ne pas envisager la question du vieillissement à travers le seul prisme de la dépendance. Vouloir légiférer sur ce seul sujet aurait été méconnaître l’ensemble des défis qui se posent à notre société en matière de vieillissement. Ce projet de loi est aussi bien social qu’économique : comme l’a rappelé le Premier ministre, le vieillissement représente un levier formidable en termes d’emploi, de développement industriel et de croissance.

Un premier progrès a été réalisé dans le cadre de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 : les moyens existants dans les établissements et services médico-sociaux seront renforcés. Ainsi, 130 millions d’euros seront dédiés à la médicalisation des EHPAD, dont 10 millions d’euros qui viendront financer la réouverture du tarif global en EHPAD.

Cette disposition va dans le bon sens, mais sans doute faut-il aller plus loin. Les EHPAD sont à 69 % financés sur la base du groupe iso-ressources moyen pondéré soins, le GMPS. Or l’état des lieux de ces établissements montre qu’ils accueillent une population de moins en moins autonome et dont les besoins en soins augmentent. La CNSA apporte d’ailleurs la précision suivante : « Techniquement, cela se traduit ces cinq dernières années par une augmentation des composantes du GMPS : le GIR moyen pondéré (GMP) et le pathos moyen pondéré (PMP). Le GMP est passé de 677 à 717, signe que la dépendance des résidents s’accroît, et le PMP de 181 à 198, signe que la charge en soins s’alourdit. »

Aussi l’effectif de personnels de soins en EHPAD doit-il être à la hauteur du nombre de patients, sachant que les professionnels concernés sont très majoritairement des aides-soignants, des aides médico-psychologiques et des infirmiers.

J’attire également votre attention, mes chers collègues, sur la nécessité qu’il y a, selon moi, à clarifier la gouvernance des EHPAD.

Au sein du secteur médico-social, des marges de manœuvre existent pour faire encore mieux travailler entre eux les intervenants auprès des personnes âgées dépendantes. Une clarification de la tarification des EHPAD est donc attendue. Dans le cadre de la modernisation de l’action publique, une refonte de la tarification des établissements accueillant des personnes handicapées vient d’être engagée : je souhaite qu’il en aille de même pour ceux hébergeant des personnes âgées.

Ma seconde préoccupation porte, comme les années précédentes, sur la sous-consommation chronique de l’objectif global de dépenses, qui concerne essentiellement le secteur des personnes âgées. Les améliorations apportées au calendrier de la procédure budgétaire devraient contribuer à limiter cette sous-consommation dans les années à venir, et je partage totalement ce qu’a écrit Georges Labazée sur le sujet.

La stratégie nationale de santé et la mise en œuvre de ses premières mesures représentent un autre grand projet de l’année 2014. Le remboursement des actes en lien avec la prescription d’un contraceptif aux mineures de plus de 15 ans est, en particulier, une excellente chose.

Par ailleurs, la santé des étudiants étant un sujet qui me tient particulièrement à cœur, je présenterai des amendements visant à améliorer leur protection sociale.

Les jeunes sont certes moins malades que le reste de la population, mais ce fait ne doit en aucun cas constituer une excuse à la dégradation des services sanitaires et sociaux qui leur sont dédiés.

L’aménagement des critères d’accès à l’ACS et à la CMU-C permettrait aux jeunes précaires, boursiers ou sans emploi d’obtenir ces aides.

Depuis des années, le niveau de vie des jeunes recule sous les effets de la crise. Ainsi, la part d’étudiants vivant sous le seuil de pauvreté est de 20, 3 %, contre 14, 3 % pour la population générale. La dégradation de leurs conditions de vie a des effets notables sur leur santé : le renoncement aux soins par les jeunes est devenu, depuis plusieurs années, une triste réalité. Ainsi, en 2011, 34 % des étudiants ont renoncé à des soins, contre 25 % en 2005.

Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale et la future loi de santé publique constituent à mon sens de réelles occasions de traduire nos propositions en actes.

Mon premier amendement tend à créer un article additionnel après l’article 44. Comme énoncé dans la stratégie nationale de santé, le tiers payant devra être généralisé d’ici à 2017 pour faciliter l’accès aux soins de ville. Dans une optique de montée en charge progressive du dispositif, et afin de lutter contre le renoncement aux soins par les jeunes, je propose de les faire bénéficier du tiers payant dès 2014. Je rappelle que, en 2012, le Gouvernement avait suggéré de lancer, à partir de 2013, des expérimentations de tiers payant généralisé pour les jeunes dans trois villes universitaires.

Le second amendement vise, à l’article 45 du projet de loi, à expliciter la notion d’« étudiants précaires et isolés ». Conformément aux dispositions de l’article L. 821-1 du code de l’éducation, la collectivité nationale accorde aux étudiants des prestations qui sont dispensées notamment par le réseau des centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires, les CROUS. Elle privilégie l’aide servie à l’étudiant sous condition de ressources, afin de réduire les inégalités sociales. En termes de complémentaire santé, les étudiants sont statistiquement trois fois moins couverts que la population générale : 19 % d’entre eux ne sont pas affiliés à une complémentaire santé.

Pour conclure, madame la ministre, je veux vous dire combien nous partageons vos ambitions ; pour atteindre vos objectifs, vous pouvez compter sur le soutien de l’ensemble du groupe socialiste.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Je voudrais rappeler que la commission des affaires sociales se réunira à la suspension de la séance afin de poursuivre l’examen des amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-neuf heures trente-cinq, est reprise à vingt-et-une heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Jean-Léonce Dupont.