J’en viens maintenant à la partie du projet de loi de financement de la sécurité sociale relative à l’assurance maladie.
Le Premier ministre a annoncé, en février dernier, la mise en place d’une stratégie nationale de santé que vous avez détaillée le 23 septembre, madame la ministre. Sans revenir précisément sur ses différents points, je souhaite surtout saluer la méthode : cette stratégie embrasse, dans son ensemble, notre système de santé et vise à le transformer de manière globale, durable et pérenne pour l’adapter aux changements profonds que nous connaissons tous.
Certains jugeront sans doute que cette stratégie n’a rien de spectaculaire, mais elle représente la seule voie efficace et pertinente. Réorienter notre système vers la prévention, l’accompagnement global des patients, un décloisonnement des prises en charge, une meilleure coopération entre les professionnels, une véritable collaboration entre le sanitaire, le social et le médico-social, ne peut se faire en un jour, au risque de casser tout simplement les outils construits pas à pas au fil des décennies.
La concertation et une mise en œuvre planifiée dans le temps sont les conditions du caractère durable de toute réforme d’ampleur. C’est dans cet esprit que s’inscrit le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014. Il contient de nombreuses mesures, que je regrouperai en quatre axes : mieux organiser les soins primaires, faciliter l’accès aux soins et aux droits, aménager le financement des établissements de santé, améliorer le circuit du médicament.
Mieux organiser les soins primaires représente naturellement une priorité pour notre système de santé. Celle-ci passe par le renforcement de la prise en charge de proximité autour du médecin traitant. Pour cela, nous allons prolonger d’une année l’expérimentation relative aux nouveaux modes de rémunération, mais je souhaite que les partenaires conventionnels démarrent au plus tôt les négociations pour proposer un dispositif pérenne de financement des équipes de soins et de coordination. Il est essentiel de définir clairement des rémunérations qui soient complémentaires du paiement à l’acte.
Ces rémunérations différentes constituent l’un des éléments dans la mise en place de parcours de santé. À cet égard, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 ouvre la voie à deux expérimentations, l’une sur l’insuffisance rénale chronique, ou IRC, l’autre sur le traitement du cancer par radiothérapie externe. L’expérimentation portant sur le traitement de l’IRC me semble particulièrement prometteuse, car la prise en charge de cette pathologie repose nécessairement sur un ensemble varié d’acteurs. L’étude d’impact précise d’ailleurs que le promoteur du projet pourrait être chargé de la répartition des crédits entre les différents partenaires ; il s’agit d’une évolution très intéressante et particulièrement innovante en termes de décloisonnement. Madame la ministre, peut-être pourrez-vous nous apporter quelques précisions sur ce point ?
Par ailleurs, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 met finalement en place les premiers éléments d’un cadre financier pour la télémédecine, ce qui me semble également extrêmement important pour nos territoires.
Madame la ministre, l’Assemblée nationale a inséré une disposition pour conforter les centres de santé, dont la fragilité financière a été reconnue par le récent rapport de l’IGAS, lequel met en avant, dans le même temps, leur grande utilité sociale et sanitaire. Notre commission a souhaité aller plus loin sur ce sujet pour simplifier la gestion des centres et renforcer encore leur place dans le système de santé. Pouvez-vous nous indiquer plus généralement quelles sont les intentions du Gouvernement pour mieux assurer la place des centres de santé dans notre système de prise en charge ?
Faciliter l’accès aux soins et aux droits constitue, à mon sens, le deuxième axe de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale. Parmi les différentes mesures, je n’évoquerai que celles relatives à la couverture complémentaire en santé. Elles sont structurelles : elles visent à aider les bénéficiaires de l’ACS à choisir un contrat dont le rapport qualité-prix aura été validé par les pouvoirs publics et, surtout, à mettre un frein à la surenchère que nous avons constatée dans le remboursement de certains frais. On ne rend service ni aux Français ni au système de soins lui-même en solvabilisant de manière excessive certaines dépenses.
En prévoyant que, pour bénéficier d’un taux réduit de taxe spéciale sur les conventions d’assurance, TSCA, les contrats complémentaires ne devront pas prendre en charge des honoraires et des frais au-delà d’un certain seuil, tout en les obligeant à rembourser le ticket modérateur, nous contribuons positivement à la régulation des dépenses qui restent à la charge de nos concitoyens. Et je ne peux que m’en féliciter !
Par ailleurs, notre commission a souhaité aller plus loin que ce qu’avait proposé l’Assemblée nationale pour faciliter l’accès à la CMU-C et à l’ACS. En nous inspirant du dispositif qui lie le RSA-socle à la CMU-C, nous avons prévu que les allocataires du minimum vieillesse ou les bénéficiaires de l’allocation aux adultes handicapés, l’AAH, sont réputés satisfaire les conditions pour bénéficier de l’ACS. Cette mesure de simplification, tant pour les demandeurs que pour les personnels des caisses, me semble lever un verrou important, alors même que l’ACS connaît un taux de non-recours très élevé.
