Intervention de Bernard Cazeneuve

Réunion du 12 novembre 2013 à 15h00
Financement de la sécurité sociale pour 2014 — Discussion d'un projet de loi

Bernard Cazeneuve :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais en quelques mots compléter l’intervention que Mme la ministre des affaires sociales et de la santé vient de faire. J’essaierai dans ce cadre de mettre l’accent sur quelques aspects budgétaires et fiscaux qui sont complémentaires des questions évoquées à l’instant, ce qui me permettra, je l’espère, d’apporter toute information utile à votre assemblée concernant le contenu de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Le premier point sur lequel je voudrais insister est la démarche de redressement des comptes publics que nous mettons en œuvre depuis maintenant plus de dix-huit mois. Non seulement cette démarche nous engage devant le pays et devant les institutions de l’Union européenne, puisque nous avons des objectifs à remplir en la matière au titre du pacte de stabilité et de croissance, mais elle est essentielle au regard de la préservation de nos services publics, de leur montée en gamme et de la consolidation du modèle social français.

En effet, si nous ne parvenons pas à faire en sorte que, sur chaque sujet, la bonne dépense publique chasse la mauvaise, nous serons en difficulté pour maintenir la qualité de notre système de protection sociale et de nos services publics. Or, parce que ce patrimoine est celui de tous ceux qui n’en ont pas, il nous faut le préserver avec une très grande vigilance.

Ce redressement des comptes publics commence à donner des résultats. Il m’arrive d’entendre que l’existence d’un décalage entre les objectifs de déficits nominaux que nous nous sommes assignés et ceux qui sont réellement constatés en fin d’année est le signe d’un dérapage dans ce domaine. Non, les déficits sont bien en diminution et, pour être extrêmement précis, je voudrais vous donner la séquence des déficits constatés depuis 2012. Celle-ci montre bien que la trajectoire est tenue et les objectifs respectés, même si, pour des raisons tenant à l’absence de croissance, le redressement de nos comptes est moins rapide que nous aurions pu le souhaiter.

Lorsque nous sommes arrivés en situation de responsabilité, le déficit nominal représentait 5, 3 % du produit intérieur brut, ou PIB, pour l’année 2011. En 2012, après que des mesures ont été prises en loi de finances rectificative, il atteignait 4, 8 % du PIB.

Certes, il aurait dû atteindre le niveau de 4, 5 % du PIB, mais nous avons dû, en fin de gestion de l’exercice 2012, absorber la dette de Dexia, la banque étant confrontée à de sérieuses difficultés. Nous avons également dû contribuer au rétablissement du budget de l’Union européenne, à la suite d’une décision prise par le précédent gouvernement en novembre 2010, en lien avec d’autres gouvernements européens, et contingentant les crédits de paiement alloués à l’Union européenne pour lui permettre d’atteindre ses objectifs budgétaires.

Ce sont là les deux principales raisons qui expliquent le décalage entre le déficit constaté de 4, 8 % et l’objectif de 4, 5 %. Ainsi, vous pouvez le constater, la plus grande partie de ce décalage est imputable à des décisions prises avant notre arrivée au pouvoir, décisions que nous avons dû éponger en prenant des dispositions en loi de finances rectificatives pour des montants significatifs.

En 2013, le déficit nominal atteindra 4, 1 % du PIB et, en 2014, 3, 6 %. Nous serons donc passés, en quelques années, d’un taux de 5, 3 % à un taux de 3, 6 %, quand la moyenne des déficits nominaux enregistrés au cours du précédent quinquennat dépassait 5 % du PIB. Cela confirme bien que le déficit nominal diminue et que les efforts auxquels les Français sont appelés commencent à porter leurs fruits.

Les comptes sociaux n’échappent pas à cette tendance. Ainsi, je voudrais rappeler, à la suite de Mme la ministre, quelle est la séquence des chiffres dans ce domaine. L’année précédant notre arrivée au pouvoir, les comptes sociaux ont enregistré un déficit de 20, 8 milliards d’euros. Si nous n’avions pas pris de dispositions en 2012, le déficit aurait été supérieur à 21 milliards d’euros. En réalité, il a atteint 17, 5 milliards d’euros en 2012. En 2013, il sera de 16, 2 milliards d’euros et, si nous tenons nos objectifs en 2014, le budget que nous vous présentons permettra d’afficher un déficit de 12, 8 milliards d’euros.

En l’espace de dix-huit mois, au travers des efforts que nous aurons accomplis et de la volonté de maîtrise des comptes publics et des comptes sociaux dont nous aurons témoigné, nous aurons réduit le déficit du régime général et du fonds de solidarité vieillesse de 8 milliards d’euros. Si cette tendance se maintient, le déficit sera de 4 milliards d’euros à la fin du quinquennat, ce qui signifie que nous aurons, en l’espace de quatre ans et demi, divisé par cinq le déficit des comptes sociaux.

Je rappelle ces chiffres, car il arrive que, dans l’espace public, le vacarme ou le tohu-bohu médiatique aidant, on ait le sentiment que les difficultés de l’économie empêchent la maîtrise des comptes sociaux. Il n’en est rien, aussi bien pour les déficits nominaux que pour l’évolution des déficits du régime général et du fonds de solidarité vieillesse.

Comme Marisol Touraine l’a rappelé à l’instant, cette maîtrise des comptes n’est pas le but de notre stratégie ; elle n’est qu’un moyen. En effet, si nous voulons maîtriser les comptes sociaux et si nous nous attachons au respect de cette trajectoire des finances publiques, c’est parce que nous savons que, sans cela, le modèle social français se trouvera remis en cause dans ses équilibres, son identité, sa structure même. Nous devons prendre des dispositions au niveau de la gestion de ce modèle pour en assurer la pérennité.

Je veux d'ailleurs faire écho à un certain nombre de documents de la Cour des comptes, dont les commissions permanentes de l’Assemblée nationale et du Sénat évoquent très souvent le contenu. La Cour des comptes prévoyait, sur la période 2011-2018, une augmentation de 70 milliards d'euros du déficit de la Caisse nationale d’assurance vieillesse, la CNAV, et du fonds de solidarité vieillesse, le FSV, et une augmentation de 72 milliards d'euros du déficit des branches maladie et famille. En réalité, compte tenu de l’effort de maîtrise que nous réalisons, le déficit total de ces branches s’établira à 82 milliards d'euros au lieu de 142 milliards d’euros, ce qui signifie que nous évitons une dégradation de l’ordre de 60 milliards d'euros des comptes sociaux et, par conséquent, de la dette sociale. Ces chiffres permettent de bien mesurer l’effort que nous réalisons pour tenir rigoureusement le budget et maîtriser la dépense sociale.

Je voudrais insister également – ce sera mon dernier point pour ce qui concerne les aspects budgétaires et comptables – sur le fait que nos efforts de maîtrise des déficits, et notamment du déficit de la branche vieillesse, nous permettront, grâce au dispositif de reprise de la dette par la Caisse d’amortissement de la dette sociale, la CADES, mis en place en 2010, avec un niveau annuel de 10 milliards d'euros et un plafond de 62 milliards d'euros sur la période 2012-2018, de reprendre une partie de la dette des branches famille et maladie en 2014, pour un montant de 4 milliards d'euros. Nous pourrons ainsi contenir la dette des comptes sociaux sans prendre de mesure générale de prélèvement.

Voilà ce que je voulais vous dire au sujet de l’évolution des déficits et de la maîtrise des dépenses et des comptes.

J’en viens aux mesures de prélèvement inscrites dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014, qui sont destinées, d'une part, à assurer le rééquilibrage de comptes qui nous ont été laissés dans une situation de déficit préoccupante, et, d'autre part, à financer de nouvelles orientations politiques répondant à un objectif de justice. Je prendrai des exemples précis en vous expliquant les raisons de nos décisions.

S'agissant des retraites, l’augmentation de la cotisation et la fiscalisation des majorations de pension permettront le rééquilibrage de notre régime, ce qui est la garantie de sa pérennité. Nous avons également la volonté – les articles 9 et 10 du projet de loi en témoignent – de financer les engagements pris pour le régime des indépendants, mais aussi le régime agricole, à travers la mise en sommeil d’un certain nombre de pratiques d’optimisation dans les exploitations agricoles. Là encore, nous poursuivons un objectif de solidarité et de justice.

S'agissant de la branche famille, les mesures relatives au quotient familial doivent dégager un milliard d'euros d’économies. Ces mesures de quotient seront financées essentiellement par les 13 % de familles françaises dont la capacité contributive est la plus importante. Elles permettront de diminuer le déficit de la branche famille, qui atteignait 2, 5 milliards d'euros lorsque nous sommes arrivés au pouvoir, mais également de financer des politiques nouvelles. Ces politiques nouvelles, dont le financement proviendra aussi des 200 millions d'euros d’économies prévues par le budget 2014, qui devraient monter en puissance pour atteindre 800 millions d'euros à l’horizon 2017, sont notamment la création de 270 000 places d’accueil pour les jeunes enfants et l’augmentation du complément familial et de l’allocation de soutien familial, dans le cadre du plan pauvreté pour les familles les plus en difficulté.

La fiscalisation de la contribution des entreprises aux contrats collectifs de complémentaire santé traduit la volonté du Gouvernement de généraliser ces contrats collectifs, conformément aux termes de l’accord national interprofessionnel. C’est donc une mesure de justice. De la même manière, nous avons décidé d’augmenter le plafond de la couverture maladie universelle, la CMU, afin de permettre à 750 000 familles d’avoir accès à ce service auquel elles n’avaient pas accès jusqu’à présent.

Je voudrais enfin dire quelques mots d’une mesure qui a fait débat au cours des dernières semaines, et dont on ne comprendrait pas que je la passe sous silence, à savoir la simplification et l’harmonisation des prélèvements sociaux sur les produits d’épargne. Contrairement à ce qui a pu être dit, parfois sans que la rigueur ait été convoquée, cette mesure n’est pas une taxe nouvelle. Les prélèvements sociaux sur les produits d’épargne s’établissaient déjà à 15, 5 %. Il n’a donc pas été décidé de créer de nouveaux prélèvements sociaux sur les produits d’épargne.

Une grande partie des produits d’épargne était déjà soumise à des prélèvements sociaux de 15, 5 % à la sortie des fonds : je pense notamment aux plans épargne logement, les PEL, ouverts à partir de 2011 ou ayant une durée de vie de plus de dix ans, et aux produits d’assurance vie pour les versements intervenus après 1997. Le système en vigueur était confus et prévoyait, du fait de la superposition de dispositifs hérités de l’histoire, des niveaux de taxation différents pour des produits de même nature.

Il est faux de dire qu’une taxe nouvelle de 15, 5 % applicable aux produits d’épargne au moment de la sortie des fonds a été décidée par le Gouvernement. Le taux des prélèvements sociaux sur les produits d’épargne, comme d'ailleurs sur d’autres plus-values, était déjà de 15, 5 %. Il a été décidé non pas de créer ce prélèvement mais, par souci d’harmonisation, d’appliquer les prélèvements existants à l’ensemble des produits d’épargne identiques.

Il n’a pas non plus été décidé d’augmenter le taux des prélèvements sociaux.

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