Madame la ministre, entendez-vous reprendre cette mesure ? Sur un plan plus général, quelles sont vos intentions afin de lutter contre le véritable parcours du combattant que traversent les plus démunis dans l’accès à leurs droits ?
Le troisième thème que je souhaite aborder concerne le financement des établissements de santé. Je serai bref sur ce point. Je ne peux, en effet, que me féliciter en constatant la reprise de deux mesures proposées l’année dernière dans le rapport de la Mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, la MECSS, dont les éminents rapporteurs étaient, rappelons-le, Jacky Le Menn et Alain Milon
Nous avions souligné le fait que les principes mêmes de la tarification à l’activité pouvaient mettre en difficulté certains établissements isolés dont les coûts fixes ne permettent pas de s’aligner sur les coûts moyens calculés à l’échelon national pour l’élaboration des tarifs. Nous avions aussi mis en avant le risque inflationniste de la tarification à l’activité, la T2A. C’est la raison pour laquelle la minoration des tarifs au-delà d’un certain seuil d’activité peut constituer un outil permettant aux finances publiques de bénéficier d’une part des économies d’échelle que certaines prestations génèrent.
Pour autant, la communauté hospitalière montre des signes d’inquiétude quant aux modalités d’application de la mesure proposée dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Pouvez-vous, madame la ministre, nous apporter des précisions sur les activités qui seront concernées par la dégressivité des tarifs ?
Quatrième axe de travail : améliorer le circuit du médicament. Dans ce domaine aussi, le texte contient plusieurs mesures que je ne détaillerai pas : la refonte des taxes pharmaceutiques, la prise en charge des patients traités avec un médicament ayant bénéficié d’une autorisation temporaire d’utilisation, l’expérimentation de la délivrance à l’unité, la diffusion des médicaments biosimilaires.
Je souhaite insister sur la proposition de l’Assemblée nationale d’augmenter le montant des remises sur les génériques au-delà du taux actuel de 17 %. Certes, la situation n’est guère satisfaisante aujourd’hui, puisque plusieurs études constatent un détournement de ce seuil.
Si la mesure proposée à l’Assemblée consiste uniquement à « légaliser » les ristournes qui dépassent le seuil de 17 %, pourquoi pas ? Toutefois, comment être certain que les coopérations commerciales disparaîtront réellement ? Surtout, aucune étude ou évaluation n’a pu être fournie sur l’impact d’un relèvement de seuil qui ne serait accompagné parallèlement d’aucune autre mesure, que ce soit en termes d’approvisionnement et de production industrielle ou de « partage des gains » pour l’assurance maladie.
C’est la raison pour laquelle notre commission a proposé, à ce stade, d’en rester au texte initial du Gouvernement, qui met en place un dispositif de déclaration permettant de diminuer les prix publics des médicaments.
Je saisis l’occasion de ce sujet pour soulever une question que l’on retrouve à plusieurs reprises dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale. Je l’ai dit, nous avons tous été alertés sur les éventuelles conséquences de la fixation d’un plafond de prise en charge par les contrats complémentaires.
Que ce soit pour les médicaments, les lunettes, les prothèses dentaires, les appareils d’audioprothèse, quelle est la répartition optimale des marges entre les différents acteurs de la chaîne de soins ? Quel niveau de transparence doit s’appliquer sur les prix, alors même que la collectivité, sécurité sociale ou couverture complémentaire, en solvabilise une large part ? Le consommateur doit-il savoir à quel prix le chirurgien-dentiste a acheté une prothèse, combien l’opticien a payé les verres, quel est le coût d’achat par le pharmacien du médicament ? Doit-il connaître le prix du dispositif médical mis en place par un professionnel ?
Nous avions déjà eu ce débat, passionné, au sujet des prothèses dentaires. Je crois qu’il se pose aujourd’hui de la même manière et avec la même acuité pour l’optique, voire le médicament.
Il me semble donc, madame la ministre, qu’il serait particulièrement intéressant de lancer une mission sur ce sujet en vue de déterminer comment rétribuer de manière juste l’ensemble des acteurs, du fabricant au revendeur final, à la fois pour favoriser la production dans notre pays et pour ne pas peser trop lourdement sur les finances de nos concitoyens et sur les comptes publics.
La transparence dans la formation des prix et des marges peut constituer, à mon sens, une porte d’entrée intéressante pour éclairer cette question. Cependant, nous voyons bien que nous devrons revenir sur ces sujets.
En conclusion, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 a comme priorité la consolidation de la solidarité nationale, qui constitue la base de notre protection sociale. Redressement durable des comptes, sans pour autant créer d’effet déflationniste, réformes de l’assurance vieillesse et de la politique familiale, stratégie nationale de santé fondée sur la proximité et la prévention, tels sont les éléments déterminants de ce texte que la commission des affaires sociales du Sénat a approuvé et vous demande d’adopter. §